231ème repas impromptu dans ma cave ! vendredi, 14 décembre 2018

La présidente de la maison de champagne Krug, Marguerite Henriquez, m'envoie un message me disant qu'elle souhaite offrir un cadeau à son équipe d'œnologie. Son idée serait une visite de cave avec dégustation « spéciale ». L'utilisation du mot « spéciale » ouvre la porte à toutes les folies, aussi, sans hésiter, je lui dis oui. L'idée qui me vient ensuite, c'est de traiter cette visite comme un de mes dîners avec une particularité : dans mes dîners, les bouteilles que je choisis sont parmi les plus belles et les plus saines de ma cave. J'essaie d'exclure le risque. Comme il y aura des œnologues à qui je veux montrer mon « monde » du vin, je vais pouvoir choisir des bouteilles à risque, puisque j'ai instantanément la possibilité d'en ouvrir d'autres lorsque l'on est dans ma cave.

Ce qui m'excite aussi, c'est de pouvoir montrer que des bouteilles que presque tous les sommeliers écarteraient et refuseraient de servir possèdent des charmes inattendus. La chance sourit aux audacieux aussi s'ajoutent deux bonnes nouvelles : Olivier Krug sera de la visite, et c'est Arnaud Lallement, le chef trois étoiles de l'Assiette Champenoise, qui va fournir le piquenique du repas dans ma cave.

J'ai envie de faire un programme de folie et c'est l'occasion unique de combler une lacune. J'ai bu tous les millésimes depuis 1885 jusqu'à 2017 sauf un, le millésime 1902. L'occasion est belle de rendre cette série continue.

Les huit cadres de la maison Krug arrivent en avance avec les paniers en osier très chics d'un piquenique de compétition. La visite commence par un exposé que je fais de ma vision du vin et de ce que je souhaite faire découvrir dans un monde de vins qui n'est pas leur monde habituel. J'annonce qu'il y aura sans doute à la dégustation des vins morts, mais que cela doit faire partie du parcours. Après la visite de cave, qui permet de vérifier notamment que j'ai quelques Krug en cave (ouf), tout le monde s'installe à table. Les mets sont étalés comme en un festin, jambon en dés, saumon fumé, foie gras, pâté en croûte, fromages dont camembert et époisses, tarte aux pommes.

Nous commençons par un Champagne Krug Private Cuvée des années 50/60 qui a perdu 20% de son volume. Le choix d'une telle bouteille est volontaire. La couleur est ambrée avec un peu de gris. Il y a deux niveaux dans ce vin. A l'attaque, on ressent des amertumes qui signent l'âge, mais dès le milieu de bouche, c'est comme si le soleil se levait, le vin est rond, joyeux, d'un fruit souriant. Son finale est inextinguible. Et ce qui est passionnant c'est que très rapidement il n'a plus aucun défaut.

J'annonce que les deux premiers blancs pourraient être à jeter, car lors de l'ouverture des vins à 9 heures, ils n'étaient pas encourageants. Le Meursault Patriarche 1942 au niveau très bas et à la couleur foncée est le candidat idéal pour l'évier. A l'ouverture n'importe qui l'aurait rejeté et je m'attendais au pire. Quelle surprise de voir qu'il est rond, équilibré, discret sans doute, mais très attachant. Il est même buvable et le plus surprenant est qu'il est cohérent. L'oxygénation lente a fait son œuvre.

Le Meursault-Perrieres Mme Lochardet 1929 à la couleur plus claire et au niveau plus élevé a plus de présence et de profondeur. Il est plus strict avec une belle acidité, ce qui fait qu'on peut hésiter entre le 1942 et le 1929, entre rondeur et droiture. Les deux candidats possibles à l'évier ont montré des goûts qui intéressent les œnologues.

Le Meursault Goutte d'Or les petits fils d'Henri de l'Euthe 1945 très beau est juteux, de belle mâche. Il a un beau fruit. On dirait qu'il a trente ans, cela ne choquerait personne. Il y a de beaux rayons de soleil dans ce vin.

Pour le foie gras, j'ai envie de présenter maintenant un vin prévu plus tard, le Château Grillet 1982 qui, comme la Coulée de Serrant, fait partie des cinq grands blancs de Curnonsky. Le niveau est parfait, la couleur est claire et d'emblée, on est en face d'un vin bien construit, solide, carré. Il est assez ésotérique car on sait qu'il est grand, mais on aimerait bien savoir pourquoi. Car c'est un colosse qui ne veut pas montrer ses émotions. On l'aime parce qu'il est riche et carré mais pas parce qu'il émeut.

Le Chablis J. Faiveley 1926 crée un choc pour tout le monde. Comment est-il possible qu'un vin de 1926 qui a 92 ans puisse avoir la folle jeunesse d'un vin de vingt ans ? En plus, il est frais, léger, primesautier, prêt à toutes les folies. Alors, c'est un vrai choc. Avec ce vin on entre de plain-pied dans 'mon' monde du vin, 'mon', non pas parce qu'il m'appartient, mais parce que j'y vis.

Pour les bordeaux, je n'ai pas joué la facilité. Le Château Durfort-Vivens 1916 m'avait surpris par son nez de framboise et de groseilles à l'ouverture, exactement comme le Beychevelle 1916 de l'académie des vins anciens. Il a toujours ces intonations de framboise et groseille, qui pourraient être un marqueur de 1916. Le vin a une belle acidité, et une belle force. C'est un grand vin comme le 1895 Durfort que j'avais bu au Bern's Steak House de Tampa.

Le Château Latour 1902 est le premier vin que je bois de 1902 qui me permet d'avoir une chaîne sans discontinuité de 1885 à 2017, à laquelle s'ajoute une cinquantaine de millésimes plus anciens, mais avec des ruptures dans cette chaîne antérieure. Le nez était engageant. Quand je sers, oh surprise, le vin est dépigmenté. Le premier contact est assez aqueux. Mais, c'est la magie du vin, le Latour s'assemble, se structure. Il n'est pas vraiment typiquement Latour, mais on sent sa noblesse. C'est avec mon fils que je verrai comment se comporte le fond du vin sur-pigmenté.

Pour les bourgognes j'ai voulu faire une association sans compétition de deux vins du même climat. La Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929 au très beau niveau est un vin magnifique et opulent, serein, solide, construit avec énormément de charme. C'est un vin exceptionnel de séduction. Sa parcelle de Saint-Vivant jouxte la Romanée Conti.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 est d'un millésime faible. Aussi son parfum tonitruant est-il une grande surprise. Le nez est envoûtant et en bouche la signature du Domaine, de rose et de sel est d'une vigueur que je ne soupçonnais pas de ce vin bu plusieurs fois. Ce vin est brillantissime.

Faute de comté, c'est avec l'époisses que nous buvons le Château Chalon Jean Bourdy 1945. Ce qui frappe, c'est qu'il est tout en équilibre. La noix est discrète, le vin est dosé et accompli. Il est facile à comprendre car tout en lui est mesuré et élégant.

J'avais prévu de finir par un Yquem 1970 mais l'atmosphère est si sympathique que je me dis : soyons fou et reculons d'un siècle. Je vais chercher (et c'est l'avantage de prendre le repas dans ma cave) un Vin de Chypre 1870. Ce vin, c'est les mille et une nuits. Il explose de poivre et de réglisse mais c'est surtout un vin parfait. Alors qu'il est supposé être doux il est sec et alors qu'il est supposé être lourd, il est aérien. Sa persistance aromatique est infinie. Il aura un vote de république bananière.

Nous votons pour nos cinq préférés des douze vins. Nous sommes neuf à voter. Dix vins sur douze reçoivent un vote. Les deux exclus sont le Krug du début mais je pense que c'est par politesse que mes convives n'ont pas voté pour le vin de leur maison, et le Meursault 1929 pourtant appréciable. Il n'y a que trois vins nommés premiers car le Chypre a cannibalisé six votes de premier, le vin de la Romanée Conti a deux votes de premier et le Meursault 1945 a un vote de premier.

Le classement du consensus serait : 1 - Vin de Chypre 1870, 2 - Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 - Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929, 4 - Chablis J. Faiveley 1926, 5 - Meursault Goutte d'Or les petits fils d'Henri de l'Euthe 1945, 6 - Château Latour 1902.

Mon classement : 1 - Vin de Chypre 1870, 2 - Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 - Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929, 4 - Chablis J. Faiveley 1926, 5 - Château Grillet 1982.

J'ai énormément apprécié l'attitude d'écoute de mes convives. Ils entraient dans un monde qu'ils pratiquent peu ou pas et ont découvert que la vie d'un vin n'a pas de limite. L'ambiance de dinette à la bonne franquette, mais franquette trois étoiles quand même, a permis des conversations passionnantes. J'ai été ravi de recevoir ceux qui font un champagne que j'adore. Cette forme de repas où l'on laisse à des bouteilles à risque la possibilité de s'exprimer me plait beaucoup. Comme ce repas a pris la forme de l'un de mes dîners, ce sera le 231ème de mes repas. Merci Maggie d'avoir permis ce moment de partage et de chaude amitié.

Champagne Krug Private Cuvée années 50/60 Meursault Patriarche  1942 (le bouchon émietté est celui qui est juste devant sur la photo accompagné de la capsule blanche) Meursault-Perrieres Mme LOCHARDET 1929 le bouchon est celui qui est proche de la capsule verte, assez gras Meursault Goutte d'Or les petits fils d'Henri de l'Euthe 1945 Château Grillet 1982 (on voit que le bouchon était descendu dans le goulot) Chablis J.Faiveley 1926 Château Durfort-Vivens  1916 Château Latour 1902 Olivier Krug m'a photographié avec le Latour 1902 Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1929 (il est dit qu'il faut décanter la bouteille; Surtout pas à cet âge). Pour une fois il m'a été nécessaire d'utiliser les deux longues mèches car la première - en haut de la photo - n'a prélevé que le centre du bouchon et la seconde était nécessaire pour décoller le reste, très collé au verre) Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 Château Chalon Jean Bourdy 1945 (curieusement le bouchon parait attaqué par des vers) Vin de Chypre 1870 (comme souvent avec ces liquoreux du 19ème siècle, le bouchon a le bas très incliné. Pourquoi, je ne sais pas) tous les bouchons les vins dans ma cave dans le programme initial avec Yquem 1970 les bouteilles vides dans ma cave avec le Chypre 1870 les paniers piquenique très chics d'Arnaud Lallement la table vue du fond de la salle aux bouteilles vides la table où nous avons déjeuné

230th dinner in Château d’Yquem lunch and dinner samedi, 1 décembre 2018

At the Château d'Yquem, one of the greatest dinners with exceptional wines

The dinner will be held at the Château d'Yquem, with my wines. I came to deliver them two months ago and I worked to build the menu with the chef of the castle Olivier Brulard best worker of France (MOF) 1996 who worked during his career especially with Michel Guérard.

The day of the dinner, at noon we present ourselves to the castle. Valérie, the precious collaborator of the president of Yquem who assisted Alexandre de Lur Saluces and now Pierre Lurton will be present at the traditional lunch preceding my dinners in this place, while Sandrine Garbay and Francis Mayeur, the two who make Yquem and attended the previous lunches before my dinners will not be there, held back by other obligations. We will be four to test dinner dishes, two American friends, Valerie and me.

