203ème dîner de wine-dinners au restaurant Pagesvendredi, 23 septembre 2016

Le 203ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Pages. Pour ce dîner de rentrée, nous serons seulement huit, avec un éclectisme rare : une indienne qui organise des événements où le vin joue un rôle et promeut toutes formes de gastronomie, indienne et européennes, une américaine représentante pour l’Europe d’une grande maison de vente de vins américaine, le directeur propriétaire d’un des grands guides gastronomiques, le gagnant de l’énigme d’un des récents bulletins (n° 695), une spécialiste de thés qui organise des dégustations et veut connaître mes dîners, le réalisateur des films du 200ème dîner et un habitué mordu de mes dîners, qui est le seul à avoir déjà assisté à un de mes dîners.

J’arrive peu avant 17 heures au restaurant pour ouvrir les bouteilles. La proportion de bouchons qui viennent en charpie est très élevée. Y a-t-il un phénomène saisonnier, la question pourrait se poser car des périodes de forte chaleur sèche et des périodes de pluie se sont succédé avec des rythmes brusques. Les deux blancs ont des nez très engageants comme le Lynch Bages 1955 au lourd parfum de truffe. Le Rausan-Ségla 1948 est bouchonné et je crois que j’ai une explication plausible. La maison Hannapier Peyrelongue qui diffuse ce vin l’a reconditionné il y a plus de trente ans et c’est cette opération qui a fait apparaître ce nez de bouchon qui me semble indélébile. Les deux hermitages ont des parfums très différents mais prometteurs. L’Yquem 1935 est impérial, avec toute la palettes des sophistications d’Yquem alors que le Rayne Vigneau 1942 a besoin de s’aérer. La proportion de vins bouchonnés dans mes dîners est très proche de zéro. Comme nous avons dix vins pour huit, nous ne serons pas en manque.

Il me reste deux heures avant le repas. Comme le veut la tradition, je vais au bistrot 116 qui jouxte le restaurant prendre une bière japonaise en grignotant des haricots edamame qui sont un « pousse à la consommation », car on croque les fèves en les retirant avec ses dents de la gousse saupoudrée de sel. Comme il est prévisible j’ai redemandé une autre bière !

Les convives sont tous à l’heure. Pour ne pas déranger les personnes qui dînent nous commençons l’apéritif sur le trottoir, pour que j’aie le temps de donner les consignes habituelles des dîners. Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1994 est un champagne agréable, solide et équilibré. C’est une valeur sûre, même si son message n’est pas très complexe.

Nous passons à table et continuons les amuse-bouche avec le Taittinger et nous passons ensuite au Champagne Salon 1990. Le saut qualitatif est manifeste. Ce qu’il y a de bien avec ce Salon, c’est qu’on sent tout de suite qu’il est très complexe mais il est aussi très accueillant. Il ne nous embarrasse pas car son message est limpide. Il est fluide, long en bouche et ne manque pas de grâce.

Les amuse-bouche sont très variés. Laure nous les présente mais on oublie vite – du moins moi – ce qu’elle nous a expliqué. Ce n’est pas grave car tout est délicieux et adapté aux champagnes.

Le menu composé par le chef Ryuji Teshima dit Teshi est : Amuse-bouche de saison / Caviar de Sologne / Homard bleu de Bretagne et risotto de riz sauvage croustillant / Agneau de lait, sauce figue et balsamique blanc / Trio de bœuf (bœuf de maturation et bœuf Ozaki) / Stilton affiné / Tarte à la mangue, pétales de mangue et sauce ananas.

Le Salon 1990 continue sur le caviar de Sologne posé sur une crêpe ou sur des dés de pomme de terre. Ce caviar bien iodé excite divinement le champagne. Je le préfère sur la crêpe.

Le homard bleu accueille deux vins blancs. Le Sylvaner Vin D’Alsace Trimbach 1962 avait à l’ouverture un parfum riche et franc. Ce vin est une belle surprise car il a une présence que je n’attendais pas aussi belle. Il est cohérent, ramassé, et très souple pour accompagner le homard, avec des notes très douces.

