Un dîner spécial de wine-dinners. D'abord il y avait une majorité de femmes (60%), ce qui est agréable, et crée une atmosphère très détendue. Ensuite, il y avait une raison particulière à la présence de chaque convive. Une journaliste qui veut écrire sur nos dîners, un journaliste qui a écrit sur wine-dinners et que je voulais remercier. Un convive venu grâce à son article, ce qui authentifiait l'effet de ses belles chroniques, une journaliste qui pourrait écrire sur ce dîner dans un journal féminin, puisque nous étions à un dîner de femmes, une femme qui est, de tous nos membres, la participante la plus régulière à nos dîners, avec plus de cinq participations, la représentante d'une société qui nous a passé les plus grosses réservations de dîners, la digne représentante et héritière du plus prestigieux des restaurants français, la représentante d'un autre restaurant qui est mon chouchou, et un ami de très longue date, gastronome pointu. Etait-ce la présence de si jolies femmes ? Je me suis pris à parler plus que de coutume, expliquant comment on doit manger des mûres sur les chemins d'été, comment on doit croquer les grains de raisin, comment profiter au mieux des saveurs combinées d'un fromage à pâte persillée et d'un Sauternes (un discours classique de presque chaque dîner) et je me suis même vu expliquer, et en "direct live", par l'exemple, pourquoi une banane est meilleure quand on la mange en ayant séparé ses trois quartiers, comme on sépare ceux d'une mandarine, que lorsqu'on la mange de la façon habituelle en mordant dans le fruit. Il fallait vraiment que l'atmosphère fût joyeuse pour justifier ces digressions sur mes plaisirs à la Philippe Delerm. Elle le fut.
Tout le monde a unanimement applaudi la cuisine remarquable d’Eric Fréchon. Il traite les produits avec une simplicité extrême, donnant une cuisine traditionnelle d'un talent hors norme, par des complications raffinées mais totalement intégrées. Son lièvre était exceptionnel, et l'accord du canard avec le Palmer 1964 était porteur d'une émotion rare comme on souhaite en trouver. Il y a comme cela, par surprise, une communion d'une telle intensité qu'on sent qu'on a le "vrai" accord parfait, tellement transcendant par rapport à un accord simplement réussi.
Les plats de Eric Fréchon étaient : Macaronis farcis d'artichaut, truffe et foie gras de canard gratinés au vieux parmesan, Noix de Saint-Jacques et truffe blanche d'Alba poêlées fine mousseline Dubarry, bouillon de parmesan Reggiano, Canard sauvage laqué au miel épicé, navet confit à la poudre d'agrumes et figues rôties, Lièvre de la Beauce l'épaule cuisinée en civet, le râble rôti au poivre vert gnocchi sardi cuit comme un risotto. Fourme d'Ambert, Mille-feuille à la vanille.
J'ai ouvert les vins à 16 heures avec Myriam Lombard, jeune et talentueuse sommelière qui n'en revenait pas des odeurs et saveurs pour elle inconnues de ces vins étonnants. Elle en profitait avec bonheur.
Les convives arrivent, tous à l'heure. Après les consignes d'usage, comme l'hôtesse qui rappelle au sol ce qu'il ne faut pas faire en vol, nous passons à table, dans la salle ovale qui est certainement l'une des plus belles de Paris, à une table merveilleusement dressée, sous un éclairage judicieusement tamisé. L’hôtel Bristol est vraiment un lieu de rêve.
Nous avons commencé par un Champagne Ruinart Blanc de Blanc 1990. Les conversations étaient déjà tellement lancées qu'on serait presque passé à coté de cet excellent champagne, gentiment chatouillé par un excellent jambon. Puis arrive une des vedettes de la soirée : Château Carbonnieux blanc 1937. Un nez invraisemblable de puissance, une couleur d'un doré raffiné, et une puissance en bouche qui mettait déjà chaque convive en présence d'un vin exceptionnel. Enveloppant la bouche, persistant, avec un gras raffiné et des myriades d'évocations. Le bonheur s'installait. Puis, un splendide étonnement : le Bâtard Montrachet Albert Morey 1986 arrivait avec un nez d'une invraisemblable complexité, et dégageait une subtilité et une justesse étonnante. Ma voisine, qui possède l'une des plus belles caves marchandes de Paris n'en revenait pas. Elle s'étonnait aussi de l'extrême variation des saveurs entre son verre et le mien pour chaque vin, puisque « l'étiquette » veut que l'on serve d'abord les femmes, et qu'on me serve en dernier, ce qui fait que j'ai toujours le meilleur de la bouteille. Il est assez compréhensible que j'accepte de me sacrifier en respectant les convenances. Ce Bâtard était d'une qualité plus qu'inattendue : un Albert Morey est grand, mais là il était grandiose. J’ai fait essayer une anguille adoucie par une pomme de terre avec les deux blancs secs. C’est très intéressant.
Le Château Palmer 1964 a eu l'extrême bonheur d'arriver sur un accord parfait, chaque épice, chaque grain de poivre de la peau du canard servant de tremplin à un vin chaleureux, rond, économe de sa force - c'est l'année - mais si grand de plaisir. Une réussite de jouissance immédiatement accessible. A l'ouverture, j'avais peur de ce Château Ausone 1937. Bouchon plein de terre. Niveau plutôt bas. Or le nez fut une heureuse surprise, et sa belle tenue au moment du dîner fut une récompense. Ausone est très compliqué. Celui-là un peu faible comme le sont ces vins anciens, mais il s'est bien réveillé, montrant une belle structure et un équilibre suffisant. J'avais prévu un vin de secours. Il n'en fut pas besoin.
Le Pommard de Moucheron & Cie 1955 est d'une orthodoxie extrême. Un nez dont on ne se lasse pas, et un charme étonnant. L'un des convives en est tombé amoureux. Et il avait bien raison. Le lièvre si prodigieux allait mettre en valeur les vins qui l'accompagnaient. Le 55 a été servi en même temps que le Beaune Marconnet Remoissenet 1947. Un vin remarquable, d'une perfection rare. Un nez puissant, affirmé, et une richesse enveloppante en bouche qui confirmait toute la puissance expressive des vieux Bourgognes. Le râble le mettait en valeur. Lorsqu'on a servi, sur une deuxième assiette du lièvre le Romanée Saint Vivant Domaine de la Romanée Conti 1986, chacun revenait sur des terres connues. Toutes les saveurs, même complexes, redevenaient familières pour beaucoup. Mais elles ne faisaient pas oublier les si belles complexités et les accomplissements des vins plus vieux de trente à quarante ans. Le jeune vin allait plus sur l’épaule, les plus anciens plus sur le râble merveilleux.
