Comparaison de vins immergés en mer avec les mêmes vins restés à terresamedi, 24 septembre 2016

Un mail d’invitation me suggère de me rendre chez le caviste Soif d’Ailleurs pour faire une dégustation comparative à l’aveugle d’un champagne dont une bouteille a passé douze mois en mer à soixante mètres de profondeur et une autre provient de la cave de la maison Drappier.

C’est la société Amphoris qui immerge des bouteilles en mer d’Iroise pour étudier les effets du séjour en mer profonde. On annonce aussi la présence d’un représentant de l’Institut Universitaire de la Vigne et du vin, Régis Gougeon, que j’ai déjà rencontré lorsqu’une bouteille de Bourgogne, trouvée dans les ruines de l’Abbaye de Saint-Vivant, très probablement du 18ème siècle, avait été ouverte par mes blanches mains et dégustée au siège de la Romanée Conti.

Cette invitation me plait car j’ai eu la chance de goûter des vins qui ont passé plus d’un siècle sous l’eau et cette expérience pourrait être intéressante.

Soif d’Ailleurs est un marchand de vin spécialisé dans les vins du monde, offrant des vins de 45 pays et de 198 cépages ! La salle de dégustation est belle et le patron de la boutique organise des événements dans ce bel endroit. On se sent bien en ce lieu.

Après une petite vidéo qui montre comment les bouteilles sont immergées, nous avons deux verres à déguster le 1 et le 2 du Champagne Drappier La Grande Sendrée 2006. Ce vin qui est la cuvée de prestige de la maison Drappier est fait de 55% de pinot noir et 45% de chardonnay. Le 1 a un nez plus intense et le 2 a un nez plus frais. Le 1 fait plus dosé, plus noisette alors que le 2 fait plus souple. Le 1 est agréable et le 2 a une belle longueur. Mais force est de dire que ces écarts sont à la marge car on sent bien que les deux sont le même champagne. Avec un peu de temps je dirais que le 1 est plus vif.

On nous demande lequel est allé sous la mer. Régis Gougeon et moi, nous pensons que c’est le 2 qui a été immergé. D’autres personnes présentes pensent comme nous. Mais c’est le 1 qui a passé un an dans une mer à 11-12°.

Lors de la courte présentation par Régis Gougeon des études déjà faites, il avait indiqué sur la diapositive des résultats : « résultats contrastés ». Et nous allons en avoir la preuve.

Le deuxième essai sera fait sur un Brokenwood Cricket Pitch Australie 2011 avec 55% de sémillon et 45% de sauvignon blanc. Les deux vins sont très expressifs. Le 1 a un nez plus frais. C’est un vin très agréable au finale de noisette, bien expressif alors qu’il est jeune. Le 2 a un nez plus dense. Il est un peu moins brillant mais son finale est plus frais. Je préfère le 1 plus vif et je dis que c’est lui l’immergé, au hasard, et c’est la bonne réponse.

Nous allons maintenant vers un vin rouge de Toscane, dont le propriétaire est un archéologue célèbre qui a acheté un vignoble pour y planter un cépage ancien totalement oublié, le Foglia Tonda. Le vin est donc un Foglia Tonda de Toscane de Guido Gualandi 2012, vin biologique qui titre 13,5°. Il est présenté par sa fille.

Le 1 a un nez plus ouvert, il est très original et très pur, au fruit discret. Le 2 est plus cassis, plus riche, plus conventionnel même si le finale est mentholé ce que j’aime. Je préfère le 1. Je suis incapable de dire lequel est immergé et on nous dit que c’est le 2. Et là où la phrase du scientifique sur les résultats contrastés prend toute sa valeur, c’est que la fille du propriétaire, qui connaît bien son vin, s’est trompé en estimant que le 1 avait été immergé.

Nous avons poursuivi avec un vin rouge de Brokenwood, qui ne m’excite dans aucune des deux versions. Mais je préfère le 2 alors que c’est le 1 qui a été immergé.

Je suis intervenu pour dire qu’une immersion d’un an seulement n’est pas suffisante pour être probante. Il faut encourager ces expériences et je ferai mon possible pour les encourager, car si je suis venu, c’est parce que le plus grand champagne que j’aie bu est un champagne Heidsieck 1907 qui a passé cent ans sous l’eau dans une mer à 4°. Le fait que le vin combinait une étonnante fraîcheur d’un vin très jeune avec la patine que donne forcément le siècle d’existence a produit sur moi une émotion magique. C’était Hibernatus revenant à la vie !

Amphoris semble une société très sérieuse qui a étudié son dossier et l’association avec des scientifiques pour faire des analyses est une bonne chose. Il faut multiplier ces expériences avec des grands vignerons, en se fixant des horizons de plus long terme. Je suis heureux d’avoir participé à cette expérience, même si les résultats sont « contrastés ». Le patron de « Soif d’Ailleurs » Mathieu Wehrung est passionnant. Sa boutique est une caverne d’Ali Baba pour amateurs curieux de vins rares et étonnants. Une maison comme Dom Pérignon qui a créé les Œnothèque ou les P2 et P3 devrait se lancer dans les Dom Pérignon immergés. Ce serait très excitant.

Des exemples de bouteilles qui ont été immergées

dsc07489 dsc07484 dsc07483

les deux bouteilles de Drappier

????

????

dsc07485 dsc07486 dsc07487 dsc07488

des couleurs très proches

dsc07490 dsc07491

dsc07495 dsc07496

dsc07492 dsc07493 dsc07494

Une réflexion au sujet de « Comparaison de vins immergés en mer avec les mêmes vins restés à terre »

  1. Ping : Raconte moi le vin vieilli en mer

Les commentaires sont fermés.