Déjeuner à la maisonsamedi, 10 février 2018

Depuis quatre jours la France s’est parée de blanc. La neige recouvre tout et le monde entier se gausse de l’incapacité de notre beau pays à s’organiser pour que la vie continue. Les municipalités sont plus promptes à verbaliser qu’à saler les réseaux routiers. Mais on se débrouille. Ma fille cadette vient déjeuner chez moi avec ses deux enfants. Il y aura des petits fours salés et du poulet. Sans aucune idée préconçue je choisis en cave une demi-bouteille et une bouteille de vins rouges.

Le Château Pichon Baron de Longueville 1970 a un très beau niveau, à la base du goulot. A l’ouverture peu avant midi, le beau bouchon vient normalement. La première odeur est un peu fermée, avec une petite pointe d’acidité.

Le Corton Bouchard Père & Fils 1964 en demi-bouteille a un niveau qui a un peu baissé mais de façon normale pour son âge. Le bouchon est très beau et bien souple. Le parfum du vin est immédiatement plaisant, réjouissant et très bourguignon. On sent déjà qu’il sera grand.

Le Château Pichon Baron de Longueville 1970 est servi presque deux heures après ouverture, ce qui a laissé peu de temps au vin pour s’épanouir. Les premières notes de ce vin sont poussiéreuses. Il y a un peu d’acidité et le vin est assez fade, sans vibration. Tout change au deuxième verre qui est servi. C’est assez incroyable car le vin offre maintenant un fruit qu’il n’avait pas auparavant. Il devient beaucoup plus généreux et son fruit me plait. Il accompagne les petits fours salés mais surtout le délicieux poulet de bien belle façon. On ne peut pas dire que c’est un grand vin car il manque de panache. Mais c’est un bon partenaire du repas. Lorsque l’année 1970 était apparue, on annonçait un très grand millésime pour les bordeaux rouges. Pendant plus de dix ans, on a attendu que ce millésime s’ouvre, et ça ne venait pas. Jamais n’ai-je entendu quelqu’un dire : « ça y est, 1970 arrive ». Il y a bien sûr quelques belles exceptions, mais on pourrait qualifier ce millésime de « rendez-vous manqué ». Nous n’avons pas boudé notre plaisir, sans cependant être émus.

Le Corton Bouchard Père & Fils 1964 en demi-bouteille est beaucoup plus avenant, chaleureux, agréable. C’est le vin bourguignon accueillant, gratifiant et souriant. Il a un peu vieilli, mais il sait offrir suffisamment de charme pour qu’on l’aime. Il y a des Cortons de Bouchard qui sont beaucoup plus riches et profonds, comme le 1934, le 1947 ou le 1959, mais celui-ci est un bon compagnon de repas impromptu.

Un test intéressant est celui du repas du soir. Le Pichon a perdu de son fruit mais a gagné en opulence. Il s’oriente plus vers la truffe et devient plus imposant. C’est manifestement un vin qui a un bel équilibre et une belle prestance auquel il manque seulement une vibration que l’année 1970 ne lui donne pas.

Le Corton est devenu plus velouté. Son velours est extrêmement plaisant. C’est un vin de charme, pas totalement parfait mais de grand plaisir. Ces deux vins pris au hasard en cave se sont révélés de bonnes pioches.