Premier repas d’un week-end de folie jeudi, 15 août 2013

Le matin du 15 août à 8h20, j’accueille trois amis à l’aéroport de Toulon-Hyères. Leurs bagages laissés en soute regorgent de vins qui doivent jalonner quatre jours de folie. Dès leur arrivée, nous allons faire des courses complémentaires à celles faites par mon épouse et nous nous retrouvons autour d’une table pour bâtir le programme des huit repas à venir. Le nombre de variantes possibles est élevé, d’autant que mon gendre veut organiser un repas chez lui et qu’un autre ami ajoute au programme une bouteille qui tombe pilepoil dans un des programmes envisagés.

Nous déballons les victuailles, et un ami à qui l’on avait demandé de chercher deux baguettes revient avec six baguettes toutes chaudes d’un pain juste cuit. C’est l’occasion d’ouvrir un paquet de jambon italien Culatello di zibello bien gras, salé, et extrêmement intense, qui se blottit avec amour dans la mie toute tiède.

Le premier repas me permet d’honorer un pari fait lors de mon anniversaire. Trois amis doivent partager avec moi un grand bordeaux. Comme les autres amis ne sont pas concernés par le pari, je décide que l’on boive un magnum pour que les gagnants ne soient pas déçus et les perdants exclus. Il est ouvert à 10h30 et l’odeur première n’est pas très engageante. Attendons. Des côtes de veau cuisent à basse température et Jean-Philippe prépare une salade de champignons de Paris avec une sauce au soja qu’il a rapportée de Chine.

Le Château Mouton-Rothschild magnum 1983 va nous offrir deux facettes. Le haut de la bouteille est assez léger et donne l’impression d’un vin plus ancien avec une petite amertume qui signe une évolution. Si le veau bien rose se marie dignement avec le Mouton, c’est la sauce soja des champignons qui va donner un coup de fouet déterminant au vin. Dans les premiers verres versés le vin était de couleur rose. Dans les verres de la deuxième partie de la bouteille le vin est presque noir. Les tannins sont plus appuyés et le Mouton est incroyablement velouté, délicat. Ce qui m’impressionne est que le vin, en fin de bouche, est d’une rare fraîcheur.

Au premier contact, ce vin laissait dubitatif. Sur la deuxième partie, la cause est entendue, nous sommes conquis par l’incroyable velouté d’un vin serein, épanoui et profond. Un vrai bonheur, car tout est suggéré.

Des amis qui avaient gagné le pari ne devaient pas rester et le bordeaux était en apéritif. Nous les invitons à continuer le parcours. Ma femme fait une omelette avec des œufs de nos poules. Le Champagne Initiale de Selosse dégorgé en 2010 est pénétrant, solide, de grande personnalité. Et un peu d’âge lui va bien. Il combine force de pénétration avec un grand équilibre. Il est vineux mais ne le montre pas trop, civilisé par la

Le stock de baguette étant encore important et un fromage Jort attendant qu’on s’y intéresse, j’ouvre un Champagne Pierre Peters Cuvée les Chétillons magnum 2002. Au premier contact, juste après le Selosse, le Peters fait presque frêle. Mais très rapidement, il prend sa place, se découvre extrêmement subtil et romantique, titillé par le camembert fort excitant.

Il poursuit son parcours sur des macarons de Pierre Marcolini puis des chocolats du même brillant chocolatier. Le champagne continue de briller, même si ce n’est pas son terrain d’excellence, frais, romantique, de grande délicatesse sur des fleurs blanches. Il en restera pour ce soir où nous explorerons, par pur hasard, des 2002, ce champagne jouant à l’éclaireur.

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Des vins magiques dans un dîner impromptu lundi, 5 août 2013

Mon gendre et ma fille reçoivent des amis ainsi qu’un vigneron et son épouse, plus la joyeuse bande de jeunes enfants qui sont dans leur paquetage. Il vient nous inviter pour demain, mais nous serons pris. La seule solution qui apparaît, c’est ce soir. Alors, il faut vite improviser. Un inventaire des possibilités s’organise, et visiblement, nous avons envie de vins mémorables. Des hypothèses s’échafaudent et une s’impose.

A l’heure dite, nous commençons par le Champagne Salon 1997. Tranches de poutargue, crème de sardines, crème de maquereaux et caviar d’aubergines se picorent ou se tartinent. Le champagne est d’une vivacité que je ne soupçonnais pas. Il est vineux, profond, d’une longueur infinie, et sa vibration est intense. Quel grand champagne auquel je ne prêtais pas autant d’intensité et de maturité.

Le suivant est le Champagne Substance Selosse dégorgé en octobre 2010. On change de planète. Le vin est furieusement oxydatif, évoquant des pâtes de fruits, et il transporte dans des horizons inviolés. Avec ce champagne on est dans le grand canyon du Colorado. La plus grande longueur est du côté du Salon. Il faut noter que trois ans de dégorgement donnent au Substance une ampleur enrichissante.

Vient alors le Champagne Krug 1988. C’est une profusion de complexité sur une base d’agrumes. Ce qui est étonnant, c’est qu’il est beaucoup plus court que le Salon et qu’il produit moins de vibrations, même s’il est de loin le plus complexe.

Nous sommes impressionnés par les différences extrêmes qui existent entre les trois champagnes. Le Salon est de loin le plus champagne, même s’il est vineux et le plus long en bouche, le Krug est de loin le plus complexe et le plus riche et le Selosse est le plus atypique, oxydatif qui entraîne sur des rives inconnues. Nous sommes sur un petit nuage de félicité.

Vient alors une assiette de champignons de Paris marinés. La copulation de ce plat avec l’Hermitage blanc Chave 1998 mériterait un accord parental, tant il est obscène. Il est impossible de dissocier le goût des champignons du goût de l’Hermitage tant ils s’interpénètrent. Le vin a une longueur infinie, du même registre que celle du Salon 1997. La plénitude, la sérénité de ce vin sont confondantes. Il paraît simple, mais il a une longueur telle que l’on reste sans haleine. L’image qui me vient est celle du bobsleigh. Ce vin trace une route interminable.

Je prends ma petite voiture pour aller chercher chez moi les deux vins rouges que j’ai gardés à 15° et ouverts quelques heures à l’avance. Le mignon de veau cuit à basse température est comme un bonbon rose. Le Pétrus 1985 de mon gendre, au niveau dans le goulot, avait à l’ouverture un parfum profond. Il l’a encore plus maintenant, terrien, de truffe et de charbon. C’est fascinant de voir ce vin percutant comme un marteau piqueur, mais qui est capable de légèreté et de futilité. Nous sommes tous conquis par un Pétrus qui décline tout ce que Pétrus peut apporter, truffe, profondeur, équilibre et gracilité. C’est un grand Pétrus.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Méo Camuzet 1999 qui fait suite, est aux antipodes du précédent. C’est un vin qui pianote, qui tintinnabule, et qui offre un parcours en bouche d’une grâce infinie. Qu’y a-t-il de plus délicat et subtil que ce vin-là ? Nous sommes bouche-bée devant une telle perfection, car tout est vibration, sans aucune fausse note. Comment un vin peut-il décocher de telles subtilités sans jamais commettre la moindre imprécision ? C’est un vin d’anthologie.

