201ème dîner de wine-dinners au restaurant Pagesvendredi, 3 juin 2016

Le 201ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Pages. Après le 200ème dîner j’ai l’impression que c’est une nouvelle aventure qui démarre. Je viens un peu avant 17 heures pour ouvrir les vins. Aucune odeur ne me paraît problématique et les bouchons ne me posent pas de grandes difficultés. Le parfum le plus extraordinaire est celui du Coutet 1922, un parfum de mille et une nuits, et je suis agréablement surpris par les nez des deux blancs secs de 1938 et 1946.

Ayant terminé assez rapidement l’ouverture des vins, je vais prendre une bière au bistrot 116 qui gravite dans la sphère du chef. Revenant au restaurant, qui vois-je, mon ami Tomo qui est très en avance et vient bavarder avec moi. Il me demande si j’ai soif et je dis oui alors que ce soir nous aurons onze vins pour neuf convives. Tomo commande un Champagne Louis Roederer Cuvée Cristal 2007. L’attaque de ce champagne est riche, et le vin imprègne bien la bouche. Il est un peu dosé, mais cela ne limite pas le plaisir. Nous parlons, nous parlons encore et au bout d’un certain temps, le champagne nous paraît plus monotone, avec un discours un peu trop répétitif. Il est bien sûr agréable mais nous laisse un peu sur notre faim.

Les convives sont tous à l’heure malgré un Paris handicapé par les grèves et les inondations. Nous sommes neuf dont quatre femmes. Il y a des habitués et quatre nouveaux, deux hommes et deux femmes. Après les consignes aux nouveaux, nous passons à table.

Le menu conçu par le chef Ryuji Teshima dit Teshi est : Amuse-Bouche : Percébès / Veau de lait / Bonite / Ceviche / Chips / Pain soufflé crème oseille. Plats : Caviar de Sologne / Carpaccio de bœuf Ozaki / Carpaccio de bar Ikéjimé / Terrine d’agneau de pré-salé / Pigeon de Nièvre de Manuel Michel, sauce salmis / Trio de Bœuf : Simmenthal 40 jours, normande 30 jours de maturation et bœuf Ozaki poêlé sur la fonte et sur le Bincho / Roquefort papillon sur brioche / Baba à la banane, raisin et noisette.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1985 a une magnifique attaque d’une grande vivacité. Nous nous regardons Tomo et moi car ce champagne confirme notre impression sur le Cristal Roederer. Ce Bollinger encore jeune malgré ses trente ans est serein, épanoui et vif, à une étape de sa vie qui constitue un sommet de plénitude.

Le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1964 nous emmène dans le monde des vins anciens et c’est pour tous une très heureuse surprise. Le champagne combine un joli pétillant calme avec les saveurs d’un vin liquoreux. On sent des fruits orangés et de la pâtisserie. Ce champagne n’est que douceur et charme. Un régal qui est joliment titillé par les poissons crus. Sa persistance aromatique est forte.

Les deux bordeaux blancs plus anciens sont servis ensemble. Leurs couleurs sont très acajou clair et cela pourrait signifier une madérisation qui m’a poussé à inclure un jeune bordeaux blanc. Mais en fait aucun des deux vins n’a ce défaut. Le Château Laville Haut Brion 1938 est un guerrier, solide dans son armure et conquérant, alors que le Château Carbonnieux blanc 1946 est la sérénité même. Ils sont le jour et la nuit, le Laville voulant briller et convaincre alors que le Carbonnieux est serein, sûr de son équilibre rassurant. Autour de la table, nous allons avoir des avis divergents, chacun des vins étant préféré à l’autre, dans les deux sens. J’ai un faible pour la sérénité assumée et l’équilibre riche du Carbonnieux, même si la vigueur conquérante du Laville a aussi beaucoup d’intérêt. Il serait impossible de donner un âge à chacun des deux vins, car ils sont intemporels. Ils sont très gastronomiques et sont aidés par le caviar en blinis comme par le carpaccio de bœuf Ozaki.

Le Château Haut Brion blanc 1998 a 60 ans de moins que le Laville et 52 ans de moins que le Carbonnieux et malgré ces écarts, il n’y a pas de rupture brutale. Curieusement, c’est le Haut-Brion qui fait plus vieux que son âge, non pas parce que ce serait un défaut, mais plutôt par un tropisme qui lui fait se présenter dans la ligne tracée par les deux précédents. On sent que le Haut-Brion est noble, d’une couleur très claire et d’une acidité sympathique. Le carpaccio de bar très goûteux crée avec lui un accord magnifique. C’est un grand blanc mais dans un tel dîner, le cœur penche vers les plus anciens.

