168ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurentdimanche, 24 mars 2013

Gerhard est compositeur et chef d’orchestre. Sigrid est violoniste et professeur de violon. Ils vivent à Graz en Autriche et sont fous de vins. Ils viennent à Paris pour quelques jours et proposent que nous fassions un dîner de vins. Gerhard m’a envoyé sept bouteilles de vin, ce qui impose d’élargir notre groupe. Je contacte quelques amis en leur demandant de ne pas apporter de vin, puisqu’il y aura pléthore. La forme de l’organisation du dîner est celle d’un wine-diners aussi sera-t-il le 168ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent. J’indiquerai les vins de Gerhard par « (GP) ».

A 18 heures j’ouvre les vins et quelques parfums sont magistraux : celui de Laville Haut-Brion 1962 est conquérant, celui du Gruaud Larose 1922 est tellement flamboyant que je referme vite la bouteille avec un bouchon neutre pour ne pas perdre cette richesse olfactive et celui de la Côte Rôtie 1983 est tonitruant. Aucun autre parfum ne me fait peur.

Les amis arrivant de façon échelonnée, je commande sur la carte du restaurant un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2002. Classique, solide et fin, il est une bonne entrée en matière.

Le Champagne Pol Roger Blanc de Blancs 1985 apporté par Jean-Philippe marque un saut qualitatif significatif. Ce qui marque, c’est l’impression d’être en face d’un champagne parfait. Le sentiment de plénitude est spectaculaire. Alors, nul n’est besoin de décrire ce champagne, car c’est la sérénité l’opulence, la cohérence qui sont ses caractéristiques.

Après l’apéritif pris dans le salon en rotonde, nous passons à table. Nous sommes neuf dont sept buveurs.

Le menu mis au point par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret est : royale d’oursins / carré d’agneau de lait grilloté/ canard croisé rôti, navets et endives caramélisés / Frégola-sarda truffée / fourme d’Ambert / cheese-cake et mangue fraîche, sur un sablé au citron vert / tarte fine au chocolat noir.

Le Champagne Krug 1973 est complètement différent du Pol Roger 1985. Si l’on voulait s’amuser à faire un parallèle, on dirait que le Pol Roger, c’est une Côte Rôtie de Guigal et que le Krug est un vin de la Romanée Conti. Car le Pol Roger est l’expression d’une joie de vivre sereine et le Krug est d’un raffinement subtil et émouvant. Ce champagne est d’une grande classe, presque insaisissable tant il déborde de complexité. Il est accompagné par des petits toasts au foie gras qui lui vont bien.

Le Riesling Ried Klaus Naturrein 1970 (GP) a la pureté d’un beau riesling mais il manque un peu de longueur. Il est masqué par le glorieux Château Laville Haut-Brion 1962 (GP) qui est d’une insolente jeunesse. Sa couleur est d’un jaune clair, moins jeune que celle du Carbonnieux blanc 1955 bu il y a deux jours. Mais les deux vins partagent beaucoup de qualités. Le Laville a un nez riche et envahissant, une acidité bien contrôlée et un kaléidoscope de saveurs impressionnant. La royale d’oursin goûteuse aide bien le riesling et cohabite judicieusement avec le Laville.

Le Château Gruaud Larose 1922 a un parfum impressionnant évoquant de lourds fruits rouges. Il est étonnant qu’un vin de 1922 puisse avoir cette puissance, mais c’est bien un 1922. Il est difficile de lui donner un âge car sa couleur est d’un beau rouge sang et son goût, dont Luc et Gerhard disent qu’il est très Saint-Julien est d’un épanouissement absolu. Il a de beaux fruits rouges et un accomplissement qui nous ravissent. Sa longueur est imposante.

J’avais peur que La Romanée, Domaine de la Romanée, Bichot 1969 ne soit pas au rendez-vous car elle avait un niveau assez bas. Si je l’ai choisie, c’est un clin d’œil, car Gerhard avait organisé il y a moins d’un an à Graz une verticale de 41 millésimes de la Romanée du Domaine de la Romanée. De fait, le vin est magnifique, très bourguignon avec des suggestions salines. Il a beaucoup de sensibilité.

