Dîner d’amis au restaurant Maxence jeudi, 15 novembre 2001

Ce bulletin est le dix-huitième. Il raconte un type spécifique de dîners, celui où des habitués des vins anciens se retrouvent avec plaisir, sous la houlette de Jean Luc Barré, mon maître ès vins anciens, et par ailleurs ami. Dans ces dîners, on peut se risquer à des bouteilles plus hasardeuses qui côtoient des merveilles. Une fois de plus, ce fut chez David van Laer, au Maxence, où la créativité se marie à la qualité, avec aussi une solide amitié pour nos goûts de folie. Le thème retenu par Jean Luc Barré était : les années jumelles, sauf pour une seule bouteille, la splendeur de la soirée. Les plats : après des gougères, une crème de topinambour, des Saint-Jacques au four et tagliatelles de fenouil, un rouget rôti au jus de viande réduit et cannelloni de légumes, un duo de biche rôti et compote de chou rouge, un chausson de viande sauce Porto, une sélection de fromages Quatrehomme, une gelée d’agrumes, tarte aux fruits secs et mendiant. J’ai personnellement fondu d’extase sur la gelée d’agrumes, après avoir succombé à la qualité du rouget. On commença par un Crémant de Cramant Pierre Gimonod 1929 : une curiosité. Pas de bulles, juste du vin. L'intérêt est de voir que le vin existe toujours, même si la part de champagne a disparu. Comme toujours, profondeur et longueur. Une belle curiosité. Le résiduel vineux de vins de champagnes très anciens est un très bon début pour de grands repas. Un Grand Anjou 1929 suivait la même approche. Très doux, très long en bouche, très rare. On n'est plus sur le vin originel, mais on a une belle saveur, assez sucrée et doucereuse, mais avec un très joli parcours en bouche, tout de discrétion intime. Le Pavillon Blanc de Château Margaux 1959 qui suivit fut critiqué par beaucoup, par un excès en tout : un nez imprégnant, et des saveurs d'agrume fortement épicées. Comme Jean Luc, je l'ai beaucoup aimé pour ce qu'il est, car les Bordeaux blancs ne s'approchent pas comme d'autres blancs : il faut savoir décrypter ces saveurs et ces parfums si complexes. Son successeur immédiat promettait évidemment d'être plus accessible, car les mono cépages se lisent beaucoup mieux. Le Meursault Charmes Lagrive 1959 est un vrai et pur Bourgogne. Une belle couleur dorée, un goût caractéristique de Meursault. C'est le vin qui rassure. A ce stade de la dégustation, les amateurs de vins modernes auraient peu compris les trois premiers, non pas parce qu'ils ne savent pas, mais parce que les goûts de ces vins sont très différents des goûts d'origine. Tous, au contraire, auraient adoré le Meursault. Les vins rouges allaient démarrer en fanfare. Château Cantemerle 1918. Belle robe, couleur intense, nez profond, et goût velouté, où tout se fond harmonieusement. Intéressant, mais dès que l'on aborde le Château Haut Bailly 1918, on entre dans une autre dimension. Un vin qui est la justification de toute la démarche que nous construisons sur les vins anciens. Qu'est-ce qui fait qu'un vin peut se présenter en étant aussi confondant de perfection ? Dans le bulletin 17 où nous avons recensé les vins bus sur près d'un an, le Haut Bailly 1900 est apparu comme l'un des dix premiers. Il semblerait que les Haut Bailly anciens ont une qualité rare. Comme à Vinexpo le Haut Bailly 2000 s'est montré riche de belles promesses, ce vin révèle de belles qualités tout au long de son histoire. Après deux vins de 1918, deux vins de 1933. Vieux Château Certan 1933 est un très joli vin. J'ai eu du mal à reconnaître Pomerol, contrairement au Nénin. Meilleur que beaucoup de 1933, il porte un peu les effets de l'âge, mais comme un élégant vieillard. Beaucoup de convives ont préféré le Vieux Château Certan au Château Nénin 1933. Ce ne fut pas mon cas. J'ai préféré son authenticité de Pomerol. Un vin qui changeait sans cesse, énigmatique. A mon sens nettement meilleur que de plus jeunes