Ouverture pré-officielle du restaurant de mon ami Tomo mardi, 6 novembre 2012

Tomo, le fidèle ami avec lequel j'ai bu deux Romanée Conti pour le film "les quatre saisons de la Romanée Conti" a enfin son restaurant. Débordé par les procédures et les formalités il a mis trois ans pour aboutir. L'ouverture officielle sera dans une quinzaine de jours, parce qu'il y a toujours de petites finitions de dernière minute, mais ce soir, l'équipe au complet œuvre en vraie grandeur avec tous les plats de la carte. Des amis de Guillaume, le directeur, sont venus et toutes les tables du restaurant sont prises. C'est l'ouverture non officielle mais effective du restaurant dont le nom pour l'instant sera Restaurant Tomo. J'indiquerai toutes les coordonnées lorsque Tomo me donnera le feu vert. Le restaurant est dans un quartier chic, à une adresse huppée, la façade est raffinée.


Quand on pousse la porte, la décoration élégante frappe d'emblée. Ardoise, bois et verre sont élégamment dosés. La cuisine est ouverte sur l'entrée et quatre cuisiniers dont Guillaume (l'autre Guillaume) est le chef. En montant l'escalier entre des parois d'ardoise, on peut jeter un œil sur une cave à vins toute en verre, qui plante le décor : Romanée Conti, Yquem, Screaming Eagle, Comtes Lafon, Henri Jayer. Ici, on ne rigole pas, il y a du lourd au programme. Heureusement il y a au sous-sol une autre cave aussi en verre, que l'on peut apercevoir du rez-de-chaussée, où des vins sont plus accessibles.


Je suis venu vers 18h30 pour ouvrir ma bouteille qui doit "marquer le coup" pour un événement si important dans la vie de Tomo. J'ai choisi Hermitage La Chapelle 1959, une rareté qu'il faut boire, puisque le niveau est à 5 ou 6 cm du bouchon. En voulant planter mon tirebouchon, le bouchon recule. J'essaie de le piquer, mais il bouge encore et finit par tomber. Je suis obligé de transvaser le liquide dans une autre bouteille. Le parfum me semble pur et n'a pas été affecté car le bouchon avait jusqu'à ce moment joué son rôle.


A 20 heures, Tomo et son épouse ainsi que la mienne me rejoignent à notre table. Une coupe de Champagne Billecart Salmon Brut sans année est désaltérante, mais ne m'inspire pas trop, car j'ai en tête l'anxiété du comportement futur de mon vin. Plutôt que des gougères, le chef a préparé une brioche que Guillaume découpe en petites tranches que nous pouvons tremper dans une sauce verte délicieuse. C'est original, goûteux, et se marie bien avec le champagne.


Nous choisissons nos plats. Pour moi ce sera : céleri cuit au four, lard, échalotes, moelle de bœuf / homard bleu, carotte, raifort / agneau en deux services, haricot de Soissons / coing glacé, butternut, marrons vanillés.


Tomo a apporté un Charlemagne Grand Cru Doudet-Naudin 1929 dont l'habillage est récent, car les étiquettes et leurs libellés sont modernes. A travers le verre, on peut voir que le vin est fortement ambré. Hélas, le parfum ranciote et le goût en bouche est définitivement madérisé. Le vin manque d'intérêt, car la madérisation étouffe toute autre saveur. Ce n'est pas désagréable, mais ce n'est pas ce que nous attendons. Le céleri est délicieux et se prend de sympathie pour le vin blanc. Le blanc étant mis de côté, l'Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1959 entre en scène plus tôt que prévu. Son nez est pur et respire la truffe. En bouche le vin est solidement charpenté, évoque une lourde truffe, mais on le sent monolithique, coincé dans une expression minimale. Le homard a un effet extraordinaire sur le vin. Il le rend plus long, plus aiguisé et lui permet de se réveiller. La chair du homard est très intense, comme je l'aime et le radis et le raifort l'excitent, mais alors il ne faut pas penser au vin. Seule la chair du homard joue un rôle curatif pour le vin.


Tomo fait ouvrir La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1980. Le parfum est la signature du domaine d'une façon inimitable. Sel et rose sont au rendez-vous. Mais le vin commence par n'être qu'un squelette d'un vin du domaine. Il a toutes les cartes d'identité et passeports du domaine, mais il manque de chair, d'ampleur, de joie de vivre.


