Achat d’une Romanée Conti 1961 en jéroboam et ouverture dimanche, 18 avril 2021

Un de mes fournisseurs de vin, un peu fantasque et parfois imprévisible, me propose d'acheter un jéroboam de Romanée Conti 1961. La bouteille a beaucoup souffert avec une étiquette déchirée mais lisible et une cire qui a été recouverte d'une seconde cire, les deux étant absentes sur le haut du goulot, un reste de cire subsistant sur le bouchon.

Le niveau est bas, ce qui peut rebuter beaucoup d'acheteurs potentiels. Le prix est étonnant, d'environ le tiers de ce que qu'on attendrait pour une bouteille parfaite. Un tel prix est tentant et j'appelle deux amis pour leur proposer que nous achetions cette bouteille ensemble, à partager à six personnes, chacun invitant un ami.

L'un des amis cherche des références sur internet et trouve que la bouteille qu'on me propose a été vendue aux enchères tout récemment à un prix inférieur à la moitié du prix que mon fournisseur me propose. Mon ami me dit que si cette bouteille a été vendue aux enchères à un prix aussi bas, c'est qu'elle doit avoir un problème et il décide de ne pas s'associer. Cela remet en cause l'achat en commun. Je demande à mon fournisseur de voir la bouteille pour me faire ma propre religion. Il m'indique l'adresse du commissaire-priseur où se trouve la bouteille.

Me rendant sur place, je rencontre le commissaire-priseur que je connaissais déjà. Il me montre un mail d'Aubert de Villaine qui indique que l'examen qu'il a fait sur photos lui permet d'affirmer que le contenant paraît authentique et il ajoute qu'il ne peut se prononcer sur le contenu, qui ne pourra être vérifié qu'en ouvrant la bouteille. Je ne m'attendais pas à ce qu'Aubert de Villaine délivre un diagnostic et je trouve cela sympathique.

Il est très difficile de voir la couleur du vin à travers le verre très épais et opaque. Nous essayons d'éclairer sous tous les angles possibles, mais c'est quasi impossible. Je sens que le commissaire-priseur est convaincu de l'authenticité de cette bouteille. J'étais venu pour voir la bouteille et je suis prêt à quitter les lieux mais le commissaire-priseur me dit : vous pouvez la prendre puisque j'ai été payé.

Naïf comme un perdreau de l'année j'accepte de prendre la bouteille, ce qui m'évitera de revenir la chercher, sans penser que le fait de la prendre signifie que j'accepte de l'acheter. Mon fournisseur me dit qu'il aimerait participer au repas que je créerais pour que l'on boive ce vin. Cela semble impliquer qu'il a confiance dans la bouteille qu'il m'a vendue.

Je contacte des amis et des personnes que j'aimerais recevoir à mes repas. L'idée est d'organiser un repas à coûts totalement partagés, ce qui veut dire que chacun, y compris le fournisseur et moi, paie sa quote-part du prix total de la bouteille. Je demande à chacun d'apporter un vin et nous partagerons le coût des victuailles. Les restaurants étant fermés pour cause de Covid, un ami propose de nous recevoir pour ce repas. Nous trouvons une date et l'événement est sur les rails.

Il se trouve que mon ami et moi sommes de fidèles clients d'un restaurant que nous aimons. Je mets au point le menu avec le chef qui va prodiguer les conseils détaillés et utiles pour que cet ami réalise le menu. Beau challenge.

Les bouteilles complémentaires doivent être disponibles chez mon ami la veille du déjeuner, afin que je puisse les ouvrir de bon matin. Mais il me semble qu'il faut ouvrir le jéroboam la veille. Je demande à mon ami s'il accepterait que je vienne la veille afin d'ouvrir le vin et s'il consentirait à me loger pour la nuit. Mes désirs sont acceptés et Olivier, mon hôte, suggère que nous fassions un dîner léger auquel il inviterait un ami commun et ma fille aînée qu'il connaît bien. Il voudrait commander des plats à un chef connu mais je plaide pour un dîner léger, de sushis par exemple qui me permettraient d'apporter des champagnes.

La veille du déjeuner où la Romanée Conti 1961 serait à l'honneur, je me présente vers 17 heures à l'appartement d'Olivier. Vers 18 heures, en présence d'Olivier, j'ouvre le jéroboam de la Romanée Conti 1961. Le verre du goulot est très épais, aussi le diamètre du bouchon n'est pas différent de celui d'une simple bouteille. J'extrais le morceau de cire collé au bouchon et j'enfonce le tirebouchon limonadier. Le bouchon paraît fragile et je vois qu'il donne l'impression d'avoir été grignoté par un ver ou des parasites. Il faut dire que la cire ne couvrait plus la totalité du bouchon, ce qui pourrait expliquer qu'un ver eût envie de l'explorer.

Avec la mèche j'essaie de remonter le bouchon qui se déchire, se fractionne et je ne remonte qu'une partie du bouchon, collé à la mèche. Je prends une seconde mèche pour extirper ce qui reste. Quelques miettes collent encore que j'extraie calmement. En inspectant la bouteille, on voit qu'aucune miette n'est tombée dans le vin. Le bouchon est quasiment illisible mais je vois très distinctement les chiffres 1, 9 et 6 du millésime.

Le grand moment arrive, de sentir le vin. Le vin sent la terre, et exclusivement la terre. Ce n'est pas la première fois que je sens cette odeur de la part de vins du domaine de la Romanée Conti. Une chose est sûre : tout dans ce vin est authentique. La bouteille est authentique, le bouchon est d'époque et ne peut pas avoir été changé, et le vin dans la bouteille ne peut être que le 1961.

La seule question qui reste est : le vin sera-t-il bon ? Il est temps de passer à table. Nous le saurons demain.

247ème repas dans ma cave mercredi, 10 mars 2021

Peu avant le confinement de 2020 un ami m'avait demandé si je pouvais organiser un repas qui permettrait de mieux comprendre le monde de la Romanée Conti. L'idée m'avait plu. J'ai conçu un repas et des amis contactés désiraient y participer. Les conditions semblant réunies pour que le repas ait lieu, ce sera dans ma cave. J'avais annoncé que nous serions huit.

L'un des participants, ami de ma fille aînée, lui parle de ce repas et ma fille m'envoie un SMS : aurais-tu un strapontin pour moi ? Il faut que j'ajoute un vin mais aussi que je tienne compte de la situation pour que tout le monde soit satisfait. Je décide, sans l'annoncer, de remplacer La Tâche 1969 par une Romanée Conti 1969. Il y a évidemment un saut dans l'échelle des renommées.

Le repas aura lieu dans ma cave aussi je fais appel au restaurant Pages pour me proposer un menu « à emporter » qui conviendrait aux vins. Le jour venu, je me lève de bon matin pour être à pied d'œuvre dans la cave et commencer les ouvertures des vins dès 8 heures du matin. Les bouchons des jeunes vins de la Romanée Conti sont incroyablement serrés dans le goulot. Comprimés, ils ne sortent pas facilement et je ne suis pas sûr qu'une compression aussi forte soit un gage de limitation de la part des anges sur des décennies. Le parfum du Montrachet 2004 est une bombe de fragrances. Les nez les plus typés Romanée Conti sont ceux de l'Echézeaux 1995 et du Grands Echézeaux 1962.