I brought a Maury of Vignerons de Maury 1929 which can accompany the dishes that we will test but will not serve as a witness, because it is very different wines that will be on the dishes tonight. The first dish that we try is the lobster cooked gently on the salt pan with pretty scales of truffles. The dish is delicious. The chervil in fine leaves refreshes well the dish as well as the leaves of chard but it is necessary to remove the heart of chard too abundant and bitter and to keep only tiny stamps of this vegetable. We drink a 'Y' Yquem 2016 very green and a little too dry, which will expand during the rest of the meal. The Maury is very suitable for lobster and creates a nice deal because this 16 ° wine has a lot of freshness. He has aged in demi-muids for more than sixty years which gave him a beautiful fluidity and a great delicacy. The dish will accompany two montrachets, one of the domain of Romanée Conti and one of Ramonet. Olivier agrees to make a smaller dish, more airy and less salty. We understand each other well.

We then try the foie gras. In the menu it is planned: Mr. Dupérier's foie gras, lightly smoked and then poached, with salt and pepper. The plate includes foie gras in two ways, poached and smoked. It seems to me at once that the smoked will not be useful, because Lafite 1878 will not accept it. We must also remove the pine nuts planted in the livers. It turns out that Olivier who prepared the livers will not be able to put two slices of poached per person so the solution we adopt is that the smoked foie gras be served as a second course for the Burgundies, after the pigeon, and the foie gras poché will be as planned for the Lafite. We drink Chateau d'Yquem 2016, wonderful in its crazy youth because it has the candor and rosy cheeks of a baby. And that goes well with the livers. The Maury also finds its place with the non-smoked liver. The 2016 Yquem will be big, a Yquem cooler than powerful.

Usually in my dinners there is only one blue cheese for sauternes. But by dint of arguing with Olivier, we are going to have five blue cheeses: three English, stilton, stichelton, shropshire, and two French blues, the Régalis composition of Dominique Bouchait, a cheese MOF, and a fourme also of its composition. It is up to me to decide the order of service of these five cheeses which will be presented on individual plates what I do with good heart by checking that both the Yquem 2016 and the Maury 1929 feast on these cheeses. Stilton and Stichelton are my two favorite

The dessert is an 18-carat crunch of mango picked ripe with passion fruit juice. I have a little trouble with the lump of the crisp, the laminated breaks in the mouth, but as my lovely guests are accommodated, we will not touch this traditional recipe of Landes will be perfect for the three Sauternes of 1937 , 1917 and 1891.

We make the debriefing with Olivier Brulard. I change the size of the knives to cut the lobster, I exclude the breads for the plate of cheese, I determine the position of the glasses on table, because we will have fourteen glasses who will remain on the spot, I give the instructions of service of the wine compared to the dishes. Everything seems on track. This evening Olivier will be assisted by the Cheval Blanc chef to take advantage of this experience.

After a walk and a tiny nap, I'm ready for the opening of the wines. Valerie has reinforced the usual kitchen team of the castle and there will be a sommelier for the service of the wines, who assists in addition to my American friends at this ceremony. I open the wines in the order of service. The Domaine de la Romanée Conti 1997 Montrachet has a fragrance of rare generosity. He is fat and happy. The Montrachet Domaine Ramonet 1978 scares me. I dread a possible taste of cap, despite the fact that the cap does not smell cap. The sommelier does not smell anything. Hopefully everything is going well. The perfume of the Cheval Blanc 1945 is imperial and glorious. Phew! Because I would have been embarrassed if the wine that runs Pierre Lurton was not up to par.

The Mouton Rothschild 1928 has a scent that seems to me of rare delicacy. For now, that's fine.

The Mazy Chambertin Armand Rousseau 1966 has a devilish scent. It is all the earthly and laborious Burgundy that explodes in my nostrils. Conversely, the La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 has a noble and distinguished perfume while restraint. It was going well for Bordeaux, it goes well for Burgundy. As Laetitia, Napoleon's mother, said, "let us hope that it will go on that way".

The Lafite-Rothschild 1878 has a miraculous fragrance. The bottle was reconditioned at the castle in 1990. The wine has a very clear ruby ​​color. The wine looks sweet. There too, I push a "phew" of satisfaction. The Sigalas Rabaud 1917 is a huge surprise because its perfume (I do not taste any wine, I feel it only) plays in the big leagues. It will match the thundering scent of Yquem 1937, which comes from Yquem's cellar and has never moved, and with the fragrance of a confusing subtlety of Yquem 1891. And the last piece of cake, like Liz Taylor being Cleopatra, it is the unmistakable perfume of the Malaga 1872, concentrated with the fragrances of the Arabian Nights.

The opening operation lasted an hour and a half because I fought with many corks which did not want to go out. And I had a fright that gave me sweats, it is with the cap of the Yquem 1891 which, as soon as I cut the capsule went down in the neck and would have plunged in the liquid if I had not been able to grip it by manipulating it with extreme gentleness since every attempt to poke the cork made it go down.

Exhausted by these 90 minutes of permanent tension I go back to my room to prepare because the festivities begin in half an hour. Under my shower I have the smug smile of the idiot of the village, I am 'Lou delighted' because I know that my wines will be at the rendezvous.

The rendezvous of the dinner is at 6 pm in the oldest living room of the Château d'Yquem. We will be twelve at table, received by Pierre Lurton, president of Yquem and Cheval Blanc. Our assembly of eight men and four women is very cosmopolitan with three Americans from three different cities, Charlotte, Boston and San Francisco, a French living in New York, a French living in Singapore with his Japanese-born wife, two Chinese living in Oxford, an Italian, a German and me. Six participants were at some of my greatest dinners. Four guests participate for the first time. We introduce ourselves and Pierre Lurton joins us to welcome us. He makes us visit the cellars and quickly gives explanations on the botrytis, the harvest and the aging of Yquem. We then go to the beautiful tasting room to taste three young Yquem. Their colors are very close and very clear, the 2001 being slightly more amber.

Pierre Lurton says he prefers the Château d'Yquem 2015 that we drink to the 2016. I agree with him for the future because the 2015 is powerful and rich. But for the immediate pleasure I prefer the 2016 drunk at lunch, more fluid, more delicate, while the 2015 is very marked by a strong sugar.

Château d'Yquem 2009 is a marvel of balance. He has everything for him. It evokes me gladly the 1893 which is probably the most balanced of all the Yquem. This 2009 is the joy of living.

The Château d'Yquem 2001 is a punch in my heart. This 2001 is a conquering Yquem warrior and in my imagination, while I never drank the 1847, the most famous Yquem with 1811, I imagine the 2001 is as big and legendary as the 1847. This Yquem has everything for him.

After this quick tasting commented by Pierre Lurton always so truculent, we go to the large antique lounge for aperitif. I opened all the wines but I did not open any champagne. So for me this is a big unknown, because if we start with a tired champagne, it can change the atmosphere of dinner. I pray the sky and the sommelier pours me the first glass of the Champagne Louis Roederer 1928. The color is almost pink. There is no bubble but in the mouth I feel the sparkling and, phew, the champagne is of exemplary purity. It is precise, does not have a gram of defect and its taste is charming, intense, deep. It is an immense champagne of 1928. It leaves in the mouth a strong trace made of beautiful red fruits.

Champagne Dom Pérignon 1959 is open and if the pschitt is weak, the bubble is more visible and the color is lighter. It's obviously a big Dom Pérignon, vinous, active and present, but I admit that I have a soft spot for the more complex Louis Roederer. Small canapés are delicate.

We sit at the table in the very pretty dining room of the castle. The menu designed by Olivier Brulard, chef of the castle and developed with me is: appetizers to enjoy with fingertips / langoustines "blue" with fresh water grapefruit, Royal caviar in dress field / cooked lobster gently in the saltire, pretty scales of truffles first / line bar in autumn coat / squab "Great Tradition" / foie gras M. Dupérier slightly smoked / poached foie gras, with croque-au-sel / selected cheeses and refined by Dominique Bouchait MOF / Crisp "18 Carats" of mango picked ripe with passion / financial juice from a mouthful of licorice.

The Champagne Charles Heidsieck 1955 is like the two previous ones of a purity and a remarkable precision. My guests wonder how it is possible to have three champagnes as old, so at risk, which are so perfect. The 1955 is racy, long, with a strong personality that will find with the lobster and grapefruit water jelly an agreement that is probably the best of the meal with the one that we will have on a poached foie gras. The presentation of the dish is of a remarkable aesthetic. The champagne vibrates with the flesh of the langoustine served fresh but even more with the water of grapefruit. And the end point is given by the caviar highlighted by a sweet potato that gives a boost to the champagne. Of the three champagnes, it is the Dom Pérignon which made its age that is to say a beautiful maturity, while the other two because of their intensity have no age.

On lobster we have two montrachets. The Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997 has the glorious nose of the estate's Montrachet. Theoretically it is not a very powerful year, but in practice it is flamboyant and very broad. He is not as fat as others who are more powerful, but he is joyfully thick and intense.

The Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1978 is very different. First of all, he does not have the slightest trace of a cork that I feared. I was scared for nothing. If the 1997 is an extreme width, giving a joyful mouth, the 1978 is all in depth and refinement. To prefer one or the other is not easy. The Italian friend prefers the Ramonet which is of an ideal presentation and has no age. The Ramonet is very racy, the Conti is very gourmand. I would say that for the perfect lobster and generously truffled, it is the 1997 Conti that is the most rewarding. But the nobility of Ramonet is extreme.

The mushroom line bar is accompanied by two great Bordeaux and many guests will admire the relevance of an agreement they would not have imagined. Château Cheval Blanc Fourcaud Laussac 1945 has a truffle nose of extreme power and on the palate, it is generous, powerful, concentrated, square, glorious and so good that one would be ready to place it over the most legendary 1947 Cheval Blanc which more more atypical. This truffled wine is a splendor and I am happy to have put it in the presence of the one who runs the Cheval Blanc castle. The wine has such a balance that it seems indestructible and built for eternity.

Beside him, the Château Mouton Rothschild 1928 is an exceptional Mouton, full of charm and enigmas. He is elusive. I am totally under his spell. The Cheval Blanc is masculine, solid warrior while the Mouton is feminine, all in charm. And what's good is that the two wines do not harm each other, on the contrary, we go from one to the other by developing our pleasure. We drink two huge wines and I did not expect Mouton 1928 to be so complex and brilliant.

The pigeon accompanies two Burgundy wines, and here again, as for the Montrachets and the Bordeaux wines, two very different wines. The Mazy Chambertin Grand Cru Domaine Armand Rousseau 1966 has a diabolical nose to wake the dead. This is the affirmation of Burgundy the most earthly, hardworking, feet in the clay. It is a Burgundy that takes the guts and in the mouth we have a wine of pleasure, nature, diabolically attractive.

Beside, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 is carrying the subtlety of the domaine of Romanée Conti. We are in elegance. The pigeon speaks a lot more with Mazy Chambertin. While the smoked foie gras that is served after converse elegantly with La Tâche. I have a soft spot for the most 'commoner' of the two.

