le petit roman du vin de Christian Millau chez Guy Savoy mardi, 28 septembre 2010

Christian Millau a commis un charmant petit livre, petit seulement par la taille, qui s’appelle « le petit roman du vin », plein d’anecdotes riches de son expérience. Son éditeur organise un déjeuner de presse au restaurant Guy Savoy. Nous sommes une trentaine autour de Christian et son épouse, amis, confrères et journalistes.


Guy Savoy a préparé un menu classique de belle facture : petits amuse-bouche / rouget barbet « rôti-farci » comme un gratin / autour du veau et des cèpes / exotique / mignardises.


Madame Catherine Péré-Vergé, propriétaire de vins prestigieux, nous fait goûter deux vins de ses domaines, qui sont élaborés par elle-même, car elle s’occupe dans le détail de faire le vin de ses propriétés, et par Michel Rolland qui la conseille en France et en Argentine.


Le Lindaflor Chardonnay Argentine 2009 a une couleur d’un jaune intense. Le nez est riche. Le vin est puissant, très travaillé et un peu monolithique. On comprend qu’il correspond à une évolution de vins modernes, faciles à comprendre et très plaisants. La vigneronne est particulièrement volontariste et dynamique, arc-boutée sur sa vision de son vin.


Son Château Le Gay 2003 me plaît beaucoup. C’est un vin moderne, fait de grains très mûrs, avec un élevage poussé, mais dont le final frais, évoquant la violette, comme son autre vin, le Château La Violette, est un véritable plaisir. Ses vins sont faits pour plaire à une clientèle internationale, mais ce pomerol de 13,5°, réussit à garder une belle âme de pomerol, élégante, au final souriant.


J’ai apporté du champagne Laurent Perrier Grand Siècle des années 60. Les trois bouteilles sont très homogènes en qualité. Les bouchons pourraient être de la fin des années 50 ou début des années 60. La couleur du champagne est d’un ambre légèrement gris. La bulle a quasiment disparu, le nez est un peu vert. C’est en bouche que tout se joue. Le pétillant est encore là, surtout sur le rouget dont la sauce réveille à la fois le pétillant et le doucereux du champagne à la persistance aromatique extrême. J’adore ces champagnes riches de saveurs qui surprennent. Ce fut un plaisir de voir que beaucoup des convives ont apprécié ce champagne évolué qui n’a plus rien à voir avec les champagnes jeunes, mais qui fait voyager dans un monde de saveurs doucereuses irisées et changeantes comme les couleurs de la nacre.


Sur le dessert comportant des copeaux de mangues fort opportuns, le Château d’Yquem 1970 que j’avais aussi apporté, très brun pour son âge encore jeune, a tout d’un grand Yquem, car sa douceur est pénétrante, et la signature d’Yquem est réussie.


Le livre de Christian Millau plait aux journalistes présents. Mes vins ont plu, sur la cuisine d’un grand chef. Que demander de plus ?


Voici la table avec le petit livre au centre



les plats de la cuisine traditionnelle de Guy Savoy



Le vin du repas



Les trois photos qui suivent sont au crédit de Le BeauKal Christian de Brosses





Bertrand de Saint Vincent a fait un compte rendu sur le Figaro "Et vous" du 2 octobre. Un plaisir de plus !



les vins, deux jours après.. vendredi, 3 septembre 2010

Il y a une suite !


Alors que je voulais me mettre à la diète totale, ma femme a invité un couple à déjeuner. Il se trouve que toutes les bouteilles du dîner n'étaient pas vides.


Suivons leur parcours : à la fin du repas, je les remets en caisse, ouvertes et debout. Arrivant à l'hôtel dans la voiture d'un ami, les caisses sont données à un concierge. Le lendemain, je repars en voiture avec les caisses dans mon coffre. Dehors, il fait 25 - 26 ° J'arrive après 2h30 de trajet et je sors les caisses que je mets dans une pièce à 22° environ. Elles restent ainsi pendant un jour environ. Je mets le reste du Krug 1982 ce matin au frais. J


e propose aux invités de boire les fonds de bouteilles, après leur avoir demandé d'accepter une offre qui n'est pas très raffinée. Mais j'ai évidemment aussi ouvert autre chose.