Le vin que j'ai ajouté au programme est un Corton Clos du Roi Prince de Mérode 1992 que j'ai voulu mettre en parallèle avec le Corton Prince de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2009 qui est le premier millésime du Corton Prince de Mérode vinifié par le Domaine de la Romanée Conti depuis qu'il a pris en fermage les trois cortons Prince de Mérode. Les deux nez des deux vins sont d'heureuses surprises, et celui de 1992 est particulièrement engageant.

Lorsqu'il s'agit d'ouvrir la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1969 au beau niveau, je prends d'infinies précautions et le bouchon vient entier même s'il se déchire du fait du cylindre du goulot qui comporte des pincements. L'odeur est hélas assez terreuse et le vin aura bien besoin de se reconstruire pendant les cinq à six heures de son aération lente.

Le Lafaurie-Peyraguey 1926 a un niveau un peu bas et une couleur d'un marron-noir opaque. Le parfum est une merveille. Tout se présente bien sauf un petit doute sur la Romanée Conti.

Ma collaboratrice est en train de laver 90 verres et de préparer la mise en place de la table. Je numérote chaque verre de 1 à 10, et je place les verres devant chaque place, en trois rangées selon le schéma 4-3-3, comme au football.

Les deux champagnes sont ouverts vers 11 heures. Les deux bouchons se cisaillent lorsque je tourne le haut du bouchon, le Lanson se cisaille au niveau de la lunule du bas alors que celui du Mumm se cisaille juste en dessous du haut du bouchon. Aucun ne fait de pschitt et les parfums sont sympathiques.

Les amis arrivent, l'un d'entre eux ayant pris livraison des plats préparés par le restaurant Pages. Nous visitons la cave et ensuite nous passons à table. Le menu composé par Ken et son équipe est : Carpaccio de daurade grise, façon ceviche, taboulé de Quinoa / Shiitaké farci à la chair de saucisse / Chaud-froid de poularde à la truffe / Langue de bœuf confite, sauce gribiche / Pâté en croûte de Colvert et de foie gras, pistache / Roastbeef galicien au miso, riz assaisonné à l'oignon confit et jus de bœuf / Wagyu au Shui-Koji, ris de sushi, gingembre mariné / Mousse à la mangue.

Je sers en même temps les deux champagnes. Le Champagne Lanson Red Label 1964 a une couleur ambrée mais claire et aucune bulle n'apparaît, ce qui n'empêche pas de sentir un fort pétillant. Le nez du champagne est extrêmement expressif. En bouche il est glorieux. C'est l'expression aboutie d'un champagne solaire à pleine maturité. Il est gourmand et on le mâche comme une gourmandise.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 au contraire offre une bulle généreuse. Sa couleur est très claire, comme celle d'un champagne très jeune. Il est tranchant et vif, offrant une énergie extrême ainsi qu'une grande profondeur. Ces deux champagnes très dissemblables sont passionnants. Il sera difficile de les départager dans les votes. Le carpaccio de daurade est idéal pour ces champagnes. La force du Mumm m'impressionne, comme la maturité joyeuse du Lanson. Il s'agit de deux champagnes de très fortes personnalités.

Pour la saucisse et le champignon, l'envie est grande de boire le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004. Sa couleur est d'un bel or clair, le nez est tonitruant, riche et en bouche le vin est puissant, pur, parfait. On relève des traces sensibles de botrytis qui lui donnent du gras mais n'altèrent pas sa fraîcheur. L'accord avec le plat est magique et le vin représente la gloire du vin blanc de Bourgogne. Il est tout simplement parfait. Nous sommes tous émerveillés par sa largeur et sa présence. Avec le plat c'est un grand moment.

Le Corton Prince de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2009 a un superbe nez, très expressif. Sa vivacité est extrême. A côté de lui, le Corton Clos du Roi Prince de Mérode 1992 au nez aussi expressif est plus assis, bourgeois. Il a des accents très convaincants, mais nous sommes presque tous plus sensibles au côté tranchant du 2009. Pour un vin jeune et qui n'est que le premier millésime fait par le Domaine, on peut dire qu'il offre beaucoup plus que ce que l'on pouvait attendre. Le 1992 ne fait pas pâle figure et s'il était seul, il serait largement apprécié.

Sur les plats suivants, la poularde, la langue de bœuf et le pâté en croûte nous ferons des allers et retours entre les vins rouges qui suivent et le Montrachet qui est capable de briller sur tous ces plats.

L'Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1995 a un nez qui est strictement ce que j'attends d'un vin du Domaine, vif, marqué par du sel. La couleur est clairette et le vin est vif et entraînant. Quelle belle entrée en matière dans le monde de la Romanée Conti.

A côté de lui, la Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992 fait beaucoup plus assise. C'est le sous-préfet au champ. Il a un bel équilibre, mais à côté du vibrionnant Echézeaux, il ne trouve pas le ton qu'il faudrait. Il est grand mais se concevrait seul pour qu'on en découvre toutes les subtilités.

La langue de bœuf ne peut se concevoir avec les vins que si l'on enlève la sauce gribiche, que je n'ai pas goûtée. Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1962 est une pure merveille. Si l'on devait montrer ce qu'est l'âme de la Romanée Conti, on choisirait ce vin. Son parfum est de rose et de sel et le vin est d'une élégance rare, dosant ses amertumes et ses fraîcheurs de la plus belle des façons. Quel grand vin qui justifie ce repas et ce voyage. On ne s'y trompera pas car il obtiendra six places de premier sur neuf votes.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1969 a perdu toute odeur de terre et se présente avec un parfum solide et avenant. Elle est plus trapue que le Grands Echézeaux, charpentée, cohérente mais n'a pas la flamme intérieure qu'elle devrait avoir, du moins à mon goût. Mes amis, dont la majorité découvrent leur première Romanée-Conti seront plus conquis par cette Romanée Conti que je ne le suis. Et le si sensible Grands Echézeaux ne lui rend pas service tant il est prodigieux.

J'assure le service de tous les vins et absorbé par cette tâche, je ne consulte pas le menu aussi il apparaît que nous avons fini les vins rouges alors qu'il reste à venir le roastbeef et le Wagyu. Je suis contrarié et perplexe, car quel vin rouge pourrait suivre après ces si beaux vins. J'envisagerais bien de ne pas servir les viandes, pour que l'harmonie du repas subsiste, mais mes amis ont de solides appétits. Alors je vais chercher un Magnum Vega Sicilia Unico 1998 que j'ouvre sur l'instant et ne sera pas noté dans les votes, car cela n'aurait aucune signification de le comparer avec les vins du Domaine.

Le vin espagnol est absolument délicieux, riche et spontané, avec ce finale mentholé que j'adore. Il accompagne idéalement les deux viandes servies froides. C'est un grand vin mais qui est en dehors de la logique des vins de la Romanée Conti.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 1926 a une couleur incroyablement foncée. Son nez est riche et complexe et en bouche ce vin est un bijou. Quel bonheur, quel délice, et on voit qu'avec le Montrachet, les vins blancs, qu'ils soient secs ou liquoreux, quand ils sont au sommet de leur art sont des vins parfaits. Le gâteau à la mangue, si frais et fluide est idéal.