Sur un agneau exceptionnellement bon, nous allons assister à un phénomène dont on pourrait penser qu'il a été voulu, mais qui est le fruit de la chance. La subtile sauce de la première partie de l'agneau donne le coup d'envoi d'une résurrection de La Tâche. Elle gagne en opulence, devient charnelle, et le vin est exactement ce que nous aimons de La Tâche, un vin qui interpelle, qui donne des signaux où l'amertume est subtile. Nous sommes en plein dans un accord de haute subtilité. Lorsque je dis que cet agneau est un plat de deux étoiles, Tomo me dit : "ce n'est pas ce que nous visons". Et lorsque plus tard j'irai féliciter le chef Guillaume en cuisine en lui parlant de deux étoiles il a la même réponse : "ce n'est pas ce que nous visons". Peut-être, peut-être, mais démarrer ainsi, c'est une sacrée promesse. Et la deuxième partie de la pièce qui se joue, c'est le deuxième service de l'agneau, plus caramélisé. Et là, c'est la consécration de l'Hermitage La Chapelle qui devient éblouissant. C'est un très grand vin, puissant, droit, direct, aux fruits rouges et noirs un peu passés, à la truffe bien dosée, qui plait par son équilibre et sa sérénité. Il a tout de son petit frère 1961, sauf le génie. A ce moment précis nous avons La Tâche 1980 qui est ce qu'elle doit être et l'Hermitage 1959 qui est ce qu'il doit être. Et c'est un moment de grâce. Nous avons eu peur, mais le temps et l'éclosion des vins nous ont apporté du bonheur.


Le dessert est délicieux et accompagné d'un vin de table de France Turbullent avec deux "L", Le Roc'ambulle qui titre 9° et tient un peu du cidre mais convient bien pour finir sur une légèreté.


Je brûlerais bien sûr de vous donner le nom et l'adresse de cet endroit où nous avons dîné de bien belle façon avec une cuisine précise, classique, magnifique pour les vins, couronnée par un agneau sublime. Mais je respecte le désir de Tomo. Il veut que tout soit prêt pour recevoir les réservations. Soyez prêts à réagir le jour venu, car voilà un lieu où l'on mange bien.







163ème dîner de wine-dinners au restaurant Lasserre vendredi, 26 octobre 2012

Le 163ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Lasserre. Ce sera la première fois qu'un de mes dîners se tient en ce lieu et l'envie de revoir Antoine Pétrus, sympathique et brillant sommelier a pesé beaucoup. J'étais venu déjeuner en "repérage" il y a quelques jours en ce lieu riche de souvenirs de jeunesse. Antoine m'accueille à 17 heures, je fais la photo des vins et commence alors la cérémonie d'ouverture. L'Y d'Yquem 1988 a un parfum à se damner. Il est conquérant. Pour voir si le lien de famille se fait, j'ouvre l'Yquem 1955 au nez moins envahissant mais d'une rare subtilité. Et l'on peut imaginer un petit lien de famille. Le nez du Laville Haut-Brion 1951 a en rigueur ce que l'Y a en joie de vivre. Mais ce parfum distingué me plait. Le Vray canon Boyer 1947 explose de truffe, alors que le nez du Latour 1946, plus retenu, est plus distingué. Les parfums des deux bourgognes, les vedettes attendues de ce repas sont exactement ce qu'ils doivent être : le Cros Parantoux d'Henri Jayer 1993 est d'une pureté dogmatique et le nez de la Romanée Conti 1983 a l'ADN de la Romanée Conti, le sel et la rose. Je le répète souvent, mais c'est tellement vrai. Comme à son habitude, le haut du bouchon de ce vin sent la terre de la cave de la Romanée Conti, sans que cette odeur ne se retrouve nulle part. Le Muscat de la Collection Massandra 1928 a un nez qui m'étonne. Très strict, il évoque fortement la réglisse. Alors, auprès de Claire, la chef pâtissière, j'essaie de plaider la cause d'un coulis à la réglisse, à côté des madeleines prévues. Mais la chef n'est pas facilement influençable.


Nous sommes huit dont trois nouveaux et de solides habitués. La parité n'est pas franchement en marche, les mâles trustant sept sièges. Plusieurs présents fêtent un anniversaire.


Le menu mis au point par Christophe Moret avec Antoine Pétrus est : toasts de foie gras / laitue en délicate royale, caviar osciètre, émulsion légèrement citronnée / cèpes rôtis de la tête aux pieds / colvert façon Rossini / noix de veau de lait / une assiette autour de la mangue / madeleine. L'exécution de ce repas a été en tous points remarquable.


Le Champagne Alfred Rothschild 1966 est d'une couleur étonnamment jeune, ne montrant aucun ambre. La bulle est très active. C'est vraiment un "jeune" champagne qui est très séduisant. Rond, complexe, charmeur et de belle longueur il se boit avec bonheur et l'excellent foie gras lui convient à merveille.


Quel étonnement lorsqu'on voit la couleur du Champagne Bollinger Grande Année 1990 ! L'ambre que son aîné n'a pas se retrouve dans ce champagne dont la maturité est surprenante. J'attendais un gamin et c'est un adulte qui se présente à nous. La laitue était prévue pour un champagne jeune et pas pour celui-ci. Le caviar lui convient et l'excite bien. Le champagne a une belle complexité, une race plus grande que celle du précédent champagne, mais son évolution inattendue limite le plaisir.