J'avais voulu essayer un Maury 1925 de Paule de Volontat (non prévu sur la liste initiale) sur le lièvre. Ce n'est pas un bon accord. J'ai pu vérifier que cela n'apporte rien, alors que sur les gnocchis à la truffe, le Maury s'exprime avec bonheur. Beau Maury de chaleur, sans doute un peu trop jeune. Le Château Roustit Sainte Croix du Mont 1953 est extrêmement subtil. Tout en finesse, avec un nez envoûtant comme un parfum, il a montré une élégance rare. Les deux liquoreux ont montré leurs qualités et leurs différences aussi bien sur la fourme, le mille feuille (mon choix, pour sortir des accords classiques, mais ce n'est pas convaincant, même si le mille feuilles est parfait), et un dessert au coing. Le Jurançon Cuqueron Clos Cancaillaü vers 1940 a montré une étonnante complexité. A l'ouverture je l'avais essayé avec Myriam sur un abricot sec. Une merveille. Sur le coing, un bonheur rare. Je suis sans doute plus sensible que d'autres à ces vins aux saveurs si inhabituelles, tant ce Jurançon fut déroutant, car je fus le seul à le mettre dans mon tiercé. Les résultats du tiercé, souvent différents, ont donné quelques constantes : les deux blancs secs du début, le Carbonnieux 37 et le Bâtard 86 furent les plus cités, avec le Beaune 47. Mais d'autres ont été cités, comme le Pommard 55 cité une fois premier. Le Palmer 64 fut beaucoup cité et même le Ausone fut cité. Mon tiercé fut 1 : Carbonnieux 37, en 2 : Beaune Marconnet 47, et en 3 le Jurançon. Chacun a pu vérifier la justesse des choix d'Eric Fréchon, et a pu prendre conscience de ce que les vins vieux bien présentés donnent des saveurs qu'aucun vin actuel ne peut délivrer. Le charme de nos belles convives méritait ces accords parfaits. Un service rigoureux d’une belle exactitude et le talent d’un chef ont parachevé un dîner sans la moindre faute, la récompense des amoureux des vins anciens.
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La recherche a retourné 1305 résultatsDéjeuner au Bistrot du Sommelier et dîner au restaurant Guy Savoy mercredi, 23 octobre 2002
L’anecdote qui suit pourrait s'appeler : "faut-il vraiment s’intéresser aux années 70 ?". Je vais déjeuner chez cet excellent Philippe Faure-Brac qui vient de commettre un si joli livre, et j'ai envie d'ouvrir une Mouline. Le directeur du Bistrot du Sommelier, qui me connaît bien, me dit que je devrais essayer une année plus difficile, puisque j'explore des terres rares, et me suggère la Mouline 1977, Cote Rôtie de Guigal. On a évidemment les caractéristiques de Mouline, mais c'est bien fatigué, et malgré de succulents plats, rien ne réveille cette beauté endormie. Il y a deux ou trois lueurs, mais on est bien loin de la flamboyance que doit avoir ce vin.
Le soir même, après un très austère exposé d'une banque d'affaires (difficile de passionner l'auditoire quand le CAC 40 fait de l'apnée en catégorie no limit), il fallait se ressourcer chez Guy Savoy, et folle impulsion de l'instant, je décide d’ouvrir un Montrachet du Domaine de la Romanée Conti, qui est pour moi ce qui se fait de plus extrême dans la magie du vin. Il y a deux années sur la carte. Je veux prendre le 94, mais Eric Mancio me dit : "vous, vous devriez prendre le 1976". Je cède. Quand on met dans une bouteille le prix d'une croisière aller et retour sur la Lune, on est, qu'on le veuille ou non, un peu désireux de le trouver bon. Et ce Montrachet est un mythe. Mais cette bouteille a dû souffrir, comme le montre le bouchon fatigué et blessé, et ce vin fut court, loin de l'explosion que j'avais trouvée dans des expériences passées. Mais Montrachet DRC, c'est le plus grand blanc du monde, et même blessé, l'animal est splendide. Un nez d'extrême complexité révélant peut-être trop d'alcool, et un goût qui s'il n'est pas très long, a quand même une grande histoire à raconter.
Et tout au long du repas j’ai recherché l'accord avec ce vin qui demandait un choc de titan. Il fallait lui donner "jab crochet, jab uppercut" pour qu'il consente à se révéler à son vrai niveau. Et j'y suis arrivé, avec la si agréable compréhension de Guy Savoy. Guy avait apporté un saumon avec une panure qu'il pensait adaptée. C'était vrai pour la panure, mais il aurait fallu une tranche plus épaisse de saumon, pour faire sortir le vin de sa tanière. Sur une extraordinaire soupe d'artichaut, aucun vin ne résisterait. Mais le Montrachet tenait le challenge, et on voyait à quel point sa structure si belle se mariait avec l'artichaut et la truffe blanche. Il fallait un contact encore plus rude, car on n'effleurait qu'à peine le monstre, et je suggérai à Guy une poitrine de pigeon. Sans trop y croire, mais en faisant confiance à ma folie, il me suggéra un col vert. Je passai d'abord par de sublimes langoustines éclatées aux salsifis, plat d'un accomplissement absolu, mais qui n'arrivait toujours pas à entamer le monolithe du Montrachet. Puis soudain l'extase. Le moment divin que j'attendais. Sur un Montrachet qui s'épanouissait, la brutalité de la chair du col vert, avec une sauce puissante arrivait à émouvoir cette légende, et l'accord était d’une perfection absolue. Et quand une chair se marie à ce monstre sacré, c'est un Etna de plaisir. J'avais enfin trouvé ce qui permettait à ce vin légendaire, fatigué de souffrances accidentelles, de livrer ce qui justifie sa stature unique. Bouteille n° 2008 sur 2812 produites, j'avais malgré tout approché le bonheur. Je dis malgré tout car j'aurais dû prendre une Mouline plus jeune, et un Montrachet plus jeune. On imagine, du fait de mes dîners, que je n'aime que le "vieux", alors que j'apprécie aussi ce qui est dans le fruit, dans le jus, et dans la spontanéité.
Ce qui ramène à l'histoire du vin. Les vins des années 20, 30 et 40 qui ont été bien conservés sont beaucoup plus jeunes que des vins des années 70. C'est cela qui justifie la démarche de wine-dinners, qui fait revivre de jeunes vieillards, quand certains jeunes adultes sont déjà fatigués. Il y aurait long à dire sur l'évolution des méthodes. Je suis chaque jour plus convaincu que les vins que nous buvons à nos dîners ne sont plus reproductibles. Nous savourons un capital que rien ne remplacera. D'où la légitime excitation à chaque ouverture de ces flacons rares.
