Muscat Petits Grains domaine du Clos des Fées 1998
Muscat Petits Grains domaine du Clos des Fées 1998
photos des vignerons qui présentent leurs vins. selon les angles de prises de vue, les chevalet avec les noms ne sont pas représentatifs des vignerons photographiés
La 33ème séance de l'académie des vins anciens se tient au restaurant Macéo. J'arrive vers 16 heures au restaurant pour ouvrir les vins. Je serai progressivement rejoint par quelques fidèles qui m'ont aidé pour peut-être un cinquième des vins. Il y a une proportion assez incroyable de vins dont le bouchon se brise en dizaines de morceaux. Est-ce lié à des conditions atmosphériques locales, je ne sais pas mais je suis de plus en plus étonné de voir une convergence dans le comportement des bouchons. Comme toujours les parfums sont variables et ne sont pas forcément liés à la réputation ou à la noblesse des vins. Ainsi un Pommard Epenots 1952 et un vin d'Algérie 1930 me sont apparus comme de petites merveilles olfactives.
Ouvrir les vins donne soif aussi avons-nous ouvert le Champagne Lebrun de Neuville Brut sans année prévu pour l'apéritif sans attendre l'arrivée des convives. Un dosage un peu fort et torréfié empêche de profiter de ce champagne. Nous ouvrons ensuite le Champagne Lebrun de Neuville millésimé 2003 plus accessible mais aussi gêné par son dosage.
Les académiciens arrivent et sont tous à l'heure. Nous sommes 29 et nous allons nous partager une soixantaine de vins, ce qui est au-dessus des normes de l'académie. Nous serons répartis en trois tables et voici le programme de la soirée :
Apéritif : Champagne Lebrun de Neuville Brut sans année, Champagne Lebrun de Neuville 2003, Champagne Delamotte Blanc de Blancs sans année, Champagne Legras & Haas Blanc de Blancs Jéroboam 1992.
Vins du groupe 1 : Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1986, Champagne Cristal Roederer 1959 , Chablis 1er cru Pierre Léger 1921, Kebir-Rosé Frédéric Lung Algérie 1940, Château Soutard 1/2 bt 1976, Château Pontet Canet 1929, Gevrey-Chambertin Lavaux Saint-Jacques A. Seguin & Fils 1976, Pommard Epenots Les Vins fins de Goutagny 1952, Volnay A. Noirot-Carrière 1961, Bonnes-Mares Lionel J. Bruck 1966, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965, Barolo Nebbiolo 1900, Domaine de la Trappe Vin rouge d'Algérie (vidange) (don) 1920, Chateau du Vieux Moulin Loupiac 1955, Château Climens 1957, Rhum Naura (années 70).
Vins du groupe 2 : Coteaux Champenois Pol Roger sans année vers 1980, Vouvray sec Domaine Clovis lefèvre 1961, Riesling Sommerberg Grand Cru Domaine Boxler 1986, Riesling Sommerberg Grand Cru Domaine Boxler 1983, Château Soutard 1/2 bt 1976, Château Bel-Air Marquis d'Aligre 1970, Cos d'Estournel 1970, Château Franc Patarabet J.P. Barraud Saint-Emilion 1961 , Château Bouscaut Graves rouge Comte de Rivaud et V. Place 1926, Chambertin Paul Bouchard & Co vers 1925, Chateauneuf du Pape Clos du Grand Père Raoul Ginoux 1962, Champagne Lebrun de Neuville 1/2 sec 1991, Vouvray Moelleux Maurice Audebert 1921, Château d'Yquem 1966, Rhum Naura (années 70).
Vins du groupe 3 : Champagne Heidsieck Monopole Blue Top Brut # 30 ans, Muscadet Sèvres et Maine Château de la Galissonière (des années 1955 ou 59) , Puligny Montrachet Clos de la Pucelle domaine Denoune-Naudin 1961, Gewurztraminer Clos des Capucines Domaine Weinbach Théo Faller 1989, Château Soutard 1/2 bt 1976, Château Palmer 1974, Château Lestage Listrac Médoc 1967, Chateau Lestage Darquier Moulis 1955, Morey (?) Les Sorbets de négoce probable 1959, Châteauneuf-du-Pape M. Chapoutier 1956, Vin d'Algérie F. Lung 1920 (vidange) (don) , Sénéclauze rouge vin d'Algérie 1930, Château Rayne-Vigneau 1947, Muscat du Domaine de la Trappe Algérie années 50 (don), Rhum Naura (années 70).