Le parfum du Y d'Yquem 1988 est une bombe. Ce vin est un guerrier, mais un guerrier chantant. Il a des accents de douceur, et emplit la bouche de mille évocations de fleurs et fruits jaunes. Avec les cèpes l'accord est extraordinaire. Antoine a fait découper sur la galette de cèpes de fines lamelles de cèpes crus. Et c'est avec le Château Laville Haut-Brion 1951 que l'accord se crée mieux sur le cèpe cru. Alors que l'année 1951 n'a rien produit de grandiose, j'avais choisi ce vin en cave pour sa couleur dorée. Dans le verre c'est un or jeune. Le parfum est moins expansif que celui de l'Y mais tout aussi raffiné. Le Laville est plus strict, plus sérieux, alors que l'Y est un jeune fou bondissant. Ces deux blancs sont superbes et montrent l'intérêt des vins blancs bordelais. Très dissemblables, ils ont chacun leurs charmes.


La surprise est immense lorsque le Vray Canon Boyer Canon Fronsac 1947, à la belle étiquette dorée et doté d'une contre-étiquette de la maison Bichot, est versé dans les verres. Car sa couleur est d'un rubis de sang noble d'une invraisemblable jeunesse. Et en bouche ce vin, qui m'évoque la truffe et pour d'autres le poivron vert ou le cacao, est d'une vivacité que l'on n'attendrait jamais d'un Canon Fronsac. Il claque sur la langue et son final est d'une longueur rare.


La couleur du Château Latour 1946 n'a pas de traces orangées, mais elle paraît moins jeune que celle du 1947. Elle aussi un peu trouble. Le nez est racé et délicat, moins expansif que celui du 1947. En bouche, ce vin est velouté, noble, délicat, mais il joue un peu en dedans alors que le Vray Canon Boyer "se lâche" et joue d'instinct. Certains convives préfèrent le Latour, mais une large majorité préfère le Vray Canon Boyer, magnifique et généreuse surprise. Le colvert est goûteux et subtil. Il crée un accord plus que pertinent avec les deux vins.


Les deux vins bourguignons qui vont suivre sont normalement les vedettes de ce repas. Vont-elles honorer leur rang ? Le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1993 est d'une belle couleur d'un rouge prononcé. Le parfum est d'une rare pureté et c'est ce mot qui caractérise aussi le goût de ce grand vin. Doctrinal, pur, emblématique, ce vin est une expression aboutie du travail d'un grand vigneron. Bien que l'année ne soit pas une année remarquée, c'est un des plus beaux Cros Parantoux d'Henri Jayer que j'aie bus. Pureté, précision, raffinement, mais aussi grand plaisir.


Lorsqu'on me sert en premier la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, je ne peux masquer le sourire qui barre mon visage. Car le parfum est exactement ce que j'attendais. Si l'année 1983 n'est pas référencée dans les meilleures à la Romanée Conti, il va falloir la faire remonter de plusieurs places. Car cette Romanée Conti est d'une élégance infinie. J'aime la Romanée Conti comme cela. Elle suggère, elle parle à voix basse, mais on la comprend. Elle a bien sûr le sel et la rose qui sont sa signature, mais elle y ajoute du charme de l'élégance. Elle virevolte et c'est notre plaisir. Les votes la consacreront.


Le Château d'Yquem 1955 a une belle couleur foncée. Son nez est percutant, riche de fruits lourds. Alors que 1955 est une réussite de première grandeur à Yquem, et alors que ce vin opulent dégage une force conquérante, je suis gêné car le vin est servi trop chaud. C'est ma faute, car j'avais dit à Antoine que l'on serve l'Yquem à la température d'un vin rouge mais en l'occurrence, c'est une erreur et c'est dommage de ne pas avoir profité au mieux d'un des grands Yquem de l'histoire. Inutile de dire qu'il est quand même sacrément bon. Le dessert à la mangue n'a pas créé l'accord escompté.


A l'ouverture, le White Muscat Livadia Massandra Collection 1928 m'était apparu beaucoup plus strict que ce que j'attendais. Ce n'est plus le cas maintenant. Le vin est chaleureux, doucereux, séducteur. Il est très muscat mais aussi rappelle des vins de paille. Ce sont les pruneaux, les prunes et les fruits bruns qui dominent dans un goût merveilleux qu'embellit l'âge. Avec des madeleines et un soupçon de vinaigre balsamique, c'est un péché de gourmandise que ce vin aux langueurs orientales, fou de sex-appeal.


Nous sommes huit à voter. Sur les dix vins, neuf figurent dans au moins un vote, ce qui est toujours sympathique à constater. La Romanée Conti a été votée sept fois première et le Cros Parantoux une fois.


Le vote du consensus est : 1 - Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 - Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1993, 3 - Vray Canon Boyer Canon Fronsac 1947, 4 - White Muscat Livadia Massandra Collection 1928, 5 - Champagne Alfred Rothschild 1966.


Mon vote est : 1 - Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 - White Muscat Livadia Massandra Collection 1928, 3 - Vray Canon Boyer Canon Fronsac 1947, 4 - Y d'Yquem 1988.