Nénin, même si le 1971, pour ne citer que lui, est un si beau vin. Alors que chaque année se présentait sous deux aspects très proches, le seigneur qui suivait se devait de montrer sa majesté sans partager son pouvoir. Le Palmer 1928 que nous avons bu est une des plus belles émotions que notre groupe d’amis a eues avec un Bordeaux. Contrairement à Haut Bailly, Palmer n'est pas toujours à la hauteur de ce que l'on attend. Il a été tellement porté au niveau des plus grands qu'on en attend souvent trop. Mais là, il mérite pleinement qu'on lui décerne cette proximité de niveau. Palmer 1928 est un vin parfait, avec tout ce que cela comporte : un nez puissant et équilibré, une belle attaque en bouche soyeuse, des arômes larges, et une longueur bien affirmée dans toutes les composantes du vin. Une belle émotion qu'un Robert Parker noterait 99 ou 100. C'est le vin que l'on ne cesse pas de sentir, et que l'on pourrait goûter comme perdu dans ses rêves. Les vins suivants allaient faire redescendre sur terre. Le Château La Rose Anseillan 1937 a sur son étiquette : «contigu de Lafite" pour bien montrer qu’il jouxte, au moins géographiquement, ce vin de légende. Un vin plaisant, mais qui n'a pas beaucoup de choses à dire. Le Carbonnieux rouge 1937 qui a suivi fut la seule vraie déception du dîner. Il était mort. Et nous nous retrouvions tout chose, tous orphelins, nous qui avions adoré Carbonnieux 28 qui est une des plus belles réussites de 1928. Bien sûr cela arrive, et s'accepte beaucoup mieux dans de tels dîners. Cela montre aussi que l'année 1937 n'est pas une des plus sures. Elle est plus risquée que d'autres. En entrant en Bourgogne et en l’abordant par 1928, on avait beaucoup plus de certitudes. Le Volnay Faiveley 1928 est un vin de belle jeunesse. En buvant ce vin chaleureux nous nous faisions la remarque que tout ce que nous ouvrons de deux années magiques, 1928 et 1929 est marqué par la jeunesse et la plénitude. Ceci se confirma aussi pour le successeur de ce beau Volnay un Gevrey-Chambertin "Clos Saint-Jacques" 1928. Charmant, rond goûteux, le beau Bourgogne sans problème, de pur plaisir. Le Château Saint Amand Sauternes 1921 se comporte comme tous les Sauternes des années 20 : les classifications tombent, et les châteaux égalisent leurs performances. Ce Sauternes d'une année magique (pensez au Yquem 1921) a des parfums que l'on peut sentir pendant des heures. C'est quasi religieux. Et on le boit avec plaisir, sa finesse donnant un sucre subtil. Un plaisir assuré. On attendait du Château de Ricaud Loupiac 1921 de surclasser le Saint Amand. Non pas qu'un Sauternes puisse se faire "battre" par un Loupiac, mais celui-ci est grand. Force est de reconnaître que le Saint Amand fut tellement brillant que le Loupiac, même grand, n'a pas porté tant d'émotion. Une chose est sure cependant : tout ce qui est liquoreux des années 20 est un moment de rêve. Nous avons fini sur une liqueur d'abricot des années trente. Il faut comprendre ces dîners entre habitués des grands vins. Le fait de trouver tant de mérite avec le Palmer 1928 géant, le Haut Bailly 1918 si accompli, et le Nénin 1933 suffit à donner à ce dîner le plus haut niveau de qualité. Ensuite, le reste est de l'exploration, où chacun retrouve, confirme ou améliore ses repères. Et le Meursault, le Gevrey et le Sauternes rappellent qu'il existe encore de belles bouteilles à ouvrir, même sans avoir besoin d’appeler les Pétrus, Romanée Conti ou Yquem. L’ordre de plaisir de beaucoup de convives a été Palmer 1928, Haut Bailly 1918, Saint Amand 1921, Ricaud Loupiac 1921 et Nénin 1933. Ce fut aussi le mien. Une fois de plus Jean Luc Barré a su faire une sélection de talent. Ce dîner montre qu'il faut savoir oser donner leur chance à des flacons qui auraient sans doute dû être bus bien avant, mais qui existent encore, et méritent aussi une belle occasion de montrer leur talent toujours présent.

