207ème dîner de wine-dinners au 67 Pall Mall Clubvendredi, 9 décembre 2016

Pendant que nous attendions deux retardataires inscrits au 207ème dîner de wine-dinners au 67 Pall Mall Club, qui me faisaient craindre le pire car ils étaient censés avoir payé leur participation directement au club, Terry le chef sommelier m’avait tiré par la manche pour me présenter à la charmante fille de Corinne Mentzelopoulos, propriétaire du château Margaux et au fils de Paul Pontallier qui a géré pendant de nombreuses années les vins du château Margaux. Cette heureuse rencontre est prometteuse d’autres. Quelle heureuse surprise ! Je les quitte après échange de cartes de visite et évocation de moments rares partagés avec leurs parents.

Nous sommes enfin neuf dans la petite salle appelée bibliothèque dont les armoires vitrées des quatre murs regorgent du plancher au plafond de vins prestigieux. Il y a quatre femmes dont les trois américaines que je connais et une anglaise qui accompagne un finlandais actionnaire du club. Un autre anglais est aussi actionnaire du club, un anglais dont la tenue évoque les festivités de Noël avec des représentations de la Vierge Marie d’inspiration russe, le journaliste Dan et moi. Pour deux américaines, c’est le cinquième dîner auquel elles assistent, pour le finlandais, c’est le second. Les autres sont nouveaux.

Le Champagne Brut Imperial Moët & Chandon 1952 est pris dans la bibliothèque. Il est d’un confort extrême, chaleureux, large, montrant qu’il a de l’âge puisque son goût est celui d’un champagne déjà ancien avec une bulle quasi inexistante mais un joli pétillant actif. Il est chaleureux et généreux et un amuse-bouche tiède en forme de cromesquis délicat au goût discret de truffe blanche lui convient.

Nous descendons dans la salle Saint-James qui nous a été réservée, magnifiquement décorée pour Noël avec un joli sapin et des motifs de table dans les mêmes tons. Tous les verres sont sur table avec les millésimes des vins inscrits sur les pieds des verres. Terry Kandylis fait un bref discours de bienvenue très apprécié.

Le menu créé par Marcus Verberne le chef du restaurant du club est : canapé, champagne et truffes arancini / tataki de thon au sésame / vol-au-vent de langoustine / filet poêlé de saint-pierre aux girolles sautées / ris de veau, bacon croustillant, sauce soubise / cuissot de chevreuil, pomme dauphinoise, cavolo nero, jus de chocolat / Stilton / Panna cotta au safran et à la mangue.

Le Champagne Krug Vintage 1969 lorsqu’il se boit seul montre une certaine acidité et une vivacité beaucoup plus grande que celle du Moët. Lorsque l’on goûte le thon cru, la transformation du champagne est spectaculaire. Il s’élargit, perd son acidité pour gagner en rondeur et en complexité. C’est un champagne extraordinaire, plein, à la personnalité extrêmement affirmée. C’est un bonheur que de boire un tel champagne aussi vif.

Sur le vol-au-vent de langoustine, nous avons deux vins que tout oppose même s’ils partagent la même appellation. Le Corton Charlemagne Eugène Ellia 1993 est romantique, fluide, tout en suggestion. Sa délicatesse charme tout le monde.

A côté, le Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 2001 est une bombe. Son nez pétrole comme un vin de l’année et en bouche il explose. Il est tellement puissant mais en même temps complexe et chaleureux que je tombe sous son charme, tant il représente le goût idéal du Corton-Charlemagne interprété par Jean-François Coche-Dury. Quand on a la chance de goûter ce vin confidentiel dans sa forme la plus aboutie, on ne peut que l’aimer. L’accord du 1993 se trouve sur la pâte du vol-au-vent alors que le 2001 s’accorde avec la lourde sauce crémée du plat vif et délicieux.

Sur le saint-pierre nous buvons deux Haut-Brion dont le plus jeune a été mis en secours éventuel de l’ancien, mais c’est l’ancien qui sera le plus brillant. Le Château Haut-Brion 1928 arrive trop froid de cave et un peu serré. Il faudra plusieurs minutes pour qu’il délivre un velours délicat. Son nez m’avait impressionné en cave. Il est plus contenu maintenant, n’ayant pas trouvé d’expansion du fait du froid de la cave. Lorsque son velours arrive, il crée avec le poisson un accord de première grandeur. On sent que le vin est grand, mais pas assez épanoui.

Le Château Haut Brion 1961 est une désagréable surprise. Je m’attendais à une éclosion à venir après un nez incertain à l’ouverture et en fait le parfum est poussiéreux, voire même un peu liégeux. Le vin existe, mais on est loin de ce qu’un 1961 devrait donner puisque c’est un vin glorieux en cette année mythique. Etant extrêmement sensible aux performances de mes vins que je considère comme mes enfants, je suis un peu vexé. Fort heureusement le très bon saint-pierre aide considérablement les deux vins.