Le vote est difficile. Tous les vins sauf celui du Prince de Mérode 1992 ont eu des votes, soit neuf sur dix. Le Grands Echézeaux 1962 a six votes de premier et figure dans tous les votes. La Romanée Conti 1969 a deux votes de premier et figure dans huit votes sur neuf. Le Montrachet 2004 a une place de premier et figure aussi sur huit votes.

Le classement du consensus serait : 1 - Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1962, 2 - Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1969, 3 - Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004, 4 - Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1995, 5 - Château Lafaurie-Peyraguey 1926, 6 - Corton Prince de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2009.

Mon vote est : 1 - Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1962, 2 - Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004, 3 - Château Lafaurie-Peyraguey 1926, 4 - Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1969, 5 - Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979.

Nous étions évidemment seuls dans la pièce aussi les rires et les plaisanteries ont fusé de toutes parts. Jamais un repas n'a été aussi joyeux. Il faut dire que le programme avait de quoi susciter notre bonne humeur. L'un des participants est venu avec un Cognac Martell 1979 mis en carafe en décembre 2017 titrant 50°. La jolie bouteille de La Distillerie Générale, de 35 cl est arrivée très facilement à marée basse. L'alcool est classique, précis et facile à boire. Un beau plaisir.

Les accords mets et vins ont été réussis. La saucisse et le Montrachet est une merveille, comme le dessert si léger à la mangue avec le Lafaurie-Peyraguey. La poularde extrêmement tendre a épousé avec plaisir les deux Corton. Trois ou quatre vins de la Romanée Conti se sont montrés exceptionnels. Cette introduction au monde de la Romanée Conti qui constitue le 247ème de mes repas est une belle réussite.


les vins prévus avec La Tache 1969 et ci-dessous avec la Romanée Conti 1969 et avec un Corton 1992

on reconnait le Grands Echézeaux par le "X" visible

le Vega Sicilia Unico ouvert en cours de repas

les verres sur table

le cognac apporté par un ami

les votes


246ème repas de wine-dinners dimanche, 28 février 2021

Un ami fidèle de mes dîners veut faire plaisir à deux de ses amis dont un que je ne connais pas. L'autre invité a participé à plusieurs dîners. Mon ami m'a signalé que l'un d'eux adore les vins du Jura et que l'autre adore les Vega Sicilia Unico anciens. Mon programme en tiendra compte.

L'organisateur de cette rencontre qui sera le 246ème de mes repas, a fait élaborer un menu par David Toutain, du restaurant éponyme, dont les repas à emporter jouissent d'une belle renommée dans le Paris gastronomique. Ce menu est ainsi conçu : pomme de terre en robe des champs - crème au genévrier - caviar Daurenki / carpaccio de Saint-Jacques, choux fleur & truffe noire / carpaccio de chevreuil, sauce aigre doux & croustillants / raviole de topinambour & jaune d'œuf, sauce pain grillé / Parmentier de lièvre, salade de mâche / Comté grande garde de Bernard Antony / tartelette.

De très bon matin, vers 8 heures, je commence à ouvrir les vins. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1988 a un bouchon qui vient facilement, même si le goulot n'est pas parfaitement cylindrique. Le parfum est discret mais évoque déjà les subtilités du vin.

Le Vega Sicilia Unico 1966 a un bouchon qui se brise en trois morceaux mais sort entier. Le parfum est puissant, d'une folle énergie et d'un charme extrême. Le Château Chalon Jean Bourdy 1945 a un bouchon que je soupçonne d'avoir été habité par un petit asticot qui n'a pas dû aller très loin. Le nez de noisette est très pur.

Le bouchon du Château de Fargues 1967 vient entier comme c'est très souvent le cas pour les sauternes, son parfum est d'une rare distinction.

Le programme du menu comportant des entrées plus adaptées aux champagnes et vins blancs qu'aux rouges, j'ajoute au programme que j'avais annoncé un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 que j'ouvre tout de suite après les vins. Le bouchon est superbe et le pschitt est bien là. Le nez est engageant et conforme à ce que j'attendais. Pour extirper le bouchon du Champagne Salon 1985, j'utilise un casse-noix qui permet de décoller le bouchon serré du goulot. Le parfum est intense et le pschitt brillant.

Ma collaboratrice prépare la table qui jusqu'alors n'a servi qu'à des repas sur le pouce. Aujourd'hui, le décorum s'impose. Les trois convives arrivent ensemble et l'organisateur apporte les mets du repas. Pendant que tout se prépare, nous faisons la visite de cave puis nous remontons pour l'apéritif.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 a gagné en largeur en prenant quelques années de plus. Sa maturité croissante lui va bien. C'est un champagne rassurant, subtil et confortable, grand ami de la gastronomie. Je sers le Champagne Salon 1985 en même temps et on se rend compte que ce sont les pommes de terre qui conviennent le mieux aux deux champagnes. La vivacité du Salon 1985 est enthousiasmante. Quel grand champagne. J'attendais le caviar sur les deux champagnes, surtout le Salon, mais c'est la pomme de terre qui reçoit nos compliments.

David Toutain a rajouté au menu des oursins superbes avec le Salon, qui montre une tension idéale. Le chou-fleur est idéal pour les deux champagnes.

Alors que le Château Chalon Jean Bourdy 1945 était normalement prévu sur le comté, j'ai voulu qu'il puisse jouer la partition des champagnes, dont il est un compagnon aux atouts complémentaires. Il est grand et solide et sa noix n'est pas tonitruante. Il n'a pas d'âge car les vins jaunes sont éternels. Idéal sur l'oursin, il brille sur le caviar.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1988 a un nez raffiné qui laisse entrevoir un sel subtil. En bouche il montre la solidité de son caractère mais il ne se met pas en avant. Il préfère suggérer qu'imposer. Le carpaccio est superbe et intense et ce sont les petits croûtons qui créent un lien naturel avec le vin. Je l'aime beaucoup mais il joue un peu trop la discrétion alors qu'il a été ouvert il y a près de cinq heures.

La raviole de topinambour convient au Château Chalon.

Le Vega Sicilia Unico 1966 a un parfum qui explose de fruits. Il est d'une jeunesse étonnante. En bouche, c'est du plaisir pur, gourmand, juteux, au finale mentholé tonitruant. Sur le Parmentier de lièvre, il est glorieux.

Le comté a un affinage idéal, c'est-à-dire pas trop ancien. Le vin du Jura prend des forces à son contact. Nous nous apercevons qu'à tout moment il y a eu au moins un vin qui créait un accord idéal sur cette belle cuisine d'un des chefs les plus talentueux de Paris.

Le Château de Fargues 1967 est d'une belle élégance, avec très peu de gras et une belle longueur. Il joue sur la finesse plus que sur l'affirmation. La tartelette me donne alors l'occasion de faire une surprise à mes amis. Le Madère vers 1740 est toujours aussi brillant, riche gras, opulent et indestructible. C'est avec ces convives qu'il aura donné ses dernières gouttes. Il aura marqué de nombreux repas de sa perfection. Pour mes amis, c'est un choc car n'étant pas prévenus, boire un vin de 280 ans, cela bouscule toutes les idées reçues. Que de vérités sont remises en cause par la jeunesse et la complexité de ce vin irréel.

Mon deuxième cadeau de fin de repas est le fameux calvados dont je suis amoureux fou. L'un des amis est féru de calvados. Il n'en revient pas de constater que ce calvados puisse être aussi bon, aérien tout en offrant une belle puissance. Un alcool époustouflant.