Il faut savoir boire les vins récents des années 90 et 80 que des viticulteurs talentueux améliorent sans cesse, mais comprendre aussi que les survivants des années avant 45 ou avant 61 si l'on est plus large sont de véritables trésors entraînant sur des terrains que plus personne ne pourra recréer.
Le soir même, après un très austère exposé d'une banque d'affaires (difficile de passionner l'auditoire quand le CAC 40 fait de l'apnée en catégorie no limit), il fallait se ressourcer chez Guy Savoy, et folle impulsion de l'instant, je décide d’ouvrir un Montrachet du Domaine de la Romanée Conti, qui est pour moi ce qui se fait de plus extrême dans la magie du vin. Il y a deux années sur la carte. Je veux prendre le 94, mais Eric Mancio me dit : "vous, vous devriez prendre le 1976". Je cède. Quand on met dans une bouteille le prix d'une croisière aller et retour sur la Lune, on est, qu'on le veuille ou non, un peu désireux de le trouver bon. Et ce Montrachet est un mythe. Mais cette bouteille a dû souffrir, comme le montre le bouchon fatigué et blessé, et ce vin fut court, loin de l'explosion que j'avais trouvée dans des expériences passées. Mais Montrachet DRC, c'est le plus grand blanc du monde, et même blessé, l'animal est splendide. Un nez d'extrême complexité révélant peut-être trop d'alcool, et un goût qui s'il n'est pas très long, a quand même une grande histoire à raconter.
Et tout au long du repas j’ai recherché l'accord avec ce vin qui demandait un choc de titan. Il fallait lui donner "jab crochet, jab uppercut" pour qu'il consente à se révéler à son vrai niveau. Et j'y suis arrivé, avec la si agréable compréhension de Guy Savoy. Guy avait apporté un saumon avec une panure qu'il pensait adaptée. C'était vrai pour la panure, mais il aurait fallu une tranche plus épaisse de saumon, pour faire sortir le vin de sa tanière. Sur une extraordinaire soupe d'artichaut, aucun vin ne résisterait. Mais le Montrachet tenait le challenge, et on voyait à quel point sa structure si belle se mariait avec l'artichaut et la truffe blanche. Il fallait un contact encore plus rude, car on n'effleurait qu'à peine le monstre, et je suggérai à Guy une poitrine de pigeon. Sans trop y croire, mais en faisant confiance à ma folie, il me suggéra un col vert. Je passai d'abord par de sublimes langoustines éclatées aux salsifis, plat d'un accomplissement absolu, mais qui n'arrivait toujours pas à entamer le monolithe du Montrachet. Puis soudain l'extase. Le moment divin que j'attendais. Sur un Montrachet qui s'épanouissait, la brutalité de la chair du col vert, avec une sauce puissante arrivait à émouvoir cette légende, et l'accord était d’une perfection absolue. Et quand une chair se marie à ce monstre sacré, c'est un Etna de plaisir. J'avais enfin trouvé ce qui permettait à ce vin légendaire, fatigué de souffrances accidentelles, de livrer ce qui justifie sa stature unique. Bouteille n° 2008 sur 2812 produites, j'avais malgré tout approché le bonheur. Je dis malgré tout car j'aurais dû prendre une Mouline plus jeune, et un Montrachet plus jeune. On imagine, du fait de mes dîners, que je n'aime que le "vieux", alors que j'apprécie aussi ce qui est dans le fruit, dans le jus, et dans la spontanéité.
Ce qui ramène à l'histoire du vin. Les vins des années 20, 30 et 40 qui ont été bien conservés sont beaucoup plus jeunes que des vins des années 70. C'est cela qui justifie la démarche de wine-dinners, qui fait revivre de jeunes vieillards, quand certains jeunes adultes sont déjà fatigués. Il y aurait long à dire sur l'évolution des méthodes. Je suis chaque jour plus convaincu que les vins que nous buvons à nos dîners ne sont plus reproductibles. Nous savourons un capital que rien ne remplacera. D'où la légitime excitation à chaque ouverture de ces flacons rares.
Il faut savoir boire les vins récents des années 90 et 80 que des viticulteurs talentueux améliorent sans cesse, mais comprendre aussi que les survivants des années avant 45 ou avant 61 si l'on est plus large sont de véritables trésors entraînant sur des terrains que plus personne ne pourra recréer.
dîner de wine-dinners au restaurant Laurent mardi, 24 septembre 2002
Dîner au restaurant Laurent le 24 septembre 2002
Bulletin 41 – livre page 69
Les vins :
Magnum Champagne Veuve Cliquot rosé 1964
« Y » d’Yquem 1980
Meursault Bouchard Père & Fils 1959
Château Palmer, Margaux 1964
Château Ausone, Saint Emilion 1967
Santenay Louis Latour 1985
Chateauneuf du Pape, Château Fortia, premier cru 1943
Vosne Romanée Antonin Rodet 1947
Monbazillac Monbouché 1921
Château d’Yquem Sauternes 1967
Le menu, créé par Philippe Bourguignon et son équipe :
Amuse-bouches, toasts au foie gras
Langoustines rôties dans leur suc, aux champignons des bois
Raviolis de cèpes
Canard sauvage rôti aux pêches de vigne,
en deux services
Bleu des Causses
Gratin de mirabelles de Lorraine
Café, mignardises et chocolats
Bulletin 41 – livre page 69
Les vins :
Magnum Champagne Veuve Cliquot rosé 1964
« Y » d’Yquem 1980
Meursault Bouchard Père & Fils 1959
Château Palmer, Margaux 1964
Château Ausone, Saint Emilion 1967
Santenay Louis Latour 1985
Chateauneuf du Pape, Château Fortia, premier cru 1943
Vosne Romanée Antonin Rodet 1947
Monbazillac Monbouché 1921
Château d’Yquem Sauternes 1967
Le menu, créé par Philippe Bourguignon et son équipe :
Amuse-bouches, toasts au foie gras
Langoustines rôties dans leur suc, aux champignons des bois
Raviolis de cèpes
Canard sauvage rôti aux pêches de vigne,
en deux services
Bleu des Causses
Gratin de mirabelles de Lorraine
Café, mignardises et chocolats
Dîner de wine-dinners au restaurant Laurent mardi, 24 septembre 2002
Ce dîner chez Laurent était organisé autour du voyage de noces d'un jeune couple de californiens. D'autres amis californiens s'étaient joints à eux, dont un couple, lui aussi nouvellement marié, avait fait le voyage pour ce seul dîner (bravo !). Je crois avoir repéré l'un de ces fanatiques que je recherche, prêts à participer à l'ouverture des bouteilles les plus folles. Comme d'habitude, un dîner chez Laurent est une fête, car le cadre vous tend les bras et le personnel vous guide ou accompagne avec discrétion. J'ai une forte affinité pour Philippe Bourguignon qui gère le site avec talent, et pour Patrick Lair, sommelier attentif et passionné, qui met en valeur les vins. Il a définitivement conquis l'une des convives lorsqu'il lui a préparé le canard sauvage, pour lui éviter le moindre effort. Tout était si bien ordonnancé que j'avais même demandé à la lune, presque pleine, d'apparaître au strict aplomb de notre table, au moment du service de l'Yquem. Tablée joyeuse, ambiance amoureuse. Tout annonçait un grand moment.