Château Lafite-Rothschild 1878 is like the 1955 Charles Heidsieck alone on a dish, on poached foie gras. This wine was reconditioned at the château in 1990 with the marks attesting to this operation. The wine has a beautiful color very young. The nose is intense. It is incredible finesse, nobility and accomplishment. It seems so natural. I spoke discreetly with Pierre Lurton, who agrees with me, the age feels with a slightly meaty taste probably latent and arisen during refilling, which signs the authenticity of the wine and does not harm the pleasure to the point that this wine will be the only one to appear on the twelve voting sheets, devoting its first place to the wines of the meal. The accord with the foie gras is magical and the sweetness highlights all the subtleties of the wine. We had at a previous dinner a superb Lafite 1898. This one is at least the same level, maybe a little more romantic and delicate. It is a 140 year old anthology.

At this stage we wonder how we will be able to prioritize wines as different and all perfect. It is now the moment of the three Sauternes served at the same time. From left to right we have Château Sigalas Rabaud 1917, Château d'Yquem 1937, Château d'Yquem 1891. The colors of the two extremes are almost identical, of a very dark mahogany, and the 1937 is amber but lighter than the two others. These three wines will have two services, the five cheeses then the dessert.

The Château Sigalas Rabaud 1917 is a huge surprise because it is at the top of the elite tastes of Sauternes. It is deep, rich, with notes of caramel or candied banana, but it is especially his race that is beautiful. He will be voted once as first and he deserves it.

The Château d'Yquem 1937 is a conquering warrior. It's the glorious, juicy, happy Yquem, it's Marlon Brando in his youth. Because this Yquem is very young, and will live many decades more.

The Château d'Yquem 1891 is of infinite complexity. I fall under his spell because he is so subtle, evocative, intriguing. His journey in the mouth is multifaceted. He has the charm, the seduction then the enigma, the subtlety, the same plot. We never go around. I am fascinated by its complexity because it is not a powerful Yquem, it is a Yquem of meditation. The cheeses have done well with the three sauternes and the agreement with the mango dessert is so natural that we enjoy it without question, because it's perfect.

Now comes the judicious financiers cakes on Malaga 1872 whose handwritten label bears only these mentions. I swoon. Because its exotic, unreal flavors are unimaginable. We are transported to a planet of lust. Everything is powerful but so delicate. The length is infinite. We are in paradise. And what makes it magical is that there are totally unfamiliar tastes.

Joe, a faithful friend present at Veuve Clicquot dinner and at the 200th dinner, tells me that never in his life did he have a dinner of this quality. He is thrilled and I admit that I did not expect that all the wines of the dinner cannot be the object of any criticism. They are at the top of what they can bring. How to vote in these conditions, many tell me but it is the rule to vote.

We are twelve to vote for the five favorite wines on fourteen wines. Thirteen wines appear in the votes which confirms the excellence of all. If the Charles Heidsieck is not in the votes it is not because of its quality which is extreme, it is that at the end of the meal, the memory fades on the wines of the beginning.

What delights me even more is that eight wines were deemed worthy of being first. Unbelievable ! Four wines were judged first twice and four wines were judged first once. The doubles first are: Lafite 1878, Yquem 1937, Yquem 1891 and Malaga 1872. The four first-time votes are: Cheval Blanc 1945, Mouton 1928, Mazy Chambertin 1966 and Sigalas Rabaud 1917. Sometimes people say that I influence the votes. If eight wines are named first, my influence is very small.

The consensus ranking would be: 1 - Château Lafite-Rothschild 1878, 2 - Château d'Yquem 1891, 3 - Château Mouton Rothschild 1928, 4 - Château Cheval Blanc 1945, 5 - Château d'Yquem 1937, 6 - Malaga 1872.

My classification is: 1 - Malaga 1872, 2 - Château d'Yquem 1891, 3 - Château Lafite-Rothschild 1878, 4 - Château Cheval Blanc Fourcaud Laussac 1945, 5 - Champagne Louis Roederer 1928.

In a dinner where there are two excellent wines from the Domaine of Romanée Conti, note that neither of the two is among the top six, this indicates the level of others. One reason is that we have crowned the very old wines since the average age of the six classified wines is 110 years old. This explains that.

What about this dinner otherwise than everything was perfect. The wines made a no-fault that impressed the guests. Food and wine pairings, even daring, were perfect. The place where the dinner was held is magical and Pierre Lurton welcomed us with friendship. It's probably one of the three best dinners I've had, if not the biggest one. The atmosphere of friendship that has developed between the guests makes it a rare dinner.

(see pictures in the two following articles, one for the dinner and one for the lunch)

230ème dîner de wine-dinners au château d’Yquem samedi, 1 décembre 2018

Le rendez-vous du 230ème dîner de wine-dinners est à 18 heures dans le salon le plus ancien du château d'Yquem. Nous serons douze à table, reçus par Pierre Lurton, président d'Yquem et de Cheval Blanc. Notre assemblée de huit hommes et quatre femmes est très cosmopolite avec trois américains de trois villes différentes, Charlotte, Boston et San Francisco, un français vivant à New York, un français vivant à Singapour avec sa femme d'origine japonaise, deux chinois vivant à Oxford, un italien, un allemand et moi. Trois participants étaient au 200ème dîner, trois participants étaient au dîner au siège de Veuve Clicquot. Les deux américaines et les deux chinois ont participé à de très nombreux dîners. Cinq convives participent pour la première fois. Nous nous présentons et Pierre Lurton nous rejoint pour nous souhaiter la bienvenue. Il nous fait visiter les chais et donne rapidement des explications sur le botrytis, la récolte et le vieillissement d'Yquem. Nous allons ensuite dans la jolie salle de dégustation pour goûter trois jeunes Yquem. Leurs couleurs sont très proches et très claires, le 2001 étant à peine plus ambré.

Pierre Lurton dit qu'il préfère le Château d'Yquem 2015 que nous buvons au 2016. Je suis d'accord avec lui pour le futur car le 2015 est puissant et riche. Mais pour le plaisir immédiat je préfère le 2016 bu ce midi, plus fluide, plus délicat, alors que le 2015 est très marqué par un sucre fort.

Le Château d'Yquem 2009 est une petite merveille d'équilibre. Il a tout pour lui. Il m'évoque volontiers le 1893 qui est probablement le plus équilibré de tous les Yquem. Ce 2009 c'est la joie de vivre.

Le Château d'Yquem 2001 est un coup de poing dans mon cœur. Ce 2001 est un Yquem guerrier conquérant et dans mon imaginaire, alors que je n'ai jamais bu le 1847, l'Yquem le plus célèbre avec 1811, je me représente le 2001 comme aussi grand et légendaire que le 1847. Cet Yquem a tout pour lui.

Après cette rapide dégustation commentée par Pierre Lurton toujours aussi truculent, nous nous rendons dans le grand salon antique pour l'apéritif. J'ai ouvert tous les vins mais je n'ai ouvert aucun champagne. Aussi est-ce pour moi une grande inconnue, car si nous commençons par un champagne fatigué, cela peut changer l'atmosphère du dîner. Je prie le ciel et le sommelier me verse le premier verre du Champagne Louis Roederer 1928. La couleur est quasiment rose. Il n'y a aucune bulle mais en bouche je ressens le pétillant et, ouf, le champagne est d'une pureté exemplaire. Il est précis, n'a pas un gramme de défaut et son goût est charmant, intense, profond. C'est un immense champagne de 1928. Il laisse en bouche une trace forte faite de beaux fruits rouges.

Le Champagne Dom Pérignon 1959 est ouvert et si le pschitt est faible, la bulle est plus visible et la couleur est plus claire. C'est manifestement un grand Dom Pérignon, vineux, actif et présent, mais j'avoue que j'ai un petit faible pour le Louis Roederer plus complexe. Les petits canapés sont délicats.

Nous passons à table dans la très jolie salle à manger du château. Le menu conçu par Olivier Brulard, chef du château et mis au point avec moi est : amuse-bouches à déguster du bout des doigts / langoustines « au bleu » à l'eau fraîche de pamplemousse, caviar Royal en robe des champs / homard cuisiné doucement au sautoir, jolies écailles de truffes primeur / bar de ligne en habit d'automne / pigeonneau en bécasse « Grande Tradition » / foie gras de M. Dupérier légèrement fumé / foie gras poché, à la croque-au-sel / fromages sélectionnés et affinés par Dominique Bouchait M.O.F. / Croustade « 18 Carats » de mangue cueillie bien mûre au jus de passion / financiers d'une bouchée à la réglisse.

Le Champagne Charles Heidsieck 1955 est comme les deux précédents d'une pureté et d'une précision remarquables. Mes convives se demandent comment il est possible d'avoir trois champagnes aussi anciens, donc à risque, qui se présentent aussi parfaits. Le 1955 est racé, long, avec une personnalité affirmée qui va trouver avec la langoustine et sa gelée d'eau de pamplemousse un accord qui est probablement le plus beau du repas avec celui que l'on aura sur un foie gras poché. La présentation du plat est d'une esthétique remarquable. Le champagne vibre avec la chair de la langoustine servie fraîche mais encore plus avec l'eau de pamplemousse. Et le point final est donné par le caviar mis en valeur par une douce pomme de terre qui donne un coup de fouet au champagne. Des trois champagnes, c'est le Dom Pérignon qui faisait son âge c'est-à-dire une belle maturité, tandis que les deux autres du fait de leur intensité n'ont pas d'âge.

Sur le homard nous avons deux montrachets. Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997 a le nez glorieux du montrachet du domaine. Théoriquement il n'est pas d'une année très puissante, mais en pratique il est flamboyant et très large. Gouleyant il n'est pas gras comme d'autres plus puissants mais il est joyeusement épais et intense.

Le Montrachet  Grand Cru Domaine Ramonet 1978 est très différent. Tout d'abord il n'a pas la moindre trace de bouchon que je redoutais. Je m'étais fait peur pour rien. Si le 1997 est d'une largeur extrême, donnant une bouche joyeuse, le 1978 est tout en profondeur et en raffinement. Préférer l'un ou l'autre n'est pas facile. L'ami italien préfère le Ramonet qui est d'une présentation idéale et n'a pas d'âge. Le Ramonet est très racé, le Conti est très gourmand. Je dirais que pour le homard parfait et généreusement truffé, c'est le Conti 1997 qui est le plus gratifiant. Mais la noblesse du Ramonet est extrême.

Le bar de ligne aux champignons est accompagné de deux grands bordeaux et beaucoup de convives vont être admiratifs de la pertinence d'un accord qu'ils n'auraient pas imaginé. Le Château Cheval Blanc Fourcaud Laussac 1945 a un nez de truffe d'une puissance extrême et en bouche, il est généreux, puissant, concentré, carré, glorieux et tellement bon qu'on serait prêt à le placer au-dessus du 1947 plus légendaire et plus atypique. Ce vin truffé est une splendeur et je suis heureux d'avoir pu le mettre en présence de celui qui dirige le château Cheval Blanc. Le vin a un tel équilibre qu'il semble indestructible et bâti pour l'éternité.