Ma fille, qui est une pythie du bio, n’a rien prévu de sucré. Je prends vite ma voiture pour chercher quelques sucreries, palmiers et crêpes Suzette, pour accompagner un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin rosé 1985, agréable vin rosé à maturité mais dont une amertume inattendue limite le plaisir.

Nous n’avons pas voté mais je me risquerai à un vote personnel : 1 – Vosne Romanée Cros Parantoux Méo Camuzet 1999, 2 – Hermitage blanc Chave 1998, 3 – Pétrus 1985, 4 – Champagne Salon 1997.

Nous avons visé un haut niveau de vins. L’ordre de service a été idéal. La variété de goûts est exceptionnelle, ce qui limite la nécessité de classer. Nous avons emmagasiné des souvenirs pour l’éternité.

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quand je suis allé chercher des biscuits, on a utilisé mon appareil photo pour faire oeuvre de créativité, avec un joli sens de l’humour :

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170th dinner seen by Jancis Robinson dimanche, 23 juin 2013

Here are the comments of Jancis Robinson who attended the 170th dinner.  Link toher website : LINK

She explains her system of notation : « 
I should explain that, for members of Purple Pages of JancisRobinson.com, I try to give a score out of 20 and then my guess at a likely drinking bracket. So ’19 75-25′ means ’19/20 Drink from 1975 to 2020′ ! »

Remember it to understand well her report :

All wines opened between 5 and 6.

1982 Champagne Bollinger Grande Année
Dark brownish gold. Tiny, slightly sluggish bead. Lightly mushroomy nose that is so characteristic of Bollinger. Deep umami savoury flavours. Still tight and youthful. High acidity with came to the fore in the glass but a great glass of wine with real potential still.
  18 95-20

1966 Champagne Dom Pérignon

Definitely fully mature champagne. Amber colour with a rather low key nose initially which opened out to something attractive and lightly sherrified nose that really speaks to the jamon iberico we’re served at this dinner at Taillevent organised by François Audouze, his 170th wine dinner. Very deep and rich yet dry. Real lift to this wine but it also has a  deep, throat- warming finish. There’s a note of cheddar on the nose. Very clean and revitalising. Rich and dense.  19 80-20

1998 Château Haut Brion Graves blanc

Pale gold – looks almost like a fino. Haunting nose – though it was apparently opened quite soon before serving – unlik ethe reds that were opened a good three hour in advance. Lightly pungent. Quite harsh with a sweet palate entry. Much firmer and more structured than the Musigny Blanc 92 with which it was served. I could imagine enjoying this with a meat dish. This is well past its early drinking period but was much livelier and more pungent than a 1982 tasted a few days later. This is a red wine that happens to be white. Between its two drinking windows? 17.5+ 05-10 and 15-30

1992 Musigny blanc domaine Comte Georges de Vogüé

Heady. Floral and rich and lovely with homard. Sweetish and full. Quite unlike a Côte de Beaune white burgundy! Initially there were violets and voluptuousness and then it went a little sour. This made me wonder about its potential to evolve further but I’d be delighted to be convinced. 18.5 00-20

1959 Château Cheval Blanc 1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion
Dense, rich, vibrant ruby colour. It looks much younger than a 1959. There were bits of cork in my glass. A little bit stinky at first but then it opened out into a hugely rich yeast extract nose. Very sweet, dense nose but not that subtle. Even a bit brutal really! But then it became sweet and rich with just a hint of mushrooms. Very impressive rather than subtle. 19 70-30

1934 Château Margaux 1er Grand Cru Classé de Margaux

Pale lustrous fox red. Lightly soapy, indistinct nose. A little tart. Very fresh with marked acidity. High toned. A little bit skinny and lean. This wine is a real palate scrub! Pretty old and the fruit is fading but there is still some suggestion of Margaux floral fragrance. 17.5 on way down. 50-00

1980 La Tâche Domaine de la Romanée Conti

Bright lustrous fox red. Sweet and light. A hint of violets and sweetness. My first pour was very lively but not that rich. My second pour from the bottom of bottle was even better however: exceedingly rich and vivacious. Much richer than the initial pour. Even possibly too sweet for some tastes! Very opulent and glorious. 19- 95-15

Mouton 1928

Half bottle. François Audouze added two unlabelled half bottles to this dinner at the last minute. Bright mid ruby. Very dense and jagged with some tannin still in evidence! Bone dry finish. A little austere. But with amazing life for irs age. The half bottle I tasted was quite volatile and a little bit dry on the end, but a great old soldier. 18 45-00

1995 Chambertin Grand Cru domaine Armand Rousseau

Rich ruby. Dense. Very subtle and rich. Fully alive. Racy and still quite youthful. Along with the Haut Brion Blanc, this is the youngest wine of the night. Muscular and not yet at its peak. A great hint of things to come. 19 18-30

1928 Château Lafaurie Peyraguey Sauternes

Bright lustrous orange tawny. So gorgeous. Barley sugar. Crème caramel juice. So sweet on the palate entry but finishing dry and, miraculously, still appetising on the finish. Not at all heavy or cloying. 19 50-20

1955 Château d’Yquem

Fox red. So rich yet subtle. Some umami savour but it manages to be both unctuous and vital. This wine’s burnt edge does not detract but just adds interest. Fabulous! 20 75-35

Dîner au Taillevent avec Yquem 55, Mouton 28 et d’autres grands vins samedi, 15 juin 2013

Le 170ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Le salon Guimet à la décoration sinisante nous a été attribué pour cette occasion. J’arrive vers 17 heures pour ouvrir les bouteilles. C’est toujours pour moi une opération instructive, riche d’enseignements. Les parfums des deux blancs secs, très différents mais très riches tous les deux, sont porteurs de l’espoir d’une confrontation pleine d’inattendu. Le nez du Cheval Blanc 1959 est discret, presque fermé alors que celui du Château Margaux 1934 est d’une générosité juvénile.

La grosse surprise, c’est le degré de fatigue du bouchon de La Tâche 1980. Jamais à cet âge on ne devrait trouver un bouchon recroquevillé, comme brûlé dans une cave chaude. Le nez du vin est assez incertain. Le nez du Chambertin Armand Rousseau est encore fermé. J’adore les fragrances exotiques du Lafaurie-Peyraguey 1928, mais l’Yquem 1955 lui montre avec insolence qui des deux sauternes est le chef.