Le Krug 1982 a perdu beaucoup de bulle et a pris un petit coup de vieux. Mais sur du saucisson, il se réveille. Et il montre la richesse de sa structure. Le Pétrus 1976 sent bon, mais je n'en ai pas bu, réservant le peu qui restait à mon invité. Le Bouscaut 1918 est étonnamment charmant. Il est bien. On dirait qu'il n'a pas souffert d'avoir été ouvert il y a 45 heures et d'avoir été chahuté depuis. Sa solidité est bluffante. Pour le Lafite 1922, on est au niveau de la lie. On sent un peu d'acidité mais atténuée, on sent la force de la trame à côté du Bouscaut, mais le vin est nettement moins plaisant que le 1918. Le Romanée Saint-Vivant 1990 est réjouissant. Pas de défaut, pas de fatigue, et un bel équilibre bourguignon. Je le préfère presque à ce que j'ai bu lors du dîner, car il s'est épanoui. La divine surprise, c'est le Beaune Grèves Vigne de l'Enfant Jésus 1947. Le vin est glorieux. Pas le moindre défaut, comme lors du repas. La force alcoolique est là. Mais c'est surtout la plénitude en bouche qui est impressionnante. L'Yquem 1976 a un goût de fruit confit impressionnant. Il n'est pas altéré par le temps.


On a donc presque deux jours après l'ouverture et divers chahuts, la confirmation d'enseignements du dîners : la belle surprise d'un Bouscaut 1918, la déception d'un Lafite 1922 qui n'est plus ce qu'il pourrait être, la glorieuse présence du Beaune Grèves, qui justifie sa place de premier pour le consensus.


La solidité de tous ces vins après le traitement subi est à signaler.

138ème dîner de wine-dinners au Yacht Club de Monaco mercredi, 1 septembre 2010

Un participant d’un dîner récent m’avait demandé si je pouvais organiser un dîner de wine-dinners au Yacht Club de Monaco. L’idée m’avait plu et il y a un mois, je suis allé déjeuner au restaurant du Yacht Club, en vue d’étudier la cuisine et faire des suggestions pour la réalisation du dîner. N’ayant pas trouvé sur place la certitude de garder les vins à des températures conformes, c’est donc aujourd’hui seulement, jour du dîner, que j’apporte les vins au Yacht Club.


L’accueil qui m’est réservé est très chaleureux, car on sent que toute l’équipe est motivée à réaliser un exploit. La présence du Prince Albert et de sa fiancée avait été évoquée, ce qui ajoutait une motivation supplémentaire. Ce n’est qu’hier qu’une annonce a été faite de l’absence de ces hôtes princiers. Il n’empêche, tout bruisse de l’envie de gagner. Les serveurs sont zélés, les sommeliers attentifs, la direction règle tous les choix. Après un repas frugal au restaurant du rez-de-chaussée, je peux monter à l’étage où plus aucun membre du club ne déjeune, pour ouvrir les bouteilles du repas de ce soir. Comme il y a beaucoup de magnums, car nous serons seize à table, c’est dès quinze heures que les bouchons sont tirés. Certains me résistent, comme celui du Pétrus 1976 qui se brise en beaucoup de morceaux, ce qui est inhabituel pour cet âge. A l’inverse, le bouchon de l’Yquem 1976 vient trop facilement, car il tourne dès que la pointe du limonadier s’enfonce. Je pense pouvoir tirer le bouchon en le faisant tourner. Erreur, car le bouchon est si long qu’en fin de levée la lunule du bas se détache, et je la vois aspirée vers le bas par la dépression créée par l’extraction. Il me faut vite piquer une mèche fine dans la lunule pour l’empêcher de tomber. Cette opération réussit, mais j’ai eu peur que le bas du liège ne tombe et flotte, ce qui m’aurait causé beaucoup de problèmes.


Ayant apporté plusieurs magnums de secours, « pour le cas où », je bois chaque vin qui pourrait être incertain, pour envisager les remplacements qui seraient nécessaires. Le Pétrus 1976 est très fermé, le Bouscaut 1918 est assez plat, et le Lafite 1922, même s’il est un peu fatigué, m’envoie un message d’espoir. La Romanée Saint-Vivant 1990 a le temps de s’ouvrir et le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1947 est presque trop fringant pour être vrai. Il affiche une sérénité remarquable. Constatant que le Filhot 1935 est beaucoup plus puissant que ce que j’attendais, avec un nez d’une rare exubérance, je décide d’inverser l’ordre de service des deux liquoreux. Aucun remplacement n’est envisagé. Il m’est donc possible de valider les vins du repas. Le menu est immédiatement imprimé.