Dîner de wine-dinners au Maxence lundi, 24 septembre 2001

Dîner de wine-dinners chez « Maxence » le 24 septembre 2001
Bulletin 16

Champagne Besserat de Bellefont Rosé 1966
Pavillon Blanc de Château Margaux 1992
Puligny Montrachet Domaine Laroche 1985
Bourgogne « grande Réserve » Comte A. de la Rochefoucauld 1947
Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1960
Château Malartic Lagravière, Graves 1955
Beaune Clos des Mouches Pierre Bourée Fils négociant 1953
Vosne Romanée E & D Moingeon Frères, # 1943
Corton L. Soualle & E. de Bailliencourt Maisons du Montcel et L. Barjot réunies 1929
Yquem 1917
Golser Strohwein (vin de paille) Prädikatswein Neusiedlersee 1998
Kummel # 1950

Le menu de David Van Laer
Gougères
Escabèche de rougets
Crème de cocos de Paimpol et foie gras
Dos de Saint-Pierre rôti aux aromates
Compote de lièvre façon Parmentier
Sélection de fromages de chez Quatrehomme
Gratin de figues
Dégustation de chocolats
Mignardises

Dîner de wine-dinners au restaurant Laurent mardi, 3 juillet 2001

Un dîner extraordinaire de quatre convives au restaurant Laurent.
Le cadre est somptueux : dîner dans le plus beau jardin de Paris. Philippe Bourguignon est un hôte attentionné qui a veillé à chaque détail. Le chef a fait un travail de talent, chaque mets permettant au vin de briller. Travail de grande subtilité. Et Patrick, sommelier discret et compétent a fait un travail d’ouverture et d’oxygénation des vins de toute grande classe.
Les quatre convives ne se connaissaient pas, et je n’avais jamais ni déjeuné ni dîné avec aucun des trois. Cela faisait très « Madame Desachy », lors de la première rencontre de futurs « fiançables ». Mais à la fin du repas, il nous restait encore tant de choses à nous dire que les cinq heures passées ensemble n’avaient pas épuisées ! Nous nous sommes promis de recommencer ensemble de tels dîners.
Un des convives ayant annoncé son retard (ce qui est à éviter), nous avons bu Deutz 95, « pour attendre ». Il ne fallait pas lutter avec le Salon qui suivait. Il n’y a pas eu de lutte.
Le champagne Salon « S » 1983 est apparu comme un champagne de très haut raffinement. Un nez envoûtant, une bulle légère, un parfum rare. En bouche une puissance, une concentration, un caractère vineux, un peu fumé, mais pénétrant. Tout cela fait un grand champagne, de la lignée des Krug Clos du Mesnil, c’est à dire le plus haut niveau. Mariage parfait avec une gelée de tourteaux à l’infusion d’herbes, le plat se complétant si bien avec ce champagne puissant.
Nous avons bu le Montrachet 1945 de Roland Thévenin sans attendre le turbot rôti au four accompagné de macaronis farcis aux girolles. Ce fut une erreur. La couleur du Montrachet : ambrée, dorée, cuivre. Un des convives aurait aimé que l’on carafe, juste pour avoir la beauté de la couleur. Mais avec la chaleur ambiante, il ne fallait pas. Avant le plat : explosion aromatique en bouche, superbe nez intense, puis, une extinction des saveurs en bouche un peu rapide. C’est pourquoi il fallait attendre : avec le turbot, le vin reprenait toute sa longueur. Le Montrachet exprimait ce qu’il est : une bombe d’arômes de toutes les dimensions de fruits, d’épices et de toutes saveurs. Ce fut la bonne preuve que vin et mets doivent se déguster ensemble. Et la sauce du turbot était une merveille de discrétion mais support indispensable du goût.