Alors qu’il n’y a pas de péril en vue, je décide d’ajouter au programme deux demi-bouteilles de Château Mouton-Rothschild 1928. Les deux ont des parfums d’une délicatesse infinie.

L’esprit en paix je revêts mes habits de lumière et avec les premiers arrivants, nous attendons les autres convives sur le trottoir, profitant pour une fois d’une température clémente et de l’absence de pluie.

Notre groupe est très cosmopolite, rassemblé par mon ami chinois. La seule femme est Jancis Robinson la célèbre experte et écrivain du vin, des italiens, allemands, britanniques, français et j’en oublie. Le dîner se tient en anglais avec quelques incises en français. Nous sommes onze.

Après les recommandations d’usage et une présentation succincte des convives faite par Desmond, le toast de bienvenue se fait sur le Champagne Bollinger Grande Année 1982. Les gougères arrivent à point nommé pour que nous profitions de ce champagne aux accents de miel et de croissant. Sa bulle est active, voire épaisse et ce champagne de presque 21 ans est encore à classer dans les champagnes jeunes, même s’il a déjà commencé à s’ambrer délicatement. L’amuse-bouche, crème de saumon au raifort est extrêmement judicieux pour donner au Bollinger une plus grande tension.

Le menu préparé par Alain Solivérès pour accompagner les vins est : Jambon Iberico de Bellota / Homard bleu en infusion de morilles / Filet d’agneau de Lozère aux premières girolles de Sologne / Noix de ris de veau dorée aux dernières morilles/ Mangue rafraîchie aux fruits de la passion.

Le Champagne Dom Pérignon 1966 a une jolie couleur ambrée où l’or abonde. La bulle est très active sur la langue, même si on peine à la voir. C’est donc un champagne bien pétillant que l’on boit, dont la palette de saveurs est très éloignée de celle des champagnes récents. Jancis dit que cela évoque un amontillado qui serait effervescent. L’accord avec le jambon est on ne peut plus naturel. Il est adouci par un petit bouquet de verdure croquant comme des asperges. Le champagne est agréable sans atteindre une vivacité suffisante pour créer une réelle émotion, ce que je regrette, car 1966 est une année de grande réussite pour Dom Pérignon.

Le homard bleu est une merveille. Il accueille les deux vins blancs de deux régions distinctes. Le Château Haut Brion Graves blanc 1998 a un nez très expressif, très coloré, et fou de jeunesse. Le vin m’évoque une myriade de fleurs blanches et fruits blancs, et parfois de petites touches de bonbon acidulé. Il est puissant mais primesautier. Sa complexité est appréciable.

A côté de lui, le Musigny blanc domaine Comte Georges de Vogüé 1992 trace un sillon en profondeur, rouleau compresseur de persuasion. Il est riche, profond, d’une structure indestructible. Et ce qui est amusant, c’est que Jancis fait l’analyse quasiment inverse de la mienne, trouvant le Musigny très léger et floral et le Haut-Brion plus profond. Ce qui importe, c’est nous aimons ces deux vins. Au début j’ai eu tendance à porter mon cœur vers le bourguignon, mais au fil de la dégustation, le Haut-Brion s’épanouissant, j’ai profité avec bonheur de deux vins très dissemblables et très intéressants. La profondeur et la complexité du Musigny m’ont ravi.

Le Château Cheval Blanc Saint-Emilion 1959 a un nez qui manque un peu de précision. C’est en bouche que j’ai trouvé un soupçon de goût de bouchon, conduisant à un petit manque d’équilibre. Mais comme certains s’enthousiasmaient pour ce vin, j’aurais eu mauvaise grâce à les décourager. La couleur du vin n’est pas assombrie comme cela arrive avec les vins bouchonnés. Elle est pleine de vivacité.

Le Château Margaux 1er Grand Cru Classé de Margaux 1934 a lui aussi une couleur très jeune. Son nez est plus charmant, séducteur. En bouche, tout est douceur, suavité, délicatesse et charme. C’est un vin très agréable.

Je redoute un peu l’entrée en scène de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1980, mais les premiers relents me rassurent. C’est La Tâche, avec toutes les énigmes des parfums du domaine. En bouche le vin est un peu limité et ne plait pas à Desmond, mais il en fait assez pour séduire plusieurs convives. J’aime son authenticité de La Tâche même si j’aime moins la fatigue qu’il ne devrait pas avoir. C’est quand même un grand vin.

Les convives ne savaient pas jusqu’alors que serait servi Château Mouton-Rothschild 1928 en deux demi-bouteilles. Le doute plane pour tous les convives : que peut-on espérer d’un vin de 85 ans en demi-bouteilles ? La table est séparée en deux groupes pour que chacun ne reçoive du vin que de l’un des deux flacons. J’ai pu vérifier que les qualités sont très proches. Et la surprise se lit sur tous les visages. La couleur est très jeune, le parfum est tout en séduction et c’est un vin épanoui, velouté, conquérant qui nous ravit d’aise. Il a énormément de grâce , d’équilibre et de cohérence veloutée.

J’avais voulu séparer le service du Chambertin Grand Cru domaine Armand Rousseau 1995 de celui de La Tâche pour éviter que le plus jeune ne terrasse le plus ancien. Et le Mouton-Rothschild a servi de rempart. Le vin de 1995 est servi maintenant sur un saint-nectaire, qui lui convient merveilleusement. Je suis conquis par un chambertin qui est tout en suggestions, d’une rare délicatesse, voire politesse, car il n’impose rien. C’est un magnifique chambertin tout en charme et bien dessiné. Tout est subtil.

Le Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1928 est servi avant le dessert aussi le buvons-nous avec la mémoire du fromage. Et cela titille avec beaucoup de pertinence cet excellent sauternes. Son nez est de forte personnalité. Il évoque en bouche les fruits exotiques dont la mangue. C’est un beau sauternes de soleil.

C’est à dessein que je fais servir en décalage le Château d’Yquem 1955 car ce vin est absolument impérial. Cet Yquem, c’est l’Audrey Hepburn d’Yquem. C’est l’élégance, la distinction, le savoir-vivre. C’est un immense Yquem qui n’a pas d’âge, tant il est parfait, véritable concentré des vertus d’Yquem. Toute la table est saisie par la perfection de ce vin.