Nous commençons l'apéritif avec le Champagne Legras & Haas Blanc de Blancs Jéroboam 1992. Il est incroyablement floral, de fleurs blanches, combinant délicatesse, fragilité et énergie, ce qui est paradoxal, avec une longueur extrême. C'est un magnifique champagne tout en grâce subtile.
Le Champagne Delamotte Blanc de Blancs magnum sans année est servi quand nous sommes assis. Comme le précédent il est blanc de blancs. Il a plus de vivacité mais il a moins d'énigme que le 1992 qui est beaucoup plus séducteur. Le Delamotte est un solide champagne mais plus consensuel.
Le menu préparé par le restaurant est : bœuf Angus maturé aux épices, huile de pistaches & pickles d'échalotes / poêlée de champignons à la provençale / joue de bœuf braisée, légumes blanquette / trio de fromages affinés par la maison Bordier / tarte tiède aux pommes, glace caramel.
Il n'y aura pas de construction d'accords mets et vins tant il y a de vins différents, mais la cuisine s'est montrée d'une qualité idéale pour les vins, par la lisibilité évidente des recettes.
Etant dans le groupe 1, voici quelques bribes de ce que j'ai ressenti.
Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1986 est très solide et cohérent, mais je ne retrouve pas ce qui fait le charme habituel des « brut Impérial », souvent exceptionnels. Il est bon, sa couleur d'or blond est belle, mais il manque de tempo.
Le Champagne Cristal Roederer 1959 d'un niveau assez bas et d'une couleur assez sombre avait fait peur à l'ami qui l'a apporté. Mais quand on fait abstraction de la couleur sombre et peu engageante, on s'aperçoit que ce champagne a une bulle plus active que celle du 1986 et qu'il offre en milieu de bouche un fruit rouge d'une rare persuasion. Et j'adore ce soldat blessé car il m'émeut.
Le Chablis 1er cru Pierre Léger 1921 étant un de mes apports, qu'on n'attende pas de moi de l'objectivité. En cave, j'avais vu à travers la bouteille poussiéreuse une belle couleur de vin. Dans le verre cette couleur est magnifique de jeunesse et le vin est extrêmement vivant, vif et joyeux. Je l'adore.
Mais le Kebir-Rosé Frédéric Lung Algérie 1940 est lui aussi d'une incroyable séduction. Tous les repères sur les vins rosés tombent car il est dense riche et il a ce soupçon de café qui est la signature des vins algériens. Lequel aimer des deux, je ne sais pas, le Chablis est délicieusement féminin et le Kebir est le mâle dominant. Aimons donc les deux.
J'ai mis à chaque table une demi-bouteille de Château Soutard Saint-Emilion 1976. A l'ouverture, les parfums n'étaient pas éblouissants. Sur table notre Soutard est plutôt sympathique avec une belle mâche, sans que l'on tombe en extase.
Le Château Pontet Canet 1929 avait une capsule neutre qui pourrait donner des doutes, mais le bouchon levait ces doutes sans ambiguïté. Le vin est tout simplement sublime car il a la puissance glorieuse des vins de 1929 qui n'amoindrit pas la subtilité du vin. On a là l'expression la plus aboutie du grand vin de Bordeaux.
Le Gevrey-Chambertin Lavaux Saint-Jacques A. Seguin & Fils 1976 est assez agréable mais je l'ai peu mémorisé, car je n'ai pas pris de notes en cours de repas.
Le Pommard Epenots Les Vins fins de Goutagny 1952 avait un superbe parfum à l'ouverture et montre une grâce extrême. J'aime ces vins qui sont tout en suggestion.
Le Volnay A. Noirot-Carrière 1961 est plus riche que ce que je pouvais m'imaginer. On m'apporte tant de vins des autres tables que je perds assez vite le fil de certains vins.
Le Bonnes-Mares Lionel J. Bruck 1966 est carré et bien construit mais je ne retrouve pas la vibration habituelle des Bonnes-Mares.