Un sujet autrement épineux est le plan de table. Il y a les invitants, il y a un membre du gouvernement de la Principauté, il y a des personnes qui comptent dans le ciel monégasque. Le réglage des convenances et des affinités est fait sous l’autorité de la direction du Yacht Club. Il me paraît prudent de laisser les équilibres se trouver sans que je ne m’en mêle.


Les équipes du Yacht Club se sentaient tellement concernées qu’une table a été spécialement créée pour ce repas. J’avais souhaité que la forme de la table soit celle d’un ballon de rugby, ce qui permet à chacun de voir tous les convives, alors qu’une table qui comporte des bords droits masque la vue au-delà du voisin immédiat. La table a été fabriquée selon mes désirs et montée pendant que j’ouvrais les bouteilles. Les menuisiers se sont déplacés pour vérifier les derniers montages. Je les ai vus intéressés par ma façon d’ouvrir les bouteilles.


Tout étant en ordre, je me rends à l’hôtel Métropole de Monaco où une chambre m’a été réservée. Quand on pénètre dans cet hôtel, on se sent instantanément un homme important. Si des hommes en habit vous regardent comme si vous étiez le dernier empereur de Chine, fatalement, on pense qu’on doit l’être. On s’inquiète de votre santé, de la qualité de votre voyage jusqu’ici, et une responsable de clientèle vous donne sa carte, avec l’indication d’un numéro utile pour le moindre besoin. La chambre est spacieuse. Le lecteur assidu de mes bulletins sait que je fais une fixation sur les douches. Lorsqu’il faut la compétence d’un pilote d’Airbus pour choisir le bon robinet sur un panneau complexe, je redoute, tel Saint Sébastien, d’être transpercé par des jets perfides et assassins. La douche fut bonne. Tout habillé de frais je descends rejoindre un ami. Le réceptionniste me dit : « très bien les vins que vous allez boire. Je suis allé sur votre blog, et c’est impressionnant ». Empereur de Chine, je vous dis !


Avec mon ami, je retourne au Yacht Club pour vérifier les derniers préparatifs, ajuster le speech de bienvenue, et accueillir les participants du dîner avec le Président du Yacht Club de Monaco.


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Le 138ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant du Yacht Club de Monaco. Nous somme seize, et pour attendre les arrivants le président du club nous fait servir un Champagne Moët & Chandon sans année. Les monégasques se connaissent, et l’on papote beaucoup, sans prendre beaucoup d’attention au champagne de bienvenue, très classique et sans aspérité.


Nous montons au premier étage et tout le monde contemple les bouteilles et magnums alignés, avec les assiettes contenant les bouchons dont certains sont très abîmés. Il faut beaucoup d’énergie pour qu’enfin tout le monde s’assoie, car les conversations amicales ne peuvent s’arrêter.


Les deux champagnes de début de repas ont été ouverts il y a une heure, pour qu’ils profitent d’une belle aération.


Le menu composé par le chef et son adjoint est ainsi rédigé : Pata Negra et petit palet de feuilleté tomate / Huîtres chaudes gratinées au champagne / Saint Jacques, Risotto pointes d’asperges, truffes d’été / Rougets de Roche juste cuits / Homard Breton, émulsion à la truffe / Demi coquelet braisé, girolles, sauce vin rouge / Noisettes d’Agneau en croûte de thym et petite pomme de terre / Fromage « Stilton » / Les Sablés mangue.


Le Champagne Dom Pérignon magnum 1992 est servi un peu trop froid, aussi la bulle est-elle plus envahissante qu’elle ne devrait. Lorsqu’on réchauffe le verre avec ses mains, la délicatesse de ce champagne apparaît nettement. Le champagne est meilleur que le souvenir que j’avais de ce millésime un peu discret. Le palet feuilleté, par ses notes sucrées confirmées par la tomate elle-même légèrement sucrée, donne de l’ampleur au champagne, alors que le Pata Negra exacerbe intelligemment son élégance de fleurs blanches.


Le Champagne Krug magnum 1982 est à l’antithèse du précédent. Une des convives dit que le Dom Pérignon est très féminin et que le Krug est viril. C’est vrai qu’il est conquérant. Il prend possession du palais sans qu’aucune résistance ne soit possible. Je trouve qu’il y a un peu trop d’épinards dans les huîtres, mais une convive fort experte trouve que c’est au contraire l’épinard qui propulse l’accord avec le Krug. Et cette remarque est justifiée. L’accord de l’huître avec le Krug 1982 est l’un des plus beaux de ce repas. La table s’est divisée entre les krugistes et ceux frappés de pérignonite aiguë. Chaque champagne a eu ses défenseurs, le Dom Pérignon dans sa grâce et le Krug dans sa force conquérante. A noter que seule la couleur plus foncée révélait les dix ans d’écart d’âge entre les deux champagnes, car au goût, le Krug est lui aussi d’une folle jeunesse. Je me suis rangé dans le camp des krugistes, constatant que le format en magnum, et l’aération d’une heure a fait briller les deux champagnes.


