dégustation de 41 millésimes de la Romanéedimanche, 10 juin 2012

La dégustation de 41 millésimes de la Romanée Liger-Belair se tient au restaurant « Im Fünften » qui comme son nom l’indique est au cinquième étage d’un centre commercial, surplombant la Jakominiplatz de Graz. Nous sommes environ 24, mais chaque bouteille sera partagée en seize verres, puisque plusieurs personnes partageront un verre à deux. Le service des vins se fait selon un processus assez astucieux. Gerhard, l’organisateur de la dégustation, a apporté des petits verres à schnaps, et chaque participant recevant la carafe d’un nouveau vin utilise un petit verre pour doser la quantité, en ayant le repère d’une marque sur le verre.

Il fait très chaud et pendant la première partie de la dégustation, avant que le soir ne tombe, les vins montrent un peu trop leur alcool en premier. Nous dégustons « à l’aveugle » presque total puisque, si nous connaissons le vin que nous buvons, nous ne connaissons pas son année.

Les séries sont de cinq vins, dont l’ordre a été établi par Gerhard, et nous n’en savons rien. Les notes que j’ai prises sont plutôt pour différencier les vins dans chaque série, puisque nous votons, que pour les décrire de façon intrinsèque. De plus, comme il y a beaucoup de séries, par prudence je ne reviens pas de nombreuses fois sur chaque vin. Le souci de différencier fait que je mets en avant tel ou tel défaut, même si le vin est globalement plaisant. A noter que je ne sais pas quel est le vin quand j’ai écrit ces notes où, pour des questions de lisibilité, j’indique après coup l’année au lieu du numéro d’ordre du vin. J’ai gardé mes notes telles quelles, avec ses erreurs, ses redites, et ses imperfections. On notera que le plus souvent, mon vote pour les trois premiers vins est très proche du vote du groupe.

Série n° 1. Le 1988 a la couleur la plus fatiguée, son nez profond montre des signes d’âge. Le 1995 est beaucoup plus jeune de couleur, plus frais, un peu strict. Il a une belle structure plaisante. Le 2004 a un nez puissant, un nez de cassis et une attaque généreuse. C’est le préféré de Louis-Michel Liger-Belair, car il est dans le style qu’il veut donner à son vin. Il est opulent. Le 1993 est plus aqueux, un peu moins structuré. Mais il s’améliore dans le verre. Le 2006 est élégant, mesuré, très joli.

Les vins, dans l’ordre de service, de la série 1 : 1988 – 1995 – 2004 – 1993 – 2006.

Le vote du groupe est : 1 : 2006, 2 : 2004, 3 : 1993, 4 : 1995, 5 : 1988.

Mon vote est : 1 : 2006, 2 : 2004, 3 : 1993, 4 : 1988, 5 : 1995.

Série n° 2. Le 1979 a un nez chaleureux, le 1970 un nez moins précis, le 1982 a un nez plutôt animal, le 1972 a un nez élégant, le 1976 exhale beaucoup d’alcool, mais c’est lié à la chaleur.

La bouche du 1979 est élégante, raffinée. J’aime ce vin. Le 1970 est légèrement fatigué, avec un soupçon de bouchon qui ne se confirme pas. Il est assez minéral. Il devient plus chaleureux. Le 1982 est plus vieux, un peu aqueux, mais il a une belle élégance. Il est un peu râpeux, rêche et un peu imprécis. Le 1972 a fraîcheur et élégance, au final très fluide. Je note : « que du bonheur ». Le 1976 est élégant mais avec un peu moins de personnalité. Il est racé aussi.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 2 : 1979 – 1970 – 1982 – 1972 – 1976

Le vote du groupe est : 1 : 1972, 2 : 1976, 3 : 1970, 4 : 1982, 5 : 1979.

Mon vote est : 1 : 1972, 2 : 1976, 3 : 1979, 4 : 1970, 5 : 1982.

Série n° 3. Le 2000 a une couleur très jeune. Il est très fluide. Il est élégant et soyeux. Le 1997 a un joli nez. C’est un beau vin, moins fin que le premier. Le 2007 a un nez moins clair. J’aime son côté râpeux. Il est plus séducteur, plus bourguignon, mais avec la chaleur, montre trop son alcool. Le 2003 a un nez moins plaisant. Le gout est aussi moins plaisant. Le final n’est pas assez précis. Il est plutôt fermé. Le 2001 a un parfum de belle personnalité. Il est atypique mais assez excitant. Il est déroutant, mais j’aime.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 3 : 2000 – 1997 – 2007 – 2003 – 2001

Le vote du groupe est : 1 : 2003, 2 : 2007, 3 : 2001, 4 : 2000, 5 : 1997.

Mon vote est : 1 : 2000, 2 : 2007, 3 : 2001, 4 : 1997, 5 : 2003.