La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965 est un grand vin, mais l'ami qui l'a apporté fera la même constatation que moi, ce vin fort agréable n'a pas l'émotion habituelle des vins du domaine. Il est cohérent mais sans souffle.
Le Barolo Nebbiolo 1900 provient d'une bouteille qui est très ancienne et se situerait plutôt vers les années 1850, et l'étiquette d'écolier où le nom est marqué est aussi d'un usage de la moitié du 19ème siècle plutôt que de 1900. Le nez est pur, mais on ne peut pas le situer. La couleur du vin est d'un rose pâle ce qui est inattendu, et en bouche ce vin fort me fait plus penser à un blanc qu'à un rouge. Il est indéfinissable mais il a beaucoup d'intérêt car c'est une énigme. On a le même dépaysement qu'avec le Kebir-Rosé 1940.
Le Domaine de la Trappe Vin rouge d'Algérie 1920 avait un niveau extrêmement bas qui laissait prévoir une mort assumée, mais en fait ce vin qui m'a été offert par un amateur généreux non présent se montre beaucoup plus sociable, avec la solidité des bons vins algériens.
Le Château du Vieux Moulin Loupiac 1955 a une belle couleur dorée et il est d'une richesse rare. Il pourrait jouer dans la cour des grands tant il a d'énergie.
Le Château Climens 1957 est évidemment d'une plus belle lignée, mais comme ce Climens joue un peu en sourdine, le Loupiac est plus souriant. On reconnaît la subtilité du Haut-Barsac, même si elle ne s'exprime pas totalement.
Un académicien est distillateur de quetsches et a apporté deux petites fioles à goûter entre nous alors que j'avais prévu un rhum. Qu'à cela ne tienne, j'ai essayé cet alcool fort et ce qui m'a frappé, c'est qu'on ne sent pas du tout la force alcoolique tant cette eau de vie a de fraîcheur.
Le Rhum Naura (années 70) a accompagné des chocolats apportés par des amis.
Au-delà de mon programme, celui du groupe 1, on m'a apporté généreusement des verres des vins des autres tables.
Le Château Bouscaut Graves rouge Comte de Rivaud et V. Place 1926 est une splendeur d'accomplissement.
Le Chambertin Philippe Bouchard & Co vers 1925 est d'une jeunesse extrême et d'un rare équilibre.
Le Château d'Yquem 1966 est glorieux, archétype de l'Yquem accompli, dont l'apporteur savait que je l'adore.
Le Château Palmer 1974 est une belle surprise pour un vin de cette année.
Le Châteauneuf-du-Pape M. Chapoutier 1956 est d'un équilibre insolent.
Le Sénéclauze rouge vin d'Algérie 1930 pourrait être un vainqueur de la soirée tant son parfum est marqué par le sel, comme sa bouche.
Le Château Rayne-Vigneau 1947 est riche et éblouissant.
Le Muscat du Domaine de la Trappe Algérie années 50 est un palais des mille et une nuits, d'un charme sans équivalent.
La variété des vins est extrême. Chaque table a eu un programme très riche. Ce qui compte le plus c'est l'atmosphère de cette académie marquée par la générosité et par l'envie de tous d'explorer le monde fascinant des vins anciens. Ce fut sans nul doute l'une des plus belles séances de l'académie des vins anciens.
(le Pontet Canet 1929 n'était pas présent au moment de la photo)
Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1986
Champagne Cristal Roederer 1959
Chablis 1er cru Pierre Léger 1921

Kebir-Rosé Frédéric Lung Algérie 1940

Château Soutard Saint-Emilion 1/2 bt 1976
Château Pontet Canet 1929

Gevrey-Chambertin Lavaux Saint-Jacques A. Seguin & Fils 1976
Pommard Epenots Les Vins fins de Goutagny 1952

Volnay A. Noirot-Carrière 1961

Bonnes-Mares Lionel J. Bruck 1966

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965

Barolo Nebbiolo 1900


Domaine de la Trappe Vin rouge d'Algérie (vidange) (don) 1920

Chateau du Vieux Moulin Loupiac 1955
Château Climens 1957
Rhum Naura (années 70)
atmosphère de gaieté
et le sublime mathusalem
et les vins de mon ami Georges dos Santos
Le 19ème dîner annuel de vignerons que j'organise, appelé 'dîner des amis de Bipin Desai', se tient comme chaque année au restaurant Laurent. Les participants de ce dîner sont : Margareth Henriquez (Champagnes Krug) - Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée-Conti) - Brice de la Morandière (Domaine Leflaive) - Frédéric Barnier (Maison Louis Jadot) - Jacques Devauges (Clos des Lambrays) - Jean-Luc Pépin (Domaine Comte Georges de Vogüé) - Marc Hugel (Maison Hugel) - Rodolphe Péters (Champagnes Pierre Péters) - Thomas Seiter (Maison Bouchard Père & Fils) - Vincent Chaperon (Champagne Dom Pérignon) - Bipin Desai et moi. Pierre Trimbach a dû se désister après m'avoir envoyé son vin, qui, à sa demande, sera présenté au dîner.
