Dernier repas à Paris et premiers repas dans le sud dimanche, 27 juin 2021

Le lendemain du déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur, je reçois à déjeuner ma fille cadette et une nièce de ma femme qui va se rendre dans notre maison du sud le lendemain. Ma fille a préparé des plats vegan et j'ouvre un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 2007. Ce champagne est fort agréable et frais, mais je mesure l'invraisemblable différence qui existe entre les champagnes anciens que j'ai bus hier, de 1973 et 1961, et ce jeune champagne. La divine complexité est chez les champagnes anciens. Amateurs mes frères, faites vieillir vos champagnes. C'est un investissement au rendement gustatif assuré.

Dans la nuit, une incroyable tornade s'est abattue sur la région parisienne, faisant voler les chapeaux des cheminées de ma maison. J'ai eu peur.

Ça y est, c'est le jour du départ dans le sud. Là-bas, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté, dirait Baudelaire. Le premier soir, j'ai envie de manger du caviar avec deux champagnes, un jeune et un vieux de la même maison, pour vérifier une fois de plus si mon amour pour les champagnes anciens est justifié. J'ouvre un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle très récent dont le fort pschitt et le bouchon qui se gonfle dès qu'il est retiré montre sa jeunesse.

J'ouvre aussi un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle que j'estime des années 60 ou début des années 70 ce qui est confirmé par l'absence de pschitt et le fait que le bouchon ne veut pas sortir, le haut se déchirant et le bas ne venant qu'au tirebouchon.

Nous commençons par des fraises fraîches qui sont délicieuses sur la fraîcheur du jeune champagne. Une poutargue bien moelleuse et délicieuse se conçoit bien avec le jeune mais l'ampleur du champagne ancien, à la couleur ambrée et au charme infini trouve un écho supérieur avec le gras de la poutargue.

Le caviar osciètre forme un bel accord avec le jeune, mais le champagne ancien décuple le plaisir. Ce champagne ancien est dix fois plus complexe, dix fois plus large et dix fois plus gourmand. La question est donc réglée, sans appel possible, le bonheur est avec les champagnes anciens.

Avec un camembert Jort à l'affinage idéal, le mariage est voluptueux avec le champagne ancien. Cela ne veut pas dire que le champagne jeune serait sans intérêt. Il est un beau champagne romantique, mais le plus vieux est flamboyant. Il me semble que les amateurs de vins qui ont la faculté de faire vieillir des vins – ce qui est hélas de plus en plus rare - devraient en priorité réserver un espace important aux champagnes, car l'effet du vieillissement est beaucoup plus important que pour les autres vins.

Le lendemain, nous nous rendons avec notre nièce au restaurant L'Hemingway à La Londe des Maures, restaurant installé sur une jolie plage et décoré avec goût. On y mange bien car les produits sont bons. J'ai décidé de ne pas boire sauf de la bière mais je me rattraperai lors d'une prochaine visite en ce lieu que j'apprécie.

Hemingway

Dîner chez mon ami Tomo samedi, 12 juin 2021

Mon ami Tomo m'invite à dîner chez lui et me demande d'apporter une bouteille. Il m'indique que nous serons six. Il me semble difficile d'apporter un vin rouge car il faudrait que j'arrive quatre heures avant le dîner pour que le vin profite de l'oxygénation lente. Il n'est pas question que je vienne déranger Tomo et sa famille si tôt. Un vin blanc supportera mieux une ouverture tardive et je jette mon dévolu sur un Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot Propriétaires-Négociants à Savigny-lès-Beaune 1919. Le vin a peu perdu de son volume et montre un couleur qui m'inspire. C'est la raison de mon choix.

Lorsque j'arrive chez Tomo, sa fille au violon et sa femme à la flûte préparent une prestation musicale qu'elles devront faire le lendemain. En cuisine Teshi, le chef propriétaire du restaurant Pages s'affaire avec celui qui doit devenir le chef du restaurant de Teshi au Japon et avec une jeune pâtissière. Voir travailler Teshi en cuisine est un bonheur, tant ses gestes et son application sont exemplaires.

Tomo nous sert un Champagne Dom Pérignon 2008 extrêmement confortable et brillant, qui n'a peut-être plus la vivacité de ses premiers jours, mais a gagné en solidité. Un indice qui ne trompe pas : Tomo a dû en ouvrir une deuxième pour satisfaire nos soifs.