Ce n’est pas facile de voter et le résultat comporte des surprises. Sur onze vins, dix ont eu des votes alors qu’on ne choisit que quatre vins. Cinq vins ont eu des votes de premier, ce que j’apprécie toujours. L’Yquem 1955 a eu quatre votes de premier, ainsi que le Mouton-Rothschild 1928 et trois vins ont été choisis une fois comme premier, le Haut-Brion blanc 1998, le Cheval Blanc 1959 et le Château Margaux 1934.

Le vote du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1955, 2 – Château Mouton-Rothschild 1928, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1980, 4 – Château Haut Brion Graves blanc1998, 5 – Château Cheval Blanc 1959.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1955, 2 – Château Mouton-Rothschild 1928, 3 – Chambertin Grand Cru domaine Armand Rousseau 1995, 4 – Musigny blanc domaine Comte Georges de Vogüé 1992.

La dispersion des votes est extrême et cela montre à quel point il n’existe pas un goût unique, mais des préférences individuelles très diverses. Car je suis le seul à avoir les mêmes deux premiers que le consensus et à avoir voté pour le Chambertin.

Le repas a été remarquablement exécuté et le plat que j’ai préféré est le homard, qui s’est très bien marié aux deux blancs passionnants. J’aurais peut-être préféré des morilles plus crues et plus croquantes pour La Tâche et le Mouton. L’accord chambertin et saint-nectaire est l’un des plus réussis.

Le service a été exemplaire, comme chaque fois. La qualité des convives a fait de ce 170ème dîner un grand dîner, marqué par Yquem 1955 et Mouton 1928.

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Les vins du dîner du 14 juin vendredi, 14 juin 2013

Champagne Bollinger Grande Année 1982

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Champagne Dom Pérignon 1966

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Château Haut Brion Graves blanc 1998

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Musigny blanc domaine Comte Georges de Vogüé 1992

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Château Margaux 1er Grand Cru Classé de Margaux 1934

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Château Cheval Blanc 1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion 1959

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La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1980

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Chambertin Grand Cru domaine Armand Rousseau 1995

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Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1928

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Château d’Yquem 1955

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Margaux 1928, Lafite 1961, La Tâche 1951 et d’autres vins immenses au Garance samedi, 1 juin 2013

La chaîne de télévision LCI m’a demandé de donner mon avis sur la vente aux enchères de vins de la cave de l’Elysée qui doit commencer le soir même. J’ai l’occasion de dire à quel point cette opération n’envoie que des signes négatifs, d’un pays aux abois qui vend des poussières de ses bijoux de famille, mais surtout d’un pays qui ne va pas de l’avant, qui devrait être solidaire avec une des filières les plus porteuses de la balance commerciale du pays, la filière vin et plus précisément la filière des vins de qualité qui sont un emblème de l’image de la France, qui fait tant rêver le monde. Alors que je n’avais pas l’intention d’aller à cette vente, car j’anticipais des prix de feu d’artifice, le journaliste qui m’invitait me dit : « bien sûr vous irez à la vente ! ». Je me suis senti obligé d’y aller.

Sur place, je rencontre diverses personnes que je connais et tout d’un coup, je vois arriver Gérard Besson, le chef chez qui j’ai organisé beaucoup de dîners et de casual Fridays. Nous sommes heureux de nous revoir, pour la première fois depuis qu’il a pris sa retraite. Tous les deux nous voulons nous revoir et je lui dis : « pourquoi pas demain ? Nous faisons l’un des dîners de notre dream team, avec des vins très rares ». Je quitte très vite la vente aux prix fous et j’envoie à Gérard la liste des vins prévus. Le lendemain matin il m’informe qu’il viendra.

Au restaurant Garance, j’ouvre les bouteilles dès 17h30. Le parfum du Lafite 1961 est d’une pureté d’Evangile. Le bouchon de La Tâche 1951 est de très mauvaise qualité et n’a pas été aidé par une cave trop sèche si je me fie à ce qui apparaît sur le bouchon. Le niveau est bas, le bouchon sent très mauvais et lorsqu’on sent le goulot, l’odeur est désagréable. Tomo qui m’a rejoint verse un peu du vin dans un verre et les odeurs désagréables n’étaient attachées qu’au goulot. L’espoir renaît. Le parfum du Margaux 1928 est séducteur, et, lorsque Florent arrive avec son Pontet Canet 1926, c’est un parfum d’une délicatesse rare qui envahit mes narines à l’ouverture.

Je descends au rez-de-chaussée pour mettre au point avec Guillaume Iskandar le menu et choisir avec lui quelques orientations. Le menu, dont je reconstitue les intitulés, est ainsi organisé : la traditionnelle brioche de bienvenue / homard bleu, traces de crème à l’orange / Lieu, roquette et petits oignons / ris de veau / épaule d’agneau, asperge et oignons / financier en gâteau fumé.

Notre groupe se compose de Tomo, Lionel, Florent, Jean-Philippe, Gérard Besson et moi. L’un d’entre nous étant en retard, Guillaume Muller nous propose au verre le Champagne Langlet Brut Grand Cru. Le champagne ne m’inspire pas et j’ai un commentaire bien méchant : « voilà un champagne qui nous fait aimer le cidre ». C’est bien méchant. Le Champagne Louis Roederer 1964 de Florent a encore du pétillant et une jolie couleur ambrée. En bouche c’est du plaisir pur, avec de jolis fruits oranges et une originale évocation de marc. Ce champagne est excitant de curiosité et s’annonce comme un grand compagnon de gastronomie.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 de Jean-Philippe, que j’ai bu maintes fois, à la bouteille si belle, est une grosse déception. Car il a vieilli trop vite et a perdu de sa vivacité. Il n’est pas mauvais mais il n’est pas ce que nous attendons.

Le Château Rayas blanc 1996 de Lionel met un sourire à mes lèvres : c’est « love at first sight », le coup de foudre pour un vin généreux, facile, dandy sacrément convaincant. Avec le homard un peu chiche pour nos appétits, il est parfait.

Le Château Haut-Brion blanc 1964 de Lionel n’a pas assez de panache pour retenir notre attention. Je ne saurais pas dire de quoi il souffre mais il n’est pas là, même si le homard l’aide un peu.

Le Bienvenues Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1995 de Gérard attaque très fort. Ce vin puissant d’un équilibre rare occupe le palais et l’envahit de ses arômes complexes. Ce qui me fascine, c’est le plaisir qu’il donne, profond et pénétrant. C’est l’attaque qui pose le jeu.

Servi en même temps, le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1989 offre des saveurs plus fluettes. On imagine que le combat est joué au profit du Bienvenues, mais pas du tout. Le Chevalier s’assemble, déroule sa matière riche et prend progressivement le dessus. Les deux vins sont parfaits et très différents. J’aime le premier pour son attaque généreuse. J’aime le second pour sa matière opulente et sa noblesse. J’aime les deux car ils sont l’expression de la grandeur des blancs de Bourgogne. Le lieu superbement cuit convient aux deux vins, probablement plus au Chevalier.