Le menu : Amuse-bouches, toasts au foie gras, Langoustines rôties dans leur suc, aux champignons des bois, Raviolis de cèpes, Canard sauvage rôti aux pêches de vigne, en deux services, Bleu des Causses, Gratin de mirabelles de Lorraine, Café, mignardises et chocolats. Une agréable sophistication, et un respect du vin remarquable : le plat est fait pour le vin. Voici ce que l’on a bu.
Le magnum de Veuve Clicquot rosé 1964 est beau. Sa photo est sur le site wine-dinners.com. Très jolie couleur de sanguine, plus marquée en haut de coupe qu'en bas. La bulle est généreuse, et ce qui frappe, c'est sa jeunesse. Pas la moindre trace de madérisation, en opposition avec le Krug 1979 récent. Beaucoup de goût, belle intensité. Ce champagne a émerveillé les californiens qui n'ont pas accès à de si vieux champagnes.
Le Y d'Yquem 1980 est un agréable compagnon de route : il est toujours présent au rendez-vous. Comme au dernier dîner où l'odeur des cèpes avait occulté l'odeur du Carbonnieux 28, les merveilleuses langoustines ombrageaient les émanations généreuses du Y, sans porter atteinte à son goût. Belle expression du Bordeaux blanc, et belle affirmation de maturité mais sans trace d'age.
Le Meursault Bouchard Père & Fils 1959 a un nez explosif. Il écrase tout voisinage. Un goût très fort, présent, et une persistance extrême. Solidement charpenté, il en impose.
Les deux Bordeaux se complétaient à merveille. Le Palmer 1964 tout en rondeur, délicieusement séducteur, et l'Ausone 1967, plus réservé, mais dévoilant ses charmes progressivement, comme dans la danse des sept voiles. Le Palmer 1964 confirme une nouvelle fois qu'il est une réussite de cette année qu'on aurait bien tort de classer trop vite dans les années âgées. Et l'Ausone me ravit toujours par sa complexité. Mais j'aimerais bien en ouvrir un qui se défroque, qui s’encanaille, qui se dévergonde.
Le Santenay Louis Latour 1985 est un délicieux Bourgogne de transition. Belle structure, beau ramage. Mais comme dans beaucoup de dîners précédents, quand on a près de soi Chateauneuf du Pape, Château FORTIA, premier grand cru de Chateauneuf du Pape 1943, peut-on vraiment exister ? Ce Santenay fut très plaisant, mais plus en faire valoir. Quelle merveille que ce Chateauneuf ! Un nez étonnant de largeur, d'authenticité, de générosité. Et en bouche, une perfection. Bien enveloppé, drapé, dégageant de belles chaleurs, il emplit le palais avec puissance mais grâce. C'est tout simplement le vin que l'on aimerait boire à chaque fête, car il apporte une satisfaction sans pareille. On est bien, et on a envie que ça ne s'arrête jamais.
Le Vosne-Romanée Antonin Rodet 1947 est une bouteille exceptionnelle. C'est le Bourgogne dans toute sa majesté. Et je vais faire un aveu qui - je l'espère - ne me condamnera pas auprès des lecteurs de ce message : j'aurais du mal à dire lequel m'a plus séduit, et pourquoi, entre le Chambolle Musigny 1947 d'il y a seulement 5 jours et ce Vosne Romanée 1947. A un certain niveau de perfection, le sublime m'anesthésie. Grande expression de Bourgogne et d'autant plus gratifiante qu'il sentait mauvais à l'ouverture. Cinq heures d'oxygène lui ont fait du bien, alors que le Fortia, si généreux à l'ouverture, avait été préservé de tout oxygène excessif.
Le Monbazillac Monbouché 1921 est d'une beauté rare. D'une couleur d'automne, de marc de café, il dégage des senteurs de caramel, de crème brûlée. Il est réglisse, mais a su conserver sa trame de Monbazillac. Un vrai plaisir, rond, chaud, réconfortant.
Pour Lisa, la jeune épousée, Patrick a ouvert le Yquem 1967, bouteille d'un blond doré. Un lingot d'or qui aurait bronzé de façon délicate. Sous l'oeil complice de la lune, un vin parfait. Est-il possible d'envisager meilleur Sauternes ? Ce gamin précoce a tout pour lui. La caractéristique de cet Yquem, c'est l'équilibre, mais surtout, la couverture complète de toutes les saveurs que doit avoir un Yquem. Ce qui m'a ravi, c'est cet aspect global. Ce vin en marche pour la globalisation, et promis à un développement durable mérite d'être au Sommet de la Terre. Il est un vrai plaisir, d'odorat, de parfums, et de sensations rassurantes.
Nous avons bien sûr voté pour le tiercé, et ce qui est revenu le plus souvent est : 1 - Château Fortia 1943 et 2 - Veuve Clicquot rosé 1964, tous les autres vins étant au moins cités une fois. Mon tiercé fut assez différent, avec le Vosne Romanée en premier, le Chateauneuf en second, et le Meursault en troisième. On aura compris que le Yquem 1967 n'était pas en compétition, car il aurait été cité premier par tous.
Le repas fut grandiose avec un service attentionné. Les meilleures combinaisons furent le Palmer avec les cèpes, le Fortia avec la chair du canard, le Yquem avec les copeaux d'orange qui accompagnaient les délicieuses mirabelles. Pour tous une repas qui sera le souvenir d'une vie, tout particulièrement pour les jeunes mariés. Et j'ai fait la connaissance d'un couple d'amoureux du vin qui reviendront pour de folles ouvertures. Une soirée d'exception.