A côté de lui le Château Mouton Rothschild 1928 est un Mouton exceptionnel, tout en charme et en énigmes. Il est insaisissable. Je suis totalement sous son charme. Le Cheval Blanc est masculin, solide guerrier alors que le Mouton est féminin, tout en charme. Et ce qui est bien, c'est que les deux vins ne se nuisent pas, au contraire, on passe de l'un à l'autre en développant son plaisir. Nous buvons deux immenses bordeaux et je ne m'attendais pas à ce que Mouton 1928 soit aussi complexe et brillant.

Le pigeon accompagne deux bourgognes, et là aussi on a comme pour les montrachets et les bordeaux deux vins très différents. Le Mazy Chambertin Grand Cru Domaine Armand Rousseau 1966 a un nez diabolique à réveiller les morts. C'est l'affirmation de la Bourgogne la plus terrienne, travailleuse, les pieds dans la glaise. C'est une Bourgogne qui prend aux tripes et en bouche on a un vin de plaisir, nature, diaboliquement séduisant.

A côté, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 est porteuse de la subtilité du domaine de la Romanée Conti. On est dans l'élégance. Le pigeon parle beaucoup plus avec le Mazy Chambertin. Alors que le foie gras fumé qui est servi après converse élégamment avec La Tâche. J'ai un petit faible pour le plus roturier des deux.

Le Château Lafite-Rothschild 1878 est comme le Charles Heidsieck 1955 seul sur un plat, sur le foie gras poché. Ce vin a été reconditionné au château en 1990 avec les marques qui attestent de cette opération. Le vin a une belle couleur très jeune. Le nez est intense. Il est incroyable de finesse, de noblesse et d'accomplissement. Il paraît si naturel. J'en ai parlé discrètement avec Pierre Lurton, qui est d'accord avec moi, l'âge se sent avec un léger goût viandeux probablement latent et surgi lors du rebouchage, ce qui signe l'authenticité du vin et ne nuit pas au plaisir au point que ce vin sera le seul à figurer sur les douze feuilles de vote, consacrant sa première place des vins du repas. L'accord avec le foie gras est magique et la douceur met en valeur toutes les subtilités du vin. Nous avions eu au 200ème dîner un Lafite 1898 superbe. Celui-ci est au moins au même niveau, peut-être un peu plus romantique et délicat. C'est un vin d'anthologie de 140 ans.

A ce stade nous nous demandons comment nous allons pouvoir hiérarchiser des vins aussi différents et tous parfaits. C'est maintenant le moment des trois sauternes servis en même temps. De gauche à droite nous avons Château Sigalas Rabaud 1917, Château d'Yquem 1937, Château d'Yquem 1891. Les couleurs des deux extrêmes sont quasiment identiques, d'un acajou très foncé, et le 1937 est ambré mais plus clair que les deux autres. Ces trois vins auront deux services, les cinq fromages puis le dessert.

Le Château Sigalas Rabaud 1917 est une immense surprise car il se situe tout en haut de l'élite des goûts de sauternes. Il est profond, riche, avec de notes de caramel ou de banane confite, mais c'est surtout sa race qui est belle. Il sera voté une fois comme premier et il le mérite.

Le Château d'Yquem 1937 est un guerrier conquérant. C'est l'Yquem glorieux, juteux, joyeux, c'est Marlon Brando dans sa jeunesse. Car cet Yquem est très jeune, et tiendra des décennies.

Le Château d'Yquem 1891 est d'une complexité infinie. Je tombe sous son charme, car il est tellement subtil, évocateur, intrigant. Son parcours en bouche est à multiples facettes. Il a le charme, la séduction puis l'énigme, la subtilité, l'intrigue même. On n'en fait jamais le tour. Je suis conquis par sa complexité car ce n'est pas un Yquem puissant, c'est un Yquem de méditation. Les fromages se sont bien comportés avec les trois sauternes et l'accord avec le dessert à la mangue est tellement naturel qu'on en jouit sans se poser de question, car c'est parfait.

Vient maintenant sur de judicieux financiers le Malaga 1872 dont l'étiquette manuscrite ne porte que ces seules mentions. Je me pâme. Car ses saveurs exotiques, irréelles sont inimaginables. On est transporté sur une planète de luxure. Tout est puissant mais tellement délicat. La longueur est infinie. On est au paradis. Et ce qui le rend magique c'est que ce sont des goûts totalement non familiers.

Joe, fidèle ami présent à Veuve Clicquot et au 200ème dîner me dit que jamais de sa vie il n'a eu un dîner de cette dimension. Il est aux anges et j'avoue que je ne m'attendais pas à ce que tous les vins du dîner ne puissent faire l'objet d'aucune critique. Ils sont au sommet de ce qu'ils peuvent apporter. Comment pouvoir voter dans ces conditions, beaucoup me le disent mais c'est la règle il faut voter.

Nous sommes douze à voter pour les cinq vins préférés sur quatorze vins. Treize vins figurent dans les votes ce qui confirme bien l'excellence de tous. Si le Charles Heidsieck n'est pas dans les votes ce n'est pas à cause de sa qualité qui est extrême, c'est qu'à la fin du repas, la mémoire s'estompe sur les vins du début.

Ce qui me ravit encore plus, c'est que huit vins ont été jugés dignes d'être premiers. Incroyable ! Quatre vins ont été jugés premiers deux fois et quatre vins ont été jugés premiers une fois. Les doubles premiers sont : Lafite 1878, Yquem 1937, Yquem 1891 et Malaga 1872. Les quatre votés une fois premiers sont : Cheval Blanc 1945, Mouton 1928, Mazy Chambertin 1966 et Sigalas Rabaud 1917.

Le classement du consensus serait : 1 - Château Lafite-Rothschild 1878, 2 - Château d'Yquem 1891, 3 - Château Mouton Rothschild 1928, 4 - Château Cheval Blanc 1945, 5 - Château d'Yquem 1937, 6 - Malaga 1872.

Mon classement est : 1 - Malaga 1872, 2 - Château d'Yquem 1891, 3 - Château Lafite-Rothschild 1878, 4 - Château Cheval Blanc Fourcaud Laussac 1945, 5 - Champagne Louis Roederer 1928.

Dans un dîner où il y a deux vins excellents du domaine de la Romanée Conti, constater qu'aucun des deux ne figure parmi les six premiers, cela indique le niveau des autres. Un raison est que l'on a couronné les vins très anciens puisque l'âge moyen des six vins classés est de 110 ans. Ceci explique cela.

Que dire de ce dîner sinon que tout fut parfait. Les vins ont fait un sans-faute qui a impressionné les convives. Les accords mets et vins, même osés, furent parfaits. Le lieu où s'est tenu le dîner est magique et Pierre Lurton nous a accueillis avec amitié. C'est probablement l'un des trois plus grands dîners que j'ai organisés, sinon le plus grand. L'atmosphère d'amitié qui s'est créée entre les convives en fait un dîner rare.


Alignement des vins dans ma cave. Le Louis Roederer et le Lafite ne sont pas à la place finalement choisie les bouteilles au château dans l'ordre de service Sigalas Rabaud 1917 sans étiquette à la splendide couleur et au niveau magnifique je suis surpris de la capsule du Yquem 1937 provenant de la cave du château les coulures sur la capsule de l'Yquem 1891 doivent provenir d'une bouteille qui était pacée au dessus de celle-ci et non pas de la bouteille elle-même trois bouchons : le 1937, le Malaga 1872 et l'Yquem 1891 tous les bouchons mes outils visite des chais salle de dégustation à la jolie décoration et des Yquem jeunes ! le repas la couleur des trois sauternes : 1917, 1937, 1891 les vins bus la table en fin de repas

Déjeuner au château d’Yquem et ouverture des vins du 230ème dîner samedi, 1 décembre 2018

Après une nuit de repos à l'hôtel Lalique, j'ouvre les volets sur un jour ensoleillé. La journée commence bien. Je marche un peu avant le petit-déjeuner et je vois un vigneron qui dirige deux chevaux, un blanc et un marron, qui tirent un soc de sa fabrication qui permet, selon ses dires, de diviser par deux le nombre de passes dans les rangées de vignes du château Lafaurie-Peyraguey. Je prends le petit-déjeuner avec mes deux amies américaines qui vont déjeuner avec moi au château d'Yquem.

A midi nous nous présentons au château. Valérie, la collaboratrice précieuse du président d'Yquem qui assistait Alexandre de Lur Saluces et maintenant Pierre Lurton sera présente au déjeuner traditionnel qui précède mes dîners en ce lieu, alors que Sandrine Garbay et Francis Mayeur, qui font Yquem et ont assisté aux précédents repas ne seront pas là, retenus par d'autres obligations. Nous serons donc quatre à tester des plats du dîner que j'ai mis au point sur le papier il y a deux mois avec Olivier Brulard, le chef du château, meilleur ouvrier de France (MOF) 1996 qui a fait ses armes notamment avec Michel Guérard.

J'ai apporté un Maury des Vignerons de Maury 1929 qui peut accompagner les plats que nous allons tester mais ne servira pas de témoin, car ce sont des vins bien différents qui seront bus sur les plats ce soir. Le premier plat que nous essayons est le homard cuisiné doucement au sautoir avec de jolies écailles de truffes primeur. Le plat est délicieux. Le cerfeuil en fines feuilles rafraîchit bien le plat ainsi que les feuilles de blettes mais il faut enlever le cœur de blette trop abondant et amer et n'en conserver que des timbres postes. Nous buvons un 'Y' d'Yquem 2016 très vert et un peu trop sec, qui va s'élargir dans la suite du repas. Le Maury est très adapté au homard et crée un bel accord car ce vin qui titre 16° a beaucoup de fraîcheur. Il a vieilli en demi-muids pendant plus de soixante ans ce qui lui a donné une belle fluidité et une grande délicatesse. Le plat accompagnera deux montrachets, un du domaine de la Romanée Conti et un de Ramonet. Olivier est d'accord de faire un plat moins réduit, plus aérien et moins salé. Nous nous comprenons bien.

Nous essayons ensuite le foie gras. Dans le menu il est prévu : foie gras de M. Dupérier légèrement fumé puis poché, à la croque-au-sel. L'assiette comporte les foies gras en deux façons, poché et fumé. Il m'apparaît tout de suite qu'il ne faudra pas de fumé, Car le Lafite 1878 ne l'acceptera pas. Il faut aussi enlever les pignons de pin plantés dans les foies. Il se trouve qu'Olivier qui a préparé les foies ne pourra pas mettre deux tranches de poché par personne aussi la solution que nous adoptons est que les foies gras fumés soient servis en deuxième plat pour les bourgognes, après le pigeon, et le foie gras poché sera comme prévu pour le Lafite. Nous buvons le Château d'Yquem 2016, merveilleux dans sa jeunesse folle car il a la candeur et les joues roses d'un bébé. Et cela va bien avec les foies. Le Maury aussi trouve sa place avec le foie non fumé. L'Yquem 2016 sera grand, un Yquem plus frais que puissant.