Nous sommes quatre à voter pour les six vins et les deux alcools. Les alcools vont fausser la donne car mes trois amis mettent le Madère 1740 premier de leurs votes. Je ne le mets pas premier car je persiste à être envoûté par le calvados.

Le vote du consensus est : 1 – Madère vers 1740, 2 – Calvados inconnu, 3 – Château Chalon Jean Bourdy 1945, 4 – Vega Sicilia Unico 1966, 5 – Champagne Salon 1985.

Mon vote est : 1 – Calvados inconnu, 2 – Madère 1740, 3 – Vega Sicilia Unico, 4 – Champagne Salon 1985, 5 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1988.

De beaux accords ont illuminé ce repas amical à quatre. Tous les vins ont brillé et le feu d'artifice fut tiré par les deux alcools finaux. Ce fut un grand repas.


Programme initial

programme modifié par l'ajout du Henriot

j'ai oublié de photographier l'oursin avant de le manger !

La Tâche 1957 mardi, 2 février 2021

De retour à Paris l'horizon semble bouché pour partager des vins avec des amis. Je suis seul à la maison, confiné de fait, même s'il n'y a qu'un couvre-feu. Qui aurait cru il y a un an que je puisse évoquer une telle situation. Mais les hasards se produisent. En rangeant des vins en cave j'ai vu une bouteille au niveau très bas. Voilà une bonne occasion de tromper ma solitude.

Je rapporte la bouteille à la maison et le lendemain, vers 15h30, j'ouvre la bouteille de La Tâche 1957. La capsule collée au bouchon se déchire lorsque je veux la retirer. Le haut du bouchon est dur comme du béton et il est très difficile de planter la mèche du tirebouchon. Cela me surprend toujours que des bouchons qui paraissent hermétiques comme celui-ci aient donné lieu à une évaporation importante, puisque le niveau est à environ 13 centimètres sous le bouchon, alors que des bouchons qui tournent facilement dans le goulot n'ont donné lieu à aucune perte.

Le bouchon vient en mille morceaux car le goulot est resserré tout en haut, ce qui déchire le liège à la traction. J'avais humé le haut du bouchon si dur et ce n'était pas très engageant alors que parfum qui se dégage du vin est magnifique. Riche, dense, très fruité, il est prometteur. Il évoque pour moi le parfum de très vieux Lafite, très concentrés. Alors je mets un bouchon neutre pour couvrir le haut, pour ne pas perdre cette belle odeur, tout en laissant au vin le temps de s'élargir.

Vers 19h30, c'est l'heure de l'apéritif. J'ouvre une demi-bouteille de Champagne Léon Camuset Blanc de Blancs sans année de Vertus. Ce champagne était le champagne de famille de mon grand-père. La demi-bouteille doit avoir environ trente ans. L'ambre est assez prononcé et le champagne n'a plus de bulles. Il a un pétillant encore présent et j'aime son côté un peu suranné, vieillot, mais qui raconte de belles choses. Sa légère amertume lui donne du caractère. Je coupe des tranches de saucisson qui sont le compagnon idéal pour ce champagne.

Je suis un bien piètre cuisinier, limitant mes compétences à cuire des œufs à la coque. Au-delà, je ne m'aventure pas. Aussi la dégustation de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957 se fera avec deux morceaux de saint-nectaires différents, ce qui se révèlera idéal. Le nez du vin n'a plus le caractère fruité que j'avais senti il y a presque cinq heures. C'est le sel, marqueur des vins du domaine qui s'impose. Au premier contact, je sens l'âge. Mais l'âge n'est pas un problème pour moi car il y a la noblesse. Ce que je ressens c'est le terroir de La Tâche aux pentes et courbes si harmonieuses. Il se trouve que j'ai bu 129 fois La Tâche sur 56 millésimes et je ressens ici l'âme de La Tâche. Le vin est plus fatigué que d'autres mais l'âme est là. Le message est de sel, de terre, janséniste, simplifié tout en étant subtil, et le vin me dit : je suis La Tâche. Et j'adore cette période où les vins furent difficiles. Et ce que je retiens le plus, c'est l'émotion qu'il dégage. Et cette émotion est encore plus forte parce que je suis tout seul, puisque je n'ai que ce vin sur lequel me concentrer. Chaque gorgée me lance un message et je le reçois avec émotion.

Ce qui me surprend, c'est la longueur extrême de ce vin, qui n'est pas puissant mais long. Il y a des similitudes avec des années discrètes mais expressives de la décennie 70. La lie que je verse dans mon verre est un concentré de puissance et d'expression du vin. C'est un bouquet final magistral. Je suis ému au point que les larmes ne sont pas loin de poindre.

J'aurais aimé ne pas être seul à boire ce vin émouvant, mais j'ai eu une belle bouffée de bonheur.

curieuse marque sur la bouteille

réveillon du 31 décembre avec des vins en grands formats vendredi, 1 janvier 2021

Ayant prévu pour le réveillon du 31 décembre des flacons de grands volumes, j'ai commencé les ouvertures de trois magnums avant midi. Le nez du Lafite 2001 est noble et conquérant. Le nez de l'Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2007 est d'une subtilité raffinée et le nez du Vega Sicilia est une bombe de fruits gourmands. Vers 16 heures j'ouvre le jéroboam de Veuve Clicquot La Grande Dame 2008. Le bouchon demande de gros efforts pour l'extirper. Le pschitt est de belle énergie et le parfum est intense et prometteur.

A 20 heures les amis arrivent. Nous sommes neuf, dont huit buveurs, puisque ma femme ne boit pas, sauf l'Yquem 1989 que nous boirons au dessert, à la couleur d'un or joyeux et intense, et au parfum ensoleillé mais réservé, que j'ai ouvert en même temps que le champagne.

L'apéritif consiste en du cœur de saumon, des anguilles fumées découpées en petits morceaux, des tranches de foie gras qui seront recouvertes de fines lamelles d'un truffe odorante offerte par des amis. Il y aura aussi un pain fait à l'huile d'olive appelé la pompe, qui fait partie des treize desserts de la Provence pour le réveillon. Du gouda au pesto et des palets au parmesan complètent la variété de ce que l'on grignote sur le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 2008. Sa couleur est claire et sa bulle est active. Ce champagne est très confortable tout en ayant une belle vivacité. Il convient bien au saumon, ce dont je n'étais pas totalement sûr, et mieux encore à l'anguille fumée. Mais c'est avec le foie gras, avec ou sans truffe, qu'il s'exprime le mieux.

Avant de passer à table, chaque convive doit trouver sa place en trouvant la solution d'une énigme relative à son prénom. J'essaie de créer des énigmes qui diffèrent chaque année et de les rendre hermétiques. Deux énigmes sur neuf ont été trouvées, ce qui est un très bon score.

Nous passons à table et le champagne va accompagner deux entrées au caviar. Des coquilles Saint-Jacques crues sont recouvertes de caviar osciètre prestige Kaviari. Le sucré des coquilles et le salé du caviar forment un accord d'anthologie. La seconde entrée est un œuf coque mollet recouvert de caviar. Cette combinaison, à mon goût, est encore plus raffinée que celle avec la coquille. Le champagne manque un peu de largeur face à ces deux entrées et c'est à cette occasion que je constate qu'il lui manque aux moins dix ans d'âge pour soutenir la vigueur de ces deux plats. Un Dom Pérignon d'une trentaine d'années eût mieux convenu.