Dans la belle salle à la décoration un peu surannée, le toit ouvrant est toujours une attraction. Les volutes des fumées de cigares ne s'en échappent plus. Le service en habit est élégant et d'une grande précision. Les plats se sont montrés brillants, de grande justesse. Les accords les plus percutants ont été celui des cèpes avec l'Y d'Yquem, le colvert avec les deux bordeaux et les madeleines avec le muscat de 1928. Pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître.




Bouchons dans l'ordre de gauche à droite et de haut en bas : Romanée Conti, Cros Parantoux, Massandra, Vray Canon Boyer, Latour, Y, Yquem et Laville






le célèbre toit ouvrant du restaurant



les verres sur table en fin de repas


163ème dîner de wine-dinners – les vins dimanche, 21 octobre 2012

Champagne Alfred Rothschild 1966



Champagne Bollinger Grande Année 1990



Y d'Yquem 1988



Château Laville Haut-Brion 1951



Vray Canon Boyer Canon Fronsac 1947



Château Latour 1946



Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1993



Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983



Château d'Yquem 1955



White Muscat Livadia Massandra Collection 1928


casual Friday au restaurant Patrick Pignol dimanche, 21 octobre 2012

Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas fait de "casual Friday". Nous sommes cinq à déjeuner au restaurant Patrick Pignol. Les apports sont largement plus importants que ce que nous pourrons boire et même en mettant de côté des vins, il en reste plus que de raison. Etant arrivé vers 11 heures au restaurant, j'ouvre les vins qui me paraissent devoir être bus. Peu avant midi Cédric m'appelle au restaurant et me propose d'ajouter un ou deux vins. Je lui dis que ce n'est pas raisonnable. Les parfums des vins sont prometteurs.


Je mets au point le menu avec Patrick Pignol. Ce sera : oursin / cèpes / cochon de lait / lièvre à la Royale / comté / prunes / madeleines au miel.


Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2000 est extrêmement vert à la prise de contact. Sa jeunesse est folle. Mais son nez s'impose très vite, d'une intensité rare. Et il emplit la bouche de sa pureté et de sa générosité. Comme nous avons deux vins du Jura prévus pour le comté, la tentation est grande de faire réagir le champagne sur le Vin d'Arbois Grande Réserve Marcel Poux 1969. Et le vin du Jura élargit le champagne d'une belle façon. Tant que nous y sommes autant essayer aussi avec le Vin Jaune 1964 d'un négociant qui m'est inconnu. Avec l'oursin au goût intense et marin, le champagne réagit bien. Mais c'est le vin jaune qui est le plus adapté. Le vin d'Arbois est agréable mais manque un peu de précision. Le vin jaune est magique, profond, intense comme le peut être l'oursin.


Le Riesling Jean Biecher négociant années 50 m'avait séduit avec un nez très pur. En bouche, son attaque est agréable, mais il montre assez rapidement des faiblesses et des signes de vieillissement. Il manque en fait de précision et de pureté.


Le Domaine de La Lagune, Bégadan-Médoc Barton & Guestier 1934 se présente dans une bouteille lourde de forme bourguignonne. Le bouchon était recouvert de cire. Dès que Nicolas nous verse le liquide, nous sommes tous frappés par l'invraisemblable couleur de ce vin. C'est un sang de pigeon d'un rouge intense. Le nez est magique et le vin est d'une jeunesse invraisemblable, avec un goût de truffe, de cassis pilés et une intensité rare. A côté de lui, un Chambertin Cazetiers tasteviné domaine de Varoilles 1972 est une incarnation absolue de la Bourgogne. Le nez est de rose et de sel et me fait penser aux vins de la Romanée Conti. Sa couleur est d'un rose pâle élégant qui contraste avec la densité du bordeaux. Ce qui me plait, c'est que les deux vins, associés au cochon de lait, cohabitent de la plus belle façon. On peut passer de l'un à l'autre sans hésitation. Nous avons deux vins de première grandeur. La profondeur du bordeaux est grande. La rémanence aromatique du bourgogne est infinie. Quel bonheur d'avoir ces deux vins qui sur le papier pourraient poser des questions, pour l'appellation de l'un ou l'année de l'autre, mais se révèlent magnifiques tous les deux.


Disons-le tout de suite, le lièvre à la royale de Patrick Pignol est une réussite majeure. Il est d'une exactitude absolue. Et par magie se crée alors un accord qui fait froid dans le dos : Le Rioja Imperial Gran Reserva 1957 a un aspect doucereux qui répond comme un écho au plat en exacerbant l'aspect doucereux de la chair, de la sauce et du foie gras. C'est purement magique. Cédric demande que Nicolas ouvre son deuxième vin espagnol, Marquès de Riscal Rioja 1950. Ce vin est beaucoup plus puissant et expressif que l'Imperial et on aimerait pour lui une viande rouge saignante. Mais sur le lièvre, l'Imperial est largement vainqueur. Il eût fallu une autre occasion pour profiter du 1950 puissant, lourd, qui pourrait se frotter avec bonheur aux Vega Sicilia Unico de la même période. Un grand vin.