J'étais venu il y a deux mois étudier la cuisine de Julien Schmitt, le nouveau chef du restaurant Laurent, et j'avais apprécié son ouverture d'esprit lorsque nous avons conçu ensemble il y a quelques jours le menu de ce dîner. La forme du repas étant celle d'un de mes dîners, il en sera le 239ème. Le menu est ainsi composé : araignée de mer dans ses sucs en gelée / blanc-manger de langoustines, caviar Impérial de Sologne / homard de nos côtes cuit au bois sucré, butternut fondant voilé d'une marmelade citronnée, sucs au jus de volaille réglissé / ris de veau doré et glacé, condiment de péquillos, carottes Chantenay, crème de laitue au beurre noisette / volaille Culoiselle au foie gras, variation automnale autour des cèpes / Saint-Nectaire / poire en texture, poivre sauvage d'Andaliman / madeleines à la réglisse.
C'est un peu avant 16 heures que je me présente au restaurant pour ouvrir les bouteilles et Ghislain, l'excellent sommelier, a déjà aligné les bouteilles qui avaient été livrées il y a quatre jours, pour que je puisse les photographier. Beaucoup des bouteilles fournies par les vignerons ont été reconditionnées avec des bouchons neufs. Lorsque je retire le bouchon du magnum de Clos Sainte-Hune 2012, je sens que le bouchon sent le bouchon. J'ai peur qu'il en soit de même du vin aussi je verse un peu de vin qui ne montre aucun défaut mais est très chaud. Je fais goûter à Ghislain qui ne comprend pas que le vin soit chaud alors qu'il l'a mis en chambre froide. Le magnum de Trimbach est tellement haut qu'il se pourrait que la partie supérieure de la chambre froide assure moins de froid.
Les parfums de tous les autres blancs sont superbes. Le Clos des Lambrays 1971 et le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959 ont des bouchons qui sont tous les deux surmontés par une sorte de bulle assez plate en plastique ou en cire qui assure une étanchéité du bouchon sous la capsule. Les parfums des rouges sont aussi parfaits mais pour le Clos des Lambrays, le parfum de la bouteille reconditionnée et au niveau plus que parfait me donne l'impression que le vin a été un peu fortifié au rebouchage. Jacques Devauges me dira que le protocole de rebouchage interdit un tel phénomène car les bouteilles ne sont complétées que par le vin d'une bouteille du même millésime.
Le Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900 a été rebouché il y a quelques années et le bouchon Diams en liège aggloméré porte l'adresse internet de la maison Hugel ce qui fait anachronique. Le nez est très discret et je n'ai pas envie de vérifier le vin, pour ne pas le heurter. Nous verrons.
Ghislain ouvre les champagnes à 18 heures. Les amis arrivent à 19h30. Vincent Chaperon a dû prendre un train un peu tard du fait d'une grève. Il ne sera pas là au moment où son vin est servi mais nous rejoindra assez vite. Le Champagne Dom Pérignon P2 magnum 1995 me rebute un peu car je ressens la force du dosage. Les excellents amuse-bouches vont permettre au champagne de devenir plus fin et raffiné. J'ai gardé mon verre à table et le champagne a réussi à me convaincre de l'intérêt de faire un « P2 » pour un vin que je considère comme jeune, ayant du mal à imaginer qu'il a 24 ans.
Ayant la charge de la bonne ordonnance du repas et discutant avec des vignerons passionnants, je n'ai pas pris de notes et ma mémoire des vins sera de ce fait relativement succincte.