Série n° 4. Le 1968 a un nez de camphre, le vin qui n’a pas de millésime mais que l’on peut dater entre 1920 et 1935 puisque c’est un vin distribué par Marey & Comte Liger Belair a un nez de gibier, le 1973 a un nez superbe, le 1923 a un nez de porto, le 1975 a un nez « possible ».

Le 1968 n’est pas si mal en bouche, du moins à l’attaque, mais il est dévié, malade. Le probable 1925 a une belle attaque, mais il est un peu fatigué. Le 1973 est plus élégant. Il a encore du fruit. Le final est un peu incertain. Mais après quelques minutes il montre qu’il est très beau. Le 1923 est plaisant. On sent son alcool. Le 1957 est le plus jeune des cinq. Comme les deux premiers étaient un peu fatigués, Gerhard ajoute un sixième vin, le 1975 que je trouve très joli. Goûté ensuite en sachant l’année, je le trouve au dessus de ce qu’il devrait être pour 1975. Et j’ai la même réaction en sachant que le 4ème vin est de 1923. C’est un superbe 1923.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 4 : 1968 – vers 1925 – 1973 – 1923 – 1957 – 1975

Le vote du groupe est : 1 : 1973, 2 : 1957, 3 : 1975, 4 : 1923, 5 : vers 1925, 6 – 1968.

Mon vote est : 1 : 1973, 2 : 1975, 3 : 1957, 4 : 1923, 5 : 1968, 6 : vers 1925.

Série n° 5. Le 1998 a un nez joliment fruité. Il est joli, riche, poivré, très puissant. Le 2010 a un nez plus ancien, pas facile à cerner (je ne connais pas le millésime). Il est truffe, végétal, pas encore structuré. Le 2008 a un nez jeune comme le 2010 (c’est ce que j’ai écrit, qui ne semble pas très cohérent). Il est plus joyeux, bien structuré. C’est un grand vin en devenir. Le 1996 a un nez très joli, riche, opulent. En bouche, il est un peu serré, strict, mais de beau potentiel. Le 2002 a un nez joli et discret. En bouche il est élégant et raffiné. C’est pour moi la plus belle série, de vins très jeunes et très bien faits.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 5 : 1998 – 2010 – 2008 – 1996 – 2002

Le vote du groupe est : 1 : 2008, 2 : 2002, 3 : 2010, 4 : 1996, 5 : 1998.

Mon vote est : 1 : 2002, 2 : 2008, 3 : 1998, 4 : 2010, 5 : 1996.

Série n° 6. Le 1986 a un très joli nez. Il est joli, charmeur, mais ne fait pas Grand Cru. Le 1983 a un nez séduisant, vineux. Je l’aime bien. Il est assez simple mais très authentique. Le 1985 est bouchonné, hélas. Le 1992 a un nez très charmant. Il est très plaisant en bouche, charmeur, mais n’a pas la tension qu’avait la 5ème série. Le 1978 est bouchonné, ce qui est rageant quand on apprend de quel millésime il s’agit. Louis-Michel vote pour ce vin et le place premier en expliquant pourquoi : il a reconnu le millésime et ressent tout le potentiel immense de ce vin. Il fait donc abstraction du goût de bouchon que nous subissons.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 6 : 1986 – 1983 – 1985 – 1992 – 1978

Le vote du groupe est : 1 : 1992, 2 : 1983, 3 : 1986, 4 : 1978, 5 : 1985.

Mon vote est : 1 : 1983, 2 : 1992, 3 : 1986, 4 : 1978, 5 : 1985.

Série n° 7. Le 1990 a un nez de grande classe. En bouche il est doucereux, presque sucré, pas très orthodoxe. Le 1989 a un nez assez joli, mais peu structuré. En bouche, il est plus frais, charmant, avec pas mal de fruit. Je l’aime assez. Le 2009 un beau nez. Il est un peu doucereux aussi mais beaucoup plus réussi que le 1990. Je m’en veux, car je n’ai pas reconnu ce 2009 que j’avais goûté au domaine. Le 1999 a un nez un peu fermé. Il est un peu râpeux en bouche mais très intéressant. Le 2005 a un assez joli nez, discret. En bouche il n’est pas mal, mais je ne le trouve pas très sexy.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 7 : 1990 – 1989 – 2009 – 1999 – 2005

Le vote du groupe est : 1 : 2009, 2 : 1999, 3 : 2005, 4 : 1989, 5 : 1990.

Mon vote est : 1 : 1989, 2 : 2009, 3 : 1999, 4 : 1990, 5 : 2005.