Le Château Margaux 1/2 bouteille 1928 que j’ai apporté est tétanisant de perfection. Au moins dix fois Gérard dira qu’il n’en revient pas qu’une demi-bouteille de plus de 80 ans puisse avoir une telle jeunesse. Il regardera à deux fois le bouchon pour vérifier qu’il s’agit bien d’un bouchage d’origine. Séduisant, féminin, velouté, ce vin est d’un charme à pleurer. Il a une profondeur et une densité qui sont remarquables et un final grandiose.

A côté de lui, le Château Pontet-Canet 1926 de Florent, au niveau presque dans le goulot, au parfum charmant, se caractérise par son velouté délicat. S’il n’était à côté du Margaux, il aurait la vedette parce qu’il profite à fond d’une grande année : 1926. Mais le Margaux est trop brillant.

Pour être sûr d’avoir une bonne demi-bouteille de Margaux, j’en avais apporté trois. Dix fois au moins mes amis ont tenté de faire pression pour que j’ouvre les deux autres. Mais j’ai résisté, surtout pour rester sur la bonne impression d’une bouteille parfaite. Le ris de veau est de très grande qualité et tout au long du repas, Gérard Besson n’arrêtera pas de faire des compliments sur la cuisine de Guillaume Iskandar. Venant de la part d’un MOF, meilleur ouvrier de France, cela compte.

Je ne peux évidemment avoir aucune objectivité pour le vin que j’ai apporté, Château Lafite-Rothschild 1961. Son parfum est d’une profondeur exceptionnelle avec des évocations de graphite et de truffe. En bouche ce vin est dense, lourd, profond, mais aussi complexe et raffiné. C’est un très grand vin au final inextinguible.

A côté de lui, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1951 de Tomo, qui avait un bas niveau, exhale un parfum d’une rare persuasion. Si l’on voulait savoir ce qui fait la caractéristique d’un vin du domaine, ce serait ça. Je m’amuse car lors d’une dégustation d’une vingtaine de vins de la Romanée Conti, un participant voulait que j’enlève La Tâche 1942 dont il contestait l’étiquette, sans le nom des propriétaires et sans l’indication des volumes produits. C’est ce vin contesté qui avait été le plus brillant de la réunion. Cette Tâche 1951 a strictement la même étiquette et se présente avec l’ADN du domaine sans l’ombre du plus minuscule doute. Je dirais même qu’il est presque un peu exacerbé et excessif dans le caractère salin. Le charme du parfum du vin est extrême. Là où nous allons différer avec mes amis qui plébiscitent ce vin, c’est que je trouve qu’il n’est pas parfait. Il a souffert, comme le montre son bouchon dégradé, et ses caractéristiques se sont empâtées. Elles sont là, mais manquent un peu de finesse. Cette réserve est à la marge, car le vin est convaincant, dominant et plein de charme.

La cohabitation des deux vins est possible. Le Lafite, c’est la perfection, la pureté la droiture. La Tâche, c’est le charme, la séduction et la complexité. L’agneau vote pour Lafite.

Le Château Rabaud-Promis 1937 de Jean-Philippe se présente dans une bouteille assez sale, ce qui ne préjuge de rien et le liquide que l’on devine est d’un marron très foncé. Le nez est très sauternes mais manque un peu d’ampleur. En bouche c’est un sauternes généreux aux fruits bruns, un peu poussiéreux, qui aurait créé un accord superbe avec le financier si celui-ci avait été moins fumé.

Nous sommes tous impressionnés par la qualité générale des vins que nous avons bus. Il y a parmi eux des vins de première grandeur. Gérard n’en revient toujours pas qu’une demi-bouteille de 1928 ait cette vivacité. Jean-Philippe met le Margaux 1928 en premier. Pratiquement tout le monde met Lafite et La Tâche juste après, soit ex-æquo, soit La Tâche en tête. Mon classement diffère sur La Tâche. J’ai noté : 1 – Château Margaux 1/2 bouteille 1928, 2 – Château Lafite-Rothschild 1961, 3 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1989, 4 – Bienvenues Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1995. Il y aurait ensuite les belles performances de La Tâche 1951, du Rayas blanc 1996 et du Pontet-Canet 1926.

En des moments comme celui-là, nous ne voulons pas nous quitter, aussi avons-nous rêvé de nos futures agapes autour d’un Chartreuse faite à Tarragone très récente, beaucoup trop jeune pour avoir la complexité que l’on attend de cette liqueur emblématique. La date est prise pour un futur dîner. Ces repas amicaux dont de véritables bonheurs.

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le défaut du verre de la bouteille de Lafite 1961 est assez spectaculaire

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1928 MARGAUX, 1961 LAFITE, 1951 LA TACHE AND OTHER OUTSTANDING WINES AT RESTAURANT GARANCE samedi, 1 juin 2013

The French TV channel LCI has asked me to comment the auction of wines from the cellar of the Élysée Palace (the official residence of the President of the French Republic), which is scheduled to begin that evening. It gives me the opportunity to explain that this operation only sends negative vibes: it is yet another sign of a country in dire straits, selling off bits and pieces of its family jewels, but also of a country that is not going forward, which should rather work hand in hand with one of the most promising sectors in its trade balance—the wine industry and more specifically the fine wine sector, a true French emblem, something the rest of the world dreams about. While I originally do not intend to go to the auction, as I anticipate a fantastic fireworks display of prices, the reporter who invited me tells me: « Naturally, you will go to that auction! » I therefore feel obliged to go.

There, I meet several acquaintances and all of a sudden, here comes Gérard Besson, the restaurant chef with whom I have organised many of my dinners and my Casual Fridays. We are happy to see each other again, for the first time since he retired. We both want to see more of each other and I suggest: « Why not tomorrow? We are organising one of our dream team dinners, with very rare wines. » I quickly leave the auction and its insane prices, and send Gerard the wine list scheduled for the dinner. The following morning, he confirms that he will join us.

At the restaurant Garance, I open the bottles at 5:30pm. The scent of the 1961 Lafite is of angelic purity. The cork of the 1951 La Tâche is of very poor quality and, looking at it closely, it has apparently not been helped by a stay in an over-dry cellar. The level is low, the cork smells really bad and when you smell the neck, there is an unpleasant whiff. Tomo joins me and pours a little bit of the wine into a glass and it seems that the unpleasant smell only came from the neck itself. We can still hope. The aromas of the 1928 Margaux are seductive, and when Florent arrives with his 1926 Pontet Canet, I open it and a scent of a rare delicacy invades my nostrils.