D'habitude dans mes dîners il y a un seul fromage à pâte bleue pour les sauternes. Mais à force de discuter avec Olivier, nous allons avoir cinq fromages à pâte bleue : trois anglais, stilton, stichelton, shropshire, et deux bleus français, le Régalis composition de Dominique Bouchait, un MOF fromager, et une fourme aussi de sa composition. Il m'appartient de décider de l'ordre de service de ces cinq fromages qui seront présentés sur des assiettes individuelles ce que je fais de bon cœur en vérifiant qu'aussi bien l'Yquem 2016 que le Maury 1929 se régalent de ces fromages. Stilton et stichelton sont mes deux préférés

Le dessert est une croustade « 18 Carats » de mangue cueillie bien mûre au jus de fruit de la passion. J'ai un peu de mal avec la mâche de la croustade, dont le feuilleté se brise en bouche, mais comme mes charmantes convives s'en accommodent, on ne touchera pas à cette recette traditionnelle landaise qui sera parfaite pour les trois sauternes de 1937, 1917 et 1891.

Nous refaisons le point avec Olivier Brulard. Je change la taille des couteaux pour couper le homard, j'exclus les pains pour l'assiette de fromage, je détermine la position des verres sur table, car nous en aurons quatorze qui resteront sur place, je donne les consignes de service du vin par rapport aux plats. Tout semble sur les rails. Ce soir Olivier sera assisté du chef de Cheval Blanc pour qu'il profite de cette expérience.

Mes amies américaines logeront comme moi ce soir au château. Il se trouve qu'elles ont oublié quelque chose à l'hôtel Lalique. Il est à moins de deux kilomètres de distance. C'est un bon prétexte pour aller faire une promenade digestive réparatrice, car à 16 heures, c'est à mon tour de travailler pour une phase cruciale, l'ouverture des vins.

Après la promenade et une minuscule sieste, je suis d'attaque pour l'ouverture des vins. Valérie a renforcé l'équipe de cuisine habituelle du château et il y aura un sommelier pour le service des vins, qui assiste en plus de mes amies américaines à cette cérémonie. J'ouvre les vins dans l'ordre de service. Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1997 a un parfum d'une générosité rare. Il est gras et joyeux. Le Montrachet  Domaine Ramonet 1978 me fait peur. Je redoute un éventuel goût de bouchon, malgré le fait que le bouchon ne sent pas le bouchon. Le sommelier ne ressent rien. Espérons que tout se passe bien. Le parfum du Cheval Blanc 1945 est impérial et glorieux. Ouf ! Car j'aurais été gêné si le vin que dirige Pierre Lurton n'était pas à la hauteur.

Le Mouton Rothschild 1928 a un parfum qui me semble d'une délicatesse rare. Pour l'instant, ça va.

Le Mazy Chambertin Armand Rousseau 1966 a un parfum diabolique. C'est toute la Bourgogne terrienne et laborieuse qui explose dans mes narines. A l'inverse, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 a un parfum noble et distingué tout en retenue. Ça allait pour les bordeaux, ça va pour les bourgognes. Comme disait Laetitia, la mère de Napoléon, « pourvu que ça dure ».

Le Lafite-Rothschild 1878 a un parfum miraculeux. La bouteille a été reconditionnée au château en 1990. Le vin a une couleur très rubis clair. Le vin s'annonce suave. Là aussi, je pousse un « ouf » de satisfaction. Le Sigalas Rabaud 1917 est une énorme surprise car son parfum (je ne goûte aucun vin, je les sens seulement) joue dans la cour des grands. Il va faire jeu égal avec le parfum tonitruant de l'Yquem 1937 qui provient de la cave d'Yquem et n'a jamais bougé, et avec le parfum d'une subtilité confondante de l'Yquem 1891. Et la cerise sur le gâteau, comme l'apparition de Liz Taylor en Cléopâtre, c'est le parfum inouï du Malaga 1872, concentré de parfums des mille et une nuits.

L'opération d'ouverture a duré une heure et demie car je me suis bagarré avec de nombreux bouchons qui ne voulaient pas sortir. Et j'ai eu une frayeur qui m'a donné des suées, c'est avec le bouchon de l'Yquem 1891 qui, dès que j'ai sectionné la capsule est descendu dans le goulot et aurait plongé dans le liquide si je n'avais pas réussi à l'agripper en faisant des manipulations d'une douceur extrême puisque chaque essai de piquer le bouchon le faisait descendre.

Epuisé par ces 90 minutes de tension permanente je remonte dans ma chambre pour me préparer car les festivités commencent dans une demi-heure. Sous ma douche j'ai le sourire béat de l'idiot du village, je suis 'lou ravi' car je sais que mes vins seront au rendez-vous.


l'extérieur du château la cour intérieure dans le château le grand salon et le salon le plus ancien la salle à manger pour le dîner la salle à manger du déjeuner vue sur le jardin et les chais du 1er étage déjeuner les plats étudiés et les fromages mis dans l'ordre. La tasse est celle du bouillon des foies gras vue de ma chambre et le petit salon dans la tour attaché à ma chambre

Dîner au restaurant Pages avec une merveilleuse Romanée Conti lundi, 26 novembre 2018

Luc est un ami de longue date qui a pour le vin des talents de dégustateur assez exceptionnels. Il organise pour ses amis un dîner d'anniversaire. Je lui avais suggéré le restaurant Pages et pour qu'il s'imprègne de la cuisine, je l'avais invité au déjeuner récent que j'avais organisé avec un ami au cours duquel nous avons ouvert des vins mythiques comme le Corton H. Cerf Père & Fils à Nuits 1911. Luc a conçu avec l'équipe du restaurant le menu en fonction de ses vins, qu'il a apportés hier.

Il m'a proposé gentiment d'ouvrir les vins du dîner, que je ne connais pas. Il a interdit aux amis d'apporter du vin pour le repas car il veut assurer la cohérence totale du menu et des vins. Le dîner se tient le jour où les Gilets Jaunes manifestent à Paris aussi ai-je pris une énorme marge de sécurité puisque j'arrive à 15h30 au restaurant alors que Luc n'est prévu qu'à 17 heures. Je patiente en buvant du café puis du thé au bistrot 116 Pages. Luc annonce qu'il aura un peu de retard aussi Lumi fait monter les bouteilles que je range dans l'ordre qui me paraîtrait naturel. L'ordre prévu par Luc est différent mais j'approuve très volontiers ses choix. Je commence à ouvrir les blancs et j'envoie un message à Luc lui disant que je n'ouvrirai aucun rouge avant son arrivée. Je fais des photos des vins. Mais Luc stocke ses vins dans les caves de Marly très humides aussi beaucoup de ses bouteilles sont sous cellophane, ce qui ne fait pas de jolies photos. Mais je ne me permettrais pas d'enlever les cellophanes, car c'est une opération risquée dont je ne veux pas prendre la responsabilité.

La couleur du Domaine de Chevalier Blanc 1958 est peu engageante, d'un ocré sale, mais le nez, après extraction d'un vilain bouchon brisé, donne de l'espoir alors que 95% des amateurs videraient la bouteille à l'évier. Les vins de Jadot et de Coche-Dury ont des parfums magnifiques. Il y a une bouteille dont je n'arrive pas à savoir ce qu'elle est, car elle n'a ni étiquette ni capsule et le bouchon est illisible à travers le verre. Le bouchon enlevé m'indique Jurançon 1970 et Luc me dira qu'il s'agit de Clos Joliette. Le nez est engageant. Le Suduiraut a un parfum diabolique.

Luc arrive et je vais pouvoir ouvrir les rouges. Il y aura énormément de brisures parmi tous les bouchons des rouges, et aussi, pour les blancs comme pour les rouges beaucoup de bouchons extrêmement serrés qui résistent particulièrement à mes efforts pour les remonter. C'est probablement lié aux conditions atmosphériques. Les parfums des bordeaux sont un peu incertains, mais sans trop de crainte et les parfums des bourgognes sont plutôt engageants dont celui de la Romanée Conti qui est un petit miracle tant il a exactement ce que l'on souhaite sentir.

Ayant ouvert beaucoup de vins de 1958, je disposais d'une piste possible pour l'âge de Luc, mais jamais je n'aurais imaginé qu'il ait cet âge tant il paraît jeune. Naoko, la femme du chef Teshi m'a fait porter une bière et des edamame pour soutenir le moral de l'ouvreur. Les invités de Luc arrivent en vagues successives en fonction des aléas créés par les manifestations qui ont fait peur à Naoko lorsque des feux ont démarré dans une rue avoisinante. Nous serons neuf dont ma femme, qui est la seule femme et la seule à ne pas boire. Je connais beaucoup des invités et tous sont des dégustateurs extrêmement avertis, dont j'ai pu mesurer la science et l'expérience dans leurs commentaires pertinents. C'est agréable d'avoir d'aussi bons amoureux des vins auprès de soi.

Le Champagne Taittinger Collection Vasarely 1978 est d'une bouteille totalement opaque aussi n'avons-nous aucune indication sur le niveau ou la couleur. Dans nos verres la couleur a de nettes tendances de rose. C'est un acajou clair et rose. Le pschitt est quasi inexistant mais la bulle est vive dans le verre. Le nez est doux et en bouche ce qui frappe c'est la rondeur et la douceur. C'est un champagne de plaisir. Les trois amuse-bouches consistent en un poisson cru, une composition de topinambour et une boulette de cabillaud. C'est le premier poisson qui me semble coller le mieux au champagne qui en fait n'a besoin de rien pour exposer son charme. Je l'adore car il est dans la ligne des champagnes anciens de plaisir. Je m'aperçois seulement maintenant en écrivant qu'il est quand même plus vieux que son âge.

Le menu mis au point par Luc avec Lumi et Ken le cuisinier en chef sous l'autorité de Teshi est : caviar, carpaccio de Saint-Jacques, coques / raviole de foie gras, consommé de crustacés / turbot, sauce au vin jaune / homard, bisque et Comté / pigeon, sauce salmis / ris de veau, noix de pécan, girolles, jus de veau / vieux Comté, vielle mimolette / Saint-honoré aux fruits exotiques.

Le Champagne Geismann & Cie Brut 1970 est une coquetterie de Luc. Il en est entiché. Il le débouche et veut verser mais rien ne sort car le disque de liège du bas de bouchon est resté collé au verre et comme il semble brisé en deux si je pique mon tirebouchon je pourrais faire tomber les deux moitiés. Mais en fait le disque vient. La couleur du champagne est plus jeune que celle du 1978 et le champagne est beaucoup plus vif et racé. Il profite à plein du délicieux carpaccio de Saint Jacques mais s'accorde moins avec les coques plus vives et acides. Les deux champagnes se complètent bien, l'un dans le charme alangui d'une odalisque et l'autre dans la vivacité. Luc a raison d'être fier de son Geismann.

Luc savait que je n'avais jamais été à ce jour conquis par le Clos Joliette. Je vais enfin l'apprécier car ce Clos Joliette Jurançon 1970 est d'une expression très exotique inhabituelle, un peu comme la Coulée de Serrant ou le Château Grillet. Il a une belle âpreté tout en ayant des notes douces, et l'image qui me vient est celle d'un melon chauffé par le soleil. Les amis trouvent de la truffe blanche qui me marque moins, mais enfin j'ai trouvé du charme dans ce vin énigmatique, aux multiples facettes, bien disposé pour le consommé mais qui trouve son envol surtout avec le foie gras.