Le menu : Amuse-bouches, toasts au foie gras, Langoustines rôties dans leur suc, aux champignons des bois, Raviolis de cèpes, Canard sauvage rôti aux pêches de vigne, en deux services, Bleu des Causses, Gratin de mirabelles de Lorraine, Café, mignardises et chocolats. Une agréable sophistication, et un respect du vin remarquable : le plat est fait pour le vin. Voici ce que l’on a bu.
Le magnum de Veuve Clicquot rosé 1964 est beau. Sa photo est sur le site wine-dinners.com. Très jolie couleur de sanguine, plus marquée en haut de coupe qu'en bas. La bulle est généreuse, et ce qui frappe, c'est sa jeunesse. Pas la moindre trace de madérisation, en opposition avec le Krug 1979 récent. Beaucoup de goût, belle intensité. Ce champagne a émerveillé les californiens qui n'ont pas accès à de si vieux champagnes.
Le Y d'Yquem 1980 est un agréable compagnon de route : il est toujours présent au rendez-vous. Comme au dernier dîner où l'odeur des cèpes avait occulté l'odeur du Carbonnieux 28, les merveilleuses langoustines ombrageaient les émanations généreuses du Y, sans porter atteinte à son goût. Belle expression du Bordeaux blanc, et belle affirmation de maturité mais sans trace d'age.
Le Meursault Bouchard Père & Fils 1959 a un nez explosif. Il écrase tout voisinage. Un goût très fort, présent, et une persistance extrême. Solidement charpenté, il en impose.
Les deux Bordeaux se complétaient à merveille. Le Palmer 1964 tout en rondeur, délicieusement séducteur, et l'Ausone 1967, plus réservé, mais dévoilant ses charmes progressivement, comme dans la danse des sept voiles. Le Palmer 1964 confirme une nouvelle fois qu'il est une réussite de cette année qu'on aurait bien tort de classer trop vite dans les années âgées. Et l'Ausone me ravit toujours par sa complexité. Mais j'aimerais bien en ouvrir un qui se défroque, qui s’encanaille, qui se dévergonde.
Le Santenay Louis Latour 1985 est un délicieux Bourgogne de transition. Belle structure, beau ramage. Mais comme dans beaucoup de dîners précédents, quand on a près de soi Chateauneuf du Pape, Château FORTIA, premier grand cru de Chateauneuf du Pape 1943, peut-on vraiment exister ? Ce Santenay fut très plaisant, mais plus en faire valoir. Quelle merveille que ce Chateauneuf ! Un nez étonnant de largeur, d'authenticité, de générosité. Et en bouche, une perfection. Bien enveloppé, drapé, dégageant de belles chaleurs, il emplit le palais avec puissance mais grâce. C'est tout simplement le vin que l'on aimerait boire à chaque fête, car il apporte une satisfaction sans pareille. On est bien, et on a envie que ça ne s'arrête jamais.
Le Vosne-Romanée Antonin Rodet 1947 est une bouteille exceptionnelle. C'est le Bourgogne dans toute sa majesté. Et je vais faire un aveu qui - je l'espère - ne me condamnera pas auprès des lecteurs de ce message : j'aurais du mal à dire lequel m'a plus séduit, et pourquoi, entre le Chambolle Musigny 1947 d'il y a seulement 5 jours et ce Vosne Romanée 1947. A un certain niveau de perfection, le sublime m'anesthésie. Grande expression de Bourgogne et d'autant plus gratifiante qu'il sentait mauvais à l'ouverture. Cinq heures d'oxygène lui ont fait du bien, alors que le Fortia, si généreux à l'ouverture, avait été préservé de tout oxygène excessif.
Le Monbazillac Monbouché 1921 est d'une beauté rare. D'une couleur d'automne, de marc de café, il dégage des senteurs de caramel, de crème brûlée. Il est réglisse, mais a su conserver sa trame de Monbazillac. Un vrai plaisir, rond, chaud, réconfortant.
Pour Lisa, la jeune épousée, Patrick a ouvert le Yquem 1967, bouteille d'un blond doré. Un lingot d'or qui aurait bronzé de façon délicate. Sous l'oeil complice de la lune, un vin parfait. Est-il possible d'envisager meilleur Sauternes ? Ce gamin précoce a tout pour lui. La caractéristique de cet Yquem, c'est l'équilibre, mais surtout, la couverture complète de toutes les saveurs que doit avoir un Yquem. Ce qui m'a ravi, c'est cet aspect global. Ce vin en marche pour la globalisation, et promis à un développement durable mérite d'être au Sommet de la Terre. Il est un vrai plaisir, d'odorat, de parfums, et de sensations rassurantes.
Nous avons bien sûr voté pour le tiercé, et ce qui est revenu le plus souvent est : 1 - Château Fortia 1943 et 2 - Veuve Clicquot rosé 1964, tous les autres vins étant au moins cités une fois. Mon tiercé fut assez différent, avec le Vosne Romanée en premier, le Chateauneuf en second, et le Meursault en troisième. On aura compris que le Yquem 1967 n'était pas en compétition, car il aurait été cité premier par tous.
Le repas fut grandiose avec un service attentionné. Les meilleures combinaisons furent le Palmer avec les cèpes, le Fortia avec la chair du canard, le Yquem avec les copeaux d'orange qui accompagnaient les délicieuses mirabelles. Pour tous une repas qui sera le souvenir d'une vie, tout particulièrement pour les jeunes mariés. Et j'ai fait la connaissance d'un couple d'amoureux du vin qui reviendront pour de folles ouvertures. Une soirée d'exception.