Ouvrir un Montrachet Domaine de la Romanée Conti magnum 1996 est forcément un grand moment. Car l’ouvrir est rare, et l’ouvrir en magnum est encore plus rare. Le nez de ce vin est tellement conquérant qu’il déroute ceux qui ne sont pas préparés à de tels parfums. Le vin est particulièrement grand. Et nous avons l’occasion de discuter des composantes du plat qui avantagent le Montrachet. S’agit-il du riz, de la coquille ou de la truffe ? Le risotto donne de l’ampleur au vin qui est opulent, joyeux, de fruits jaunes sucrés. La coquille Saint-Jacques délicieuse donne de la précision au vin, mettant en valeur sa forte définition et la truffe d’été un peu sèche fait ressortir les notes poivrées du vin. C’est cet accord que j’ai préféré, alors que la convive avec laquelle je discourais a préféré celui avec le risotto. Le vin est grand, à la longueur infinie, chatoyant. C’est un grand Montrachet.


On nous sert quatre demi-rougets dont la peau d’un rose éclatant brille dans l’assiette. Autour de ces filets, rien. La nudité absolue, comme je l’aime. Et c’est cette absence de diversion qui rend l’accord avec le Pétrus magnum 1976 spectaculaire. Cette audace culinaire est unanimement applaudie. Immédiatement, le vin charme par son velouté. Le nez est précis, riche, et en bouche, le velouté, le parfum de truffe nous conquièrent. Un convive adorateur de Pétrus est aux anges. Ce 1976 est nettement au dessus des 1976 que j’ai bus. Il n’y a pas que le format magnum qui contribue à cette réussite spectaculaire d’un grand Pétrus. Son velouté est exceptionnel.


Le plat de homard est accompagné de deux magnums des deux vins les plus vieux de ce dîner. Le Château du Bouscaut Grand Cru Classé de Graves magnum 1918 a une couleur assez pâle, légèrement trouble. Son parfum est délicat. En bouche, il est discret mais sympathique. S’il montre une légère acidité et de petits signes de fatigue, la chair du homard et la truffe le réveillent bien et il se boit plaisamment. Il sera d’ailleurs couronné de votes sympathiques.


En revanche, le Château Lafite-Rothschild 1er Grand Cru Classé de Pauillac magnum 1922 dont j’attendais beaucoup, car la fraîcheur mentholée de son message à l’ouverture promettait de belles saveurs, rebute beaucoup par une acidité qui prend le devant de la scène. Malgré mes suggestions d’oublier l’acidité pour appréhender ce qu’il y a au delà, l’acidité fait un barrage. Et si l’on reconnaît une trame respectable de vin riche et dense, on est loin de ce que des essais précédents de ce millésime, que j’ai bu aussi en magnums, avaient apporté. Le vin est intéressant comme curiosité, mais en moi-même, je suis assez marri de voir que la démonstration que je voulais faire n’est pas percutante. J’ai eu toutefois une compensation, car le fond de la bouteille que j’ai partagé avec la convive experte montre une richesse et une densité qui ne subissent plus du tout le poids de l’acidité. Le vin se présente, mais un peu tard, au niveau dont j’avais la mémoire.


La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1990 est servie en deux bouteilles qui proviennent d’une même caisse et portent des numéros qui se succèdent : 9701 et 9702. C’est la 9702 qui est la meilleure des deux. Les vins sont très proches. Ils sont charmeurs, bien faits, mais ce n’est pas tout à fait ce que j’attendais. J’aime le romantisme de la Romanée Saint Vivant. Sur ce millésime puissant, le vin est plus carré qu’il ne devrait l’être. Il est assez peu typé Romanée Conti. Mais c’est un grand vin, précis, chaleureux, de belle force. Le mot qui convient est : carré. Sur le délicieux coquelet, il est à son avantage.