Le Domaine de Chevalier Blanc 1958 est un vin pour les amateurs que nous sommes, car nous savons découvrir toutes ses subtilités sous le message fragile à la forte acidité. Quand on lit entre les lignes, on a un vin extrêmement loquace et subtil. Il faut dire que le turbot est une merveille qui doit se manger seul, sans la lourde sauce.

Avec le Corton-Charlemagne Jean François Coche Dury 1994 on trouve toute la force de persuasion de ce vigneron si attachant et travaillant si miraculeusement et le fait de boire une année peu tonitruante donne encore plus de plaisir. Le homard avec sa bisque est une pure merveille. Je suis tellement content que mes amis profitent d'une cuisine qui a choisi la simplicité dans la mise en valeur des produits, simplicité qui n'exclut pas la sophistication. Le vin et le plat sont un moment fort du repas.

Avec le pigeon, nous avons deux vins de 1958. Le Château Ausone 1958 a une approche assez discrète malgré une belle mâche et le Château Latour 1958 me semble plus serein. Les deux vins sont nobles, avec de beaux grains, mais sont assez discrets comme leur année. La résonnance avec le pigeon est idéale pour les deux, Ausone pour le suprême et Latour pour la patte.

Le Vosne-Romanée Bernard de Chalancey 1958 était prévu comme une respiration. Il apparaît sans plat, posé là pour recalibrer les palais. Luc n'en attendait rien mais sa franchise et son joli fruit le rendent très attachant tout en sachant bien qu'on ne l'attend pas aux plus hauts niveaux de complexité.

C'est le rôle des deux suivants. Dès que je sens la Romanée-Conti Domaine de la Romanée-Conti 1969 je n'ai qu'une envie, c'est de me recueillir sous ma tente pour me laisser envahir par ce parfum divin. Tous les codes de la Romanée Conti sont là. En bouche, le vin est grand et bon, mais le parfum du vin dépasse nettement la bouche. Il faut dire que le ris de veau est un peu fort et c'est pour cela que je préfère généralement mettre avec ce vin un foie gras poché. L'accord marche mais sans mettre en valeur le vin d'une délicatesse et d'un romantisme magiques. C'est une grande Romanée Conti.

Le Richebourg Domaine de la Romanée-Conti 1981 est beaucoup plus soldat de l'Empire. C'est un guerrier solide qui jouit d'une année qui convient au domaine de la Romanée Conti. Ce solide gaillard est un vin gratifiant, et les deux rouges si différents ne se combattent pas.

Le Montrachet Louis Jadot 2003 est bien placé à ce moment du repas, car sa puissance joyeuse et épanouie va s'exprimer pleinement sur les fromages, plus sur le comté que sur la mimolette. Ce montrachet est tellement naturellement grand qu'on en ferait son ordinaire quand on cherche un grand vin élégant et facile à vivre.

Le Château Suduiraut 1958 est d'un or glorieux. Son parfum et sa bouche sont parfaits. Quand un sauternes est grand, il est impossible de lui trouver le moindre défaut, et c'est le cas avec ce vin splendide, séduisant, gouleyant, riche et équilibré qui trouve avec le Saint-Honoré aux fruits exotiques un accord absolument pertinent.

Ken et l'équipe de cuisine ont fait un travail parfait car le produit est mis en avant et traité avec une rare sensibilité. Le service des vins a été très facilité par Matthieu très compétent mais Luc a tenu à ce que chacun de ses amis serve aux autres un vin et c'est très convivial. Luc a été d'une générosité invraisemblable. Combien d'amateurs ouvriraient aujourd'hui pour leurs amis des vins de cette qualité ? Ce que je retiens surtout, au-delà d'une superbe Romanée Conti, c'est la générosité et l'amitié qui ont marqué ce repas d'anthologie.


Quand j'entre au restaurant, on pense déjà au dîner : on peut jouer du chapeau, au jeu de Go ou aux dames

le Clos Joliette est entre le Richebourg et le Suduiraut sur la photo mais pas dans l'ordre de service des vins ce haut de capsule appartient à l'un des deux vins de la Romanée Conti les amuse-bouches les plats

Dîner de l’Académie du Vin de France samedi, 24 novembre 2018

L'Académie du Vin de France tient son assemblée annuelle au restaurant Laurent. A 18 heures les membres de l'académie sont en assemblée. A 19 heures se tient une sorte de Paulée où les vignerons font goûter aux académiciens et à leurs invités leurs derniers vins mis en bouteille et à 20h30 se tient le dîner de gala. Arrivé en avance, je vois un couple de jeunes personnes qui attendent, un peu effarouchés et dont le dress code n'est pas usuel pour le dîner de gala de l'académie. Ils ont l'air sympathique alors je bavarde avec eux. J'apprends qu'ils vont recevoir le prix Alain Senderens qui couronne un restaurant pour qui les accords mets et vins sont primordiaux. Il s'agit de Christine et Guillaume Viala qui sont restaurateurs à Bozouls dans l'Aveyron, et dont le restaurant s'appelle le Belvédère.

Rosalind Seysses, l'heureuse propriétaire avec son mari Jacques du domaine Dujac vient saluer les deux impétrants et m'explique qu'elle avait découvert ce restaurant il y a longtemps, qu'elle y est allée cinq fois et qu'elle considère ce restaurant comme le meilleur qui soit. Voilà de quoi piquer mon intérêt et la sympathie que dégagent ces deux restaurateurs va me donner des idées de visite.

Nous montons à l'étage du restaurant Laurent pour goûter les vins des vignerons. Tout le monde se précipite vers les vins blancs aussi vais-je commencer par les rouges. Le Corton Prince de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2015 est saisissant. Comment est-ce possible de faire un vin aussi généreux et flamboyant ? Il a survolé la dégustation des rouges.

Je goûte ensuite deux vins de Dujac 2016 un Villages et un Premier Cru. Jacques Seysses qui goûte avec moi préfère le plus capé et il a raison sur la structure, mais la franchise du Villages dans sa simplicité m'a beaucoup plu car il est plus accueillant que le premier cru qui promet plus mais plus tard.

Parmi les rouges de 2016 quelques-uns ont particulièrement attiré mon attention : Corbin-Michotte 2016, Gazin 2016, les deux rouges de Chave dont l'Hermitage Chave 2016 et le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 2016.

En blanc je donnerai des mentions spéciales au Clos Saint Hune Trimbach 2013 d'un équilibre et d'une grande pureté, à l' Hermitage blanc Chave 2016 et au Châteauneuf-du-Pape Roussanne de Beaucastel 2016 absolument superbe.

En liquoreux, le Château de Fargues 2015 est d'une belle promesse et d'un beau plaisir.

Il y avait beaucoup plus de vins que ce que j'ai goûté. Nous redescendons pour l'apéritif avec un Champagne Louis Roederer Brut sans année bien mis en valeur par les succulents canapés dont un au pied de porc et un autre à l'anguille. Le président Alain Graillot prend la parole pour remettre le prix Alain Senderens à Christine et Guillaume Viala du restaurant le Belvédère à Bozouls dans l'Aveyron. Nous sommes nombreux à ne pas connaître ce restaurant et à avoir envie d'y aller.

Le menu composé par Alain Pégouret en association avec un comité ad hoc de l'Académie est : truite irisée au goût légèrement boisé, gaufrette / homard rôti sur sel, gnocchi, sauce mousseline / pigeon façon bécassine / Chavignol et Cîteaux / Mont-Blanc.

Il est de tradition que les vins soient fournis par de nouveaux académiciens. Ce sera le cas pour les vins de Jean-Laurent Vacheron dans le sancerrois. Le sympathique et célèbre vigneron sarrois, Egon Müller complète le panel des vins.

Sur la truite nous buvons le Riesling Sharzhofberger Kabinett Egon Müller 2015. Michel Bettane nous avait dit que la caractéristique de la Sarre est de faire des vins salins. Celui-ci en est une preuve manifeste. Il allie le sel et une belle acidité et n'existe qu'avec le plat absolument réussi avec des équilibres de saveurs géniaux, car seul, il a la jeunesse assez rude. La truite est magistrale et la gaufre la complète très bien par un croquant délicat. C'est le meilleur accord du repas.

Le Sancerre blanc « les Romains » domaine Jean-Laurent Vacheron 2016 a une forte acidité et une trop grande jeunesse. Il est difficile à boire sans le plat auquel il n'apporte pas grand chose. La chair du homard est délicieuse avec une sauce qui n'est pas aussi noble que lui. Le vin ne crée pas assez d'émotion.

Le Château Gazin Pomerol 2009 à la couleur noire, a une densité extrême et une mâche lourde. C'est un vin qui deviendra grand et se boit bien. L'accord se fait avec le suprême, et la force du vin accepte bien le canapé au foie de pigeon, viril et enthousiasmant.

Les deux Sancerre rouges sont discrets, le Sancerre rouge « Belle-Dame » domaine Jean-Laurent Vacheron 2010 est de couleur plus foncée que le rubis du Sancerre rouge « Belle-Dame » domaine Jean-Laurent Vacheron 2015. Aucun des deux vins n'est réellement porteur d'émotion, mais j'accepterais volontiers si l'on me disait que je suis passé à côté de ces vins, que les formages n'arrivent pas à faire vibrer.

Le Riesling Sharzhofberger Beerenauslese Egon Müller 2005 combine sucre et sel. Le sucre est si fort que j'ai ressenti la mâche d'une Bénédictine, sans en avoir les herbes. Il a beaucoup de charme mais explosera vraiment dans quelques années. Les concepteurs du repas ont essayé un dessert en prolongement du vin alors que j'aurais essayé un accord en opposition, par exemple une soupe de kiwis. Car la crème de marron ne s'accouple pas avec le riche vin lourd et sucré à qui il faudrait laisser une ou deux décennies de plus.

La cuisine d'Alain Pégouret est d'une grande maturité et la truite est un grand plat. Le service est très efficace et rodé. L'ambiance de l'académie est amicale. Jacques Puisais a réussi à faire un speech parfait qui a su se jouer de tous les obstacles et pièges d'interprétation. Du grand art consensuel. Les conversations ont continué après le repas avec des vignerons extrêmement sympathiques.


