Académie des vins anciens – 8ème séance – le récitmercredi, 2 avril 2008

La 8ème séance de l’académie des vins anciens s’est tenue au restaurant Macéo. Mark Williamson, propriétaire des lieux et grand amateur de vins nous a fait le plaisir de nous offrir un liquoreux, geste que j’ai particulièrement apprécié. Nous étions 34 répartis en deux groupes qui ont bu chacun 21 ou 22 vins. En voici la liste dans l’ordre de service :

Groupe 1 :  1 – champagne Besserat de Bellefon non millésimé – 2 – Champagne Le Brun de Neuville blanc de blancs 1998 – 3 – magnum de champagne Dom Pérignon Rosé 1978 – 4 – Meursault Calvet 1966 – 5 – Puligny-Montrachet Ph. Meunier 1949 – 6 – Château Montrose 1975 – 7 – Château Brane Cantenac 1964  – 8 – Château Moulinet 1955 – 9 – Château Lafite-Rothschild 1965 – 10 – Pomerol 1934, mise de Luze, étiquette et année non lisible – 11 – Château Rauzan Segla 1921 – 12 – Corton Clos de la Vigne au Saint Louis Latour 1969 – 13 – Clos de Tart 1964 – 14 – Pommard Epenots Marie André 1953 – 15 – Bourgogne grand vin des caves du chapitre, Jaffelin,  probable 1934 – 16 – Chateauneuf du Pape Hugues 1959 – 17 – Vega Sicilia Unico 1959 – 18 – Langoiran, Truilhé, 1957 (moelleux) – 19 – Château Sigalas Rabaud 1962 – 20 – Château Gilette "Crème de tête" 1979 – 21 – Gewurztraminer Vendanges Tardives SGN Hugel 1934 – 22 – Rivesaltes ambré Cuvée Prémice 1932.

Groupe 2 : 1 – champagne Besserat de Bellefon non millésimé – 2 – Champagne Brut  Prince De Bourbon Parme Abel Lepitre Reims  1975   – 3 – magnum de Dom Pérignon Rosé 1978 – 4 – Domaine de Darrouban, Grande réserve, G Subervie et fils, (Graves sec) 1957  – 5 – Montrachet Bichot 1933 – 6 – Clos Triguedina 1962 (Cahors) – 7 – Château Nénin 1984 – 8 – Château Beychevelle 1952 – 9 – Château Talbot 1959 – 10 – Château Calon ségur 1934 (année illisible) – 11 – Gevrey-Chambertin "Clos Prieur"  Domaine Harmand-Geoffroy 1973 – 12 – Bonnes Mares Négoce 1966 – 13 – Santenay Clos de Tavanne, de Fauconnet Négociant 1959 – 14 – Vosne-Romanée « Clos des Réas », Pedrizet & Cie 1928 (3/4 cms) – 15 – Bonnes-Mares, Charles Bernard 1915 (6/7 cms) – 16 – Chateauneuf Du Pape Mont Redon 1957 (année illisible) – 17 – Château Suduiraut 1969 – 18 – Château Beau-Site Monprimblanc 1937 – 19 – Domaine du Pin Premières Côtes de Bordeaux 1937 – 20 – Château Coutet 1967 – 21 – Rivesaltes ambré Cuvée Prémice 1932.

Une fois de plus une extrême générosité côtoie un certain manque d’implication dans le choix des vins. Il est assez difficile de refuser certaines bouteilles à des habitués, car la grande majorité des présents sont des fidèles. La qualité ‘globale’ est exceptionnelle chacun des académiciens pouvant accéder à des vins rares dans les meilleures conditions. Deux bouteilles me sont apparues particulièrement curieuses. J’avais demandé que les bouteilles soient livrées au siège de la maison Henriot qui est propriétaire de Bouchard Père & Fils. Je demande à ma correspondante au téléphone de me lire les étiquettes. On m’avait annoncé Château Beychevelle 1952. Quand je demande les noms elle me dit : « Bouchard Père & Fils, Château Beychevelle 1952 ». Je lui dis que c’est impossible, pensant qu’elle lisait le document d’envoi d’un académicien. Elle me dit : « non, non, c’est ce qui est sur l’étiquette ». Je n’insiste pas, mais je n’y crois pas. Or l’étiquette lui donne raison, le Beychevelle étant embouteillé par le négociant Bouchard Père et Fils, avec le sigle habituel de cette maison.

L’autre étiquette amusante est un Chateauneuf du Pape 1959 sur lequel je lis : « Qualitätswein abgefüllt bei R. Hugues in La Valette (Var) Frankreich ». Un vin du Rhône embouteillé en Provence près de Toulon par un négociant qui imprime son étiquette en allemand, apporté par un ami académicien russe, c’est un cheminement cosmopolite qui n’a pas particulièrement suivi le plus court chemin.