Nous passons à table. Rodolphe Péters explique le concept du Champagne Pierre Péters Cuvée Héritage. Rodolphe avec l'accord de son père et de son oncle a fait un assemblage de vingt millésimes qui existaient dans l'œnothèque de la maison, allant de 1921 jusqu'à 2010. J'avais été l'un des premiers il y a trois ans à goûter cette cuvée qui n'était pas encore au point et le fait de mélanger des 1921 et des 1947 avec des vins plus jeunes heurtait un peu ma sensibilité. Mais en goûtant ce champagne, je suis conquis, car il est d'une grande complexité et d'un foisonnement d'évocations de tous les millésimes. C'est un très grand champagne. On peut s'amuser à essayer de retrouver le goût d'une décennie et avec un peu d'imagination, on le trouve. L'araignée de mer lui convient parfaitement. Cette cuvée Héritage est une réussite.
Sur le blanc manger de langoustine nous avons deux vins, comme sur presque tous les plats. Le Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach magnum 2012 ne me semble pas offrir la vivacité et le caractère cristallin et précis qui est une caractéristique de ce grand riesling et Marc Hugel partage mon analyse, mais d'autres vignerons me diront plus tard qu'ils l'ont trouvé parfait. Le Bourgogne Blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 2006 est en fait le Musigny blanc qui ne retrouvera son nom que sur le millésime 2015 lorsque les vignes replantées dans les années 80 ont un âge suffisant justifiant cette appellation. Le vin est à la fois vif et complexe, riche et entraînant. Je suis conquis par ce vin énergique aux multiples évocations. Il est enthousiasmant comme le champagne Péters.
Le homard accueille deux blancs. Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 est d'une couleur d'un or marqué. Le vin est riche, puissant et conquérant. A côté de lui le Montrachet Bouchard Père & Fils 2002 est plus aérien et fluide. Il est subtil et n'a pas la puissance habituelle des montrachets. J'aime ce vin tout en évocations raffinées.
Le ris de veau est délicieux et convient bien aux deux vins. Le Gevrey-Chambertin Les Combottes Louis Jadot 1969 paraît jeune pour ses cinquante ans mais a bien la sérénité et la plénitude des vins de 1969. Il est très équilibré et riche et le ris de veau lui convient bien. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Domaine Comte Georges de Vogüé 1993 est très différent mais aussi très complémentaire. Il est vif, cinglant et j'adore ses saveurs multidirectionnelles. Les deux vins se complètent sur le plat comme dans les séries précédentes.
La volaille est douce et superbe et accompagnera deux vins rouges et un champagne. J'ai voulu en effet séparer dans ce repas le Dom Pérignon et le Krug qui sont de la même année. Il ne serait pas opportun de les mettre en compétition. Le Clos des Lambrays 1971 est à un moment de plénitude. Il est riche et d'une belle longueur, serein. A côté de lui, le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959 est d'une fraîcheur et d'une subtilité rares. Je ne trouve pas, ou juste en trace, le sel qui est un marqueur des vins du domaine, mais le vin est exceptionnel. La volaille met les deux vins en valeur, qui encore une fois ne se nuisent pas et au contraire accroissent le plaisir de les boire.
Le Champagne Krug magnum 1995 est éblouissant de richesse et de complexité. Il est au sommet de son art. C'est un champagne accompli et le passage des vins rouges au champagne et inversement se fait naturellement quand on prend soin de prendre une bouchée de l'excellent plat d'une douceur extrême.
Le Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900 est inconnu de tous, même de Marc Hugel. Sa couleur est un peu foncée ce que Marc impute à un léger botrytis. Le vin est résolument sec, avec une petite pointe de douceur. Marc pense qu'il pourrait y avoir un peu de riesling dans ce vin qui ne lui paraît pas totalement Traminer. On ne peut pas imaginer que ce vin fluide et profond puisse avoir 119 ans. Marc, voyant le dessert pensait qu'il ne conviendrait pas au vin et a reconnu que son appréhension n'est pas justifiée car la fraîcheur du dessert d'une belle douceur met en valeur le vin délicat et émouvant.