Quelques vins parmi les très nombreux présentés par des académiciens Avec Erik Orsenna et Bernard Pivot

Les années de Bourgogne que j’ai bues vendredi, 16 novembre 2018

En prévision des ventes des Hospices de Beaune (je suis à Beaune), voici ce que j'ai bu en Bourgogne :

Les millésimes de Bourgogne bus par François Audouze

1790, 1811, 1846 (2), 1850, 1858, 1861, 1864 (2), 1865 (6), 1870, 1874, 1885 (2), 1886, 1887, 1888, 1891 (2), 1893, 1899 (8), 1900 (2), 1904 (4), 1906 (6), 1907, 1908 (2), 1911 (6), 1913 (5), 1914 (3), 1915 (24), 1916, 1918 (4), 1919 (17), 1920, 1921 (3), 1922 (3), 1923 (23), 1925 (3), 1926 (22), 1928 (32), 1929 (54), 1930 (4), 1931, 1932, 1933 (15), 1934 (40), 1935 (13), 1936, 1937 (26), 1938 (4), 1939 (5), 1940 (4), 1942 (12), 1943 (30), 1944 (2), 1945 (32), 1946 (4), 1947 (79), 1948 (5), 1949 (51), 1950 (14), 1951 (3), 1952 (14), 1953 (30), 1954 (5), 1955 (57), 1956 (22), 1957 (24), 1958 (3), 1959 (81), 1960 (13), 1961 (89), 1962 (30), 1963 (4), 1964 (45), 1965 (4), 1966 (35), 1967 (22), 1968, 1969 (44), 1970 (11), 1971 (30), 1972 (28), 1973 (15), 1974 (25), 1975 (7), 1976 (43), 1977 (4), 1978 (46), 1979 (20), 1980 (19), 1981 (21), 1982 (25), 1983 (44), 1984 (11), 1985 (44), 1986 (27), 1987 (11), 1988 (62), 1989 (84), 1990 (79), 1991 (45), 1992 (74), 1993 (39), 1994 (19), 1995 (46), 1996 (77), 1997 (60), 1998 (53), 1999 (102), 2000 (77), 2001 (68), 2002 (113), 2003 (91), 2004 (71), 2005 (102), 2006 (120), 2007 (112), 2008 (98), 2009 (106), 2010 (85), 2011 (78), 2012 (47), 2013 (39), 2014 (39), 2015 (47), 2016, ss A (6), Total (3589), en 123 millésimes

Les années de Bourgogne d'avant 2000 les plus bues ( > 20 fois)

1999 (102), 1961 (89), 1989 (84), 1959 (81), 1947 (79), 1990 (79), 1996 (77), 1992 (74), 1988 (62), 1997 (60), 1955 (57), 1929 (54), 1998 (53), 1949 (51), 1978 (46), 1995 (46), 1964 (45), 1991 (45), 1969 (44), 1983 (44), 1985 (44), 1976 (43), 1934 (40), 1993 (39), 1966 (35), 1928 (32), 1945 (32), 1943 (30), 1953 (30), 1962 (30), 1971 (30), 1972 (28), 1986 (27), 1937 (26), 1974 (25), 1982 (25), 1915 (24), 1957 (24), 1923 (23), 1926 (22), 1956 (22), 1967 (22), 1981 (21), 1979 (20)

Les années du domaine de la Romanée Conti

1919, 1922, 1923, 1928, 1929 (6), 1933 (2), 1934, 1935, 1937 (2), 1938, 1939, 1940 (2), 1942 (5), 1943 (7), 1944 (2), 1945 (2), 1946 (2), 1947 (2), 1948, 1949, 1950 (2), 1951, 1952 (2), 1953 (8), 1954 (3), 1955 (2), 1956 (21), 1957 (8), 1958 (3), 1959 (6), 1960 (4), 1961 (9), 1962 (5), 1963 (3), 1964 (6), 1965 (4), 1966, 1967 (4), 1969 (10), 1970 (2), 1971 (3), 1972 (7), 1973 (5), 1974 (11), 1975 (3), 1976 (3), 1977, 1978 (4), 1979 (3), 1980 (7), 1981 (10), 1982 (7), 1983 (17), 1984 (2), 1985 (3), 1986 (8), 1987 (2), 1988 (5), 1989 (10), 1990 (11), 1991 (7), 1992 (6), 1993 (2), 1995 (5), 1996 (7), 1997 (10), 1998 (7), 1999 (13), 2000 (7), 2001 (5), 2002 (13), 2003 (3), 2004 (5), 2005 (12), 2006 (11), 2007 (13), 2008 (9), 2009 (17), 2010 (25), 2011 (9), 2012 (8), 2013 (9), 2014 (9), Total (480), en 83 millésimes

An unforgettable 1911 Corton in a marvelous lunch as I like them jeudi, 8 novembre 2018

In paraphrasing Baudelaire, I would say: "there are blue moments like children's dreams". Let's look at the puzzle pieces of this lunch at the restaurant Pages. Romain is one of the most faithful of the Academy for ancient wines and one of the most generous. He proposes to me to lunch together to share wines. Knowing his generosity, I accept. He proposes a Y of Yquem 1979 and a Corton Charlemagne Louis Latour 1947. To that I answer by a Mesnil Wine Nature Blanc de Blancs Wine originating from the Champagne Wineries which I imagine around 1940 and a Corton H. Cerf Père & Fils in Nuits 1911. Roman is so surprised that I propose a Corton of 1911 that he decides to add a Bonnezeaux Yves Baudriller 1937. It is the act 1. The act 2 is a long-time friend, Luc, great wine enthusiast and generous, wants to celebrate his birthday and asked me where he could do it with his wines. Through me he will have a table in a fortnight at the restaurant Pages and I'll be there. Since I have to share five bottles with Romain, I propose to Luc to join us. His lunch participation will be my birthday present.

At 11 am, I arrive at the restaurant Pages with my wines to open them. I put the Mesnil wine in the fridge without opening it and I open the 1911. The bottle is from the 19th century with a neck with very thick glass but very narrow center. The cap is overhung by a rather indefinable crust, probably based on wax. The cork is incredibly small, the size of the corks of the Cyprus wines of 1845. It reminds me of the cork of Chambertin 1811 that I drank maybe thirty years ago, which also had a size of the order of the last phalanx of an auricular finger. A hundred years away, we have the same cork markers. The nose of the wine seems promising to me. It has no age and the level in the neck is exceptional.

Romain arrives, opens the Y d'Yquem and I offer him to open the Corton Charlemagne 1947. The cap is incredibly tight in the neck, which requires me extreme efforts to take it out. The nose is still uncertain, but hope is allowed. The cap of Bonnezeaux 1937 comes normally.

According to the tradition, when opening wines is finished, I go with Romain to the bistro which belongs to the restaurant Pages to drink a beer. There will be no edamame beans but chips. Luc joins us here.

We sit down to table. The menu was developed by Romain with Lumi and the team of the restaurant Pages: amuse-bouches / carpaccio de st jacques, caviar and cockles / Turbot, yellow wine sauce / pigeon salmis sauce / figs, mint and milk / pear chocolate Calvados.

When the appetizer arrives, I am struck by the aesthetic quality of the presentation and I warmly congratulate the Italian cook who created this presentation. Romain, the sommelier, with the same name as my friend, opens the cap, split and held by a ring, Mesnil Nature Blanc de Blancs Wine from the Champagne Wineries I imagined around 1940. The cap comes easily. It is very small and the bottom is in the shape of a beret, which suggests more a wine of the 20s than the 40s.

I smell the wine and its subtle fragrance is mesmerizing. I taste and I am conquered. I say to my friends: it is a wine of esthete, which must be accepted to understand it. That's good, my friends accept it. We drink a wine of gigantic emotion. It is carried by a very strong acidity which gives it an electric force. And all he suggests is refined and delicate. I fully enjoy this wine, which challenges and shows exceptional vivacity. It is on the tuna carpaccio of the appetizers that the wine expresses itself best. Luc finds in the nose that the wine evokes the yellow wines of the Jura. It's true on the nose but not on the palate because it has a scathing straightness that belongs only to whites of whites of le Mesnil! What a teasing and enigmatic wine!

Romain the sommelier brings the Y d'Yquem 1979 and before even tasting it I propose to my friends to see how the two wines can be fertilized and I suggest to them to drink the Y, then the Mesnil then the Y and see what happens. Y has a nose that explodes with generous botrytis. In the mouth, it has what Y must have, this morganatic union between a dry white wine and an infidelity of botrytis. He is thundering. And what is interesting is that the interlude by the Mesnil wine gives it an exceptional straightness. The wines are fertilized, as I had supposed. I had a good intuition.

On the carpaccio of scallops, if you take the cockles, it is imperative to take the wine of Mesnil which vibrates on the marine flavors of the hull, and if one takes with the shell the delicious caviar of Sologne of an extreme length, the Y expresses himself madly. This white wine is thundering, at an exceptional stage of completion.

For turbot, the Corton Charlemagne Louis Latour 1947 is served. At first contact, the nose seems a little unstructured and in the mouth it is at the level of the final that I note a lack of precision. And we are going to witness an outbreak which I believe is one of the most spectacular I've ever known. The wine was opened shortly after 11am. He had only about 90 minutes of ventilation. He will have to make up for lost time and he does it with a unique energy to the point that in the middle of the dish, he marries the turbot in the most beautiful way. His nose has become straight and happy and in the mouth he is totally coherent. A resurrection like this is rare. It is a beautiful Corton-Charlemagne, without the slightest defect, greedy and rich and ageless. Who would've believed that? Probably nobody.

If we want to make the point of the three whites, the Y is the quiet and generous perfection, the wine of Mesnil is Michèle Morgan when Jean Gabin says to her: "you have beautiful eyes, you know" (movie : Quai des Brumes), and Burgundy from 1947, it is the newfound confidence, the return of the prodigal son. We feel good.

The pigeon is served and I pour the Corton H. Cerf Father & Son in Nuits 1911. The level in the bottle is exceptionally high. The color of the first glass is pink, an irresistibly young light pink. There is obviously no doubt about the authenticity of the bottle. The second glass is darker but still very pink. The third is the same color and the whole bottle will be as pink, without an ounce of tuilé. The nose is masterly and from the first sip I am stunned by the perfection of this wine. And the coup de grace is given by the association with the lightly smoked pigeon. Because wine 'is' the pigeon, but even more, it 'is' the smoked pigeon. The wine and the dish merge. It's the ultimate gastronomy and the taste of the wine is irresistibly charming. Crazily bourguignon with a slight bitterness and a delicate velvet. All in this wine is courteous. There is a French expression which is: "I will not wait 107 years", when one is annoyed by someone's delay. There, we drink a wine of 107 years, which waited 107 years that we decided to drink it. And he shows us how happy he is that we drink him. I drink the bottom of the bottle, without the slightest dregs, the pink color barely darker than that of the second or third glass. Juicy, easygoing, racy, delicate, velvety, it has everything to please. I'm so happy with the agreement that I'm bringing a glass to Ken, the cook who cooked the pigeons, to let him feel how good the deal was.

The dessert is delicious but the Bonnezeaux Yves Baudriller 1937 stayed too long in a refrigerator too cold. It will take long minutes for him to enlarge. It is marked by roasted notes of coffee, reminiscent of those of a Royal Kebir Frédéric Lung. The wine is sweet, pleasant, but we are a little saturated and still under the spell of the red wine.

This meal was illuminated by a totally exceptional 1911, great eternal wine that shows the wisdom of the winemakers of the time and a sublime accord between this wine and the delicious pigeon. The kitchen team of the restaurant made a wonderful meal. In a friendly atmosphere we lived an unforgettable moment of communion, linked to our common passion for ancient wines that we venerate. So, it was a "blue moment like children's dreams" (1) ...