Le Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947 est aussi servi en deux bouteilles. Ce vin est l’expression aboutie de la grandeur de l’année 1947. Le vin est sans défaut, minutieusement construit. C’est un vin rare, abouti, chaleureusement brillant. On ne lui voit pas l’ombre d’un défaut. Nous sommes tellement rassasiés que l’agneau délicieux passe en silence, alors qu’il convient idéalement au vin. Ce vin aura conquis toute la table.


C’est le Château d’Yquem, Sauternes 1976 que j’ai mis en premier des deux sauternes contrairement à mon idée première. Il accompagne un stilton assez salé. 1976 est une année très réussie pour Yquem et ce beau sauternes abricot a le charme et le goût du fruit de même couleur.


Le Château Filhot, Sauternes 1935 est beaucoup plus charpenté et puissant que les prédécesseurs de ce vin souvent bu. Sa couleur est d’un or encore plus profond que celui de l’Yquem. J’ai adoré ce vin riche d’évocations de mangues et de fruits confits nettement plus que mes convives, plus attirés par le premier sauternes au goût plus familier.


Nous sommes quinze à voter. Paradoxalement, seuls les deux champagnes n’ont aucun vote, sans doute parce que leur mémoire s’est estompée car ils ont été bus il y a près de cinq heures et peut-être aussi parce qu’ils sont plus connus de mes convives. Quatre vins ont des votes de premier, et nouveau paradoxe, le Montrachet n’en a pas. On a ainsi le Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947 qui a neuf votes de premier et trois votes de second, le Pétrus 1976 qui a quatre votes de premier et six votes de second, le Bouscaut et l’Yquem qui ont chacun un vote de premier et un vote de second et le Montrachet qui n’a pas de vote de premier, mais trois votes de second et six votes de troisième.


Le vote du consensus serait : 1 - Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947, 2 - Pétrus, Pomerol magnum 1976, 3 - Montrachet Domaine de la Romanée Conti magnum 1996, 4 - Château du Bouscaut Grand Cru Classé de Graves magnum 1918, suivi de l’Yquem 1976.


Mon vote a été : 1 - Pétrus, Pomerol magnum 1976, 2 - Montrachet Domaine de la Romanée Conti magnum 1996, 3 - Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947, 4 - Château Filhot, Sauternes 1935.


Dans ce dîner où sept décennies de vins étaient représentées, le Lafite 1922 n’a pas apporté la démonstration que je souhaitais et le Bouscaut 1918 a été l’heureuse surprise, couronné de façon fort sympathique de cinq votes dont un vote de premier. L’équipe de cuisine du Yacht Club de Monaco a fait un repas de très haute qualité, réalisant sobrement des plats avec de beaux produits à la cuisson exacte. Le service a été de grande précision. La forme de la table a contribué à ce que les échanges soient vivants. L’humeur joyeuse, amicale, souriante, bienveillante a permis que nous passions une magnifique soirée. Des vins rares ont été partagés de la plus belle façon qui soit.


Je ramasse les bouteilles vides et les vins de réserve et rentre à l’hôtel. Au milieu de la nuit, j’ai connu le même traumatisme avec le tableau de bord des lumières qu’avec la douche tout à l’heure, car pour tout éteindre, on se sent comme Charlot dans « les Temps Modernes », on appuie, on appuie, et il y a toujours une lampe qui se rallume. Après avoir lutté contre cette centrale à boutons électriques, je m’assoupis, heureux de ce grand repas. Le petit déjeuner se prend sur la terrasse du restaurant Joël Robuchon d’où l’on voit la mer à travers des palmiers. Lorsque je vais payer les quelques dépenses faites à l’hôtel, la réceptionniste me dit : « j’ai vu sur votre blog les vins que vous avez bus. C’est grand ».


C’était écrit : au Métropole, je suis empereur de Chine.

dîner wine-dinners du 1er septembre – les vins lundi, 30 août 2010

Champagne Dom Pérignon 1992 magnum



Champagne Krug 1982 magnum



Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1996 magnum



Pétrus, Pomerol 1976 magnum



Château du Bouscaut Grand Cru Classé de Graves 1918 magnum



Château Lafite-Rothschild 1er Grand Cru Classé de Pauillac 1922 magnum



Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1990 (à noter que les deux bouteilles ont des numéros qui se suivent !)



