Déjeuner au restaurant Tan-Dinhjeudi, 10 juin 2004

Déjeuner au restaurant Tan-Dinh. Je viens à l’improviste dans ce temple de l’amour du vin. Robert Vifian n’est pas là et le lieu est désert. Sans doute les manifestations qui paralysent le quartier. La carte des vins est extraordinaire. Tout ce qu’un esthète du vin rêve d’avoir est là. Et les clients ont du talent, car les nombreuses années rayées sont souvent les meilleures. Je choisis l’exception, un Corton-Charlemagne Coche-Dury 1999. C’est le vin qui me semble le mieux correspondre à ce que j’attends d’une subtile cuisine vietnamienne. Nous commenterons souvent les accords avec Freddy Vifian. La bouteille arrive chaude, et même avec un passage en seau la première gorgée est bien grasse. Le pétrole, la pierre à fusil, le métal excitent avec une belle agressivité fort opportunément les papilles. Un ravioli amer et délicat provoque le vin avec génie. On est moins en phase avec les beignets de langoustines forts bons mais trop évidents pour inquiéter le Corton-Charlemagne. C’est une troisième entrée à base d’une herbe que madame Vifian nommera « Shiso » ou « pérille » qui intriguera le Coche-Dury au point de lui faire chanter le plus beau chant du jour. C’est un peu comme un limonaire lorsqu’il a trouvé son exacte partition. Ce lourd meuble de foire est pataud mais peut devenir orchestre de Vienne quand il est inspiré. On en était là avec l’herbe folle. Accord inoubliable.

Il est intéressant de constater que le bar appelle un vin rouge quand le cabillaud comme on le traite ici appelle un vin blanc. Mais à ce moment, le Corton Charlemagne se sent mieux avec le bar, plus reposant, qu’avec le cabillaud qui aguiche, mais sans franc succès.

Je trouve anormal qu’un restaurant aussi subtil et à la carte des vins d’une telle intelligence ne fasse pas table comble en permanence. Gastronomes parisiens, sachez ce qu’il faut faire.

Que dire de ce Coche Dury ? C’est un vin immense qui fait appel à un code de valeurs d’un élitisme œnologique absolu. Pas un gramme de charme dans ce vin qui joue la pureté, l’orthodoxie, la formidable définition du Corton-Charlemagne. Il sera bien difficile de boire du vin après ce chef d’œuvre.