Sur la rouelle de jarret de veau de lait mitonnée aux jeunes légumes, de tendreté exemplaire, est apparu le Haut-Brion 1945, bouteille splendide. Le bouchon, un peu rétreint à la base était parfaitement hermétique au sommet, ce qui fait que le nez à l’ouverture à 17 heures était parfait. Rebouché juste après ouverture, il fut ouvert au moment du plat. J’avais prévu en cas de problème d’ouvrir un Haut-Brion 23 que j’avais apporté. Il n’en fut pas besoin.
Quel vin grandiose ! Un raffinement extrême, un nez profond, une structure en bouche d’extrême complexité, avec des allusions à des saveurs riches épanouies, jeunes, envoûtantes, prenantes. Ce n’est que plus tard que j’ai reconnu Haut-Brion, tant j’analysais la complexité de ce vin chaleureux, racé, grandiose.
Puis nous avons ouvert une cuvée spéciale (cent bouteilles numérotées) de château Musar 1964, vin du Liban. Le convive qui l’avait apporté le disait l’égal de Margaux 61. J’aurais mis cela sur le compte du chauvinisme, mais ce vin est apparu grandiose. Un nez qui pour moi est strictement celui de Margaux 37. En bouche, un goût de Margaux. Et le fait qu’on puisse le trouver si bon après Haut-Brion 45 – même si évidemment on en est loin – montre que c’est un vin de grande classe. La confirmation de l’analogie nous est venue ensuite de façon évidente.
Un autre convive avait apporté à boire à l’aveugle une demie bouteille de château Margaux 1900. Quel cadeau ! Et le nez de ce vin à l’aveugle était vraiment le même que celui du Musar, confirmant que nous n’exagérions pas dans l’assimilation. Le Margaux 1900 est apparu noble, grandiose, mais tout en subtilité contenue. Par rapport aux deux Margaux 1900 que j’ai déjà bus, on aurait dit qu’un peu de poussière masquait le coté flamboyant habituel de ce vin. Il y avait toutes les caractéristiques, mais pas le panache explosif de ce vin. Peut-être l’effet d’une ouverture tardive. Mais la valeur était là.
Sur ces vins, un peu de comté vieux et délicieux, mais Musar et Margaux se burent sans besoin de plat.
Puis sur un petit bout de Roquefort et sur deux desserts, macaron vanille fraise des bois puis crème brûlée à la cassonade, sa majesté Yquem est apparue. J’avais prévu d’ouvrir un Yquem 1908 assez fatigué, parce qu’il faut le boire, et pour compenser, d’ouvrir aussi Romanée 1929 qui est une légende. Pour le cas où ce choix eut été contesté, j’avais pris aussi une Yquem 1908 parfaite. Un convive ayant préféré la belle Yquem 1908, c’est ce que nous avons bu. Une couleur orangée blonde et brune, comme un flash de lumière. Un nez sucré épicé, parfumé, de ces parfums capiteux. Et en bouche, la beauté si caractéristique d’Yquem : ce goût de grains de raisin que l’on croque, cette présence sirupeuse si particulière. Un vin envoûtant, avec une longueur en bouche extrême, que l’on compterait en heures. Le mariage avec les desserts est bon, mais Yquem écrase tous les desserts par sa présence imposante.
Que dire de ce dîner : un cadre prestigieux, le travail d’une équipe attentionnée, une tablée d’inconnus devenus des amis par la magie du vin, un menu raffiné choisi pour mettre en valeur les vins, la preuve renouvelée que mes vins étaient bien conservés, des vins qui représentent des moments uniques, comme le Haut-Brion 45, le Yquem 1908 qui sont des témoignages de la magie de la vigne quand elle a le terroir et l’amour de propriétaires exigeants….. Et l’envie impérieuse de vite recommencer de tels moments de rêve.