Les deux vins du Jura accompagnent un excellent comté servi par Williams. Le Château Rabaud Promis 1914 avait un niveau très bas, bien en dessous de l'épaule. En l'ouvrant, j'avais été hypnotisé par son parfum d'une pureté rare et d'une richesse confondante. En bouche il est suprême, l'archétype du sauternes parfait. Plusieurs convives en le buvant disent : "c'est le plus grand du repas". Et c'est vrai qu'il est parfait, mis en valeur par les prunes et les madeleines mais n'ayant pas besoin d'elles pour briller d'une gourmandise ensoleillée.


Nous avons fini avec un Single Highland Malt Whisky The Prestonfield 1981 redoutable titrant 58,8°, d'une intensité extrême et d'une grande race.


Ce repas s'est mis au point de façon spontanée et ce qui en fait la valeur, c'est la générosité. Nicolas, sommelier complice de tant d'aventures a fait un service comme toujours pertinent. Patrick Pignol a réalisé un menu sensible, avec des saveurs claires pour les vins. Le lièvre à la royale est une réussite de première grandeur. Il est plus que probable que ce casual Friday aura des suites de générosité et d'amitié.






on remarque la bouteille bourguignonne du Domaine de La Lagune 1934



le vin de Bourgogne n'aura pas livré son nom précis, caché par son habillage de papier







162ème dîner – les vins samedi, 13 octobre 2012


Champagne
Henriot réserve de Philippe de Rothschild 1973



Champagne
Dom Pérignon 1964 (la finesse de la cape est assez irréelle)



Château
Haut-Brion blanc 1966



Pétrus
1967



Château
Trottevieille Saint-Emilion 1967



Château
Mouton-Rothschild 1982



Vosne-Romanée
Mugneret-Gibourg 1972



La
Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983



Ridge
Monte Bello Cabernet Sauvignon 1973



Château
Loubens Sainte-Croix-du-Mont 1990



Château
d'Yquem 1985



Liqueur
du Mézenc milieu 19è siècle (on voit le dépôt de sucre au fond de la bouteille)


162ème dîner de wine-dinners au restaurant les Ambassadeurs de l’hôtel de Crillon vendredi, 12 octobre 2012

Le 162ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant les Ambassadeurs de l'hôtel de Crillon. Ayant beaucoup d'estime pour la cuisine du talentueux chef Christopher Hache, il était impérieux de faire un nouveau dîner en ce lieu avant une fermeture qui pourrait durer deux ans, pour la rénovation de l'hôtel. J'étais venu il y a peu de jours mettre au point le menu et régler les détails de l'organisation.

 A 17 heures, j'aligne les bouteilles pour la traditionnelle photo de famille des vins du dîner et Jérôme Moreau, le chef sommelier est admiratif des niveaux qui pour toutes les bouteilles sauf une sont dans le goulot. Les parfums des vins sont engageants, sauf celui du Vosne Romanée qui est incertain. Lorsque j'ouvre le Ridge Montebello 1973 juste après avoir ouvert La Tâche 1983, j'appelle Jérôme pour prendre une décision concernant le programme prévu. Dans mon idée initiale, La Tâche devait être le point culminant de cinq vins rouges. Or un californien qui s'est inscrit à ce dîner a tenu à ce que soit inclus le Ridge Montebello qui avait été l'un des gagnants du jugement de Paris qui avait fait tant de bruit il y a trente six ans, quand des vins californiens s'étaient classés à de meilleures places que les plus prestigieux de nos bordeaux. Dans mes dîners, j'aime les juxtapositions de vins qui permettent des comparaisons utiles et j'évite les chocs frontaux. Mettre le Ridge à côté de La Tâche me paraît une  confrontation dangereuse, car la force alcoolique est du côté du Ridge alors que la finesse est du côté de La Tâche. Faudrait-il un plat de plus pour le Ridge ? Difficile après la tourte. La solution choisie est que le Ridge soit servi seul, sans plat, après La Tâche, pour éviter une compétition qui pourrait donner lieu à des contresens.

 

Vers 18 heures, je suis rejoint par une ravissante néo-zélandaise, journaliste à Londres qui vient participer au dîner et m'interviewe pour l'un des sites internet les plus actifs de la planète du vin. J'ai un moment de stupeur lorsqu'elle me demande comment on écrit Romanée Conti ! Comment peut-on faire un reportage sur les vins et notamment sur mes dîners de vins anciens si l'on est au degré zéro de la connaissance ? Elle a fait honneur aux plats et aux vins. On verra ce que cela donnera en lisant son compte-rendu.  Nous sommes neuf, car la dixième place à table s'est jouée, comme au théâtre de boulevard où les portes s'ouvrent et se ferment, entre un habitant de l'île Maurice qui a dit oui puis non, un français vivant au Brésil qui a dit oui puis non et un parisien dont le oui est arrivé le matin même, alors que le casting du dîner venait juste d'être bouclé. Les femmes sont majoritaires, cinq contre quatre et nous avons parlé anglais puisque la journaliste et un couple de californiens ne connaissent pas notre langue. Notre table est belle dans la salle à manger légendaire, aux décors marbrés de couleurs d'or et de moutarde.