dîner de wine-dinners au Carré des Feuillants jeudi, 19 septembre 2002
Dîner au Carré des Feuillants le 19 septembre 2002
Bulletin 40 – livre page 65
Les vins :
Champagne Laurent-Perrier Rosé
Champagne Krug Millésimé 1979
Batard-Montrachet Albert Morey 1986
Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère Nicolas 1980
Château Ausone, Saint Emilion 1978
Château Carbonnieux, Graves 1928
Chambolle Musigny Les Amoureuses, P. Miserey & Frères 1981
Chambolle Musigny Louis Grivot 1947
Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1983
Château Climens Sauternes 1967
Château d’Yquem Sauternes 1932
Les plats conçus pour les vins par Alain Dutournier :
Amuse-bouches, petite friture
Gambas en salade « minute », billes de melon dans leur chutney
Homard breton, fenouil et amandes en escabèche
Fraîcheurs du jardin, pince en bouillon glacé au lait d’amande
Dos de Bar moucheté en fine croûte citronnée
Fricassée de girolles et févettes
Les premiers cèpes marinés, le chapeau poêlé
Et le pied en petit pâté chaud
Canette de Challans flanquée de foie gras caramélisé,
Le filet poêlé, la peau laquée, la cuisse compotée en rouleau croustillant
Quelques vieux fromages du moment
La pêche dans tous ses états, rôtie au poivre, glacée à l’eau de rose,
Macérée au marasquin et accompagnée de blanc-manger
Bulletin 40 – livre page 65
Les vins :
Champagne Laurent-Perrier Rosé
Champagne Krug Millésimé 1979
Batard-Montrachet Albert Morey 1986
Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère Nicolas 1980
Château Ausone, Saint Emilion 1978
Château Carbonnieux, Graves 1928
Chambolle Musigny Les Amoureuses, P. Miserey & Frères 1981
Chambolle Musigny Louis Grivot 1947
Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1983
Château Climens Sauternes 1967
Château d’Yquem Sauternes 1932
Les plats conçus pour les vins par Alain Dutournier :
Amuse-bouches, petite friture
Gambas en salade « minute », billes de melon dans leur chutney
Homard breton, fenouil et amandes en escabèche
Fraîcheurs du jardin, pince en bouillon glacé au lait d’amande
Dos de Bar moucheté en fine croûte citronnée
Fricassée de girolles et févettes
Les premiers cèpes marinés, le chapeau poêlé
Et le pied en petit pâté chaud
Canette de Challans flanquée de foie gras caramélisé,
Le filet poêlé, la peau laquée, la cuisse compotée en rouleau croustillant
Quelques vieux fromages du moment
La pêche dans tous ses états, rôtie au poivre, glacée à l’eau de rose,
Macérée au marasquin et accompagnée de blanc-manger
Dîner de wine-dinners au Carré des Feuillants jeudi, 19 septembre 2002
Par une fort belle journée d'automne, wine-dinners faisait sa rentrée le jour où s'ouvrait la Biennale des antiquaires. Occasion de relativiser les choses humaines : quelques centimètres de toile ou quelques petits cailloux transparents valent le travail de plusieurs vies. Peu soucieuse de ces considérations métaphysiques, la France profonde, celle de nos plus belles provinces chargées d'histoire, celle que le Gouvernement d'en bas veut mettre en avant avait décidé de venir en force au Carré des Feuillants. Onze convives dont trois jolies femmes étaient décidés à succomber au talent d'Alain Dutournier qui avait prévu de nous faire accomplir un étonnant et merveilleux voyage :
Amuse-bouches, petite friture, Gambas en salade « minute », billes de melon dans leur chutney, Homard breton, fenouil et amandes en escabèche, Fraîcheurs du jardin, pince en bouillon glacé au lait d'amande, Dos de Bar moucheté en fine croûte citronnée, Fricassée de girolles et févettes, Les premiers cèpes marinés, le chapeau poêlé, Et le pied en petit pâté chaud. Canette de Challans flanquée de foie gras caramélisé, Le filet poêlé, la peau laquée, la cuisse compotée en rouleau croustillant Quelques vieux fromages du moment, La pêche dans tous ses états, rôtie au poivre, glacée à l'eau de rose, Macérée au marasquin et accompagnée de blanc-manger.
Quel programme ! Plaisir esthétique, car les assiettes sont ordonnancées avec recherche, maîtrise des techniques, quelques belles inventions et une recherche de beaux accords. Un enchantement. Pour prévoir d'éventuels retards, un Laurent Perrier rosé dont le bouchon et le goût donnaient 15 à 18 ans d'age. Bien équilibré, déjà bien accompli, c'est un champagne d'agrément, très rassurant. Tel n'était pas le cas du Krug 79 qui allait troubler plus d'un convive. Une force vineuse imposante, la puissance qui rebondit sur la belle bulle, et cet ajout énigmatique du début de madérisation que j'aime tout particulièrement. Je fus le seul à le mettre dans mon tiercé.
Le Bâtard-Montrachet Albert Morey 1986 est un Bâtard caractéristique. Il impressionne par sa structure solide. C'est élégant comme un Bâtard sait l'être, et aussi très fort. Le Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère, Nicolas 1980 allait offrir une des plus belles surprises. La pointe de citron du dos de bar donnait, par un effet de catapulte, une longueur inouïe au Puligny. Et ce qui était surprenant, et tout à l'honneur d'Alain Dutournier : le Puligny dansait sur le dos de bar, alors que le Bâtard s'éteignait, ce qui montre la pertinence du choix. Puligny aérien, flatteur, et d'une longueur étonnante. Magnifique Puligny de finesse.
Ausone est l'un des vins les plus complexes du bordelais. Enigmatique quand il le veut. Plusieurs convives ont adoré ce Ausone 1978, car dès qu'on a trouvé le mot de passe, on comprend toute sa race. Le Carbonnieux 1928 rouge, que j'ai déjà bu plusieurs fois, avec la constatation de son étonnante réussite, est apparu lourd, dense, capiteux, vin de charme extrême. Une expérience étonnante : il offre un nez superbe, velouté, et dès que le plat est servi, le nez s'arrête. C'est curieux de voir comme l'odeur du cèpe agit comme un filet de camouflage sur l'odeur du vin : instantanément tout a disparu. En bouche, Carbonnieux est une vraie merveille, au goût chaleureux et imprégnant. Une réussite de l'année 1928. Quand j'ai parlé de courtisane orientale, tout le monde a ri, car peu de temps avant, j'avais dit éviter ces formules ronflantes d'experts.
Quel intérêt chaque fois d’analyser le passage du Bordeaux au Bourgogne ! Le Chambolle Musigny les Amoureuses P. Miserey & Frères 1981 est un bon vin généreux, et nettement mieux fait que ce que j'attendais. Seul dans un dîner, il trônerait. Car l'age lui va bien, avec une belle consistance. Mais quand un vin se situe entre une réussite de 1928 et un succès de 1947, que peut-il faire ? Toutes les envies se tournaient vers ce merveilleux Chambolle Musigny Louis Grivot 1947. A l'ouverture cinq heures avant, un nez « de vieux », mais qui s'améliore très vite. J'avais donc laissé peu de place à l'oxygénation. Et lorsqu'on le sert, miracle de la Bourgogne, c'est parfait. Un équilibre rare entre toutes ses composantes. Ce vin est une récompense. Un bijou.
Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1983 m'a aussi agréablement surpris, et il a ravi les convives. C'est étonnamment facile, rond, séducteur. Pas une grande profondeur, mais une belle présence. Et ça "pète le feu". Une bonne conclusion qui ne faisait pas oublier le si merveilleux 1947. Christophe, l'attentionné sommelier a réglé le service des vins avec une précision extrême. C'est un plaisir d'ouvrir les vins avec lui, et j'apprends des petits trucs bien utiles, comme avec d’autres grands professionnels de ces maisons amies.