D’autres achats et divers commentaires du moment mardi, 29 mai 2001

Les achats de vins se poursuivent. Nous avons retrouvé avec bonheur des vins de Chypre, des Malvoisie de la première moitié du 19ème siècle, qui nous donneront l’occasion de belles dégustations. Nous avons pris livraison de Mouton 45 si beaux, et attendons avec impatience l’arrivée d’un Mouton 1900 qui est une légende, même supérieure à celle des Mouton 45.
La véritable inconnue qui interpelle tout le monde du vin, c’est l’attitude qu’il faut avoir vis-à-vis du millésime 2000. Nous allons en acheter un peu, mais ils figureront aux dîners de wine-dinners de nos petits enfants !!!
Depuis quelques mois, nous « ratons » tous les Romanée Conti des années récentes, tant les prix grimpent à des sommets quasiment inatteignables. Les prix de tous vins dans certaines ventes et dans certains restaurants dissuadent même des acheteurs qui se donnent de gros budgets. La mise en vente de l’année 2000 va peut-être servir de révélateur de réveils brutaux.
Nous allons bientôt créer le site de Vimperiale.fr, qui vendra des vins qui ne seraient pas réservés pour les dîners de wine-dinners. Comme notre intention n’est pas de lancer un vrai commerce, il s’agira plus de faire profiter à certains membres de wine-dinners de bons achats que nous réalisons.
Le local du futur Musée du vin a été acheté. Il faut maintenant l’équiper. Il y en aura pour plus d’un an.
Il faut se préparer pour le dîner 13, et les dîners de la rentrée. Pour finir, une citation de Winston Churchill : « Je ne suis pas difficile, je me contente toujours du meilleur ». Voilà de quoi se motiver pour de bonnes dégustations.

Dîner de vins surprises organisé par un ami mardi, 29 mai 2001

Pendant ce temps, notre ami Jean-Luc Barré continue d’animer des repas dans un esprit parfois différent. Tout récemment il réunissait des amis de longue date, qui connaissent suffisamment le vin pour « affronter » des bouteilles surprenantes, dont nous essayons de ne pas prendre le risque à wine-dinners, pour le moment. Le thème de Jean-Luc était celui de vins surprise, rarement mis sur des tables. Il y aurait donc des vins plus risqués. Avant l’apéritif, un Riesling 1970 de Charles Schelleret, un peu fatigué pour mon goût, mais typique Riesling de belle couleur. Puis un fabuleux Ambassadeurs des années 30. Tous ces apéritifs à base de vins vieux, avec des ajouts tantôt de quinine, tantôt d’écorces d’orange, apportent avec l’age une rondeur et une douceur qui en font des apéritifs parfaits. Un Saumur 1967 et un Sancerre 1959 suivirent. Nécessitant une grande oxygénation, ils ont délivré assez discrètement les caractéristiques de leur région. Pas aussi bon que des vieux Sancerre bus dans des dîners précédents.
Un Haut Bages Averous 1934 a révélé un nez splendide. Son frère aîné de 1929, Haut-Bages Averous aussi avait moins de nez mais plus de corps. Ils amenaient bien, comme la cape conduit le taureau au picador et aux banderilles vers un éblouissant Chauvin 1929, déjà dégusté, et ici de superbe texture, équilibre et sensation de plaisir. A titre d’anecdote, le fait de l’avoir goûté de nouveau et si bien apprécié m’a conduit à racheter deux bouteilles de Chauvin 29 qui – fait du hasard – étaient en vente le lendemain en salle de ventes.
Un Cahors Château de Caix de 1952 avait une jeunesse extrême. Impossible de le dater à l’aveugle dans cette décennie, tant il avait de fruit. Un vieux Cahors, fort curieusement écrit Caors de 1942 de Rolland et Cie m’a moins séduit. Une curiosité extrême dont Jean –Luc Barré a le secret : un Côtes d’Agly, appellation disparue du Roussillon, de 1928, de provenance hôtel Claridge est apparu merveilleux, sublime, doux, riche et goûteux. Le Romanée du pape de 1927 qui lui a succédé ne m’a pas séduit, Clos du Calvaire. Un Langoiran de 1949, de Roger Lafard est toujours une valeur sûre : douceur, discrétion, mais goût affirmé et pénétrant. Un bon Langoiran. Il fut suivi d’une finesse extrême, celle d’un Coteaux du Layon 1947, mythe s’il en est, Clos de l’Aiglerie. Très agréable, mais que je n’ai pas trouvé typique de sa région. Un vin « autre ». L’excellent repas de David Van Lear a été conclu sur une splendide folle blanche de 1948.
En fait, entre amis, on peut prendre des risques. En l’occurrence, il suffit d’avoir goûté l’Ambassadeurs, le Chauvin 29, le Agly 28 et le Layon 47 pour avoir goûté des vins de vrai plaisir. Et les autres se prennent alors comme des curiosités, des essais formateurs.
Ce type de dégustations n’interviendra dans wine-dinners qu’avec des amateurs dont nous connaîtrons les goûts. Pour l’instant, l’offre plus classique qui existe est le repère indispensable dans l’ascension à laquelle vous êtes conviés.