Série n° 8. Le 1961 a un nez assez ancien. Il fait âgé. En bouche, il est doucereux, et n’a pratiquement pas de final. Le 1966 a un nez assez animal. En bouche il est doucereux mais amer aussi. Le 1964 a un nez fatigué, mais il est plaisant en bouche. Il a un final plaisant où l’alcool se montre. Le 1969 a un nez beaucoup plus joli. Malgré une amertume dans le final, j’aime ce vin. Le 1953 a un nez intéressant. Il est un peu aqueux en bouche mais ne me déplait pas. Cette série est peut-être celle qui m’a le moins convaincu, car on est dans une période où l’on peut penser que ceux qui ont fait le vin n’avait pas une suffisante envie d’excellence, contrairement à ce qu’on voit aujourd’hui.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 8 : 1961 – 1966 – 1964 – 1969 – 1953

Le vote du groupe est : 1 : 1969, 2 : 1953, 3 : 1961, 4 : 1964, 5 : 1966.

Mon vote est : 1 : 1969, 2 : 1953, 3 : 1964, 4 : 1966, 5 : 1961.

Gerhard nous fait maintenant goûter à l’aveugle une série de liquoreux.

Série n° 9. Le Bonnezeaux domaine de la Croix des Loges 1974 est très sucré. On dirait un bonbon anglais auquel on ajouterait cannelle et guimauve. Il a une belle fraîcheur, mais l’aspect ananas lui va moins bien. Le Zeltinger Schlossberg Riesling Auslese Mosel Maximilien Keilereien 1964 a un nez bizarre. Il est assez léger, à peine sucré, au final un peu imprécis.

Le Château Rieussec 1985 est nettement plus agréable, car c’est un sauternes confortable (je n’ai pas de doute en le buvant). Le vin suivant et dernier vin a une étiquette fantaisiste, car il ne peut pas être commercialisé du fait qu’il titre seulement 4°. En le buvant j’ai immédiatement pensé à un Essenzcia hongrois car il en a le nez, le sucre énorme et la belle fraîcheur. Et c’est un Welschriesling Essenz autrichien 2001. On est donc dans le même esprit.

Nous avons bu ces quatre liquoreux sur des fromages autrichiens choisi avec amour par le restaurant, sacrément affinés, pour que nous constations que l’Autriche aussi fait des fromages couillus. Mon classement de ces quatre vins est Rieussec, Essenz, Bonnezeaux et Mosel Riesling.

Que dire de cette soirée ? D’abord, c’est l’opiniâtreté de Gerhard qui a permis de rassembler tous ces vins, ce qui n’est pas une mince affaire quand un vin a une aussi petite production. Ensuite, c’est un privilège de boire autant de millésimes de ce grand vin. Gerhard est un grand passionné de vin et il faut de tels personnages pour faire de beaux événements.

Le 1923, que j’ai mis quatrième de sa série, quand je l’ai bu en sachant ce qu’il est, m’a enthousiasmé. Ceci me montre que je préfère les dégustations verticales quand on sait ce que l’on boit, car je peux alors profiter de mes références sur ces années.

Mais l’avantage de la dégustation à l’aveugle, c’est que l’on peut faire apparaître sans risque d’être influencé qu’il y a des années dites « moyennes » parmi les mieux classées comme 1992, 1973, 1972 et 1957, par exemple, et des années dites « grandes » moins bien classées comme 2005, 1990, 1989, 1978, 1961, 1923.

C’est ainsi que les vins classés 1 ou 2 par le groupe sont : 2009, 2008, 2007, 2006, 2004, 2003, 2002, 1999, 1992, 1983, 1976, 1973, 1972, 1969, 1957 (Leroy), 1953 (Leroy- tastevinage).

Et les vins classés au-delà de 2è par le groupe sont : 2010, 2005, 2001, 2000, 1998, 1997, 1996, 1995, 1993, 1990, 1989, 1988, 1986, 1985, 1982, 1979, 1978, 1975, 1970 (Bichot), 1968, 1966 (Bichot), 1964 (Bichon à Margaux), 1961 (Leroy), vers 1925 (Marey et Liger-Belair), 1923 (Léon Rigault).

Pendant certaines périodes, le vin n’a peut-être pas eu le traitement qu’il méritait. Est-ce parce que ceux qui en avaient la charge n’ont pas donné tout le soin qu’ils auraient dû, je ne sais pas. Mais un grand vin venant d’un grand terroir prend toujours le dessus. Et Louis-Michel est en train de démontrer que la Romanée Liger-Belair est un des plus beaux vins, des plus racés de la belle Bourgogne. Le fait que ce vin soit grand dans des années dites petites est bien le signe qu’il s’agit d’un grand vin.

Souhaitons longue vie à ce beau vin dont les millésimes récents m’ont conquis.

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pour voir les fromages dégustés, dont un est affiné en entendant chaque jour et chaque nuit des chants grégoriens, c’est ici : LesfromagesGraz.pdf

photos de quelques bouteilles, dans l’ordre de dégustation

2001 – 1968

entre 1920 et 1932 – 1973

1923 Tête de Cuvée !!!

1957

1975 – 2010

2008 – 1996

2002 – 1990

1989 – 2009

1961

1964 – 1966

1969

1953

Les liquoreux