Déjeuner avec un journalistevendredi, 11 septembre 2020

Un magazine veut faire un article sur ma façon de penser et de gérer une collection de vins. Un journaliste m’appelle et propose de me rencontrer dans le sud. Compte-tenu de ses horaires de trains, je l’invite à déjeuner dans ma maison du sud. Je ne le connais pas et je ne sais rien de ses goûts.

Il faut un repas qui convienne à tous les goûts possibles et des vins sûrement bons et faciles à comprendre, ce qui ne veut pas dire que les vins ne seront pas complexes.

Pour l’apéritif nous aurons des olives de Kalamata, des dés de mimolette, une rillette de maquereau sur du pain. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 a une jolie couleur de blé d’été. La bulle est active et le pschitt discret est sympathique. Dès la première gorgée on ressent que ce champagne est accueillant, équilibré, ouvert et très agréable à boire. Les olives lui donnent une tension supplémentaire et le rendent très vif, alors que la mimolette n’apporte pas de valeur ajoutée.

Nous passons à table et sur un goûteux et typé foie gras en tranches l’accord avec le Henriot est d’un classicisme parfait. Le champagne est gourmand et joyeux.

Pour le poulet accompagné d’un gratin de pommes de terre, j’ouvre sur l’instant un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 2007. Je veux montrer la procédure d’ouverture des vins anciens, mais le bouchon est tellement serré dans le goulot que je ne peux pas tirer avec ma mèche. Il faut utiliser le levier du tirebouchon limonadier. Le vin très foncé est d’une densité extrême. Il est riche, fringant, d’une longueur infinie et en même temps il est accueillant, facile à vivre et cohérent. Avec le poulet, il joue sur du velours. Nous avons pu vérifier que l’ouverture au dernier moment offre sur le premier tiers de la bouteille une vibration délicate et ciselée, alors qu’à la suite, le vin devient plus opulent et construit. J’aime les éclosions des vins jeunes.

J’avais choisi pour le fromage un époisses et un fromage au lait de chèvre recouvert de fleurs comestibles qui m’est inconnu. En les regardant, je sens que ce sera le chèvre qui conviendra et effectivement l’accord est subtil et frais, alors que l’époisses rend le vin un peu pataud. Le vin du Rhône est d’un charme extrême et d’une densité remarquable. C’est un pur plaisir.

Le dessert est une salade de fruits qui n’appelle aucun vin. Nous avons longuement discuté, le journaliste étant très intéressé à comprendre par quel cheminement le désir d’une collection a pu naître. Ce fut un déjeuner sympathique et les vins que j’avais choisis ont parfaitement joué le rôle que j’imaginais.