I go to the ground floor to develop the menu with William Iskandar and together we determine some guidelines. Here is the organisation of the dishes on the menu, which I recreate from memory: traditional welcoming brioche / blue lobster, traces of orange cream / pollack, arugula and small onions / sweetbreads / shoulder of lamb, asparagus and onions / smoked almond sponge cake.

Our group consists of Tomo, Lionel, Florent, Jean-Philippe, Gérard Besson and myself. One of us being late, Guillaume Muller suggests we have a glass of Champagne Langlet Brut Grand Cru. The champagne does not inspire me and I can’t help myself and criticize the wine— »this champagne would make you fall in love with cider! » That is really spiteful. The 1964 Champagne Louis Roederer brought by Florent is still sparkling and of a nice amber colour. In the mouth it is pure fun, evoking beautiful orange fruits and also marc alcohol, strangely enough. This champagne is curious and exciting and promises to be a great companion to food.

Several times I have had the 1979 Champagne Mumm Cuvée René Lalou brought by Jean-Philippe: the bottle is splendid, but the champagne is a big disappointment, because it has aged too quickly and lost part of its liveliness. It is not bad but it is not what we were expecting.

The 1996 Château Rayas Blanc brought by Lionel makes me smile: it is love at first sight for this generous, easy-going wine, a really convincing dandy of a wine. With the lobster—whose portion size falls rather short of filling our appetiteit is perfect.

The 1964 Château Haut-Brion Blanc also brought by Lionel does not have enough panache to catch our attention. I cannot really say what its problem is, but it is not really focused, even though the lobster helps it a little.

The 1995 Bienvenues Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive that Gérard brought with him starts really strong. This powerful wine, of a rare balance, fills up your mouth and invades it with complex flavours. What fascinates me is the deep and penetrating pleasure it creates. This is the attack of the wine that sets the stage.

The 1989 Chevalier Montrachet Domaine Leflaive is served at the same time and offers lighter flavours. One could imagine that this is a losing battle for the Chevalier, but not at all. It picks itself up, unfolds it rich body and gradually takes over. Both wines are perfect and very different. I like the first one for its generous attack. I like the second for its opulent body and its nobility. I like both because they both showcase the greatness of white Burgundy wines. The perfectly cooked pollack pairs beautifully with both, probably slightly better with the Chevalier.

The 1928 half-bottle of Château Margaux which I brought is of petrifying perfection. Gérard ends up repeating at least a dozen times that he cannot believe that a half-bottle which is over 80 years old can remain so young. He even takes a closer look at the cork to make sure it is indeed original. Seductive, feminine, velvety—this wine has enough charm to make you cry. It has remarkable depth and density, and a grand finish.

Next to it, the 1926 Château Pontet-Canet brought by Florent, whose level is upper-shoulder, has charming aromas and a delicate velvety texture. Were it not served along with the Margaux, it would be the star of the show, being boosted by the great 1926 vintage. But the Margaux is just too damn brilliant.

To make sure that I would produce a good half-bottle of Margaux, I had brought three. Again and again my friends try to pressure me to open the other two. But I resist, especially because I want to remember the positive note of a perfect bottle. The sweetbreads are of great quality and throughout the meal, Gérard Besson keeps complimenting William Iskandar’s cooking. Coming from a MOF, Meilleur Ouvrier de France (Best National Craftsman in His Category), it says something.

I can obviously show no objectivity towards the wine I brought, a 1961 Château Lafite-Rothschild. Its fragrance is exceptionally deep with hints of graphite and truffle. In the mouth, the wine is dense, heavy, deep, but also complex and refined. This is a great wine with a never-ending finish.

Tomo’s 1951 La Tâche Domaine de la Romanée Conti is served alongside the previous wine. It has a low level but gives off a scent of rare persuasion. If one wanted to know what identifies a wine from the domaine, it would be exactly that. It makes me laugh because during a recent tasting of twenty wines from the Domaine de la Romanée Conti, one participant wanted me to exclude a 1942 La Tâche because its label did not include the names of the owners nor any indication of the number of bottles produced. This disputed bottle turned out to be the most brilliant of the tasting. This 1951 La Tâche has exactly the same label and sports the DNA of the domain without the tiniest shadow of a doubt. I would even say that it is almost a little exaggerated and excessive in its saltiness. The charm of this wine’s aromas is extreme. But, contrary to my friends who praise this wine, I find that it is not perfect. It has been through hard times, as its decayed cork can testify, and it has become slightly pasty. All its traditional characteristics are there, but lacking a little in finesse. This is almost insignificant, for the wine is convincing, dominant and full of charm.

The coexistence of both wines is possible. The Lafite is perfect, pure, and straight. The La Tâche is charming, seductive and complex. The lamb votes in favour of the Lafite.

The 1937 Château Rabaud-Promis brought by Jean-Philippe comes in a rather dirty bottle—which is actually irrelevant—and inside it, one can make out a very dark brown liquid. The nose is very Sauternes but slightly lacks in volume. In the mouth, it is a generous Sauternes with brown fruit, a little dusty, which would have created a superb pairing with the almond sponge cake had it been less smoked.

We are all impressed by the overall quality of tonight’s wines. Among them are some first-class bottles. Gérard still cannot believe that a half-bottle of 1928 can have such liveliness. Jean-Philippe gives first place to the 1928 Margaux. Almost everyone ranks the Lafite and the La Tâche immediately behind, either tied or with the La Tâche ahead.

My ranking is different because of the position of the La Tâche: I place 1 – 1928 Château Margaux half bottle; 2 – 1961 Château Lafite-Rothschild; 3 – 1989 Chevalier Montrachet Domaine Leflaive; 4 – 1995 Bienvenues Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive. Then would come the commendable performances of the 1951 La Tâche, of the 1996 Rayas Blanc and of the 1926 Pontet-Canet.

In times like these, we do not want to part ways, so we decide to dream of our future banquets and share a Chartreuse bottled very recently in Tarragone—far too young a bottle to have the complexity that is expected from this emblematic spirit. The date is set for a future dinner. These meals among friends are blessed moments.

Dîner d’anniversaire au restaurant Laurent dimanche, 26 mai 2013

Changer de décennie, ça se fête. Le noyau dur des parents et amis se retrouve au restaurant Laurent, dans la salle du premier étage qui a accueilli de nombreuses fêtes qui jalonnent mes souvenirs. La forme utilisée pour ce dîner est celle des dîners de wine-dinners. Il portera donc le numéro 169, carré d’un nombre porte-bonheur.

Si le temps le permettait, l’apéritif aurait lieu sur la terrasse, préparée pour nous. Mais ce vilain mois de mai n’en finit pas de nous geler.