  1. The original poem of Charles Baudelaire says "There are fresh perfumes like children's flesh"

(pictures are in the following article in French. See below)

Merveilleux déjeuner au restaurant Pages mercredi, 7 novembre 2018

En paraphrasant Baudelaire, je dirais : « il est des instants bleus comme des rêves d'enfants ». Regardons les pièces du puzzle de ce déjeuner au restaurant Pages. Romain est un des plus fidèles de l'académie des vins anciens et l'un des plus généreux. Il me propose de déjeuner ensemble pour partager des vins. Sachant sa générosité, j'accepte. Il propose un Y d'Yquem 1979 et un Corton Charlemagne Louis Latour 1947. A cela je réponds par un Mesnil Vin Nature Blanc de Blancs Vin originaire de la Champagne Viticole que j'imagine vers 1940 et un Corton H. Cerf Père & Fils à Nuits 1911. Romain est tellement étonné que je propose un Corton de 1911 qu'il décide d'ajouter un Bonnezeaux Yves Baudriller 1937. C'est l'acte 1. L'acte 2 est qu'un ami de longue date, Luc, grand passionné de vins et généreux, veut célébrer son anniversaire et m'a demandé où il pourrait le faire avec ses vins. Par mon entremise il aura une table dans quinze jours au restaurant Pages et je serai de la partie. Comme je dois partager cinq bouteilles avec Romain, je propose à Luc de se joindre à nous. Sa participation au déjeuner sera mon cadeau d'anniversaire.

A 11 heures, j'arrive au restaurant Pages avec mes vins pour les ouvrir. Je mets au frais le vin du Mesnil sans l'ouvrir et j'ouvre le 1911. La bouteille est du 19ème siècle avec un goulot au verre très épais mais au centre très étroit. Le bouchon est surplombé par une croute assez indéfinissable, probablement à base de cire. Le bouchon est incroyablement petit, de la taille des bouchons des vins de Chypre de 1845. Il me fait penser au bouchon du Chambertin 1811 que j'ai bu il y a peut-être trente ans, qui avait aussi une taille de l'ordre de la dernière phalange d'un auriculaire. A cent ans de distance, on a les mêmes repères de bouchons. Le nez du vin me semble prometteur. Il n'a pas d'âge et le niveau dans le goulot est exceptionnel.

Romain arrive, ouvre l'Y d'Yquem et je lui propose d'ouvrir le Corton Charlemagne 1947. Le bouchon est incroyablement serré dans le goulot, ce qui me demande des efforts extrêmes pour le sortir. Le nez est encore incertain, mais l'espoir est permis. Le bouchon du Bonnezeaux 1937 vient normalement.

Selon la tradition je vais avec Romain au bistrot qui appartient au restaurant Pages pour boire une bière. Il n'y aura pas d'edamame beans mais des chips. Luc nous rejoint en cet endroit.

Nous passons à table. Le menu a été mis au point par Romain avec Lumi et l'équipe du restaurant Pages : amuse-bouches / carpaccio de st jacques, caviar et coques / Turbot, sauce vin jaune / pigeon sauce salmis / Figues, menthe et lait / Chocolat poire calvados.

Lorsque l'amuse-bouche arrive, je suis frappé par la qualité esthétique de la présentation et je félicite vivement le cuisinier italien qui a créé cette présentation. Romain, le sommelier, au même prénom que mon ami, ouvre le bouchon, fendu et tenu par une bague, du Mesnil Nature Blanc de Blancs Vin originaire de la Champagne Viticole que j'imagine vers 1940. Le bouchon vient aisément. Il est tout petit et le bas est en forme de béret, ce qui suggère plus un vin des années 20 que des années 40.

Je sens le vin et son parfum subtil est envoûtant. Je goûte et je suis conquis. Je dis à mes amis : c'est un vin d'esthète, qu'il faut accepter pour le comprendre. Ça tombe bien, mes amis l'acceptent. Nous buvons un vin d'une émotion gigantesque. Il est porté par une très forte acidité qui lui donne une vigueur électrique. Et tout ce qu'il suggère est raffiné et délicat. Je jouis pleinement de ce vin, qui interpelle et se montre d'une vivacité exceptionnelle. C'est sur le carpaccio de thon des amuse-bouches que le vin s'exprime le mieux. Luc trouve au nez que le vin évoque les vins jaunes du Jura. C'est vrai au nez mais pas en bouche car il a une rectitude cinglante qui n'appartient qu'aux blancs de blancs du Mesnil ! Quel vin interpellant !

Romain le sommelier apporte l'Y d'Yquem 1979 et avant même de le goûter je propose à mes amis de voir comment les deux vins peuvent se féconder et je leur suggère de boire l'Y, puis le Mesnil puis l'Y et de voir ce qui se passe. L'Y a un nez qui explose de botrytis généreux. En bouche, il a ce qu'Y doit avoir, cette union morganatique entre un vin blanc sec et une infidélité de botrytis. Il est tonitruant. Et ce qui est intéressant, c'est que l'intermède par le vin du Mesnil lui donne une rectitude exceptionnelle. Les vins se fécondent, comme je l'avais supputé.

Sur le carpaccio de coquilles Saint-Jacques, si on prend les coques, il faut impérativement prendre le vin du Mesnil qui vibre sur les saveurs marines de la coque, et si on prend avec la coquille le délicieux caviar de Sologne à la longueur extrême, l'Y s'exprime follement. Ce vin blanc est tonitruant, à un stade d'accomplissement exceptionnel.

Pour le turbot, c'est le Corton Charlemagne Louis Latour 1947 qui est servi. Au premier contact, le nez me paraît un peu déstructuré et en bouche c'est au niveau du finale que je note un manque de précision. Et nous allons connaître une éclosion dont je crois qu'elle est une des plus spectaculaires que j'ai connues. Le vin a été ouvert peu après 11 heures. Il n'a eu que de l'ordre de 90 minutes d'aération. Il va devoir rattraper le temps perdu et il le fait avec une énergie unique au point qu'en milieu de plat, il se marie avec le turbot de la plus belle des façons. Son nez est devenu droit et joyeux et en bouche il est totalement cohérent. Une résurrection comme celle-ci est rare. C'est un beau Corton-Charlemagne, sans le moindre défaut, gourmand et riche et sans âge. Qui l'eût cru ? Probablement personne.

Si l'on veut faire le point des trois blancs, l'Y est la perfection tranquille et généreuse, le vin du Mesnil est Michèle Morgan quand Jean Gabin lui dit : « t'as de beaux yeux, tu sais », et le Bourgogne de 1947, c'est la confiance retrouvée, le retour du fils prodigue. Nous nous sentons bien.

Le pigeon est servi et je verse le Corton H. Cerf Père & Fils à Nuits 1911. Le niveau dans la bouteille est exceptionnellement haut. La couleur du premier verre est rose, d'un rose clair irréellement jeune. Il n'y a évidemment aucun doute sur l'authenticité de la bouteille. Le deuxième verre est plus foncé mais encore très rose. Le troisième est de la même couleur et toute la bouteille sera aussi rose, sans une once de tuilé. Le nez est magistral et dès la première gorgée je suis assommé par la perfection de ce vin. Et le coup de grâce est donné par l'association avec le pigeon légèrement fumé. Car le vin 'est' le pigeon, mais plus encore, il 'est' le pigeon fumé. Le vin et le plat se confondent. C'est de la gastronomie ultime et le goût du vin est irréellement charmant. Follement bourguignon avec une légère amertume et un velours délicat. Tout en ce vin est courtois. Il y a une expression française qui est : « je n'attendrai pas 107 ans », lorsque l'on est agacé du retard de quelqu'un. Là, nous buvons un vin de 107 ans, qui a attendu 107 ans que nous nous décidions à le boire. Et il nous montre à quel point il est heureux que nous le buvions. Je me sers le fond de la bouteille, sans la moindre lie, à la couleur rose à peine plus foncée que celle du deuxième ou du troisième verre. Juteux, gouleyant, racé, délicat, velouté, il a tout pour plaire. Je suis tellement heureux de l'accord que je porte un verre à Ken le cuisinier qui a cuit les pigeons, pour qu'il sente à quel point l'accord était parfait.

Le dessert est délicieux mais le Bonnezeaux Yves Baudriller 1937 est resté trop longtemps dans un réfrigérateur trop froid. Il faudra de longues minutes pour qu'il éclose. Il est marqué par des notes torréfiées de café, qui évoquent un peu celles d'un Royal Kebir Frédéric Lung. Le vin est doux, agréable, mais nous sommes un peu saturés et encore sous le charme du vin rouge.

Ce repas a été illuminé par un 1911 totalement exceptionnel, grand vin éternel qui montre la sagesse des vignerons de l'époque et par un accord sublime entre ce vin et le pigeon délicieux. L'équipe de cuisine du restaurant a réalisé un repas merveilleux. Dans une ambiance amicale nous avons vécu un moment inoubliable de communion, liée à notre passion commune des vins anciens que nous vénérons. Alors, c'était un instant bleu comme des rêves d'enfants…

Je n'ai pas pris de photo de l'Y d'Yquem, magnifique bouteille Très beau bouchon du Corton Charlemagne Le bouchon de l'Y ci-dessous donne une idée de la petitesse du bouchon du 1911 invraisemblable couleur du premier verre versé du 1911 puis du 2ème verre versé le bouchon du Bonnezeaux est au dessus du bouchon du Corton-Charlemagne, particulièrement long. les amuse-bouches les plats lorsqu'on m'a servi ce dessert j'ai immédiatement pensé à Monet aux couleurs si romantiques Nous n'avons pas tout bu, mais quelles belles couleurs !   j'adore cette tradition d'illuminer seulement cette fleur, là où les cuisiniers ont travaillé  

Dîner à deux à la maison dimanche, 4 novembre 2018

Ma femme va revenir du sud après une quinzaine de jours d'absence. Je prépare le dîner comme un collégien à son premier rendez-vous. J'achète des rollmops, des œufs en gelée au saumon, des tranches de foie gras et pour le dessert des tartelettes aux fruits et des meringues rondes au chocolat que j'ai achetées en les appelant par leur nom sans que la boulangère n'appelle la police comme dans le film « qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? ». La table est mise, ma femme arrive, et nous passons à table. Lorsque nous sommes tous les deux à la maison je ne bois jamais de vin, car le vin doit se partager, mais je décide de faire une exception. J'ouvre un Champagne Krug Grande Cuvée à étiquette crème, ce qui correspond à un âge de plus de 25 ans. Le bouchon sort sans le moindre pschitt et ce qui est fascinant, c'est que son pétillant est celui d'un champagne jeune. En bouche, j'ai vraiment l'impression de goûter un champagne d'une jeunesse folle. Son pétillant, son acidité, sa vivacité, sont ceux d'un champagne de moins de dix ans. Et c'est confondant. Le foie gras est un peu trop salé et cela renforce la jeunesse d'un Krug qui n'est pas tonitruant mais romantique, très long et en subtilité. Il est racé et pianote ses complexités comme le ferait Erik Satie. La vie reprend son cours, naturellement.