Sur le boudin blanc truffé sur lequel on distribue des lamelles de truffe est servi le Château Lafite-Rothschild magnum 2001. Le parfum de ce vin est d'une riche noblesse. Il s'impose et ne se discute pas. En bouche, sa richesse impressionne. Il a une mâche, un grain d'une grande persuasion. Et progressivement, c'est son côté truffe qui prend le dessus. Ce vin est d'une grande élégance et d'une belle énergie. Il est brillant et tous les amis le trouvent exceptionnel.

Notre boucher traiteur fétiche m'avait dit que les tranches de filet de bœuf devraient être mis au four à 40 degrés pendant 45 minutes, pour que la viande soit chaude au moment où on la servira après être poêlée en « tourne et retourne ». La viande arrive parfaitement tendre sur nos assiettes et une amie restauratrice remarquera immédiatement ce petit détail si souvent oublié par des restaurateurs qui servent des viandes au cœur trop froid.

Les amis qui ne connaissaient pas le programme des vins sont impressionnés quand se présente l'Echézeaux Domaine de la Romanée Conti magnum 2007, car le domaine jouit d'un prestige unique. La couleur dans le verre est claire comparativement à celle du Lafite. Le vin exhale des senteurs subtiles et raffinées, envoûtantes. En bouche nous sommes tous subjugués par le charme du vin. Les marqueurs habituels des vins du domaine de la Romanée Conti ne sont pas encore très affirmés car le vin est jeune, mais son message est magnifiquement bourguignon. Il a la jolie râpe bourguignonne. Il est spectaculaire et dégage une émotion extrême. Un ami amateur de vins dit que c'est le plus grand vin qu'il ait jamais bu. L'enthousiasme est total comme on le verra dans les votes.

Les fromages sont un saint-nectaire, un fromage Jort, un époisses et un Brillat-Savarin. Le Vega Sicilia Unico magnum 2007 est une bombe olfactive de fruits rouges et noirs. Le vin est vraiment jeune, et je suis un peu déçu, car j'attendais une aimable confrontation, mais il y a un écart de complexité très important entre les deux 2007. Le vin espagnol, du fait de sa jeunesse a un fruit encore trop dominant pour qu'on puisse lire ses complexités. Le vin a de l'avenir va beaucoup gagner avec l'âge, mais à ce stade, il n'a pas le niveau des deux vins qui l'ont précédé. Cela n'entame pas mon attirance vers ce grand vin.

Le dessert sera composé de Kouign-Amann et de mangue crue. Le Château d'Yquem 1989 a une couleur foncée d'un bel or ambré. Le nez qui était assez sage à l'ouverture s'est élargi et délivre les fragrances d'un grand Yquem de fruits dorés. En bouche c'est toujours un plaisir de goûter un élixir qui fond dans le palais, lourd, intense et de longueur infinie. J'avais lu dans de bonnes feuilles qu'on ne prend jamais de dessert sucré avec un sauternes. Le Kouign-Amann est une exception à la règle, et ce pourrait être dû au beurre abondant qui adoucit sans doute la force du sucre. Avec la mangue, le vin et le fruit se parlent comme des compagnons de régiment. Ce temps du repas est un temps fort.

Ma fille m'avait hier demandé de façon péremptoire d'ouvrir un Maury. Elle récidive en demandant que l'on serve la suite du Maury Mas Amiel Prestige 15 ans d'âge que j'avais acheté il y a sans doute trente ans. Il a accompagné ce qui reste de Kouign-Amann et des morceaux du cake aux fruits confits.

Il est temps de voter. Six vins sont en compétition et nous sommes huit à voter puisque ma femme ne vote pas. L'Echézeaux a obtenu sept votes de premier. Un seul autre vin a été nommé premier, le Maury. Devinez qui l'a élu ? Ma fille qui a vraiment un penchant pour ce vin doux.

Un ami fidèle a le même vote que moi et notre vote est le même que celui du consensus : 1 – Echézeaux DRC 2007, 2 – Lafite-Rothschild 2001, 3 – Yquem 1989, 4 – La Grande Dame VCP 2008, 5 – Vega Sicilia Unico 2007.

Ce dîner a été exceptionnel tant au niveau des accords mets et vins que des vins eux-mêmes. S'embrasser à minuit en se touchant les coudes seulement avec son coude, c'est une expérience que je n'avais encore jamais vécue. Nous étions si bien ensemble, car nous nous connaissons tous de longue date, que le réveil indiquait 3h30 lorsque je me suis couché.

Il est toujours intéressant de goûter les vins le lendemain lorsque les bouteilles ne sont pas vides. Il reste du Lafite et du Vega Sicilia Unico. Les vins restés sur place ont la température de la pièce alors que les vins hier avaient été servis sortant d'une armoire à 15°. Le Lafite 2001 a une énergie et une densité qui sont immenses et le parfum de truffe est encore plus fort. Le vin est grand.

La grande surprise est celle du Vega Sicilia Unico 2007. Je le retrouve comme je l'aurais souhaité, conquérant, complexe, et délivrant des notes mentholées dans le finale d'une adorable fraîcheur. J'aurais dû ouvrir ce vin un jour avant et surtout le vin aurait dû être servi à température de pièce. Il aurait alors délivré ce qui fait sa grandeur.

Cet essai du second jour me rend encore plus heureux de ce réveillon réussi et si chaleureux.

mise en place de la table couleur de l'Echézeaux apéritif repas

Champagne de bienvenue dans le sud mercredi, 30 décembre 2020

Juste après Noël nous descendons dans le sud avec notre fille aînée. Pour le dîner j'ouvre un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle sans année récent. Le champagne fait un beau pschitt et le bouchon sort avec sa partie basse qui s'élargit fortement en se décompressant. Le nez du champagne est vif et intense, comme si le champagne s'ébrouait.

En bouche on reconnait toute l'élégance romantique de ce subtil champagne qui m'évoque des fleurs blanches. Bien sûr ce Grand Siècle trouve des complexités supplémentaires en vieillissant, mais il est déjà très agréable et réjouissant dans sa jeunesse. Sur un foie gras de grande personnalité il est parfait ainsi qu'avec un camembert traditionnel et bio absolument parfait, moins viril que les Jort mais réussi.

Déjeuner de Noël en famille samedi, 26 décembre 2020

Le lendemain matin, jour de Noël, ma femme s'affaire en cuisine pour préparer des gougères, un Parmentier de canard confit et pour présenter un Apfel Strudel composé par Jacques Nebot, le fondateur de Kaviari.

A 9 heures j'ouvre un champagne Substance de Selosse dégorgé en 2007 qui fait un gentil pschitt et offre un parfum puissant.

J'ouvre ensuite un Meursault Réserve personnelle du Comte de la Rochefoucauld expédié par un négociant Chandivin de 1962. Le volume a baissé dans la bouteille mais pas trop et le vin est très foncé. Le nez est peu expressif mais ne montre pas de défaut. L'aération lui fera du bien.

J'avais prévu plusieurs possibilités pour le vin rouge mais une bouteille m'envoie un signe, un Volnay-Champans Bouchard Père & Fils 1964 au niveau superbe. Le bouchon vient bien, le parfum est superbe. Ce vin promet.