Dans un petit salon attenant à la grande salle à manger nous trinquons sur un Champagne Pommery « Cuvée Louise » Jéroboam 1990. Le bouchon résiste et se sectionne imposant de l’extirper au tirebouchon. Ce qui frappe instantanément, c’est le parfum généreux de ce champagne. Les fragrances sont riches, pénétrantes, de lourdes fleurs orangées. En bouche le champagne est d’une belle maturité et l’on sent l’effet du format de la bouteille, qui arrondit le vin d’une grande sérénité. Il emplit la bouche, s’élargit avec des notes de fruits exotiques. On le boit avec un infini plaisir. Les nems de gambas sont de pures délices.

Le menu conçu par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret pour les vins est : mousseline citronnée et anguille fumée, asperges vertes / homard au beurre de sauge / jarret de veau de lait cuit doucement au jus, petits pois à la française / morilles farcies, lard fumé / pièce de bœuf poêlée, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent », jus aux herbes / saint-nectaire / soufflé chaud à la fleur de sureau

Le Champagne Krug Magnum 1989 est probablement l’une des formes les plus abouties du champagne racé. Ce vin a une tension extrême. Il claque comme un fouet mais il a aussi son gant de velours lié à l’épanouissement de son âge. C’est un très grand champagne à la longueur infinie et pénétrante, qui profite délicatement du picotement de l’acidité du plat. Il est à noter qu’en repassant sur le Cuvée Louise après une gorgée du Krug, le Pommery ne désarme pas et prouve sa pertinence, sur un registre plus posé.

Le Montrachet Roland Thévenin 1945 a une couleur légèrement ambrée qui me pousse à prévenir mes invités d’être attentif à la façon de le boire, car j’ai toujours peur qu’on pense qu’un vin est madérisé alors qu’il ne l’est pas. C’est la sauce du homard qui résout tous les éventuels problèmes, car elle propulse le Montrachet à des hauteurs qu’il n’aurait pas sans elle. Le vin est très original, car il est gracieux, légèrement fumé et tisané, et produit avec la sauce du homard l’un des plus grands accords de ce repas qui n’en manque pas.

Le Château Haut-Brion 1983 est la définition archétypale d’un Haut-Brion jeune. Il est d’une sensibilité extrême, avec une trame au point le plus fin. A côté de lui, le Château Calon-Ségur 1961 est la séduction même. Il est velouté et charmeur comme il est difficile d’imaginer. Pour toute la table, il est évident que le Calon-Ségur se place au dessus, mais plus le temps passera et plus je ressentirai la noblesse du Haut-Brion comme déterminante. Les deux vins sont dans un état de qualité proche de l’absolue perfection.

Les morilles sont probablement les meilleures que j’aie jamais mangées. Le Pétrus 1988 est d’une jeunesse folle, riche et émouvant. Pour mon goût, c’est la morille qui est dominante mais une chose est sûre, c’est que l’accord Pétrus et morille est le plus grand de ce repas.

Le nez du Clos de Tart 1978, c’est un coup de tonnerre. On devrait l’imposer aux haltérophiles à la place de l’ammoniac, car ils relèveraient la gageure d’Archimède : « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde ». Ce parfum tenace est envoûtant. En bouche, le vin est aussi pénétrant, bourgogne conquérant, sans concession, envahisseur et d’une force peu commune. Il a des amers d’une grande noblesse et c’est pour moi une forme aboutie du vin de Bourgogne que j’adore.

A côté de lui, le Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon Magnum 1978 est d’une grande solidité et d’une grande lisibilité. Mais il ne peut pas lutter avec la complexité énigmatique du vin bourguignon même si, en une autre circonstance, on le trouverait de grand plaisir.

J’avais envisagé que les quatre vins rouges qui suivaient les bordeaux se répartiraient région par région. Et en fait j’ai osé ces accouplements canailles pour chaque service d’un bourgogne et d’un vin du Rhône. C’était prendre un risque puisque fatalement il y a un gagnant et un perdant. Pour le bœuf, le Clos de Tart est le gagnant et pour le fromage le gagnant est la Côte Rôtie « La Mordorée » Chapoutier 1990, petite merveille de sérénité, de joie de vivre et d’accomplissement. Ce vin est le George Clooney des arômes.

Ce qui m’étonne le plus, c’est que je n’ai pas réussi à capter La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986. Son nez est superbe de subtilité, son goût a la grâce des vins du domaine, mais pour une raison que je n’explique pas, tenant peut-être à l’atmosphère rieuse et joyeuse du repas, l’étincelle de ce vin ne m’a pas touché. Et je n’ai aucun reproche à lui faire. C’est donc un grand étonnement.

A l’ouverture des vins, le grand gagnant des parfums, bien au dessus du Clos de Tart, c’était le Château Roumieu Barsac 1937. Il a gardé un parfum exceptionnel, mais moins puissant que celui du Clos de Tart. Ce vin est merveilleux, très marron foncé, évoquant le thé et une soupe de fruits délicats. Avec le soufflé à la fleur de sureau, l’accord est une merveille. Un tel vin est porteur d’une grande émotion, atypique et sensuel.

Ce n’est pas facile de trouver un vin ou un alcool qui ait juste cent ans lorsqu’il s’agit de 1913, car on ne trouve quasiment plus rien de ce millésime. J’ai toutefois trouvé dans ma cave un Marc de Bourgogne Chauvet 1913. Le liquide est très blanc, pâle, d’un aspect très jeune. Il est d’une complexité très rare pour un marc. Bien sûr il a le côté paysan en sabots fourrés de paille du marc traditionnel mais je trouve qu’il ajoute un supplément d’âme. Il est riche, complexe et séduisant. Je l’adore.

Le « greatest », qualificatif attribué à Mohamed Ali, c’est de loin la Bénédictine (vers 1940). J’indique cet âge, mais je ne serais pas étonné que la bouteille soit plus vieille. Le liquide blanc que l’on verse dans le verre coule comme une huile épaisse. En bouche on est envahi par une lave de sucre d’où éclosent des bouquets de fleurs de printemps inimaginables. Je suis envoûté par cette liqueur qui est de la qualité des plus belles Tarragone.

Nous sommes vingt-deux aussi est-ce impossible de faire voter tout le monde. Mon vote sera le seul à consigner dans les archives : 1 – Bénédictine (vers 1940), 2 – Clos de Tart 1978, 3 – Château Haut-Brion 1983, 4 – Château Calon-Ségur 1961, 5 – Champagne Krug magnum 1989. Plusieurs amis n’auraient pas mis Haut-Brion aussi haut et auraient mis le Château Roumieu juste après le Clos de Tart. Ces jugements sont pertinents.

Les accords les plus grands sont à mon goût : 1 – Pétrus et morilles, 2 – Montrachet et la sauce du homard, 3 – Château Roumieu et soufflé à la fleur de sureau.