Le menu composé par le restaurant n’a pas vocation à « coller » aux vins, compte tenu de l’extrême diversité : crème de petits pois glacée, citron confit à l’huile d’argan / petit tartare de bar, chair de crabe et quinoa aromatique / aiguillette de saint-pierre, têtes d’asperges vertes, fin ragoût printanier / noisette de veau fermier, croustilles de céleri, rouelle d’oignons frits en salade pimentée / poires rôties compressées, fine dentelle oranges / chocolat tendre et pipérade de poivrons sésame. Il fut agréablement apprécié.

Venons-en aux vins bus ce soir. Le champagne Besserat de Bellefon non millésimé est prévu pour tous en apéritif debout. Présent dans ma cave depuis dix ans environ, il a gagné en sérénité. Des tons de noix, de brioche, lui donnent un équilibre et une présence en bouche appréciables. Je lui trouve beaucoup d’intérêt, plus qu’au Champagne Le Brun de Neuville blanc de blancs 1998 de ma cave que nous buvons en passant à table et qui ne m’émeut pas.

Le magnum de champagne Dom Pérignon Rosé 1978 impressionne déjà par la beauté de son flacon. La bulle est presque évanouie mais le vin pétille en bouche. Il est très fin, subtil, de belle acidité, et a une persistance aromatique en bouche remarquable. Il n’a pas l’émotion que donne son puiné le 1990, mais c’est un grand champagne. 

Le Meursault Calvet 1966 est une très agréable surprise. Le nez est superbe et le final est joyeux. Le Puligny-Montrachet Ph. Meunier 1949 de ma cave est très ambré, avec un couleur évoquant le thé. Le nez est un peu discret. Le final est un peu rêche, mais pas si mal que ça. Le Puligny s’accorde mieux au tartare que le Meursault.

Un ami m’apporte une goutte du Montrachet 1933 Bichot qui révèle une race assez extraordinaire d’évocation sous le voile d’une légère fatigue.

Le Château Montrose 1975 est une magnifique surprise. Son nez est superbe, de fruits rouges. Son goût est très pur. Il est plus grand que ce que j’imaginais. Le Château Brane-Cantenac 1964 fait plus fatigué, même si l’on sent que c’st un vin racé. On m’apporte quelques gouttes du Clos Triguedina  Cahors 1962. Il est vraiment très typé Cahors, avec une belle personnalité. Le vin qui me fait bondir de joie, c’est le Château Moulinet 1955 un pomerol absolument parfait. L’année est belle et le vin est en ce moment à un optimum, car on ne peut lui trouver aucun défaut. Je me suis levé pour en faire part  tous nos amis.

Le Château Lafite-Rothschild 1965 a une couleur nettement plus vieille que le Moulinet, pourtant son ainé de dix ans. Une infime trace de bouchonné n’est pas suffisante pour expliquer sa mauvaise performance. Le Pomerol 1934, mise de Luze, étiquette et année non lisible mais confirmée par son apporteur fait un peu torréfié mais ne manque pas d’intérêt.

C’est le Château Rauzan Segla 1921 qui est sublime, forcément sublime. Il est d’une année parmi les plus grandes de l’histoire et il en a les caractéristiques. Il évoque la framboise. C’est un très beau vin et pendant ce temps le 1934 s’améliore dans le verre tout en étant vineux.

Le Corton Clos de la Vigne au Saint Louis Latour 1969 est la bouteille de ma cave sur laquelle je fondais mes espoirs. C’est un vin magique et d’une finesse rare. Distingué tout en étant bourguignon, il flatte les papilles. Le Clos de Tart 1964, cadeau de Sylvain Pitiot donné en son absence a un final en fanfare. Il n’est peut-être pas aussi brillant qu’il pourrait l’être, mais c’est un grand vin.

Le Pommard Epenots Marie André 1953 est tout doucereux, mais d’un final désagréable. C’est un vin fatigué. Le Bourgogne grand vin des caves du chapitre, Jaffelin,  probable 1934, vin ordinaire, se comporte largement au dessus de toute espérance. C’est un vin agréable.

Le Chateauneuf du Pape Hugues 1959, celui qui a l’étiquette en allemand, semble avoir une belle entame, mais le final est affreux. Le Vega Sicilia Unico 1959 montre sa noble origine, mais il est trop en sourdine. Ses accents chocolatés sont moins perçants qu’ils ne devraient. On m’apporte une goutte du Bonnes-Mares, Charles Bernard 1915, mais son nez est marqué par la mort. Sa bouche a quelques traces, mais le vin est mort.