Avec l’excellent ris de veau il y a un seul vin, la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1973. Enfin un rouge parfait. Le parfum de ce vin est d’une délicatesse toute bourguignonne. Le vin est subtil et racé, délicat comme un Volnay ou un Pommard. On reconnaît bien sûr un vin du Rhône mais aux accents délicats d’une année frêle, ce qui lui sied à merveille. Ce vin est de grand plaisir subtil.

J’avais raconté à toute la table la joie que j’avais eue en sentant le Vega-Sicilia Unico 1936 en cave et Dan en avait été le témoin. Aussi, lorsque Terry me sert en premier un verre de ce vin, je suis stupéfait. La couleur est celle d’une eau terreuse, comme si le rouge était totalement dépigmenté avec la couleur rouge tombée en fond de bouteille. Le fond qui sera servi est effectivement beaucoup plus sombre mais ces couleurs sont affreuses. Comment ce vin qui m’avait enchanté peut-il se désagréger ainsi. Le nez évoque le chocolat, le café et l’alcool. Un convive lui trouvera des accents de madère et le jugera délicieux sur le gibier. Je suis consterné et c’est une bonne chose que Dan puisse témoigner de ce que nous avions ressenti. Le vin est buvable malgré sa couleur, mais on est loin de ce que j’attendais.

Fort heureusement, le Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1960 n’a pas l’ombre d’un défaut. C’est un Vega Sicilia au sommet de sa gloire, pur, plein, à la couleur d’un rouge vif, sang de pigeon, opulent et vif. C’est un grand vin qui brille encore plus du fait du caractère sanguin et goûteux du cuissot. Malgré les performances de deux vins brillants, le 1973 et le 1960, je ronge mon frein et trouve que deux sublimes sur cinq, ce n’est pas suffisant. Et quand je ne suis pas content, mes convives le remarquent, même si je fais bonne figure. Le 1960 brillant est un vrai réconfort.

Le stilton est parfait avec juste ce qu’il faut de gras et d’amertume. Le Château d’Yquem 1942 à la couleur très foncée est délicieux, très zeste d’orange amère avec une rare distinction et des subtilités juste suggérées. C’est un Yquem discret et raffiné à la longueur en bouche infinie.

Le Château Guiraud 1893 est glorieux, déjà par sa couleur qui est d’un acajou clair. On dirait un soleil tant il brille. En bouche ce sont les fruits exotiques généreux qui abondent. Le dessert à la mangue manque un peu de vivacité mais le vin se suffit à lui-même, parfait et abouti. C’est une leçon que ce vin de 123 ans, vif, jeune, riche de mangue et vibrant au-delà de tout.

Il est temps de voter. Nous sommes neuf à voter pour nos quatre préférés et huit vins figureront dans les votes ce qui est presque inespéré compte-tenu des accidents de quelques vins. Cinq vins auront l’honneur d’être nommés premiers, le Guiraud 1893 trois fois, le Corton Charlemagne 2001 et la Côte Rôtie 1973 deux fois chacun, et l’Yquem 1942 et le Vega 1960 une fois chacun.

Le vote du consensus, compilation des votes est : 1 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1973, 2 – Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1960, 3 – Château Guiraud 1893, 4 – Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 2001, 5 – Champagne Krug Vintage 1969, 6 – Château d’Yquem 1942.

Mon vote diffère de celui du consensus. Il est : 1 – Château Guiraud 1893, 2 – Corton Charlemagne J.F. Coche Dury 2001, 3 – Champagne Krug Vintage 1969, 4 – Vega-Sicilia Unico Ribeira del Duero 1960.

C’est la première fois que je trouve un écart aussi important entre l’impression à l’ouverture et le vin qui est servi. Alors que je voulais montrer au journaliste les bienfaits de la « méthode Audouze », ce fut loin d’être convaincant. L’explication pourrait être que l’ouverture pratiquée dans une cave très froide, au lieu d’épanouir les vins les resserre. Aussi ai-je dit à Terry que pour le prochain dîner j’ouvrirai les vins dans la salle où se tiendra le dîner, comme je le fais d’habitude.

Marcus Verbene a fait un menu brillant que nous avions mis au point lors de mon passage il y a un mois, pour la dégustation verticale du champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill. Marcus a été chaudement félicité et je l’ai senti heureux d’avoir pu faire un repas aussi adapté aux vins. Le plus bel accord pour moi est celui du thon avec le Krug 1969, suivi de l’accord du saint-pierre avec le Haut-Brion 1928. Dans une ambiance enjouée et très cosmopolite, avec un service exemplaire, et malgré quelques petites contreperformances de certains vins, ce fut un dîner heureux et apprécié.

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