Beaune Grèves Vigne de l’enfant Jésus Bouchard Père & fils 1947 (les deux bouteilles étant de frais étiquetage, une seule a été photographiée)



Château Filhot, Sauternes 1935



Château d’Yquem, Sauternes 1976


beaux poissons chez Yvan Roux mercredi, 25 août 2010

Un ami vigneron de Vosne Romanée passe ses vacances avec sa femme et ses enfants à peu de distance de notre lieu de villégiature. Assidu de la lecture de ces bulletins, sa curiosité est excitée de découvrir la table d’hôtes d’Yvan Roux. Si l’accès est difficile, la récompense est au bout du chemin, avec une vue féerique sur la mer argentée.


Yvan est encore torse nu, préparant les futurs plats, car nous sommes en avance sur l’horaire que j’avais annoncé. Nous mettons au point l’ordre des plats en fonction des vins que j’ai apportés. L’apéritif se prend dans la magnifique cuisine que nous prenons comme comptoir, ce qui nous permet de bavarder avec Yvan et Babette pendant qu’ils organisent les entrées. Yvan tranche le Pata Negra et j’ouvre un Champagne Salon magnum 1995. Je me sers un verre et mon visage se barre d’une grimace : ce que je bois n’est pas ce que j’attends de Salon 1995. L’odeur n’est que tristesse, le vin est bouchonné. Et effectivement en bouche, on ressent un léger goût de bouchon. Je comptais sur ce vin pour honorer mon ami et son épouse, aussi suis-je contrarié. C’est l’esprit bougon que je sers ma fille, mon gendre et mes amis. Tout en croquant les fines tranches de Pata Negra « Cinco Jotas », le champagne devient légèrement plus amène, mais il reste un peu d’amertume. Ce n’est qu’au moment où nous nous asseyons à table que le Salon retrouve 100% de ses facultés. Pour en être bien sûr, je le goûte à de multiples reprises, et c’est clair qu’il est revenu à son vrai niveau, joyeux, goulu, fait de fruits jaunes et de citron. Il retrouve la belle longueur de Salon 1995. Une fois de plus, la patience est récompensée.


Le carpaccio de thon rouge au citron vert est délicieux et s’accorde bien avec le Salon. Yvan nous explique que la pêche au thon rouge est autorisée sous condition de taille du poisson et lorsque le poisson est pêché, il est bagué, et une partie de la bague est adressée à un organisme de contrôle de la pêche. Nous ne sommes donc pas des complices d’une prédation.


Des tempuras de lotte et de feuilles de sauge baignent dans un pesto suffisamment léger pour que le champagne trouve le diapason qui vibre avec la lotte.


Pour les seiches rôties au Pata Negra et piment d’Espelette, déglacées au champagne Salon, nous pouvons essayer aussi bien le champagne que le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1998. Le vin est riche, puissant, lourd, fort en alcool, mais réussit à montrer une belle élégance. Ce vin plait à ma fille qui raffole de ces vins riches. Cet Hommage d’une grande année est un vin de grand plaisir.


Le filet de rouget poêlé et safrané à l’ail confit est préparé avec les foies du poisson, et cette chair est mise en valeur de façon exemplaire. Nous nous régalons. C’est le moment d’ouvrir le Moulin des Costes Bandol 1983. Je croyais que la comparaison serait possible avec le Châteauneuf, mais le combat n’aura pas lieu. Le Bandol est légèrement torréfié, un peu cuit, sur une pente de maturité mal maîtrisée. Le vin est bon, bien sûr, mais il ne peut pas s’inscrire dans une comparaison valorisante. Le thon cru, cuit au sésame sur un coulis de poivrons aux noix a une chair fondante qui conclut bien ce festival de poissons.


Le moelleux au chocolat et son caramel au beurre salé accompagne un Maury Mas Amiel 15 ans d’âge qui doit être de 1980 environ. L’accord est merveilleux avec ce vin au goût de pruneau, de griottes, qui sait garder une belle fraîcheur sur sa douceur.


Pendant ce temps, la mer joue de son charme argenté. L’originalité du lieu, l’atmosphère amicale créée par nos hôtes, les mets délicieux et des vins aux performances variables ont créé un grand moment d’amitié.


An adorable Salon dimanche, 22 août 2010

In the South, my first daughter arrived with her man and her two daughters, 10 and 6.
In front of us, there is the semi island of Giens, where I had a house for many years;
A walk along the sea is possible, within an area which was a military possession for a long time.
When army left, the place became a State possession, with no possibility to build anything.
Some military units remain, mainly in telecommunications and sky watching.

We decided to make a walk with my daughter, my son in law and my grand daughter of ten years.
Normally, the walk can take less than two hours, with nice climbing and descending slopes. We walk along the coast, with nice landscapes.