Il y a autour de la table Tomo et son épouse qui, comme la mienne, ne boit pas, un fidèle de mes dîners, la femme de Teshi et une amie américaine de Tomo vivant à Paris et en Californie.

Teshi a réalisé une multitude de plats assez incroyable sur la base d'une cuisine japonaise pure alors que dans son restaurant, c'est une cuisine française avec des inspirations japonaises. Tout n'est pas forcément adapté aux vins, mais peu importe, nous nous régalons. Voici le programme incroyable : caviar (osciètre impérial) ricotta, nouille vermicelle à l'huile de sésame / Ceviche de coque à la livèche et sa soupe / sashimi de daurade et sériole, wasabi frais d'Azumino / tartare de bœuf de Normandie, tomate, burrata et basilic thaï / ravioles de homard breton, soupe de coco aux herbes / thon, sauce ravigote au yuzu gosyou / salade de mortadelle / aile de poulet Mirinboshi / canard mariné au riz fermenté, sauce au foie gras et sésame, figue / sushi (wagyu, daurade, sériole, saumon) / Tonkotsu ramen (nouilles japonaises au porc) / fraisier.

Le Champagne Dom Pérignon 1995 a un fort nez de bouchon qui s'estompe progressivement en bouche, grâce au mets tels que des coques délicieuses, mais Tomo préfère ouvrir un Champagne Perrier-Jouët Cuvée Belle Epoque 2012, le même que nous avions découvert, Tomo, l'ami et moi à la maison Belle Epoque à Epernay. Je trouve ce 2012 nettement meilleur que celui bu à l'endroit où il a été fait et notre ami suggère une explication : ce 2012 est servi un peu plus chaud que celui que nous avions bu. Ce champagne est magistral et gastronomique.

Le Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot Propriétaires-Négociants à Savigny-lès-Beaune 1919 a une couleur encore assez claire et un nez très expressif et ciselé. En bouche c'est un réel plaisir car on ne ressent aucun effet des 102 ans de ce vin. Il s'adapte à merveille aux poissons crus comme la sériole délicieuse.

Tomo sert presque en même temps un Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1935. La couleur est sombre et terreuse, et le vin est un peu trouble, mais cela ne nous émeut pas car les poissons vont corriger tout ce qui pourrait nous rebuter. Le vin est nettement moins brillant que le 1935 que j'avais bu chez Jean-Charles de la Morinière l'ancien propriétaire de Bonneau du Martray. Nous nous régalons de ces deux blancs.

L'ami a apporté un Richebourg Domaine de La Romanée Conti 2017. Je venais de le boire il y a peut-être une semaine lors de la présentation des 2017 par Aubert de Villaine. Et le Richebourg m'avait fait une forte impression. Celui-ci est du bonheur pur car il a la folle énergie d'un vin qui éclot. Quel plaisir que de boire un tel vin. On sait qu'il va bientôt se refermer un peu pour devenir éblouissant quelques années plus tard, mais là, sur l'instant c'est un bonheur absolu de fraîcheur, de spontanéité et d'innocence. Un vrai bonheur. Sa couleur est rose violet clair.

Tomo sert alors La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958 d'un beau niveau. Le nez est d'une rare délicatesse et je sens des suggestions de sel, si sensibles dans les vins du Domaine. En bouche, le vin est large et structuré. Il n'est pas puissant mais solide. Et sur cette charpente sont accrochées de belles subtilités. C'est un vin de grâce, plein, de belle maturité. Un grand moment d'élégance.

Le Château Montrose 1898 est d'une très belle année. Sa couleur est intense, son nez précis, et en bouche il est serein, accompli, sans signe d'âge tant il est cohérent. Je me souviens d'un Lafite 1898 que j'avais classé second au 200ème dîner, comme l'ensemble de la table, et qui était transcendantal. Le Montrose n'est pas à ce niveau mais se comporte remarquablement.

Pour le fraisier Tomo sert un Champagne Billecart-Salmon Brut Rosé 1976 de très belle couleur. Très racé il aurait mérité sans doute un autre plat que le fraisier pour exciter ses qualités.

Le plus impressionnant pour moi est la cuisine spectaculaire de Teshi. Ensuite, les vins rassemblés se sont montrés brillants. Le plus grand est La Tâche 1958 que nous avons tous placés en tête. Ensuite, nos avis divergent. J'ai mis en second le Corton Blanc 1919 d'un bel équilibre, puis le Richebourg 2017 à la jeunesse éblouissante, le champagne rosé 1976 et le Montrose 1898.