Le Château d’Arlay Côtes du Jura 1969 qui sentait la noix à plein nez à l’ouverture est un vin de puissance. Il est conquérant. L’accord se trouve mieux avec le Sylvaner car le vin du Jura est trop dominant, mais il est sacrément bon comme le montreront les votes. Sa personnalité est convaincante. Le risotto au riz sauvage n’ajoute pas grand-chose au homard et perturbe un peu l’accord naturel des vins avec le petit homard intense et goûteux.

Le Château Rausan-Ségla Hannapier Peyrelongue 1948 est définitivement bouchonné. Nous l’écartons. Le Château Lynch-Bages Pauillac 1955 accompagne le délicieux agneau de lait. Il avait un nez de truffe à l’ouverture qu’il a conservé. Il est riche, plein, cohérent, avec une affirmation de bon aloi. C’est un vin de satisfaction qu’on pourrait boire éternellement sans se lasser. Il crée un accord parfait avec l’agneau qui le met en valeur. Ce serait bien difficile de lui donner un âge.

Les morceaux de bœufs sont absolument délicieux et très différents, le bœuf allemand étant le plus racé et le Wagyu fondant comme un bonbon. Si les bœufs sont dissemblables, il en est de même des deux hermitages. Le Grand Hermitage Chapoutier 1953 est tout en douceur. Il est suave tout en ayant une belle vibration. Il est confortable. Il l’est tellement qu’il sera désigné premier par le consensus des votes.

L’Hermitage Cuvée Marquise de la Tourette Delas 1978 est beaucoup plus vif, tranchant, imprégnant. Le Chapoutier convient plus au Wagyu et le Delas convient mieux au bœuf normand et au bœuf allemand. Ce qui est amusant c’est qu’au moins un hermitage est premier ou second dans les votes de chacun. Et deux convives ont mis les deux hermitages dans leurs bulletins de vote. Ils trustent les deux premières places.

Le Château Rayne Vigneau 1942 est beaucoup plus sombre, acajou foncé, que le Château d’Yquem 1935 qui est assez clair. Il accompagne un très beau stilton. Il est riche, fort, et trouve sa place, même s’il ne peut pas faire oublier l’autre sauternes.

L’Yquem 1935 est d’une décennie froide dont beaucoup d’Yquem ont « mangé leur sucre » à l’exception du 1937 d’une rare richesse. Et là, ce 1935 me surprend car, sans être une bombe, il est d’une belle présence avec une sucrosité que je n’attendais pas aussi belle. Cet Yquem très complexe et varié évoque tous les fruits exotiques qui ont sa couleur. C’est un grand Yquem que je mettrai premier de mon vote.

Nous sommes huit à voter pour dix vins. Huit vins sur dix ont reçu des votes, mais compte tenu du vin bouchonné, ce sont huit vins sur neuf qui ont été placés dans les quatre premiers d’au moins un convive. Quatre vins ont été nommés premiers, le Grand Hermitage Chapoutier 1953 trois fois, l’ Hermitage Marquise de la Tourette Delas 1978 et l’Yquem 1935 deux fois premiers, et le Château d’Arlay Côtes du Jura 1969 a été nommé une fois premier. Mon classement diffère sensiblement du classement général.

Le vote du consensus serait : 1 – Grand Hermitage Chapoutier 1953, 2 – Hermitage Marquise de la Tourette Delas 1978, 3 – Château d’Arlay Côtes du Jura 1969, 4 – Château d’Yquem 1935, 5 – Champagne Salon 1990, 6 – Château Lynch Bages Pauillac 1955.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1935, 2 – Hermitage Marquise de la Tourette Delas 1978, 3 – Château Lynch Bages Pauillac 1955, 4 – Champagne Salon 1990.

L’atmosphère d’un dîner à huit est beaucoup plus intimiste. Les discussions ont été riches. Le chef Teshi a fait un menu très équilibré avec une élégance qui mérite tous les compliments. Vincent a fait un service du vin exemplaire. Ce fut un grand dîner.

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le bouchon du Lynch Bages est de la charpie !

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il est étonnant que le Delas 1978 ait un bouchon qui paraît aussi vieux

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on note la différence d’état entre le bouchon du Rayne Vigneau à gauche sur la photo ci-dessous et celui de l’Yquem pourtant plus vieux

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les vins en cave, puis ouverts, au restaurant. le chef est en cuisine

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j’ai oublié de photographier les morceaux de boeufs !!!

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la table en fin de repas

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les votes

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