J'ai apporté deux bouteilles de Vin de Chypre 1870 dont j'avais senti les parfums dissemblables à l'ouverture. Je pensais faire servir chaque bouteille à une moitié de table mais Aubert de Villaine m'a suggéré que chacun puisse goûter les deux. Il a eu raison. La première est très épicée et riche de réglisse. C'est un vin lourd et capiteux de grande palette aromatique. La seconde bouteille est plus légère, les épices étant moins présentes et le vin étant plus fluide. J'ai tendance à préférer la seconde et plusieurs amis préfèrent la première. Dans les deux cas les vins sont de longueur infinie. Bipin Desai dit que des personnes qui offrent à ce dîner un vin de 1900 et deux vins de 1870 ''ne peuvent pas être de mauvaises personnes''. Les madeleines à la réglisse conviennent à ces deux vins doux naturels de grande intensité.
Tous les vins apportés par les amis vignerons ont été de haute qualité et ont permis de faire un programme cohérent, appuyé par une cuisine particulièrement adaptée. Le chef a fait un repas apprécié par tous, d'une grande justesse. Les accords ont tous été pertinents et le rythme du repas a mis en valeur les vins. Le service de sommellerie a été attentionné et efficace. L'atmosphère du repas a été extrêmement amicale. Chacun a été heureux de bavarder avec ses amis. Ce fut une soirée très réussie.
Les vins dans ma cave (sauf le Montrachet 2002 non encore arrivé)
Les vins au complet au restaurant Laurent
Champagne Dom Pérignon P2 magnum 1995
Champagne Pierre Péters Cuvée Héritage
Clos Sainte-Hune Riesling Domaine Trimbach magnum 2012
Bourgogne Blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 2006
Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992
Montrachet Bouchard Père & Fils 2002
Gevrey-Chambertin Les Combottes Louis Jadot 1969
Chambolle-Musigny Les amoureuses Domaine Comte Georges de Vogüé 1993
Clos des Lambrays 1971
Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1959
Champagne Krug magnum 1995
Traminer de Riquewihr Maison Hugel 1900
Vin de Chypre 1870
Vincent Chaperon, Aubert de Villaine et Bipin Desai
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
Sur la photo de gauche à droite :
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
François Audouze / Brice de la Morandière (Domaine Leflaive) / Rodolphe Péters (Champagnes Pierre Péters) / Marc Hugel (Maison Hugel) / Jacques Devauges (Clos des Lambrays) / Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée-Conti) / Jean-Luc Pépin (Domaine Comte Georges de Vogüé) / Bipin Desai / Thomas Seiter (Maison Bouchard Père & Fils) / Margareth Henriquez (Champagnes Krug) / Frédéric Barnier (Maison Louis Jadot) / Vincent Chaperon (Champagne Dom Pérignon)
Quelques photos d'ambiance des participants (crédit photos : Laurence de Terline)
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption]
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Dîner Vins des amis de BIPIN DESAI au restaurant Laurent - Nov 2019 © Laurence de Terline[/caption] Le texte qui suit est le récit du déjeuner au restaurant Pages rédigé par Romain, mon compagnon de table.
Je suggère de lire d'abord mon compte-rendu et ensuite celui de Romain ci-dessous :
« Déjeuner avec François Audouze en compagnie de vins anciens est toujours un moment unique car on voyage réellement avec les vins et les accords qui les transcendent. J'en ai fait une nouvelle fois l'expérience au restaurant Pages pour un déjeuner où la plupart des approches traditionnelles sur les associations mets et vins ont volé en éclats, laissant la place à un ballet improvisé où l'intuition de François a permis de créer des accords impensables mais brillants. J'ai tellement été marqué par ce déjeuner que j'ai décidé d'en faire le récit tel que je l'ai vécu.
J'arrive à 11h pour ouvrir mes vins et je découvre alors les deux vins choisis par François qui est déjà sur place : un Pétrus 1958 et un Richebourg 1963 domaine de la Romanée Conti (avec en renfort un autre Richebourg du domaine de la Romanée Conti du millésime 1953 et un Hermitage 1978 De Vallouit « au cas où »). Autant dire que mon sang ne fait qu'un tour tant c'est le rêve de tout amateur que de réussir à boire un jour ce type de flacon de légende. C'est un immense cadeau qui montre la profonde générosité de François et qui annonce nettement la couleur du déjeuner que nous allons partager. J'y joins mes apports : Y d'Yquem 1968, Beaune Grèves Vignes de l'Enfant Jésus 1989 Bouchard Père et Fils, demi-bouteille de Chambolle-Musigny Les Amoureuses 1966 domaine Ropitot (qui sera écartée car l'opulence est déjà au rendez-vous) et un Cognac Grande Champagne de la fin du XIXème siècle où seuls les deux premiers chiffres du millésime apparaissent (#18??). Nous déjeunerons donc avec 4 vins (un blanc et trois rouges) et un cognac.
