Beau dîner à l’hostellerie Jérôme à La Turbievendredi, 28 juin 2013

Jean-Philippe est descendu dans la région de Nice pour explorer la cuisine locale. Il m’envoie un message, me demandant de le rejoindre à l’Hostellerie Jérôme à La Turbie, ville romaine qui surplombe Monaco. N’écoutant que mon courage, je le rejoins à l’hôtel Napoléon, situé le long de la Nationale, en plein centre ville. Nous allons prendre un verre dans un bistrot sur la Nationale sous un agréable soleil après des ondées, et nos poumons font leur plein de pollution pour l’année, tant les véhicules crachent leur venin sous nos narines.

L’heure est venue de nous rendre à l’Hostellerie Jérôme. Bruno Cirino arrose les abords de son établissement. Nous le saluons et nous nous présentons sur l’autre façade où Marion Cirino nous dit : « attendez, je vais mettre une veste pour vous recevoir ». On nous propose de dîner sur la terrasse qui surplombe un panorama méditerranéen, mais de peur d’ondées sournoises, nous choisissons la jolie salle à manger aux voûtes gracieuses d’un ancien cloître.

La carte des vins est tentatrice et à ma grande surprise, Marion Cirino me dit qui je suis, car, dit-elle, elle aime suivre ce qui s’écrit sur le vin. Nous hésitons longtemps, car la carte est très engageante, et nous jetons notre dévolu sur un champagne et un vin blanc. Jean-Philippe décide que nous prendrons le menu dégustation et je le suis sans même regarder son contenu.

Le menu est : un « bâtonnet » d’espadon mi-cuit en salade / calamars grillés, composition d’une courgette en fleur / homard d’Irlande grillé à la Rossini aux figues noires et citron confit /scampis puce à la vapeur servis décortiqués, mangue, citronnelle, jasmin / asperges violettes de bord de mer à l’émulsion de comté truffé / Gamberoni il violetto di Oneglia aux pêches blanches et cristallines de verveine / la grosse langoustine rôtie sur une croûte d’amandes vertes à la verveine du jardin / le mérou à la marseillaise / rouget de roche grillé aux pousses de fenouil sauvage, pistou de légumes / aile de pigeonneau rôtie à la réduction d’olives noires au vin de Bandol / fraises des bois, angélique de montagne, croquettes, sorbet au lait de bufflonne / pur chocolat Taïnori, les cerises marasque et le sorbet à l’eau-de-vie.

Le Champagne Pol Roger Sir Winston Churchill 1999 est plein de surprises. Il est étonnamment fruité et généreux. Beaucoup plus que son millésime. Ce qui frappe, c’est l’intensité de son finale et le prolongement en bouche de saveurs lourdes. Son épanouissement est remarquable. En le buvant, je me demande si je le reconnaîtrais dans une semaine si on me le servait à l’aveugle. Et je pense que je n’y arriverais pas. Car ce champagne est parfait sur tous les compartiments du jeu, mais n’a pas d’aspérité que l’on mémoriserait. C’est un champagne de grande classe et de grande harmonie, avec une matière vineuse de première grandeur, mais ce n’est pas le loulou de banlieue que l’on reconnaît à sa danse chaloupée. Pour moi, c’est la persistance aromatique qui est le signe absolu de sa grandeur. Il va accompagner une bonne partie du repas avec pertinence.

Le Bienvenues Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 2001 est une merveille de vin bourguignon. Il a une force vineuse certaine, mais bien contrôlée. Il est puissant mais sait se révéler délicat. Ce qui me fascine, c’est qu’au moment où l’on déglutit, on est au milieu d’une motte de beurre, tant cette impression beurrée est dominante. C’est un immense vin au sommet de son art, dans la jeunesse.

La cuisine de Bruno Cirino est généreuse, fondée sur des produits de haute qualité et cuits à la perfection. Dans un dîner de tant de plats, tout ne se vaut pas, mais la qualité globale vaut les deux étoiles du guide. Je n’ai pas vibré avec l’espadon, l’épinard et la mûre qui jouxtaient la sublime langoustine, le rouget, manquant un peu de peps et le chocolat délicieux, mais qui arrivait au-delà de nos limites de raison. Tous les autres plats m’ont enchanté. Il en est même un qui m’a procuré un véritable orgasme culinaire. Je frissonnais à chaque bouchée. C’est le pigeon, démoniaque de perfection, à la sauce inouïe. Sinon, la crevette d’amuse-bouche, le calamar, le magique mérou et les prodigieux Gamberoni ont signé un repas de grand art. Mes chouchous : le pigeon, le mérou et la crevette du début. Les vins se sont bien adaptés à la cuisine, même si elle force un peu sur le citron.

Une mention spéciale ira vers Marion Cirino. Son intelligence des situations, son sens du service, son humour et sa compétence ont illuminé ce repas. Elle est chaleureuse, sachant jusqu’où elle peut aller, et si nous avons passé une magnifique soirée, c’est bien sûr grâce au talent de son mari. Mais elle tient une part importante dans ce succès. Voilà une table généreuse où il faut aller.

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