 Le menu créé par Christopher Hache : bâtonnet de feuilleté gratiné au vieux parmesan, l’huître fine en gelée de pomme verte, copeaux de parmesan / la raviole de langoustine pochée dans un bouillon à la citronnelle / le rouget barbet à la râpée de noix de macadamia, céleri étuvé / le cèpe de nos régions, farci et gratiné aux noix / la tourte de gibier /fromage stilton / l’ile flottante, gaspacho ananas, mangue et passion. Ce fut un festival. 

Le Champagne Henriot réserve de Philippe de Rothschild 1973 a une couleur ambrée. Ce qui me gêne, c'est une certaine amertume au premier contact. Elle va s'amenuiser au point que ce champagne sera plus adapté à l'huître que le Champagne Dom Pérignon 1964 absolument magistral, doté d'un équilibre fruité assez exceptionnel. Ce qui frappe dans ce champagne, c'est la générosité du fruit, la rondeur, une acidité sur base de fruits rouges, et une longueur remarquable. Avec le parmesan, le Dom Pérignon est à se damner. Le feuilleté du bâtonnet est trop fort pour les deux champagnes.

Le Château Haut-Brion blanc 1966 est d'une belle couleur, plus jeune encore que celle du Dom Pérignon. Il est associé à un plat exceptionnel car la raviole respire la mer à plein poumons. Et l'accord se trouve sur l'iode et le vent marin. Le Haut-Brion est grand, solide, avec une belle longueur. Il a un peu moins de complexité que le Dom Pérignon, mais c'est un grand blanc. J'aime son acidité citronnée d'un dosage raffiné.

On le sait, associer Pétrus et rouget est une de mes coquetteries. Le rouget a une chair merveilleuse. C'est la mâche qui crée le bonheur. Le Pétrus 1967 se distingue d'emblée par un parfum envoûtant, profond, truffé. En bouche, le vin est inimaginable de perfection. Qui dirait que 1967 peut donner un vin de cette force ? Tout le monde communie avec ce vin absolument exceptionnel.

 Sur les cèpes magnifiques, nous avons deux vins. Le Château Trottevieille Saint-Emilion 1967 donne strictement la même surprise que le Pétrus qui est son conscrit. Il est totalement inattendu à ce niveau, avec une richesse truffée extrême et une longueur que personne ne pourrait imaginer. Le goût fait des ricochets dans le palais pour ne jamais finir de s'exprimer.

A côté de lui, la vedette attendue est évidemment le Château Mouton-Rothschild 1982.Ce qui me plait, c'est que les deux vins ne se nuisent pas. J'aurais pu choisir de mettre le Trottevieille avec le Pétrus de la même année, mais le Pétrus eût dominé. Alors qu'ici, les deux vins cohabitent car ils sont différents. Le Mouton est d'une force de colosse qui retient sa puissance. L'image qui me vient est Arnold Schwarzenegger jeune, qui se serait caché sous un épais manteau. Qui verrait sa musculature ? Ou bien, c'est une voiture puissante qui roule en première vitesse. On sent que le Mouton a un gigantesque potentiel, et qu'il lui faudrait bien vingt ans de plus pour qu'il s'exprime totalement. Bien sûr, quand on va vers lui, on admire sa richesse, sa plénitude, sa solidité de roc. Tout en lui est cohérent, tramé, avec des suggestions innombrables. On regrette qu'il ait mis le frein à main, mais on est en grand plaisir. C'est le Trottevieille qui se marie le mieux avec les cèpes.

 A l'œil, la tourte de gibier fait peur, car on se demande si l'on ne va pas succomber à la gourmandise de tant de richesses. Mais en fait elle est goûteuse et particulièrement légère. Le Vosne-Romanée Mugneret-Gibourg 1972 est hélas bouchonné. Quelques minutes plus tard, cette sensation aura disparu au nez mais elle est encore présente en bouche. Nous n'insisterons pas. Nos papilles sont donc monopolisées par La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983. Le nez est une merveille, possédant l'ADN des vins du domaine, fait de sel et de roses que certains amis qualifient de fanées, ce qui n'est pas mon cas. Le vin est tout en finesse, délicatesse et élégance. Alors que 1983 est une année plutôt discrète et fragile, je suis stupéfait que ce vin ait autant de personnalité affirmée, comme Pétrus l'avait tout à l'heure. C'est une leçon importante que de constater que 1967 nous a donné deux vins brillants de la rive droite, et que 1983 nous donne une Tâche très au dessus de ce qu'on attendrait. Alors que la tourte au gibier, dont de la grouse, serait sur le papier inappropriée pour La Tâche, sa légèreté et sa finesse en ont fait un très bon compagnon de ce bourgogne hypercomplexe, qui pianote des myriades de saveurs irréelles et infinies.