Le Château La Mission Haut Brion 1934 avait un bouchon dont tout le haut était devenu une lourde poussière noire comme de la terre. Heureusement, le bas du bouchon n’était pas affecté. Le vin est agréable, avec des petites notes de truffe, assez calme, mais suffisamment bon pour être couronné d’un vote de premier par l’un des convives. Personnellement, c’est le vin qui est servi avec lui qui attire mon attention.

Le Château Tertre Daugay 1961 a tous les attraits d’un grand 1961. Très beau Saint-Emilion, il est d’un équilibre rare, alliant vivacité et profondeur, je le trouve parfait. C’est un très grand vin qui m’évoque volontiers les grands succès d’un Clos Fourtet. Les deux bordeaux rouges profitent de la terrine très gourmande.

Le Vosne-Romanée La Grande Rue Henry Lamarche 1959 est un superbe bourgogne, très doux. On serait en mal de lui donner un âge. C’est une expression très agréable d’un beau bourgogne calme.

Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 est d’une toute autre trempe, car c’est le bourgogne sauvage comme je les aime. C’est la 12ème fois que je le mets dans un dîner et c’est chaque fois une bonne surprise. Il a une forte personnalité, plus typé que le Lamarche et une râpe que j’adore. C’est le compagnon idéal du pigeon et des délicieuses viandes, y compris les plus grasses.

C’est au dernier moment, en arrivant pour l’ouverture des vins, que j’ai demandé qu’on ajoute une crème de roquefort sur une petite brioche pour le Château d’Yquem 1970 car j’avais oublié de demander un Stilton. L’accord est superbe et l’Yquem est une très heureuse surprise. C’est un Yquem assez doux, plutôt léger et romantique. Il se boit avec bonheur.

Le Château Coutet Barsac 1922 avait à l’ouverture un parfum inouï et inextinguible de pâtes de fruit que j’ai fait sentir à Dorian, le pâtissier pour qu’il s’en imprègne en réalisant le baba sans alcool à la banane. Ce vin est un miracle. Il a une complexité extrême, explorant des myriades de fruits exotiques et sa douceur est une promesse de luxure. Il est à la fois épais et aérien ce qui est un tour de force. Les votes le sacreront.

Nous sommes neuf à voter pour quatre vins préférés sur les onze du repas. Neuf vins sur onze ont eu des votes, ce qui est particulièrement plaisant. Le Bollinger pourtant excellent n’a pas eu de vote mais il arrive souvent que les vins du début sont oubliés, et le Haut-Brion blanc 1998 certainement parce qu’il est beaucoup plus jeune que les autres vins. Cinq vins ont eu l’honneur d’être nommés premier, le Coutet 1922 quatre fois, le Chambertin 1961 deux fois, et une fois pour La Mission 1934, le Vosne Romanée 1959 et l’Yquem 1970.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Coutet Barsac 1922, 2 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 3 – Vosne-Romanée La Grande Rue Henry Lamarche 1959, 4 – Champagne Dom Ruinart 1964, 5 – Château d’Yquem 1970, 6 – Château Carbonnieux blanc 1946.

Mon vote est : 1 – Château Coutet Barsac 1922, 2 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 3 – Vosne-Romanée La Grande Rue Henry Lamarche 1959, 4 – Château Carbonnieux blanc 1946.

La forme de la table assez resserrée a permis que tout le monde parle avec tout le monde, et c’est extrêmement agréable. L’atmosphère a été enjouée, rieuse, ensoleillant ce dîner. Teshi avec son équipe a réalisé un repas très adapté aux vins. Les viandes sont un des points culminants du repas avec le superbe caviar. Des pousse-pied ajoutés aux amuse-bouche se sont révélés les meilleurs que j’aie jamais mangés. Les vins ont fait un « sans faute », les plats ont été pertinents et goûteux, les rires fusaient. Tout cela fait un beau 201ème dîner.

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le bouchon du chambertin est en bas de la photo

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tous les bouchons

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les vins photographiés dans ma cave

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et photographiés au restaurant

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la table en fin de repas

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votes du 201è dîner