At one moment my daughter does not want to continue and asks that we cross through the forest. Rapidly we get lost not knowing where to go, and we cross forbidden areas, with great signs saying "forbidden zones".
the walk which could have lasted two hours took four hours.

We come back home, take a necessary shower, and what do I say : "it's time for Salon".

I open a
Salon 1997 and we eat saucisson of mountain with aromatic herbs.
The Salon 1997 - at this moment - is purely white flowers, white fruits, and pure elegance.
After an "adventurous" walk, this is the most refreshing champagne that I have ever had.

And from the first drop to the last, this Salon is elegance, romanticism and delicacy.

For me, a wine cannot be separated from the circumstances of its appearance.

some wines recently drunk samedi, 21 août 2010

Here are notes about some wines recently drunk. Thiese notes give comments according to my taste, which never pretends to be universal. It is the contrary !


Champagne Louis Roederer 2003 : not bad, but not really exciting. It is refreshing, nicely built, but lacks emotion.


Montrachet Chartron et Trébuchet 1991 : already mature, with signs of evolution. It is a wine which normally should not be kept as long as 19 years, but as it is, accepting the evolution, it is a very great wine. I love the smoked aspects, which do not hide the remaining fruits. I have adored this Montrachet, not powerful, not with an extreme personality, but giving pleasure.


Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1990 : this is a « wow » wine. All in it perspires glory. Very genuinely Chateauneuf, it fills the mouth with body, charm and accomplishment. A pure pleasure.


Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1995 : there is a great similarity between the Beaucastel and the Taittinger, as the impression of full accomplishment is there. This champagne combines honey and yellow fruits. I adore this expression of champagne which is very unconventional as it is neither wine like nor romantic like. Great pleasure


Champagne Dom Pérignon in magnum 1998 : not bad, but not really inspired. It is the second day, when the bubble was softer, that I recognised what I like in Dom Pérignon, the white flowers and the romanticism.


Rimauresq Côtes de Provence 1983 : if I had to fall in love with a wine, it would be this one. It has the ripeness of the Côtes de Provence, with a fantastic maturity given by age. I adore this wine, full of qualities. Age adds to such wines a minimum of 6 Parker points (this is an image, but not far from the truth).


Champagne Krug 1995 : this is a nice champagne, but at this stage of its life, there is a certain lack of emotion. Nice, but not emotional enough.


Clos de la Roche domaine Dujac 2004 : I have even more admiration and adoration towards this wine than what I feel for the Rimauresq 1983. This is for me, what I adore in Burgundy. This wine is an elegant perfect gentleman.


Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2004 : I had ordered this wine to see how it behaves next to the Clos de la Roche for the same millesime. Alas, there was no fight. The Clos de la Roche was too perfect compared with the Rayas, which is a wine that I adore. But the charm of a CdP cannot compete with the complexity of a Burgundy of this calibre.


Champagne Salon magnum 1997 : when this wine was presented for the first time I was invited by Didier Depond to attend the ceremony. And I found it a little light. And Didier told me : “wait and see”. And I must say that at this stage of its life, this champagne performs as I like Salon : romanticism and personality. I love it for its grace, knowing that the power is not there.


Château de Selle, vin des domaines d’Ott 1999 : nice modern style wine, full of charm.


Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1985 : charming wine, all in grace, more pleasant for me than the 1990. This is said from memory and not through a comparative tasting.


Mont-Redon Châteauneuf-du-Pape 1978 : put together with the Beaucastel 1985. The two are completely different and react differently with food. I would be embarrassed to choose which one I prefer. Probably the Mont-Redon would be my favourite, due to the velvety charm and the elegant construction.


Champagne Laurent Perrier Grand Siècle in magnum having around ten years : age benefits to this champagne. Recent ones were rather uninspired, but this one is a wine that I adore : as soon as the magnum is served, it is time to open the next one ! It is what I name a “champagne de soif”, a “champagne for thirst”.


These wines were drunk during vacation. I open more easily champagnes because in hot summer, this is what is more acceptable. And the format of magnum is absolutely necessary if I want to work a little less by opening. I work twice less !


The wines of South of France are perfectly adapted to this period of time, wines of sun.


If I had to name two wines, it would be Clos de la Roche Dujac 2004 and Rimauresq 1983.