Sans attendre que nous ayons fini la tourte, je fais servir le Ridge Monte Bello Cabernet Sauvignon 1973. Ce vin avait été l'un des gagnants du jugement de Paris en 1976 dans le millésime 1971. Son nez à l'ouverture me paraissait très puissant et aurait fait de l'ombre à La Tâche. Je le goûte maintenant. C'est manifestement un grand vin, avec une belle charge alcoolique, mais au lieu de faire ombrage à La Tâche, le bourguignon fait apparaître la faible complexité de ce vin riche, goûteux mais simple. Il est alors intéressant de le comparer au Mouton 1982. Et, est-ce dû au fait que j'ai mis mon béret et une baguette sous mon bras, mais je trouve le Mouton infiniment plus riche et complexe que le Ridge. Ma fibre patriotique gonfle mes narines du fort sentiment que le californien n'aura non pas ni l'Alsace ni la Lorraine, car il s'agissait d'autres circonstances, mais ni la Bourgogne ni le Bordeaux. Ouf ! Mais je trouve au contraire injuste que le Ridge fera partie des trois vins qui n'auront aucun vote. Ce n'est pas raisonnable, car c'est un grand vin. C'est la dure loi du sport.

 Au moment des ouvertures, le nez du Château Loubens Sainte-Croix-du-Mont 1990 me paraissait capable de concourir avec celui de l'Yquem. Sur le stilton, le riche liquoreux, épanoui et de belle aisance, se marie bien. Trois convives ayant demandé du comté ont prétendu que le comté allait mieux que le stilton. Les hérétiques ! Le jugement est sans appel : c'est le stilton qui convient.

 Le Château d'Yquem 1985 est d'une folle jeunesse. Ce qui est fascinant, c'est qu'il combine puissance et fraîcheur. Bien sûr, il est beaucoup plus grand que le Loubens, mais exactement comme le Mouton ne faisait pas d'ombre au Trottevieille, l'Yquem ne fait pas d'ombre au Loubens. C'est d'ailleurs ce que je recherche dans mes dîners pour que chaque vin ait une chance de briller. Et le seul qui aura souffert d'une comparaison, c'est le vin rajouté, le californien.

  Pour expliquer la présence de l'alcool qui va être servi maintenant, il convient de raconter son origine. Un ami sommelier m'avait dit que la distillerie Cabanel à Carcassonne avait décidé de mettre en bouteilles le fût d'une liqueur datant du milieu du 19ème siècle. L'ami l'avait bue et m'a dit : il faut que tu en acquières. J'ai acheté chat en poche, et quand j'ai reçu les fioles toutes neuves avec des capsules à vis, je me sentais humilié, car plus laid, il n'y a pas. Rangeant maintenant ma cave, je me suis dit que cette liqueur n'avait pas de raison de subir mon courroux, aussi est-ce la première que j'ouvre. La Liqueur du Mézenc milieu 19è siècle a un substantiel dépôt de cristaux blancs au fond de la bouteille. Au nez et au premier contact, c'est assurément très vieux. Il y a des accents de Chartreuse, avec des fraîcheurs de menthe, d'anis et de mille autres plantes. Mais le caractère sucré est beaucoup plus fort que celui d'une Chartreuse. C'est original mais pas beaucoup plus que cela.

En sirotant cette douceur, nous avons procédé aux votes. Nous sommes neuf à voter et huit vins ont figuré au moins une fois dans nos quintés. La Tâche a eu cinq votes de premier, Pétrus trois votes de premier et l'Yquem un. Le Trottevieille figure dans cinq votes ce qui me plait et le Loubens dans quatre votes. Bravo quand on sait qu'il y avait des vins emblématiques.

Le classement du consensus serait : 1 - La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 - Pétrus 1967, 3 - Château d'Yquem 1985, 4 - Château Mouton-Rothschild 1982, 5 - Château Trottevieille Saint-Emilion 1967, 6 - Château Loubens 1990.

Mon classement est : 1 - La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 - Pétrus 1967, 3 - Château Trottevieille Saint-Emilion 1967, 4 - Champagne Dom Pérignon 1964, 5 - Château Mouton-Rothschild 1982.

 Beaucoup de vins se sont montrés au dessus de ce que les livres diraient. Le Mouton a un potentiel pour devenir l'un des plus grands Mouton et l'idée qui vient forcément est : pourquoi pas un égal de Mouton 1945 ? J'espère pouvoir le vérifier.