Vers 12h30 commence la deuxième série des cadeaux car deux des petits-enfants ne nous ont rejoints que ce matin. C'est assez fascinant de voir que les enfants connaissent parfaitement les marques des objets, les noms des créateurs de chaque objet, comme s'ils passaient leur temps à faire du shoping virtuel. Et chaque cadeau est « trop ». C'est trop bien, trop beau, trop super, trop génial, trop fort.

Au lieu de faire des petites gougères, ma femme a fait deux couronnes de gougères, que l'on découpe. C'est délicieux. Le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en mars 2007 est absolument splendide. Il est joliment ambré et le mot qui s'impose est « glorieux » car ce champagne est impressionnant de complexité, de puissance, d'énergie et de suggestions. C'est la plus belle aristocratie du champagne. Son ancienneté en a fait un champagne mature et cela lui va bien car il n'a pas perdu en énergie. Nous nous régalons. Il y a aussi du jambon Pata Negra et des chips à la truffe mais l'accord le plus beau est avec les gougères.

Nous commençons le repas par du dos de saumon fumé délicieux. Le Meursault Réserve personnelle du Comte de la Rochefoucauld expédié par un négociant Chandivin de 1962 est assez sombre dans le verre. Son parfum est discret mais c'est une jolie surprise en bouche car il a une belle structure. Il est plein, simple, sans grande complexité mais avec le saumon qui offre un beau gras, l'accord se trouve bien. Il n'a pas inventé la lune, mais il joue son rôle de bel accompagnement.

Le Parmentier de canard confit est délicieux et la chair est fondante. Il restait un peu de l'Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1991 qui est encore meilleur que la veille car il s'est élargi. Le Volnay-Champans Bouchard Père & Fils 1964 est beaucoup plus adapté que le 1991 au plat, car ce vin est rond, suave, velouté et d'une douceur extrême. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir du caractère. Il est délicieux et l'accord est prodigieux. Tout cela est de la gourmandise pure.

Le vin de Bouchard se comporte très bien avec un saint-nectaire et avec un fromage de chèvre de Selles-sur-Cher.

Pour l'apfel strudel superbe et goûteux où la cannelle est bien dosée, comme les grains de raisins, nous profitons des deux champagnes, le Selosse et le Krug rosé d'hier, qui lui aussi a profité d'une aération supplémentaire. C'est le Krug rosé deuxième génération qui forme le meilleur accord avec le dessert.

Le vin le plus brillant du repas est le Champagne Substance. Le plus bel accord est celui du Volnay avec le Parmentier.

Sur ces deux repas de Noël, nous avons eu huit vins dont quatre champagnes et quatre bourgognes. Ceux qui émergent particulièrement sont, pour moi : le Richebourg 1942, le Substance de Selosse et l'Echézeaux 1991. Mais tous les vins avaient des choses à dire.

Le fait gagnant de loin est de voir nos enfants et petits-enfants, même si pour ce Noël on ne peut ni s'embrasser, ni se prendre dans les bras. Vivement la fin de ce cauchemar covidesque.

les gougères en couronne l'apfel strudel

Dîner du 24 décembre avec deux Salon et deux DRC samedi, 26 décembre 2020

Le gouvernement ne cesse de nous materner. « Papy et Mamie mangeront la bûche à la cuisine » est une phrase qui entrera dans les livres d'histoire. Nous allons fêter Noël à la maison avec nos deux filles et leurs enfants. Il y aura deux repas, le dîner du 24 décembre et le déjeuner du 25 décembre.

A 15 heures, j'ouvre les deux champagnes Salon qui accompagneront l'apéritif et le premier plat du dîner, un 2004 et un 2006. Les bouchons sont tellement comprimés qu'il me faut un casse-noisette pour arriver à les faire tourner. Le pschitt est relativement faible. Les odeurs que dégagent les goulots et les bouchons sont très engageantes.

A 16 heures j'ouvre les deux vins rouges, tous deux du domaine de la Romanée Conti et d'âges très disparates. L'Echézeaux 1991 a un bouchon qui vient bien et qui a curieusement déjà de la poussière noire sur sa partie supérieure, sous la capsule. Le parfum est d'une grande noblesse.

Le Richebourg 1942 a un niveau très bas dans la bouteille et à travers le verre, je vois que le bouchon est sans doute descendu un peu dans le goulot, alors que la capsule est bombée vers le haut. Quand j'enlève la capsule, je vois que le bouchon n'a pas descendu, ce qui semble lui donner une longueur inhabituelle. Je commence à tirer et ce qui sort est noir et en miettes, puis le bouchon devient très sain dans sa partie basse. Tout se passe comme si le bouchon avait secrété une bouillie de vin et de liège qui a poussé la capsule vers le haut et le bouchon vers le bas. L'odeur du vin est rebutante, aqueuse et tendance serpillière. Une telle odeur conduirait 99% des amateurs de vins à déclarer le vin mort et à l'écarter. Je ne peux pas dire que je suis optimiste, mais ayant rencontré tant de miracles, il est évident que je vais laisser toutes ses chances à ce Richebourg de pouvoir nous surprendre.

Il faut toutefois penser à un Plan B et une bouteille est repérée pour le cas où.

Avant la cérémonie des cadeaux, vers 18h30, nous trinquons avec le Champagne Salon 2004 et le Champagne Salon 2006. Pour l'instant nous ne grignotons que des chips à la truffe. Dans ce contexte, le 2004 puissant, viril, affirmé, surpasse le 2006, plus discret, laiteux, féminin. Je pressens toutefois que le 2006 a des facultés gastronomiques. Et nous le vérifions quand, après les échanges de cadeaux, arrive une tarte aux oignons. Le 2006 est beaucoup plus adapté au goût sucré de l'oignon.

A table, les deux champagnes vont accompagner des coquilles Saint-Jacques crues avec du caviar osciètre prestige de Kaviari. Il me semblait probable que le 2004 soit le plus adapté à ce plat, mais en fait les deux champagnes conviennent tous les deux, le 2004 viril et le 2006 plus séduisant. Alors que le 2004 était largement en tête sur les premières gorgées, le 2006 a maintenant ma faveur pour ses qualités gastronomiques. Ces champagnes vont évoluer avec le temps et les deux seront très grands, dans deux styles différents. Ce fut une bonne idée d'ouvrir des champagnes aussi jeunes.

Le plat principal est de deux poulets accompagnés de pommes de terre en gratin. L'Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1991 a un parfum élégant et riche. En bouche, le vin est magnifique d'élégance et de précision. Il est long, riche en milieu de bouche. Parmi les six vins rouges historiques du domaine, l'Echézeaux est considéré comme le moins haut dans la hiérarchie. Je trouve que celui-ci a tous les attraits d'un premier de la classe, tant il est brillant.

Le nez du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1942 n'est pas totalement parfait mais il est très agréable. En bouche, on sent que le vin a un peu souffert, que c'est un convalescent, mais il montre une telle personnalité que l'on est conquis. On a le sel, ce marqueur si caractéristique des vins du domaine, et une richesse incroyable. C'est un solide Richebourg, guerrier, à l'intensité aromatique extrême. Plus le temps passe, plus il s'affirme avec une personnalité percutante.