Magnifique Rimauresq dimanche, 15 août 2010

Avec ma fille et mon gendre, nous avions fêté la joie de partager l’été en allant au Petit Nice à Marseille. Le lendemain est le dernier jour, un dimanche. Qui dit dimanche dit agneau et sur le barbecue deux épaules d’agneau sont en train de rôtir. Le déjeuner se fait « forcément » à l’eau, car la veille fut redoutable. Quand on ne boit pas, l’appétit ne suit pas, aussi l’une des épaules n’est pas entamée. Le soir, c’est le dernier jour, il faut bien fêter ça. J’avais apporté dans le sud des magnums de Dom Pérignon et jusqu’ici, je n’en avais ouvert aucun. S’il fallait en ouvrir un, c’est avec mon gendre.



S’il est un vin qui est le symbole du luxe le plus pur, c’est un Dom Pérignon. Mais pas un Dom Pérignon, un magnum de Dom Pérignon. Celui que j’ouvre est un Champagne Dom Pérignon magnum 1998. Mon gendre a l’idée de faire des tempuras de lavande. Il est certain qu’un écho se fera avec le champagne. Mais la lavande est trop forte et rien ne peut l’adoucir. L’amertume finale est trop prégnante. Seule la mémoire de la lavande arrive à exciter le Dom Pérignon succulent. Ce champagne est dans la ligne des Dom Pérignon historiques. Mais à ce stade de sa vie, il joue mezzo voce. Il va se réveiller quelques fois au cours de la soirée et va confirmer son excellence, mais il est dans une phase prudente.


Ma femme fait des tempuras de rondelles d’oignon, qui conviennent parfaitement au champagne. Nous poursuivons sur de la boutargue qui excite délicieusement le Dom Pérignon qui développe ses notes florales. Ce moment est romantique, entrecoupé par la nécessité de coucher les chères têtes blondes de nos petits-enfants.



Si je suis heureux d’ouvrir un Dom Pérignon en magnum, parfait symbole du bling-bling que nous assumons sans la moindre difficulté car le champagne qui en est la cause est un grand champagne, j’ai beaucoup plus d’émotion à ouvrir une bouteille que je ne pourrai jamais plus acheter sans doute, qui est un Rimauresq, Côtes de Provence 1983, d’une année probablement définitivement introuvable.


Mon gendre a pris en main l’épaule qui sortait de ce midi du barbecue et décide de la cuire à la vapeur, sur une botte de branches de romarin. Connaissant le vin, j’ai suggéré que l’on rajoute des olives noires dans la cuisson. La chair qui apparaît dans nos assiettes est d’une tendreté sans commune mesure avec celle de l’agneau de ce midi. Elle est fondante, typée, parfumée au romarin.


Ce Rimauresq est un vin exceptionnel. Il est grand, intelligent, accompli, et montre à quel point l’âge apporte des qualités incroyables aux Côtes de Provence. Je n’ai pas peur de dire qu’ayant en tête les vins que nous avons bus au Petit Nice, ce Rimauresq passe devant le Rayas de la veille. Car il y a une finesse, et une justesse de dosage qui sont exceptionnelles dans ce vin. Et les olives noires ajoutent un supplément d’âme. Le mot qui me vient en goûtant ce vin est celui d’intelligence. Il est remarquablement fait et joue sur les notes du Côtes de Provence sans la moindre faute. C’est un plaisir de boire ce vin équilibré, jouant juste, charmeur et dosé qui résonne sur les olives de façon diabolique.


Si on me demandait de quel vin suis-je le plus fier ce soir, je dirais sans hésiter que ce n’est pas le magnum de Dom Pérignon, mais ce Rimauresq 1983 à la bouteille bourguignonne et au goût qui impose le respect.



(on voit bien la forme bourguignonne de la bouteille, changée depuis)

Beau champagne lors d’un déjeuner d’été mardi, 10 août 2010


Des amis viennent déjeuner à la maison. L’apéritif, car les bonnes habitudes se prennent vite, commence par la viande fumée et fondante de Cecina de León. J’ouvre un Champagne Salon en magnum 1997. Ce champagne est, à ce stade de sa vie, absolument délicieux. Il a la jeunesse, la fraîcheur de bonne soif, un caractère très romantique et floral combiné à une forte personnalité. Ma femme fait frire des rondelles d’oignons et des tranches d’aubergines, qui créent un accord original avec le champagne. Des loups avec de petites pommes de terre cohabitent très bien, cependant qu’un camembert Jort provoque de belles réactions du champagne, piqué au vif. Une salade de pamplemousses roses à la gelée d’Agar Agar fait ressortir le romantisme et les fruits blancs de ce beau champagne, agréable à boire en ce moment.