François s'arme de ses outils pour ouvrir les bouchons et le voyage commence. Le bouchon de l'Y est parfait, son parfum est divin. Le bouchon du Pétrus est comme rongé par un champignon qui l'effrite en poussière sur le contour extérieur, laissant une couche sale à l'intérieur du goulot, ce qui explique la baisse de niveau. Avec un bouchon pareil, n'importe quel professionnel du vin et amateur non averti condamnerait la bouteille à l'évier. J'assiste alors au traditionnel nettoyage manuel de l'intérieur du goulot (avec un doigté qui porte en lui le mystérieux fluide résurrecteur de François) et l'on découvre alors un parfum riche et intense, avec une violette subtile. C'est une surprise tellement inattendue que François décide de reboucher le Pétrus est de le placer en apéritif. Un Pétrus en apéritif, ce n'est certainement pas un cas d'école… Le bouchon du Beaune Grèves est nettement moins qualitatif que celui de l'Y et le parfum discret montre que l'aération lui sera profitable. Enfin, le bouchon du Richebourg est une épreuve, collant au goulot à cause d'une surépaisseur. Le parfum est incertain, comme voilé par un masque poussiéreux mais l'on sent un changement possible. Voilà une autre bouteille qui pourrait rapidement être écartée d'une table pour finir à l'évier. Mais nous verrons avec l'aération lente. L'enchaînement des vins est annoncé comme suit : Pétrus 1958, Y d'Yquem 1968, les bourgognes avec le Beaune Grèves 1989 et le Richebourg 1963 et enfin le Cognac. François ayant un instinct hors normes pour visualiser des accords avec les vins anciens (ce qui frise l'ésotérisme), le menu est revu en un éclair. Les plats sont simplifiés, les ingrédients et amuse-bouches non compatibles sont écartés et de nouvelles consignes sont données à l'équipe qui les accueillent et s'y adaptent avec une agilité remarquable.
A midi, la deuxième partie du voyage commence avec en guise d'amuse-bouche un carpaccio de Daurade simplifié (huile d'olive et sel) pour accompagner le Pétrus 1958. Débuter un repas avec un Pétrus sur du poisson cru est aux antipodes de tout ce que l'on peut concevoir dans la gastronomie traditionnelle. On est en droit de se dire que jamais un sommelier ne recommanderait cela. Et pourtant l'accord est éblouissant… Il existe toutefois un protocole pour en jouir : commencer par la Daurade, bien mâcher, garder en mémoire le goût du poisson puis déguster le Pétrus. C'est là que la magie opère car la fraîcheur et la mâche épurée du poisson se combinent au grain riche du Pomerol et lui apportent un coup de fouet et une dimension en bouche qu'on ne soupçonnerait pas. C'est une combinaison inédite qu'il faut vivre pour vraiment la comprendre. L'accord est tellement saisissant que l'amuse-bouche est doublé. C'est mon premier Pétrus et je ne pouvais rêver mieux comme intronisation. Vient ensuite un carpaccio de bœuf Ozaki légèrement brûlé au chalumeau. Alors qu'on pourrait nous recommander un vin rouge, plutôt tannique et charpenté pour supporter le brûlé de la viande, François se tourne instinctivement vers l'Y en disant « c'est l'Y qu'il nous faut ». Un blanc sur une viande presque crue est une nouveauté pour moi, je n'arrive pas à imaginer que cela puisse fonctionner. Le protocole est réitéré. On mâche un petit morceau de viande qui est excellente et une fois la mémoire du bœuf en bouche on goûte l'Y. Pour moi l'accord est encore plus incroyable que le précédent car le gras de la viande va épouser la trame de l'Y et lui donner une largeur aromatique impressionnante. L'Y est d'une tension folle pour son âge, avec un équilibre parfait entre acidité et douceur du botrytis. Il semble bâti pour trancher le palais. La viande étant fine, elle n'écrase pas l'Y mais supporte son message, le gras s'associant à l'acidité et le fumé au botrytis. C'est saisissant. Nous poursuivons le repas avec