DES Achats en salles de vente dimanche, 29 avril 2001

Même si la cave de wine-dinners est plus qu’abondamment pourvue, on achète en permanence. Sur cette quinzaine, Romanée Conti 81 et 82, des Yquem 88 que nous aimons tant (à boire plus tard mais aussi maintenant), mais surtout des Mouton Rothschild 1945. On dit que c’est le plus grand Bordeaux qui ait été fait. Il faudra le goûter pour le vérifier, car à ce jour, c’est Mouton 1900 qui est la bouteille de Bordeaux la plus transcendantale que nous ayons bue. Inutile de dire que pour participer à cette expérience, cher lecteur, vous avez intérêt à être un fidèle client de wine-dinners. Ce qui constitue une forme élémentaire mais totalement assumée de « chantage ».

Un dîner d’amis lundi, 23 avril 2001


Un dîner où j’étais invité. Voulant faire plaisir à mes hôtes, j’ai apporté trois vins – ce qui n’était pas prévu – mais qui ont trouvé une place de choix avec une succulente cuisine : un Monbazillac non daté, mais certainement récolté vers 1950 succulent, doré, rond liquide puis s'épanouissant bien en bouche, gras, et avec une profondeur et une persistance très grande. Sur un foie gras aux figues, une merveille de combinaison. Le grand vin, ce fut un Montrachet 1945 de chez Roland Thévenin : couleur or cuivré et ambré, nez très large, des agrumes, des épices, des fruits. Une large palette aromatique en bouche et une longueur inimaginable. Une acidité qui est le signe de la race et de la puissance à long terme, mais qui ne gène en rien la dégustation. Une marque de jeunesse extrême, une absence totale de madérisation; un vrai grand et exceptionnel vin blanc de fraîcheur, charme et jeunesse, qui subjugue par la richesse des arômes complexes. Sur un imposant bar de ligne, le mariage était une évidence : rien ne pouvait s’unir mieux que ce poisson et ce vin sublime. Ensuite, un château Despagne Graves 1962 : une étrangeté absolue. La couleur est dorée comme un vieux Sauternes de cet âge, et en bouche il évoque les premières côtes de Bordeaux, les Langoiran, les très bons Romanée, mais jamais un Graves. Et même pas en tête l'idée que ce pourrait être un vin madérisé. Non, un chatoyant Bordeaux liquoreux léger, avec cette subtilité, cette finesse exceptionnelle de raffinement simple. Sur une fourme, puis sur des entremets caramélisés, l’association était parfaite. Cette bouteille sera sans doute photographiée pour le musée sur le site www.wine-dinners.com du fait de l’étrangeté de son goût exceptionnel.

dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 5 avril 2001

Dîner du 5 avril 2001 au restaurant de Patrick Pignol
Bulletin 8

Champagne Charles Heidsieck 1982
Laville Haut-Brion 1987
Laville Haut-Brion 1966
Mercurey blanc Marcel Amance 1976
Château Ducru Beaucaillou 1969
Château Figeac 1967
Beaune Cent Vignes Nicolas 1969
Pommard Rugiens Pierre Clerget 1961
Vosne Romanée Thomas Frères 1943
Lafaurie Peyraguey 1964
Château Doisy Barsac 1921
Rhum 1960 #


Le menu conçu par Patrick Pignol
Tranche de saumon et crème à l’asperge
Langoustines royales
Chausson de céleri et truffe
Pigeon
Roquefort
Bananes poêlées et madeleines

Dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 5 avril 2001

Ce récit est dans le huitième bulletin. Patrick Pignol le talentueux chef du restaurant éponyme, nommé aussi Relais d’Auteuil, a reçu les dix convives d’un dîner de wine-dinners. Dans la salle un bel espace avait été réservé, avec une table accueillante et des dessertes pour les vins et les verres.
Les vins avaient été apportés deux jours avant. Deux vins furent ouverts dès 15 heures et les autres à 18 h 30. Nous avons déterminé si les vins devaient être aérés, ou au contraire devaient avoir une oxygénation minimale. Aucune mauvaise surprise, et même des parfums envoûtants : Pommard et Vosne Romanée. Les promesses étaient belles et rassurantes pour tous les vins, ce qui n’arrive pas toujours.
Fort à propos, et guidé sans doute par son grand amour des vins, Patrick Pignol a décidé de mettre en valeur les vins par des produits de qualité cuisinés de façon discrète. Cet effacement apparent mettait encore plus l’accent sur la finesse de sa cuisine, puisque chaque petite touche allait accompagner la découverte des crus. Une tranche épaisse de saumon avec une discrète crème à l’asperge s’est associée au champagne et au premier Laville, des langoustines royales coupées en deux et juste cuites sans aucune fioriture accompagnaient deux blancs, un délicat chausson de céleri et truffes mettait en valeur les Bordeaux, un pigeon à la chair succulente se mariait aux puissants Bourgogne. La seule petite erreur, qui nous est imputable, est le choix des fromages sur le Vosne Romanée qui aurait dû se boire seul. Un Roquefort mettait en valeur le premier Sauternes, et des bananes juste poêlées ainsi que des madeleines offraient les honneurs au phénoménal Sauternes final.
Nicolas, sommelier attentif et respectueux des vins a assuré un service remarquable, ainsi que toute l’équipe jeune et professionnelle de Patrick Pignol.
Le Charles Heidsieck 1982 avait une belle limpidité, des bulles abondantes, et ne montrait aucune trace de début de madérisation. Il avait gagné en rondeur du fait de l’âge. Le Laville Haut Brion 1987 a laissé éclater un nez époustouflant : l’archétype du Bordeaux blanc, avec ces senteurs d’agrumes et de fruits de mer. On ne se lassait pas de le sentir, et plusieurs convives avaient le verre au niveau du nez. C’était un vrai plaisir de le sentir. En bouche, un goût de Bordeaux très orthodoxe, dont un convive a signalé le gras inhabituel pour cette année. Ce même convive avait apporté un Laville 1966 qui a été bu juste à la suite. Quelle expérience intéressante, le 66 étant beaucoup plus riche, plus puissant et plus accompli. Je craignais qu’il n’écrase le Mercurey blanc Marcel Amance 1976 qui a parfaitement trouvé sa place à la suite. Une couleur d’un jaune épanoui, un nez subtil qui permettait une confrontation des Bordeaux blancs et Bourgogne au plus haut niveau. Quelqu’un a signalé que ce Mercurey avait tout d’un Montrachet, tant sa palette aromatique était étendue. Une réussite.
Les Bordeaux avaient été choisis dans un registre de discrétion. Le Ducru Beaucaillou 1969 a montré de très belles qualités, assez généreux alors que le Figeac 1967, d’une structure plus noble, gardait un peu de réserve. Pour des vins de subtilité, la truffe a réveillé le message.