Sur les fromages, les deux vins rouges brillent encore plus, sur un Saint-Nectaire fermier parfait et sur un chèvre goûteux.

Ma fille aînée a apporté une bûche de Philippe Conticini au yuzu et au kumquat. Après avoir goûté une fine entame de ce dessert, je décide d'ouvrir un Champagne Krug rosé sans année qui doit avoir au moins une vingtaine d'années. L'accord est très pertinent. Le champagne est délicat, raffiné, très consensuel. On se régale.

Nous sommes quatre à voter car l'aînée de mes six petits-enfants a une voix qui compte. Ma petite-fille vote ainsi : 1 – Salon 2004, 2 – Echézeaux 1991, 3 – Salon 2006. Ma fille aînée vote : 1 – Echézeaux 1991, 2 – Salon 2004, 3 – Krug rosé. Ma fille cadette vote : 1 – Richebourg 1942, 2 – Salon 2004, 3 – Echézeaux 1991. Je vote : 1 – Richebourg 1942, 2 – Echézeaux 1991, 3 – Salon 2006.

Le vote du consensus est : 1 – Richebourg 1942, 2 – Echézeaux 1991, 3 – Salon 2004, 4 - Salon 2006. Une fois de plus le retour à la vie d'un vin blessé est un miracle de l'oxygénation lente et peut conduire ce vin qui serait écarté à devenir le premier des vins d'un repas. Pour mon goût, les accords les plus marquants sont le Salon 2006 avec la tarte à l'oignon et le Richebourg 1942 avec le fromage de chèvre de Selles-sur-Cher. la lie du Richebourg 1942 Papy et Mamie n'ont pas pris la bûche à la cuisine ! Que va dire notre Premier Ministre ?

A family dinner with great wines jeudi, 17 décembre 2020

We receive our son for the last dinner of his stay in France. My oldest daughter wanting to bring her Christmas presents for the family of her brother in Miami, there will be four of us at dinner. I want to compare two champagnes from 1964 and put together two wines from the domain of Romanée Conti or close to the domain.

For the champagnes there will be the aperitif with a foie gras terrine made by my wife, and the starter will be Kaviari Osciètre Prestige caviar served alone, with bread and butter. For red wines there will be a braised veal cooked at low temperature accompanied by a Robuchon puree.

At 4 pm I open the 1966 Romanée Saint-Vivant Marey-Monge, Leroy Négociant at a somewhat low but acceptable level. The cork comes whole and the smell emanating from the bottle is awful, putrid, and I think that smell is likely to linger, which would make the wine undrinkable. My wife, who smells the wine, is much less critical and believes that the wine will eliminate these bad smells. I don't agree with her as only five minutes later although the scent is less excruciating, it is still strongly marked by the odor of sweat, almost dry mops and dust. The rule I have set for myself is to always give wines a chance, but I will see a potential candidate in the cellar to replace this wine. Why did I indicate at the beginning of this story "close to the domain"? Because in 1966 Geneviève Marey-Monge, the last heiress of the family, decided to rent out the plot she owned to the Domaine de la Romanée-Conti. Was the 1966 wine matured and vinified under the old or the new management, I don't know.

The Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952 has a fairly low level, as was often the case with wines from this estate during this period. I plant my normal corkscrew and despite my best efforts I can't lift it because it's so hard and compressed in the neck. Once again I see the curious phenomenon that extremely tight plugs in the neck still allow liquid to evaporate, while others, less securely locked in the neck, do not cause any evaporation. This is a mystery. I remove the inoperative corkscrew and take the Durand corkscrew which combines a corkscrew and a bimetallic strip. And unlike what normally should happen, the cork rips to shreds that I pick up with the tools I have. My efforts pay off because the scent of this wine is divine. Rich in red fruits, it promises the best, because this fragrance is straight, precise and rich.

Shortly before 7 pm I open the two champagnes of 1964. For the two corks, the lunula at the bottom of the cork which is glued to the cork does not come out with the top and I have to use a corkscrew to extract these lunulae which are some five millimeters thick. In both cases there is no pschitt and the scents are encouraging.

My son is the first to arrive. We are thirsty, so I serve Champagne Lanson Red Label 1964 in the beautiful bottle in the shape of a keel. The champagne is slightly amber. The bubble is extremely rare. The champagne is divine, giving off an incredible joie de vivre and a formidable charm. The champagne is very sweet, without being able to say that it is heavily dosed. It's so user-friendly, you can't help but love it.

My daughter joins us and I serve Champagne Dom Pérignon 1964 to each of us. It has a color very similar to that of Lanson, with an amber which also has small notes of pink color, but it is perhaps due to the lighting and fireplace. This champagne is marked by a fairly strong bitterness which limits the pleasure. The Lanson consequently appears brighter. On the foie gras, the Lanson is imperial and the pairing is superb.

Suddenly, after half the bottle has already been drunk, the Dom Pérignon has completely lost its bitterness and I see its grandeur dawning, made of a complexity greater than that of Lanson. I am delighted because I would like the two champagnes to play an equal game, but the charm of Lanson is formidable.

At table we eat caviar with bread and butter. Dom Pérignon is the best companion for the small savory grains. He recovered part of his delay but the judgment will be final, dedicating Champagne Lanson to incomparable seduction and perfect balance, as well as its length.

I go to look for the two red wines and I announce that it is very likely that the Romanée Saint-Vivant Marey-Monge, Leroy négociant 1966 will not be up to the task. I pour the wine for my children and while I pour the other wine, their doubtful expression calls out to me. They tell me: this wine is good. I hasten to taste it and the result is amazing. The wine has no flaws both in fragrance and taste. The miracle of slow oxygenation has happened once again. My wife guessed more correctly than me.

The Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952 is absolutely sublime. Its fragrance is powerful, rich, intense and of absolute purity. In the mouth, the emotion is total, because this wine offers the most beautiful expression of what represents the magic of the domain of Romanée Conti. This wine suggests more than it imposes. It is delicate, elegant, and its mid-palate is a recital of successive complexities. It's a story. We are in heaven, and veal at low temperature is ideal for highlighting the subtle wine.

So we forget a little the Saint-Vivant, which is a good wine but far from the emotion that the 1952 gives. But it has not said its last word. On an epoisses, a Burgundy cheese, the accord with Romanée Saint-Vivant is incredibly vibrant. They are made for each other, so much so that we'll decide that the 1966 pairing with époisses is the best pairing of this meal. La Romanée has found with this cheese an extra soul which has made it a conqueror.

My wife made a Tonka bean applesauce topped on each plate with a candied black cherry, all accompanied by trials she made of Kouign-Amann. It is an obvious call to associate it with this alcohol which excited me, the Calvados made by the father of a truck driver of a former company that I ran more than forty years ago.

We voted for our favorite wines. My daughter put the Lanson champagne first, which touches me a lot because not so long ago, she had little interest in champagnes. My son and I have the same classification: 1 - Grand Echézeaux 1952, 2 - Romanée Saint-Vivant 1966, 3 - Lanson 1964 and 4 - Dom Pérignon 1964. Messages of thanks that I received from my children, I remember that they were dazzled as well by the dishes than by the wines we shared. The next stop in these curfew times will be Christmas.