 

Christopher Hache a fait une cuisine inspirée, avec des plats de très haut niveau. La raviole, le rouget et la tourte sont des modèles. Il a été chaudement félicité quand il est venu saluer notre table en fin de repas. Le service de table et le service des vins ont été exemplaires et c'est d'autant plus remarquable qu'avoir une telle implication quand on sait que l'horloge du Crillon va s'arrêter en fin d'année, c'est à signaler. Chapeau les équipes. Notre table était enjouée. La jolie journaliste a découvert un monde de saveurs qu'elle n'avait jamais imaginé. J'ai senti qu'elle avait compris. Pour les autres convives chevronnés le plaisir fut grand. Ce fut un grand repas.

                   

rangement de cave (suite) jeudi, 11 octobre 2012


Rangement de cave à trois. Cette fois-ci, j'ouvre
le vin de la pause deux heures avant. C'est Château Potensac 1955 dont le niveau
est haute épaule. Le vin est agréable et profite bien de l'année 1955 qui est de
première grandeur. Mais le manque de matière et de complexité empêche que le plaisir
soit complet. C'est un vin plaisant à boire, presque gourmand, mais ce n'est
que cela. Pour une pause casse-croûte de "travailleurs", il est
apprécié.



rangement de cave (suite) dimanche, 7 octobre 2012


Le rangement de ma cave continue le
lendemain avec l'un des deux amis. Avec des sandwichs de station-service, je
choisis un Château
Beychevelle 1/2 bouteille 1961
. Le niveau dans la bouteille est
entre mi-épaule et haute-épaule. Le bouchon est beau, très sain. La couleur du
vin est belle. Nous le buvons dans des conditions que je déconseille, puisque
le vin est ouvert au dernier moment. Ainsi, les petits défauts de poussière, de
vieille armoire sont là, alors que trois heures plus tard, ils auraient
disparu. Mais en faisant abstraction de cela, d'autant que le vin s'ouvre vite
dans le verre, même dans l'atmosphère fraîche de la cave, nous profitons d'un
vin d'une structure forte, liée au merveilleux millésime, avec une trame
serrée, un goût de truffe et de fruits noirs. C'est un vin chaleureux,
charpenté, au final contenu du fait de la froideur, que nous finissons avant
qu'il n'ait pu éliminer les traces de poussière. Au coin d'une table dans ma
cave, entre des manipulations de bouteille canoniques, c'est une pause
sympathique avec un vin de belle évocation.


petit casse-croûte dans ma cave jeudi, 4 octobre 2012


Il faut mettre de l'ordre dans ma cave.
Deux amis m'aident. J'ai commandé des sushis pour la pause du déjeuner. J'ouvre
un Champagne
Veuve Cliquot rosé 1978
. Sa couleur est d'un rose intense et
raffiné. Il est puissant, incisif et il aimerait un choc culinaire. Les sushis
sont polis mais ne créent pas d'émotion avec le champagne. Ce qui compte le
plus, c'est de recréer le monde dans ma cave. Nous savons que ce que j'envisage
est digne des travaux d'Hercule. Ce beau champagne nous en donne la force.



déjeuner aux Ambassadeurs du Crillon avec un beau Riesling jeudi, 4 octobre 2012


Le prochain dîner de wine-dinners devant se
tenir aux Ambassadeurs
du Crillon
, je vais y déjeuner pour faire les dernières mises au
point avec Christopher
Hache
, très motivé par ces expériences d'accords subtils mets et
vins. Etant seul, j'hésite à boire et je demande à Jérôme Moreau, le chef sommelier
du lieu s'il a un vin un peu inhabituel. Sa suggestion est le Riesling Cuvée
Frédéric Emile domaine Trimbach 1976
et j'applaudis des deux mains.
Le vin a une couleur de miel doré et son nez est aussi de miel et de confiture
de fruits jaunes. En bouche, je m'émerveille de la fraîcheur, de la cohérence
et de la délicatesse de ce riesling. Il a une belle acidité qui évoque les
zestes de citron. On sent aussi des épices douces. Sa longueur est belle. C'est
un grand vin évolué mais épanoui. Il est d'un équilibre ensoleillé. L'accord
qui me vient à l'esprit pour un tel vin est le veau basse température ou le ris
de veau. Aussi, Christopher Hache avec qui je goûte le vin fait ajouter un ris
de veau à mon menu. Sur un saumon en gros pavé d'une tendreté rare, le Trimbach
est superbe. Sur le cabillaud l'accord est moins facile. Sur le ris de veau,
plus sur la chair seule qu'avec la sauce, le riesling est merveilleux. Ce vin
lisible, franc, est un vin de pur bonheur.


Ayant reconnu les occupants de la table
voisine de la mienne, je leur ai offert ce que je n'avais pas bu de ma
bouteille. Je n'avais hélas pas le temps de recueillir leurs commentaires sur
ce beau riesling.


L'hôtel de Crillon va fermer ses portes
pour au moins deux ans de travaux. Christopher va étudier des cuisines
nouvelles et Jérôme va visiter un plus grand nombre de vignerons. Dans cette
période incertaine, la tenue du lieu et l'humeur des équipes est toujours aussi
impeccable. Bravo.