Les Bourgogne au contraire avaient été choisis pour se placer sur un registre de force et de puissance. Le Beaune Cent Vignes Nicolas de 1969 était vraiment remarquable. Riche onctueux, très typique, il a montré comme 1969 est une belle année en Bourgogne. Le Pommard Rugiens de Pierre Clerget de 1961 a commencé de façon discrète. Le 1961 ne se voulait pas écrasant. Puis, plus ouvert, il a montré des saveurs éclatantes, et une plénitude en bouche prenante. Les deux vins, goûtés ensemble, étaient un festival de goûts riches, accomplis, ou toute aspérité bourguignonne avait disparu. Un étonnement de plaisir pour tous les convives.
Lorsque le Vosne Romanée de Thomas Frères 1943 fut servi, j’ai eu un petit moment d’interrogation. Il est époustouflant, mais il est plus difficile à comprendre du fait de son âge. La complexité prend le pas sur la chaleur envahissante des deux précédents. Fort heureusement, en s’oxygénant, le Vosne Romanée est devenu flamboyant et plus facile à comprendre, et la qualité gustative de convives compétents a fait le reste. Ce vin a montré une noblesse rare, les signes de fatigue étant inexistants.
Le Lafaurie-Peyraguey 1964, d’une belle couleur dorée s’est révélé un chatoyant Sauternes tout en bonheur, très orthodoxe et rassurant. Un vrai plaisir sur le Roquefort.
Enfin, la vedette absolue de la soirée, le Doisy 1921 a conquis tout le monde. Sauternes exceptionnel, avec des milliers d’arômes dans toutes les directions possibles de fruits, de sucres et d’épices. En bouche, une plénitude et une longueur que l’on ne peut pas imaginer tant que l’on n’a pas bu des Sauternes anciens. Les plus courageux et couche tard finirent la soirée sur un délicieux Rhum de 1960.
Bien que ne se connaissant pas, tous les convives bavardèrent allègrement dans une ambiance « studieuse » mais enjouée. Une anecdote intéressante. Demandant à chacun de classer les quatre vins les plus impressionnants de la soirée, sur dix convives il y a eu dix réponses toutes différentes, ce qui conduit à deux conclusions : d’une part le goût est très personnel, et ne se décrète pas. Chacun a des saveurs qui lui conviennent mieux. Et la deuxième c’est qu’il y avait une concentration rare de vins à pleine maturité pour qu’ils puissent aussi nombreux être classés en tête par au moins un convive.
Il n’y a eu aucun déchet ou aucun vin fatigué. Les vins ont été servis dans des conditions d’ouverture et de température idéales. La cuisine d’un grand chef au service de grands vins. Le sourire et l’accueil de Madame Pignol.
Tout ceci a permis de réussir une belle soirée. On aura bu onze vins sans aucune impression de saturation ni de confusion. La formule choisie est la bonne. C’est un souvenir éternel pour tous les convives.

Des idées de dîners à thèmes – lundi, 8 janvier 2001

Nous en indiquons quelques unes sur le site dans la rubrique « future events ». Mais là, il y a une idée qui nous « chatouille » : faire plus de la moitié d’un repas sur des Montrachet, qui seraient la vedette du repas, les rouges et liquoreux devant avoir la discrétion de s’effacer devant la mémoire gustative des Montrachet. Nous verrions bien un ou deux Montrachet de Bouchard, un jeune et un moins jeune Montrachet du domaine de la Romanée Conti et un Montrachet Marquis de Laguiche 1923 qui est une somptueuse bouteille. Si vous avez des idées de ce qu’il faut manger avec ces vins et de ce qui doit suivre (Margaux et Latour des années 30 ?), donnez-nous vos idées.
Vous pouvez aussi nous donner des idées ou des thèmes plus simples à réaliser, avec des vins que vous chérissez mais qui ne chevauchent jamais l’offre habituelle des restaurants qui nous accueillent.