Dans une ambiance amicale, ce fut un repas magistral.

le chef Teshi aux fourneaux

Dégustation des 2017 du Domaine de la Romanée Conti mercredi, 2 juin 2021

La société Grains Nobles organise chaque année une dégustation des vins du domaine de la Romanée Conti du millésime qui va être mis sur le marché, après sa mise en bouteille. Nous aurions dû goûter le millésime 2017 à la fin de l'année 2020 mais du fait du Covid, c'est seulement maintenant que cette dégustation est organisée en un lieu au centre de Paris qui permet des tables de trois ou quatre convives, espacées comme il convient.

Pascal Marquet dirigeant de Grains Nobles nous accueille et sur l'estrade Aubert de Villaine, Michel Bettane et Bernard Burtschy vont commenter les vins.

Aubert de Villaine raconte l'histoire du climat de 2017 qui est détaillée dans la brochure qui nous est remise. Mars a été un mois chaud, la vigne a eu un printemps précoce et sans gel avec beaucoup d'énergie pour les fruits, donnant des grains résistants. Le sucre a monté très vite. La chaleur a créé des blocages mais heureusement des averses salvatrices ont permis un beau développement. Le Montrachet est très généreux après l'année 2016 quasiment perdue. Aubert de Villaine dit que ce qui est important, c'est la maîtrise naturelle des rendements, ce qui est lié notamment à l'âge des vignes.

Le millésime 2017 est le dernier fait par Bernard Noblet qui avait succédé à son père en 1985.

Le Corton GC Prince Florent de Mérode 2017 a une belle robe violette et un nez discret. En bouche il se signale immédiatement par sa fraîcheur. Il est distingué et son finale offre de beaux fruits noirs. C'est un vin magnifique qui deviendra grand et gourmand. Il est agréable à boire dans cette jeunesse. Michel Bettane dit que c'est un vin raffiné, très frais qui vieillira bien et Bernard Burtschy dit qu'il est très tanique.

L'Echézeaux GC Domaine de la Romanée Conti 2017 a une couleur d'un rouge plus soutenu. Le nez est aussi discret mais cela doit tenir de la forte chaleur qui règne sous la verrière. Il pétille à la prise en bouche. C'est un vin qui n'a pas encore trouvé son équilibre. Sa texture est soyeuse avec un peu d'amertume. On sent qu'il deviendra charmeur, mais pas aujourd'hui.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2017 a une robe identique à celle de l'Echézeaux. Il a le même perlant à l'attaque de la première gorgée. Il a de l'amertume dans le finale. Mais il a plus de maintien. C'est un vin dense qui sera grand avec un fort fruit. Il devient de plus en plus impressionnant car il est fort et puissant. Bernard Burtschy dit que la violette est sa signature. S'élargissant dans le verre il montre de plus en plus sa grandeur.

Pour une première fois, au lieu de la Romanée Saint Vivant, le vin qui suit est le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2017. Il a une belle couleur et un nez fermé par la chaleur. En bouche c'est un ravissement. Le saut par rapport aux trois premiers est immense. Il est superbe, de beau volume, gourmand. Tout en lui est équilibré, intégré et déjà brillant. C'est une belle réussite.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2017a une couleur plus violette que les trois vins précédents. Cette Romanée joue sur sa finesse. C'est un vin féminin et gracieux, jeune et frais, au finale très long et imprégnant. On sent un travail très pur vers la légèreté et la fraîcheur. J'entends que l'on dit qu'il a « une floralité très homogène ». Voilà qui est bien dit ! C'est un vin qui fait saliver et montre son charme.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2017 a une couleur plus rouge que celle de la Romanée Saint Vivant. C'est à ce stade le nez le plus expressif. La bouche est très douce, voire charmeuse, ce qui n'est pas le cas de toutes les La Tâche. Michel Bettane évoque le millésime 2000 qui lui ressemblerait. Aubert de Villaine signale un petit côté mentholé et dit que ce vin a moins de corps mais promet énormément. Ce sera un grand vin, généreux et joyeux.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2017 a une couleur magique (quand on aime …) Le nez est noble. Immédiatement je reconnais une Romanée Conti avec un charme fou. Le vin est noble, magique, du velours pur. Michel Bettane dit que ce vin a un toucher de bouche raffiné. C'est pour moi l'archétype de la Romanée Conti parfaite. Ce vin n'est que du bonheur et je suis ému.