Le Climens 1967 est un très beau Sauternes, mais dans tout repas, il y a des moments de respiration. L'émotion avait été si grande avec les 5 rouges qu'on se calmait avec ce gentil Sauternes. J'en ai profité pour faire voter. Comme d'habitude les tiercés varient. Une préférence assez générale pour deux vins, le Chambolle 1947 et le Carbonnieux 28. Puis tous les votes divergent, chaque vin ayant son supporter : Batard, Puligny, Ausone, Grands Echézeaux, ou Krug pour moi.
Nous avons eu ensuite le cadeau de la soirée. Alexandre de Lur Saluces à qui j'avais raconté mon excitation de boire Yquem 1932 avait accepté de nous rejoindre, car la curiosité le tenait lui aussi. J'ai ouvert cette belle bouteille jamais rebouchée, et la remarque immédiate d'Alexandre de Lur Saluces fut intéressante : "il est probable qu'aujourd'hui,on aurait vinifié le millésime d'une toute autre façon". C'est très caractéristique, car Alexandre de Lur Saluces, soucieux de sa récolte en cours ou à commencer, pense au travail qui est fait. La démarche de wine-dinners est de se concentrer sur le témoignage. Il fallait que les convives profitent de cette année si rarement ouverte. C’est le témoignage, quoi qu'il délivre, qui est souhaité avant tout. On sait en buvant 1932 que ce ne sera pas 1929, année grandiose. Mais c'est le 1932 qu'il faut découvrir. Un nez très Yquem, doucereux, fruité et affirmé, et en bouche, l'étonnement : c'est presque un vin sec. On n'a pas le charnu, le fruité d'un Yquem généreux, mais quel plaisir de découverte. Alexandre de Lur Saluces nous a fait le plaisir de nous faire partager son analyse et son approche et de nous raconter des anecdotes passionnantes sur ce qui est le plus grand vin du monde. Alain Dutournier a fait un repas de rêve, avec cette fantastique association du dos de bar et du Puligny. Les épices abondantes de la canette sont difficiles pour les vins, alors que le foie gras faisait rayonner le Chambolle 1947. Merveilleuse soirée avec des convives charmants. Un évident goût de revenez-y.
Dans un prochain repas (complet) chez Laurent on célébrera Yquem 1967, réussite célèbre, puis chez Guy Savoy, un petit groupe de collectionneurs se retrouvera. De prochains dîners sont programmés sur octobre et novembre. Téléphonez moi pour vous inscrire, car pour deux prochains dîners, tout est encore très ouvert. Un dîner de novembre au Bristol est déjà complet.
Amuse-bouches, petite friture, Gambas en salade « minute », billes de melon dans leur chutney, Homard breton, fenouil et amandes en escabèche, Fraîcheurs du jardin, pince en bouillon glacé au lait d'amande, Dos de Bar moucheté en fine croûte citronnée, Fricassée de girolles et févettes, Les premiers cèpes marinés, le chapeau poêlé, Et le pied en petit pâté chaud. Canette de Challans flanquée de foie gras caramélisé, Le filet poêlé, la peau laquée, la cuisse compotée en rouleau croustillant Quelques vieux fromages du moment, La pêche dans tous ses états, rôtie au poivre, glacée à l'eau de rose, Macérée au marasquin et accompagnée de blanc-manger.
Quel programme ! Plaisir esthétique, car les assiettes sont ordonnancées avec recherche, maîtrise des techniques, quelques belles inventions et une recherche de beaux accords. Un enchantement. Pour prévoir d'éventuels retards, un Laurent Perrier rosé dont le bouchon et le goût donnaient 15 à 18 ans d'age. Bien équilibré, déjà bien accompli, c'est un champagne d'agrément, très rassurant. Tel n'était pas le cas du Krug 79 qui allait troubler plus d'un convive. Une force vineuse imposante, la puissance qui rebondit sur la belle bulle, et cet ajout énigmatique du début de madérisation que j'aime tout particulièrement. Je fus le seul à le mettre dans mon tiercé.
Le Bâtard-Montrachet Albert Morey 1986 est un Bâtard caractéristique. Il impressionne par sa structure solide. C'est élégant comme un Bâtard sait l'être, et aussi très fort. Le Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère, Nicolas 1980 allait offrir une des plus belles surprises. La pointe de citron du dos de bar donnait, par un effet de catapulte, une longueur inouïe au Puligny. Et ce qui était surprenant, et tout à l'honneur d'Alain Dutournier : le Puligny dansait sur le dos de bar, alors que le Bâtard s'éteignait, ce qui montre la pertinence du choix. Puligny aérien, flatteur, et d'une longueur étonnante. Magnifique Puligny de finesse.
Ausone est l'un des vins les plus complexes du bordelais. Enigmatique quand il le veut. Plusieurs convives ont adoré ce Ausone 1978, car dès qu'on a trouvé le mot de passe, on comprend toute sa race. Le Carbonnieux 1928 rouge, que j'ai déjà bu plusieurs fois, avec la constatation de son étonnante réussite, est apparu lourd, dense, capiteux, vin de charme extrême. Une expérience étonnante : il offre un nez superbe, velouté, et dès que le plat est servi, le nez s'arrête. C'est curieux de voir comme l'odeur du cèpe agit comme un filet de camouflage sur l'odeur du vin : instantanément tout a disparu. En bouche, Carbonnieux est une vraie merveille, au goût chaleureux et imprégnant. Une réussite de l'année 1928. Quand j'ai parlé de courtisane orientale, tout le monde a ri, car peu de temps avant, j'avais dit éviter ces formules ronflantes d'experts.
Quel intérêt chaque fois d’analyser le passage du Bordeaux au Bourgogne ! Le Chambolle Musigny les Amoureuses P. Miserey & Frères 1981 est un bon vin généreux, et nettement mieux fait que ce que j'attendais. Seul dans un dîner, il trônerait. Car l'age lui va bien, avec une belle consistance. Mais quand un vin se situe entre une réussite de 1928 et un succès de 1947, que peut-il faire ? Toutes les envies se tournaient vers ce merveilleux Chambolle Musigny Louis Grivot 1947. A l'ouverture cinq heures avant, un nez « de vieux », mais qui s'améliore très vite. J'avais donc laissé peu de place à l'oxygénation. Et lorsqu'on le sert, miracle de la Bourgogne, c'est parfait. Un équilibre rare entre toutes ses composantes. Ce vin est une récompense. Un bijou.
Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1983 m'a aussi agréablement surpris, et il a ravi les convives. C'est étonnamment facile, rond, séducteur. Pas une grande profondeur, mais une belle présence. Et ça "pète le feu". Une bonne conclusion qui ne faisait pas oublier le si merveilleux 1947. Christophe, l'attentionné sommelier a réglé le service des vins avec une précision extrême. C'est un plaisir d'ouvrir les vins avec lui, et j'apprends des petits trucs bien utiles, comme avec d’autres grands professionnels de ces maisons amies.
Le Climens 1967 est un très beau Sauternes, mais dans tout repas, il y a des moments de respiration. L'émotion avait été si grande avec les 5 rouges qu'on se calmait avec ce gentil Sauternes. J'en ai profité pour faire voter. Comme d'habitude les tiercés varient. Une préférence assez générale pour deux vins, le Chambolle 1947 et le Carbonnieux 28. Puis tous les votes divergent, chaque vin ayant son supporter : Batard, Puligny, Ausone, Grands Echézeaux, ou Krug pour moi.
Nous avons eu ensuite le cadeau de la soirée. Alexandre de Lur Saluces à qui j'avais raconté mon excitation de boire Yquem 1932 avait accepté de nous rejoindre, car la curiosité le tenait lui aussi. J'ai ouvert cette belle bouteille jamais rebouchée, et la remarque immédiate d'Alexandre de Lur Saluces fut intéressante : "il est probable qu'aujourd'hui,on aurait vinifié le millésime d'une toute autre façon". C'est très caractéristique, car Alexandre de Lur Saluces, soucieux de sa récolte en cours ou à commencer, pense au travail qui est fait. La démarche de wine-dinners est de se concentrer sur le témoignage. Il fallait que les convives profitent de cette année si rarement ouverte. C’est le témoignage, quoi qu'il délivre, qui est souhaité avant tout. On sait en buvant 1932 que ce ne sera pas 1929, année grandiose. Mais c'est le 1932 qu'il faut découvrir. Un nez très Yquem, doucereux, fruité et affirmé, et en bouche, l'étonnement : c'est presque un vin sec. On n'a pas le charnu, le fruité d'un Yquem généreux, mais quel plaisir de découverte. Alexandre de Lur Saluces nous a fait le plaisir de nous faire partager son analyse et son approche et de nous raconter des anecdotes passionnantes sur ce qui est le plus grand vin du monde. Alain Dutournier a fait un repas de rêve, avec cette fantastique association du dos de bar et du Puligny. Les épices abondantes de la canette sont difficiles pour les vins, alors que le foie gras faisait rayonner le Chambolle 1947. Merveilleuse soirée avec des convives charmants. Un évident goût de revenez-y.
Dans un prochain repas (complet) chez Laurent on célébrera Yquem 1967, réussite célèbre, puis chez Guy Savoy, un petit groupe de collectionneurs se retrouvera. De prochains dîners sont programmés sur octobre et novembre. Téléphonez moi pour vous inscrire, car pour deux prochains dîners, tout est encore très ouvert. Un dîner de novembre au Bristol est déjà complet.
galerie 1998 samedi, 3 août 2002

Dom Pérignon 1998 bu au Chateau de Germigney les 3 et 4 février 2007 à la percée du vin jaune.
Bâtard Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1998 bu lors d'un dîner au restaurant Lucas Carton d'Alain Senderens

galerie 1999 dimanche, 28 juillet 2002

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1999 bu en famille en 2006, pour voir. Et nous avons vu !!!
galerie 2000 vendredi, 28 juin 2002

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2000 bu en famille en 2006. C'est un peu de la folie de le boire si jeune, mais quelle splendeur !
Dîner au restaurant de l’hôtel Lutétia lundi, 17 juin 2002
Un dîner professionnel dans un lieu particulièrement austère : le restaurant de l'hôtel Lutétia. Sonia Rykiel qui en a fait la décoration devait avoir la frange bien basse, car ce lieu n'inspire pas la franche euphorie. Mais un service dont l'onction rappelle les grands palaces et une cuisine bien sentie permettent de passer un dîner de qualité.
Le blanc de Mouton Rothschild 1999 est une petite merveille. Les Bordeaux blancs sont décidément de plus en plus capiteux, énigmatiques, poivrés et exotiques. Il y a chaque fois en bouche une aventure qui se raconte, et on tend les papilles pour n'en perdre aucun épisode. Très grand bravo pour ce vin bien senti, sûr de soi et accrochant l'intérêt. Il est des cas dans la vie de dégustation où l'on ferait bien d'écouter l'avis du sommelier. Ayant vu sur la carte un Grands Echézeaux DRC (domaine de la Romanée Conti) 1981, je ne pouvais résister à la tentation de l'ouvrir. Le sommelier a cherché à m'en écarter. J'aurais dû le suivre. Un rouge étonnamment brun trahissait une fatigue inhabituelle. Bien sûr le nez est attachant. Et l'étiquette du Domaine est sur table un signe évident de richesse (à taxer sans tarder). La regarder est un plaisir dont on ne se lasse pas. Mais ce vin avait une blessure qui nous privait de sa grandeur : un très bon vin, beau Bourgogne puissant, mais entravé dans son élan. Un vin du Jura, vin jaune de 1993 dont je n'ai pas noté le nom du très honorable propriétaire nous a installés dans ces gammes de goût que j'adore. Quel bonheur que ces goûts étranges qui changent le palais.
Le blanc de Mouton Rothschild 1999 est une petite merveille. Les Bordeaux blancs sont décidément de plus en plus capiteux, énigmatiques, poivrés et exotiques. Il y a chaque fois en bouche une aventure qui se raconte, et on tend les papilles pour n'en perdre aucun épisode. Très grand bravo pour ce vin bien senti, sûr de soi et accrochant l'intérêt. Il est des cas dans la vie de dégustation où l'on ferait bien d'écouter l'avis du sommelier. Ayant vu sur la carte un Grands Echézeaux DRC (domaine de la Romanée Conti) 1981, je ne pouvais résister à la tentation de l'ouvrir. Le sommelier a cherché à m'en écarter. J'aurais dû le suivre. Un rouge étonnamment brun trahissait une fatigue inhabituelle. Bien sûr le nez est attachant. Et l'étiquette du Domaine est sur table un signe évident de richesse (à taxer sans tarder). La regarder est un plaisir dont on ne se lasse pas. Mais ce vin avait une blessure qui nous privait de sa grandeur : un très bon vin, beau Bourgogne puissant, mais entravé dans son élan. Un vin du Jura, vin jaune de 1993 dont je n'ai pas noté le nom du très honorable propriétaire nous a installés dans ces gammes de goût que j'adore. Quel bonheur que ces goûts étranges qui changent le palais.