(the pictures can be seen on the article in French, just below this one)

Dîner de famille avec des vins brillants mercredi, 16 décembre 2020

Nous recevons notre fils pour le dernier dîner de son séjour en France. Ma fille aînée voulant lui apporter les cadeaux de Noël pour sa famille de Miami, nous serons quatre à dîner. J'ai envie de comparer deux champagnes de 1964 et de mettre ensemble deux vins du domaine de la Romanée Conti ou proches du domaine.

Pour les champagnes il y aura l'apéritif avec une terrine de foie gras faite par ma femme, et l'entrée sera du caviar Osciètre Prestige de Kaviari servi seul, avec du pain et du beurre. Pour les vins rouges il y aura un grenadin de veau cuit à basse température accompagné d'une purée Robuchon.

A 16 heures j'ouvre la Romanée Saint-Vivant Marey-Monge, Leroy négociant 1966 au niveau un peu bas mais acceptable. Le bouchon vient entier et l'odeur qui émane de la bouteille est affreuse, putride, et je pense que cette odeur a toutes les chances de persister, ce qui rendrait le vin imbuvable. Ma femme qui sent le vin aussi est beaucoup moins critique et estime que le vin va éliminer ces mauvaises odeurs. Je ne partage pas son avis d'autant que cinq minutes plus tard même si le parfum est moins atroce, il est encore fortement marqué par des odeurs de sueur, de serpillière presque sèche et de poussière. La règle que je me suis fixée est de toujours laisser une chance aux vins, mais je vais voir en cave un candidat potentiel pour remplacer ce vin. Pourquoi ai-je indiqué au début de ce récit « proche du domaine » ? Parce qu'en 1966 Geneviève Marey-Monge dernière héritière de la famille décide de mettre en fermage auprès du domaine de la Romanée-Conti la parcelle qu'elle possède. Le vin de 1966 a-t-il été élevé et vinifié sous l'ancienne ou la nouvelle direction, je ne le sais pas.

Le Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952 a un niveau assez bas, comme c'est souvent le cas des vins de ce domaine sur cette période. Je plante mon tirebouchon limonadier et malgré mes efforts je n'arrive pas à le soulever tant il est durci, comprimé dans le goulot. Je constate une fois de plus le phénomène curieux qui veut que des bouchons extrêmement serrés dans le goulot laissent quand même passer du liquide qui s'évapore, alors que d'autres, moins solidement enfermés dans le goulot, n'entraînent aucune évaporation. J'enlève le limonadier inopérant et je prends le tirebouchon Durand qui combine un tirebouchon et un bilame. Et contrairement à ce qui devrait normalement se passer, le bouchon se déchire en lambeaux que je ramasse avec les outils dont je dispose. Mes efforts ont une récompense car le parfum de ce vin est divin. Riche de fruits rouges il promet le meilleur, car ce parfum est droit, précis et riche.

Peu avant 19 heures j'ouvre les deux champagnes de 1964. Pour les deux bouchons, la lunule du bas de bouchon qui est collée au bouchon ne sort pas avec le haut et je suis obligé d'utiliser un tirebouchon pour extraire ces lunules de quelque cinq millimètres d'épaisseur. Dans les deux cas il n'y a aucun pschitt et les parfums sont encourageants.

Mon fils arrive le premier. Il fait soif aussi je sers le Champagne Lanson Red Label 1964 à la belle bouteille en forme de quille. Le champagne est légèrement ambré. La bulle est rarissime. Le champagne est divin, dégageant une joie de vivre incroyable et un charme redoutable. Le champagne est très doux, sans qu'on puisse dire qu'il est fortement dosé. Il est si convivial qu'on ne peut que l'adorer.

Ma fille nous rejoint et je sers à chacun le Champagne Dom Pérignon 1964. Il a une couleur très proche de celle du Lanson, avec un ambré qui lui aussi a des petites notes de couleur rose, mais c'est peut-être dû à l'éclairage et au feu de cheminée. Ce champagne est marqué par une assez forte amertume qui limite le plaisir. Le Lanson n'en apparaît que plus brillant encore. Sur le foie gras, le Lanson est impérial et l'accord est superbe.

Soudainement, alors que l'on a déjà bu la moitié de la bouteille, le Dom Pérignon a complètement perdu son amertume et je vois poindre sa grandeur faite d'une complexité supérieure à celle du Lanson. Je me réjouis car j'aimerais bien que les deux champagnes fassent jeu égal, mais le charme du Lanson est redoutable.

A table nous mangeons le caviar avec du pain et du beurre. Le Dom Pérignon est le meilleur compagnon des petits grains salés. Il remonte une partie de son retard mais le jugement sera sans appel, consacrant le Champagne Lanson à la séduction inégalable et à l'équilibre parfait, ainsi que sa longueur.

Je vais chercher les deux vins rouges et j'annonce qu'il est très probable que la Romanée Saint-Vivant Marey-Monge, Leroy négociant 1966 ne sera pas à la hauteur. Je verse le vin à mes enfants et pendant que je verse l'autre vin, leur mine dubitative m'interpelle. Ils me disent : ce vin est bon. Je m'empresse de le goûter et le constat est étonnant. Le vin n'a aucun défaut aussi bien en parfum qu'en goût. Le miracle de l'oxygénation lente s'est produit une nouvelle fois. Ma femme a vu plus juste que moi.

Le Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1952 est absolument sublime. Son parfum est puissant, riche, intense et d'une pureté absolue. En bouche, l'émotion est totale, car ce vin offre la plus belle expression de ce qui représente la magie du domaine de la Romanée Conti. Ce vin suggère plus qu'il n'impose. Il est délicat, élégant, et son passage en bouche est un récital de complexités successives. C'est un récit. Nous sommes aux anges, et le veau à basse température est idéal pour mettre en valeur le vin subtil.

Alors on oublie un peu le Saint-Vivant, qui est un bon vin mais loin de l'émotion que procure le 1952. Mais il n'a pas dit son dernier mot. Sur un époisses, l'accord avec la Romanée Saint-Vivant est incroyablement vibrant. Ils sont faits l'un pour l'autre, au point que nous déciderons que l'accord du 1966 avec l'époisses est le plus bel accord de ce repas. La Romanée a trouvé avec ce fromage un supplément d'âme qui l'a rendu conquérant.

Ma femme a préparé une compote de pommes à la fève de Tonka surmontée dans chaque assiette par une cerise noire confite, le tout accompagné d'essais qu'elle a faits de Kouign-Amann. C'est un appel évident à l'associer à cet alcool qui m'a enthousiasmé, le calvados fait par le père d'un chauffeur de poids lourds d'une ancienne société que je dirigeais il y a plus de quarante ans.

Nous avons voté pour nos vins préférés. Ma fille a mis en premier le champagne Lanson, ce qui me touche beaucoup car il n'y a pas si longtemps, elle n'éprouvait que peu d'intérêt pour les champagnes. Mon fils et moi avons le même classement ; 1 – Grand Echézeaux 1952, 2 – Romanée Saint-Vivant 1966, 3 – Lanson 1964 et 4 – Dom Pérignon 1964. Des messages de remerciements que j'ai reçus de mes enfants, je retiens qu'ils ont été éblouis aussi bien par les plats que par les vins que nous avons partagés. La prochaine étape en ces temps de couvre-feu, ce sera Noël.

le tirebouchon Durand ne donne pas toujours des résultats probants. J'aime l'image de la vache à travers le Durand. au dessert, les essais de Kouign-Amann