A ce stade de leurs vies, car l'avenir ne sera peut-être pas le même pour tous, je classe en premier et de loin la Romanée Conti, puis La Tâche, puis le Richebourg et ensuite le Corton qui m'a impressionné par sa belle personnalité.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2017 a une couleur claire mais qui n'est pas blanche. Le nez est puissant et conquérant. Le vin n'a pas de botrytis. C'est un montrachet superbe qui combine force, fraîcheur et charme. Le finale est un peu plus dur et je trouve en lui un peu de perlant, signe de jeunesse. Il n'est pas encore totalement intégré mais il promet beaucoup. L'absence de botrytis lui donne de la tendresse. Il a une belle tension. C'est un blanc très pur qui ne joue pas dans le registre de la puissance comme en certains millésimes. Il aura un très grand charme fondé sur sa fraîcheur. La rémanence en bouche est forte et noble.

Il est amusant d'écouter les amicales joutes verbales entre Michel Bettane et Aubert de Villaine, Michel Bettane dans l'affirmation du sachant et Aubert de Villaine dans la réserve de celui qui est en recherche permanente de la perfection.

Les propos d'Aubert de Villaine montrent à quel point chaque élément, fût-il le plus petit, est examiné avec le souci de faire un vin conforme à l'expression désirée la plus aboutie de son terroir.

Tous les vins sont subtils, gracieux, en suggestions plus qu'en affirmation, et cette diabolique Romanée Conti, monstre de charme suggéré, va alimenter mes rêves, et me pousser à ouvrir ses sœurs plus âgées.

Cette dégustation annuelle est toujours un grand moment d'émotion.

Inoubliable déjeuner avec un moelleux de Loire des années 1870 mardi, 25 mai 2021

Le déjeuner de lundi de Pentecôte pourrait être l'un des plus beaux de ma vie. Nous sommes trois, mon fils, ma femme et moi, dont deux qui boivent. Le point de départ est une bouteille qui fait partie des bouteilles illisibles entassées dans des cases de ma cave. J'avais repéré une bouteille qui me semble la plus vieille de ce groupe. Elle est de forme bourguignonne et contient un vin blanc dont la couleur me fascine, avec des notes orangées tendant vers le rose. C'est inhabituel pour un bourgogne blanc ancien mais je suis quasi sûr que ce vin sera grandiose et je mets à imaginer qu'il a le plus beau goût possible de tous les vins de ma cave. Alors, j'ai mis dans sa case un papier sous elle avec le nom de mon fils. J'ajoute deux autres vins qui me tentent en les voyant en cave.

Par une chance inouïe ma femme a prévu pour ce déjeuner du Wagyu et des pigeons. Une bonne étoile doit veiller sur ce déjeuner.

A 9h j'ouvre la bouteille inconnue dont le bouchon vient entier, d'une qualité de liège qu'on ne trouve que dans les vins très anciens du 19ème siècle, peut-être avant 1860. Le parfum est incroyable et évoque un vin doux. Ce parfum entêtant est incroyable. L'idée qui me vient immédiatement est celle d'un Vouvray ou d'un Coteaux du Layon. Et pour l'âge, la bouteille et le bouchon m'indiquent que c'est probablement de la décennie 1870, voire avant.

J'ouvre ensuite La Tâche 1957 au niveau assez bas mais convenable et de belle couleur. Le bouchon se casse en de multiples morceaux, la partie basse collée au verre résistant fortement. Le nez du vin est exactement ce que je souhaitais pour cette année que j'apprécie.

Ce n'est que vers 10h30 que j'ouvre le Mumm Cordon Rouge 1937 dont le bouchon sale se brise à la torsion. Le parfum est très engageant.

Vers 13 heures je sers le Champagne Mumm Cordon Rouge 1937. Il n'a pas de bulles mais le pétillant est préservé. La couleur est d'un bel orange. Le champagne est précis, charmant, très long et raffiné et mon fils est de mon avis, ce champagne est plus grand que le Krug Private Cuvée années 50 et que le Mercier 1949 d'hier. Il est rond, joyeux, raffiné. C'est un très grand champagne, bien sûr ancien, mais qui a gardé une énergie intacte.