J’ai été submergé de cadeaux. L’atmosphère était aux rires. Le service du restaurant Laurent est remarquable et la cuisine d’une pertinence rare. Ce fut un grand repas.

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BIRTHDAY DINNER AT RESTAURANT LAURENT samedi, 25 mai 2013

Changing decades is worth celebrating. The core members of my family and friend circles get together at Restaurant Laurent, in the first-floor room that has hosted so many memorable receptions. This dinner has the same organisation as my wine-dinners, so it becomes number 169—the square of a lucky number.

If only the weather allowed it, we would have had the aperitif outside on the terrasse, which has been set for us. But this horrible month of May keeps on freezing us.

In a small lounge next to the large dining room we celebrate with a jeroboam of 1990 Champagne Pommery « Cuvée Louise ». The cork resists and breaks, and has to be pulled out with a corkscrew. And immediately, we are impressed by the generous aromas of this champagne—rich, penetrating, with a heady whiff of orange flowers. In the mouth, it has a lovely maturity and the effect of the size of the bottle can clearly be felt, contributing a certain roundness to this wine of great serenity. It fills the mouth, and gets more voluminous with notes of exotic fruits, producing an infinite drinking pleasure. The shrimp-based spring rolls are a pure delight.

The menu designed by Philippe Bourguignon and Alain Pégouret to complement the wines includes: light lemon mousse and smoked eel, green asparagus / lobster with sage butter sauce / veal shank cooked slowly in its juices, French-style peas / Stuffed morels, smoked bacon / Pan-fried piece of beef, served in strips, homemade puff potatoes, herbal jus / Saint-Nectaire cheese / hot elderflower soufflé.

The Magnum of 1989 Champagne Krug is probably one of the most state-of-the-art expressions of stylish champagne. This wine has an extreme tension. It cracks like a whip but it also has a soft side thanks to its maturity. This is a great champagne of penetrating and infinite length, which delicately benefits from the tingling acidity of the dish. It should be noted that when going back to the Cuvée Louise after a sip of the Krug, the Pommery is undeterred and proves its relevance, simply playing a calmer score.

The 1945 Montrachet Roland Thevenin has a light amber colour which leads me to suggest to my guests that they should taste it carefully, because I am always afraid that people think a wine is maderised when it is actually not. The lobster sauce wipes away any possible misunderstanding, since it propels the Montrachet to heights that the wine would not have reached without it. It is very original, being graceful, slightly smoky and reminiscent of herbal tea, and it creates with the lobster sauce one of the greatest of the many great pairings of this meal.

The 1983 Château Haut-Brion is the epitome of young Haut-Brions. It is of extreme sensitivity, and of the finest texture. Beside it, the 1961 Château Calon-Ségur is seduction incarnate. It is hard to picture such smoothness and charm in a wine. For the whole party, it is clear that the Calon-Ségur dominates, but as time goes by, I come to reckon that the nobility of the Haut-Brion is actually decisive. Both wines are in a quality state of near absolute perfection.

The morels are probably the best I have ever eaten. The 1988 Pétrus is insanely young, rich and moving. The morel is dominant for me but one thing is certain: the Pétrus and morel pairing is the greatest of this meal.

The smell of the 1978 Clos de Tart is like a thunderbolt. It should be given to weightlifters instead of ammonia, to help them face the challenge of Archimedes: « Give me a lever and a place to stand, and I will move the earth! » This lingering fragrance is enchanting. In the mouth, the wine is also penetrating—a true conqueror from Burgundy, an uncompromising invader of unusual strength. It has great noble bitterness and for me it is an accomplished version of these Burgundy wines I adore.

Beside it, the magnum of 1978 Châteauneuf du Pape Domaine de Mont-Redon is of great substance and clarity. But it cannot compete with the enigmatic complexity of the Burgundian wine though, in another context, it would be highly enjoyable.

After the wine from Burgundy, I originally intended to divide the next four reds according to regions. And in the end I dare create raffish pairings for each service and partner a Burgundy wine with one from the Rhône. I am taking a risk because there is, inevitably, a winner and a loser. With the beef, the Clos de Tart is the winner; for the cheese, the 1990 Côte Rôtie « La Mordorée » Chapoutier triumphs. This wine is the George Clooney of aromas: a small miracle of serenity, joie de vivre and completion.

What amazes me most is that I have not managed to encapsulate the 1986 La Tâche Domaine de la Romanée Conti. Its aromas are of great subtlety, and its taste showcases the gracefulness of the wines from the domaine. But for some reason I cannot explain—maybe because of the jolly and cheerful atmosphere of the meal—I do not see a spark in this wine. And yet there is nothing wrong with it. This is quite a surprise.

When I opened the wines, the overall olfactory winner—well ahead of the Clos de Tart—was the 1937 Château Roumieu Barsac. Now its aromas are still exceptional, though less powerful than the Clos de Tart’s. It is a wonder of a wine, of a dark brown colour, with hints of tea and of delicate fruit soup. It pairs wonderfully with the elderflower soufflé. There is great emotion in such an unusual and sensual wine.

It is not easy to find a wine or alcohol which is a hundred years old when you look for the 1913 vintage, because it is now extremely hard to come by. However, I have found in my basement a 1913 Marc de Bourgogne Chauvet. The liquid is very white, pale—very youthful. It is of extremely rare complexity for a marc. Of course it has straw-filled-clogs, a peasant side of traditional marc, but with a little something extra. It is rich, complex and appealing. I love it.

The « greatest »—a term used to describe Muhammad Ali—is by far the Bénédictine spirit (circa 1940). I indicate this age, but I would not be surprised if the bottle is actually older. The white liquid that is poured into the glass flows like thick oil. It invades the mouth like a sugary lava flow, bursting with unimaginable myriads of spring flowers. I am mesmerised by this alcohol which reminds me of the finest Tarragone spirits.

Twenty-two people are reunited for this dinner, which makes it impossible to get a vote from everybody. My vote is therefore the only one recorded: 1 – Bénédictine (circa 1940), 2 – 1978 Clos de Tart, 3 – 1983 Château Haut-Brion, 4 – 1961 Château Calon-Ségur, 5 – 1989 Champagne Krug Magnum. Several friends would never have ranked Haut-Brion that high, and would have placed Château Roumieu immediately behind the Clos de Tart—both relevant suggestions.

The best pairings, according to my taste, are: 1 – Pétrus and morels; 2 – The Montrachet and the lobster sauce; 3 – Château Roumieu and the elderflower soufflé.

Amidst a cheerful atmosphere, I am inundated with a flood of gifts. The service of restaurant Laurent is outstanding, the cooking of rare precision. It is a great meal.