A côté de lui sur le goûteux canard, le Richebourg 1949 Jules Belin (GP) est beaucoup plus puissant, aidé par une année splendide, mais il est un peu trop simple à côté de La Romanée. Sans cette proximité, on l’aimerait beaucoup.

La Côte Rôtie Côte Brune Gentaz Dervieux 1983 (GP) qui avait à l’ouverture un parfum tonitruant est d’une force tranquille très agréable. C’est le vin de plaisir mais aussi de raffinement. La Fregola-sarda est superbe mais quelques amis seront gênés par une excès de poivre comme ils l’avaient été avec le piment du carré d’agneau, un peu brûle-gueule. Cette Côte Rôtie est splendide.

Le Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon 1962 (GP) est un vin de grande classe et de grande subtilité. Plus fin que son voisin du Rhône, il souffre un peu du rayonnement du 1983. Mais je l’ai préféré du fait de sa finesse.

J’avais peur de la couleur un peu sombre du Château Rayne Vigneau 1938 et c’est pour cela que j’avais prévu un deuxième sauternes. Mais la couleur dans le verre est beaucoup plus belle et dorée que celle du vin dans la bouteille. Le nez du vin est très expressif, profond, dans des fruits bruns. En bouche, sa densité est belle et il est magnifiquement accompagné par la fourme d’Ambert dont le crémeux est exactement ce qu’il fallait. Malgré une année de petite réputation, nous jouissons d’un très agréable sauternes.

Le Riesling Trockenbeeren Auslese Weingut Johan Kiss 1973 (GP) n’a pas d’étiquette d’année. Gerhard le date de 1973 car le vin a eu une médaille d’or en 1976. Ce vin en demi-bouteille a la perfection du riesling. Je suis toujours impressionné par la précision du riesling, cépage génial. Le vin est délicieusement doux, avec un faible alcool que Gerhard estime de 11°. Le vin est magique.

Le Haut Sauternes Guithon Négociant vers 1894 est difficile à dater, mais fait partie d’un lot que j’ai acheté où tous les sauternes sont de 1891, 1894 et 1896. Prenons donc la valeur médiane. On ressent bien l’écart d’âge avec le Rayne Vigneau et mon cœur penche vers le plus âgé des deux. Je lui trouve un peu plus de profondeur que le 1938.

Le Banyuls Bartissol Vieille Réserve (GP) est probablement des années 50 ou 60. Il est assez simple mais franc et accompagne bien le dessert au chocolat. C’est un vin de gourmandise.

C’est le moment des votes. Il convient de signaler que le Pol Roger 1985 ne figurait pas sur les menus et a été oublié dans les votes. Je suis sûr qu’il en aurait recueilli. Nous sommes huit votants pour quatre vins chacun. Huit vins ont eu des votes. Quatre vins ont eu des votes de premier, le Gruaud Larose trois fois, le Laville deux fois ainsi que la Côte Rôtie et le Krug une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Gruaud Larose 1922, 2 – Château Laville Haut-Brion 1962, 3 – Côte Rôtie Côte Brune Gentaz Drevieux 1983, 4 – Champagne Krug 1973, 5 – La Romanée (Bichot) 1969.

Mon vote est : 1 – Château Gruaud Larose 1922, 2 – Champagne Krug 1973, 3 – Riesling Trockenbeeren Auslese Weingut Johan Kiss 1973, 4 – Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon 1962.

Les plats étaient judicieux, mais le dosage des épices a parfois gêné certains convives. Le service des vins par Virginie mérite tous les éloges et le service attentionné est toujours remarquable. L’ambiance multilingue était particulièrement enjouée. Il y avait autour de la table de solides connaisseurs de vins, dont les commentaires documentés et pertinents ont contribué à la réussite de cet excellent dîner.

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de beaux bouchons

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belle forêt de verres

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