Le Wagyu est fondant. Le vin blanc, appelons-le Vouvray 1877 pour avoir une année qui finit en « 7 » comme les deux autres, dont le millésime est connu, a un parfum extraordinaire d'une richesse aromatique infinie. Je ne crois pas avoir connu de vin liquoreux aussi délicat et complexe. C'est du velours. Il serait inopportun de faire des comparaisons mais je pense que ce vin moelleux atteint des sommets absolus d'excellence. L'accord avec le Wagyu est divin. Mon fils me dit qu'il n'a jamais bu de liquoreux de ce niveau.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957 a une couleur très claire, très représentative de son domaine. Le parfum est de sel, entraînant. En bouche c'est un vin d'une élégance extrême. Il est d'un millésime calme ce qui lui permet d'exprimer toutes ses subtilités. Avec les pigeons à la goutte de sang, l'accord est absolument divin. Le vin rouge s'adapte aussi élégamment au Wagyu.

J'ai l'impression qu'à chaque gorgée et qu'à chaque bouchée, on touche la perfection absolue. C'est une sensation très rare que de recevoir des saveurs parfaites et éblouissantes. C'est pour cela que je considère ce repas comme l'un des plus grands de ma vie. Un vin blanc moelleux unique de complexités et de douceur, des viandes parfaites et des accords naturellement idéaux. Ce n'est que du bonheur.

Le dessert, de poires Belle-Hélène a réussi à trouver sa voie avec le Mumm 1937. La vie est belle.

Déjeuner au siège du champagne Salon samedi, 22 mai 2021

Le lendemain du dîner au château de Saran, nous nous dirigeons vers Le Mesnil-sur-Oger pour déjeuner au siège du champagne Salon. Lorsque j'avais organisé le dîner à Saran, j'avais proposé à mes amis d'ajouter une suite avec ce déjeuner que Didier Depond, président de Salon et Delamotte avait accepté de tenir.

J'avais demandé à chacun d'apporter un grand vin et l'un des amis avait livré nos bouteilles une semaine avant. Didier Depond a accepté d'ouvrir nos vins aux aurores.

Il fait beau lorsque nous arrivons au siège de Salon aussi, après une succincte visite de cave au cours de laquelle Didier Depond a fait dégorger à la volée une bouteille de Salon 2012, vin qui sera commercialisé à l'automne 2021, nous buvons dans le jardin, dont les vignes sont de la parcelle historique de la propriété d'Aimé Salon, le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2014 qui lui aussi sera commercialisé prochainement.

Les Delamotte Blanc de blancs sont des champagnes très agréables et frais et ce 2014 promet d'être grand. Il est maintenant déjà très large et plaisant. De belles gougères mettent en valeur ce jeune et beau champagne.

Nous passons à table et le menu a été conçu et réalisé par le chef du restaurant Royal Champagne, Jean-Denis Rieubland : verrines de tourteau à l'avocat / turbot de ligne rôti aux asperges et agrumes / volaille de Bresse aux morilles / comté, parmesan, chaource et camembert / tarte sablée aux framboises, glace vanille.

On nous sert deux champagnes 2012. Le Champagne Salon 2012 dégorgé à la volée en cave il y a moins d'une heure est non dosé et doté d'une belle fraîcheur florale. Une amie chinoise qui est de notre groupe en raffole.

Le Champagne Salon 2012 dosé pour sa commercialisation, donc le 2012 tel qu'il sera proposé, montre déjà une maturité étonnante. Il est prêt à être bu tel qu'il est sans attendre. Son registre est romantique. Nous sommes plusieurs à le préférer au non dosé, mais l'avis de notre amie chinoise ne se conteste pas.

Le Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996 offre un parfum qui n'appartient qu'à ce domaine. Il est d'une puissance extrême, avec une explosion de pétrole tant il est minéral. En bouche il est beaucoup plus cohérent, construit, avec des complexités infinies. C'est un immense bourgogne blanc, de la race des géants. N'étaient ses prix stratosphériques, on en boirait tous les jours.

Le Pétrus 1990 est mon apport. Il est à la fois d'une belle maturité mais encore d'une belle jeunesse, tendu, tranchant et vif. Il évoque la truffe et a un grain d'une belle densité. Je l'aime beaucoup et il s'accorde bien au délicieux turbot.

Le Champagne Delamotte Collection Blanc de Blancs 1970 est un grand champagne qui a été apprécié mais que j'ai trouvé un peu trop fort, trop affirmé.

Le Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994 apporté par l'amie chinoise est d'une grâce infinie, confirmant à quel point le talent d'Henri Jayer fait des prodiges d'élégance. C'est un vin magnifique qui s'accorde bien au poulet.

