158ème dîner de wine-dinners au restaurant Michel Rostangsamedi, 28 avril 2012

Le 158ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Michel Rostang. Après un ami américain pour le 157ème, cette fois-ci, c’est un ami chinois qui me demande d’organiser un dîner pour vingt personnes. Il veut des vins relativement faciles d’accès. Je choisis Michel Rostang pour la qualité de sa cuisine, mais aussi parce que la grande salle serait parfaite pour ce groupe. Les vins sont livrés une semaine à l’avance, tout est au point.

La veille, vers midi, un mail arrive : « nous serons douze ». Le programme des vins, de plus de trente bouteilles devient inapplicable. Mais surtout, nous ne pouvons plus revendiquer la grande salle pour ce nombre. La petite salle conviendrait. Je recale un nouveau programme de vins, compatible avec le beau menu préparé par le chef.

Le jour venu, tout semble sur les rails, mais à 13h30 arrive un mail : « en fait, nous serons seize ». Le restaurant me dit : « impossible dans la petite salle ». Je commence par répondre impossible, puis, recontactant le restaurant, nous trouvons une solution avec l’équipe particulièrement réactive.

Au moment où j’écris ces lignes, à une heure et demie du début du repas, le menu a été imprimé pour la nième fois et je m’attends au pire. Combien serons-nous réellement, l’avenir le dira. Avec de nouveaux vins que j’ai apportés, nous pourrions être deux fois plus. Une petite table pourrait accueillir un excédent de convives. Quand je reprendrai la plume, le suspense n’existera plus.

Les vins étant jeunes, c’est Alain, le sommelier extrêmement compétent, qui a ouvert les vins et géré leurs températures. Pour chaque vin il y a deux bouteilles.

Je reprends la plume pour faire le compte-rendu du dîner. Au moment où les convives arrivent, il semblerait qu’il manque trois sièges. Là, ça commence à faire un peu beaucoup. Je sens un légitime agacement de la part des équipes. Par un coup de baguette magique, il apparait que nous ne sommes plus que quinze. Est-ce que certains convives ont été priés d’aller ailleurs, ont-ils trouvé une autre table dans le restaurant, je ne le saurai pas car je ne l’ai pas demandé. La table se reforme pour quinze. Nous pouvons dîner.

Le menu créé par Michel Rostang est ainsi conçu : Le Tourteau décortiqué, Velours de petits Pois à l’Huile de sésame grillé, Légumes de printemps et consommé des pinces en demi-gelée / La Langoustine rôtie et Courgettes, Coquillages et jus de coquillages crémé / Le Filet de Rouget grillé, Petits pois cuisinés au lard et céleri rave, jus lié des foies / Le Carré de Cochon de Lait croustillant, Compotée d’oignons sur un sablé, navets «Boule d’Or» glacés, Jus à la cuillère / La Canette Miéral servie saignante, Sauce au vin rouge liée de son sang et au foie gras, Le véritable gratin dauphinois / La Fraise Gariguette «Melba» à notre façon, Tuile dentelle et glace marbrée vanille fraise / Ganache Chocolat au Poivre de Séchuan, Tuile au Grué.

Mon ami chinois dirige le groupe formé de sept hommes et sept femmes dont douze sont chinois. De ce que j’ai compris, ils ont consacré cinq jours a étudier et discuter les problèmes de la transmission des entreprises aux générations suivantes et ce dîner est le point final du voyage. Desmond me présente et c’est drôle d’entendre un long discours dont je ne comprends pas le moindre mot. Son assistante assise près de moi me traduira de temps à autre ce qui se dit, car l’essentiel du repas se tiendra en chinois.

Le Champagne Ruinart a une bulle très fine. Il est agréable et expressif. Le Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1996 a une bulle notoirement plus grosse. Je l’aime beaucoup car il est à la fois plus vineux et plus fruité. Il est très agréable.