un risotto aux champignons et Ormeau qui appellerait en théorie un blanc. Une fois encore, François sort des sentiers battus en choisissant intuitivement le Beaune Grèves 1989. Une fois de plus, l'accord fonctionne diablement. Même si le Beaune possède un léger voile de bouchon au nez, la bouche n'en est pas affectée et l'Ormeau va fournir un vrai tremplin gustatif au Beaune qui serait beaucoup plus discret et sévère sans son aide. L'accord s'oppose à toute logique. La sauce du risotto est excellente et donne la tension qui manque au Beaune pour rayonner, c'est magique. Arrive ensuite le moment le plus incroyable du repas. François demande spécialement un morceau de bœuf Ozaki grillé (non prévu initialement) et propose une expérience inédite : manger la moitié du bœuf avec l'Y d'Yquem et la seconde moitié avec le Richebourg 1963. Les deux accords sont fabuleux. La viande est d'une qualité exceptionnelle et son gras convient parfaitement à l'Y qui s'envole à des hauteurs folles. L'accord est également superbe avec le Richebourg qui n'a plus un gramme de défaut et devient riche et solide. La viande lui donne une opulence et stimule sa finale salée. Un sel que je ressens vraiment pour la première fois de ma vie. Si j'ai souvent lu les commentaires de dégustation de François évoquant le sel dans les vins du domaine de la Romanée Conti, je n'avais encore jamais goûté ni ressenti cette singularité. C'est chose faite aujourd'hui et c'est une émotion intense. Le voyage ne s'arrête pourtant pas là car c'est au tour du Cabillaud d'entrer en scène pour accompagner de nouveau le Pétrus. Pétrus et poisson sont décidément faits pour s'entendre alors que la théorie professerait l'inverse. Même si la sauce du cabillaud n'est pas adaptée pour le vin, la chair seule, divine, est le support idéal pour le Pomerol truffé. C'est à se damner. Le lièvre à la royale succède ensuite au poisson pour accompagner le Richebourg qui va à nouveau briller royalement, plus même que pour l'accord avec le bœuf Ozaki. La saveur marquée du lièvre (quoique manquant un peu de panache sauvage) va littéralement rehausser le Richebourg, lui donnant une touche fumée qui, mariée au sel, le rend sublime. Comme si les codes des accords n'étaient pas suffisamment cassés, François propose d'essayer le Cognac sur la sauce seule. Le Cognac étant ouvert depuis plusieurs mois, il est légèrement éventé, ce qui le rend plus doux et accueillant pour créer un accord « ton sur ton » avec la sauce. Mes certitudes sur l'apparition normale d'un Cognac au cours d'un repas sont mis en branle. Alors qu'arrive l'assiette de fromage, l'intuition de François ne perd rien de sa performance et les accords sont immédiatement trouvés. Le Saint Nectaire avec le Richebourg, la Couronne de Poitou avec le Beaune Grèves et la Tome de Brebis avec le Cognac. C'est un sans-faute. Le Cognac se termine enfin avec le dessert Marron Tatin et met un point final à ce voyage éblouissant.
Ce déjeuner n'était semblable à aucun autre car je n'ai jamais ressenti des accords aussi intenses et brillants, alors même qu'ils sont à des années lumières des associations classiques. Lire les écrits de François sur les accords qui vous transportent est une chose, mais le vivre en est une autre qui fait taire tout soupçon. Il y a quelque chose de magique avec François qui ne s'explique pas mais qui transforme résolument la vision que l'on peut avoir du vin et de la gastronomie. C'est par l'expérience que François réussit à convaincre et les sceptiques des vins anciens sont bien malchanceux de rester en dehors de ces expériences fantastiques. Il me tarde de récidiver car c'est un réel plaisir de casser les codes avec François tant sa compagnie, sa générosité et son approche des vins anciens sont authentiques et sincères. »
Texte de Romain. Les photos sont jointes à mon compte-rendu.