Il y a tellement de beaux liquoreux qu’on les dispose sur une petite table entre les quatre tables pour que nous puissions prendre des photos. Les tons de mangue, d’acajou, de cuivre sont d’une rare beauté.

Le Langoiran, Truilhé, 1957 (moelleux) est décevant. Le Château Sigalas Rabaud 1962, cadeau de Mark Williamson, est exactement ce qu’on en attend, à peine dévié. Le Château Gilette "Crème de tête" 1979 est superbe. C’est un grand sauternes.

Le Gewurztraminer Vendanges Tardives SGN Hugel 1934 est sans doute la bouteille la plus rare de cette soirée, apportée par Jean Hugel toujours aussi vaillant et pétillant, qui fera un discours positif qui m’a mis du rouge aux joues tant il m’a fait de compliments. Son vin est devenu sec, d’une complexité inimaginable. Ce vin est une leçon.

Le Rivesaltes ambré Cuvée Prémice 1932 est un vin de volupté pure. L’accord avec le chocolat est trop, comme on dit dans les cours de récréation. Il a des accents de griottes. Le Domaine du Pin Premières Côtes de Bordeaux 1937 de ma cave que l’on m’apporte maintenant me remplit de joie, car il a un charme frais d’agrumes et de mandarine qui le placerait au niveau des sauternes plus qu’à celui de son appellation. Le Château Coutet 1967 qu’on m’apporte est très frais, léger, doté d’un trace d’épices. C’est un vin plaisant. Pour finir sur un palais frais avec les petits chocolats qui nous sont apportés, il n’y a rien de mieux que le rivesaltes frais et charmeur.

On voit que les vins ont été de d’une qualité générale extrême, les quelques bouteilles fanées ne nuisant pas à l’impression d’ensemble. L’académie a pleinement joué son rôle de partage de vins anciens. L’atmosphère amicale et enjouée est un plaisir de plus. Cette huitième séance fut un grand succès.

J’ai créé un concept qui s’appelle « PAME – PIME – PUME » pour exprimer comment un vin se situe par rapport à mes attentes. Les sigles sont en anglais : « performed above my expectation, performed within (in) my expectation, performed under my expectation ». Il est intéressant d’utiliser ce critère pour des vins aussi variés. La différence fondamentale entre une notation et ce concept, c’est qu’une notation prétend à l’universalité, alors que je ne juge que par rapport à mon attente. C’est personnel, ressenti et non biblique.

Les PAME, qui m’ont positivement surpris, dans l’ordre des surprises en partant de la plus grande, sont : Château Moulinet 1955 – Corton Clos de la Vigne au Saint Louis Latour 1969 – Meursault Calvet 1966 – Rivesaltes ambré Cuvée Prémice 1932 – Château Montrose 1975 – Domaine du Pin Premières Côtes de Bordeaux 1937 – Champagne Besserat de Bellefon non millésimé – Château Rauzan Segla 1921.

Les PIME, qui se sont  comportés comme je l’attendais sont ici classés en fonction de leur valeur intrinsèque : Gewurztraminer Vendanges Tardives SGN Hugel 1934 – magnum de champagne Dom Pérignon Rosé 1978 – Château Gilette "Crème de tête" 1979 – Clos de Tart 1964 – Château Sigalas Rabaud 1962 – Château Coutet 1967 – Pomerol 1934, mise de Luze, – Puligny-Montrachet Ph. Meunier 1949 – Bourgogne grand vin des caves du chapitre, Jaffelin,  probable 1934 – Champagne Le Brun de Neuville blanc de blancs 1998.

Les PUME, qui m’ont plutôt surpris par une performance négative par rapport à l’image que j’en avais, allant du plus petit écart au plus grand sont : Montrachet Bichot 1933 – Château Brane Cantenac 1964  – Vega Sicilia Unico 1959 – Pommard Epenots Marie André 1953 – Langoiran, Truilhé, 1957 (moelleux) – Château Lafite-Rothschild 1965 – Chateauneuf du Pape Hugues 1959 – Bonnes-Mares, Charles Bernard 1915.

Le jugement final, du plaisir pur, combinant la classe intrinsèque et le plaisir du moment est le suivant : Gewurztraminer Vendanges Tardives SGN Hugel 1934 – magnum de champagne Dom Pérignon Rosé 1978 – Corton Clos de la Vigne au Saint Louis Latour 1969 – Château Moulinet 1955 – Rivesaltes ambré Cuvée Prémice 1932 – Château Montrose 1975 – Domaine du Pin Premières Côtes de Bordeaux 1937.

La 8ème académie des vins anciens a atteint ses objectifs. Vivement la suivante.