Ces deux champagnes ne rendent pas vraiment service au Champagne Dom Pérignon 1996 qui se présente un peu trop dosé et un peu trop romantique par rapport aux deux précédents. Je n’ai pas retrouvé le Dom Pérignon 1996 que j’adore habituellement.

Le Château d’Epiré Savennières Cuvée Spéciale 1995 est une immense surprise. Ce vin au nez proche de celui d’un vin doux est en fait un vin sec. Il a des notes oxydatives prononcées mais absolument charmantes. Il crée avec le tourteau le meilleur accord de ce repas, mais surtout avec le consommé en demi-gelée. C’est un très grand vin.

La surprise suivante vient du Château Talbot Caillou blanc 1987. Jamais je ne l’aurais imaginé aussi fringant. Sa couleur jaune citron est d’une rare jeunesse. Son acidité citronnée est belle. Il est très expressif avec les coquillages alors que le Chevalier Montrachet Bouchard Père & Fils 2007 trouve un meilleur écho avec les langoustines. Le vin bourguignon est solide et opulent, mais je préfère la vivacité de cet étonnant Caillou blanc.

Le Château Léoville-Barton 1993 est conforme à ce que j’attendais. Il est solide, direct, mais manque un peu d’émotion. La troisième vive surprise vient du Château Cheval Blanc 1993 absolument époustouflant. Jamais on ne pourrait imaginer qu’un 1993 puisse avoir cette puissance. Mais c’est surtout le velouté du vin qui est impressionnant. Ce vin est une merveille d’autant plus appréciée qu’elle est inattendue. Le troisième vin marié au rouget est le Château Haut-Bailly 1978. J’attendais qu’il surclasse les deux autres mais en fait, sa discrétion polie le dessert un peu.

Le cochon de lait est absolument délicieux, et trois vins solides vont l’accompagner. Le Château Brane-Cantenac 1978 est un vin carré et charmant, très conforme à sa ligne historique. Le Château Haut-Marbuzet 1994 est un vin que j’aime beaucoup, lui aussi carré et simple à comprendre. Le Château Meyney 1970 est plaisant, Saint-Estèphe toujours au rendez-vous qui lui est donné, riche et profond.

On change de stature avec la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1997 délicieusement subtile et raffinée. Sa complexité est plus grande que celle des trois vins précédents.

Le Coteaux du Layon domaine de La Roche Moreau 1987 est un vin rafraîchissant que j’adore. C’est un vin de belle soif, aux douceurs juste esquissées, très élégantes. C’est un vin complexe très agréable.

Le Tokay Escenzia Aszu 1988 est agréable car il n’est pas trop sucré. Il paraît même assez frais. Sa trace en bouche est plaisante. Le Maury Les Vignerons de Maury 1937 est puissant, marqué de pruneaux bien dosés. C’est un solide gaillard qui défie le temps.

Avec le Cognac Otard Magnum, je savais que je ferais mouche, tant il est adoré par mes convives. Ils l’aiment tellement que de bon matin, je suis réveillé par un appel téléphonique. Ils veulent récupérer le reste du magnum pour le rapporter en Chine ! Je leur ai promis de le garder pour une prochaine rencontre.

L’ambiance rendait difficile d’organiser un vote aussi n’y aura-t-il que le mien, surtout fondé sur les belles surprises : 1 – Château Cheval Blanc 1993, 2 – Château d’Epiré Savennières 1995, 3 – Château Talbot Caillou blanc 1987, 4 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1997, 5 – Coteaux du Layon domaine de La Roche Moreau 1987.

Le point le plus remarquable de ce dîner, c’est la disponibilité et la compréhension de toute l’équipe de Michel Rostang, pour rendre possible ce dîner, en acceptant des demandes changeantes. Les plats ont été délicieux, avec une préférence pour le cochon de lait, le tourteau créant le plus bel accord. Le service a été parfait. Cette expérience assez inhabituelle m’a plu, car mes convives ont montré une grande volonté d’apprendre et de comprendre.