Le Champagne Salon 1996 est un très grand Salon, riche, puissant, d'un grand équilibre et d'une longueur infinie. Didier Depond nous dit, et cela est intéressant, que tout le monde s'extasie sur le 1996 et que le 1995 n'a pas la même faveur, alors que pour lui, le plus grand est le 1995. Il faudra vite vérifier.

Les fromages s'accordent avec les vins précédents, pour autant que l'on en ait gardé dans son verre. Le Corton Charlemagne reste impérial.

Le Champagne Salon 1964 ne vient pas de la cave de Salon mais de l'apport d'un ami fidèle de mes dîners. Le bouchon superbe laisse échapper une belle explosion gazeuse ce qui indique que ce 1964 a été admirablement conservé. Ce champagne est absolument divin, à la couleur ambrée et très belle, à la bulle active, et se montre d'un charme extrême. Il a des complexités qui n'appartiennent qu'aux champagnes anciens. Je suis aux anges.

La diversité des vins est telle que voter n'est pas facile. Nous sommes huit à voter et deux vins sont dans les huit votes : le Corton Charlemagne et le Salon 1996. Un vin a sept votes, celui d'Henri Jayer et le Pétrus a six votes. Ce qui est intéressant à signaler c'est que le Salon 1964 est celui qui a le plus de votes de premier, avec trois votes de premier mais n'a au total que quatre votes. Ce qui veut dire que les champagnes anciens ne sont pas encore compris par tous les amateurs.

Quatre vins ont été nommés premiers, le Salon 1964 trois fois, le Corton Charlemagne deux fois, tandis que Delamotte 1970, le Vosne-Romanée et le Salon 1996 ont eu chacun un vote de premier.

Le classement du consensus serait : 1 - Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996, 2 - Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994, 3 - Champagne Salon 1996, 4 - Champagne Salon 1964, 5 - Pétrus 1990, 6 - Champagne Delamotte Collection Blanc de Blancs 1970.

Mon vote est : 1 - Champagne Salon 1964, 2 - Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994, 3 - Pétrus 1990, 4 - Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996, 5 - Champagne Salon 1996.

Ce déjeuner amical avec Didier Depond dans une ambiance chaleureuse fait partie des moments impromptus, décidés par amitié, qui me vont droit au cœur.

la bouteille de Pétrus 1990 dans ma cave la vigne primitive de Salon Didier Depond devant la vigne initiale la salle de dégustation en cave. la case des 1964. celui que nous boirons ne vient pas de la cave de Salon les vins la couleur du 1964 Didier Depond heureux de ce repas

250ème dîner au château de Saran samedi, 22 mai 2021

Nous quittons Hautvillers, berceau de Pierre Dom Pérignon et nous nous rendons au château de Saran pour le 250ème diner. Du fait du confinement, nous devons respecter des règles de distanciation aussi serons-nous seulement sept à dîner. La table magistrale qui accueillerait volontiers des festins de rois Vikings va nous permettre d'avoir deux mètres de distance entre chacun des convives et ses voisins. Cela n'a gêné en rien l'atmosphère gaie et complice du dîner.

Avant cela, nous prenons l'apéritif au château. Vincent Chaperon maître de cave de Dom Pérignon nous rejoint. Nous buvons un Champagne Dom Pérignon magnum 2008. J'ai un amour particulier pour ce champagne promis au plus grand avenir. Les petits amuse-bouches composés par Marco Fadiga sont comme on peut l'imaginer parfaitement adaptés à ce champagne joyeux, solaire, accueillant.

Nous passons du château au bâtiment annexe où se trouve la grande salle à manger avec sa table imposante.

Le menu composé en collaboration avec le chef Marco Fadiga est : langoustines légèrement fumées et rôties, gel de fleurs d'hibiscus / mousseline de carottes au cumin, huître Sorlut n° 1 pochée / Maklouba d'agneau aux aubergines, coriandre et épices b'Har / pigeon en deux façons, les filets servis avec une sauce sang, mûre et truffe, les cuisses rôties au jus oriental / canard Apicius en deux services, purée de panais / foie gras poché dans un bouillon, sauce café / soufflé aux fruits exotiques, sorbet au pamplemousse, écorces d'oranges amères.

L'Y d'Yquem 1985 a une couleur très claire, à peine dorée et son nez est imposant. C'est un vin riche, avec de légères traces de botrytis qui font tout son charme. 1985 est une année de grande réussite pour Y. L'accord avec les langoustines divinement cuites, c'est-à-dire à peine, est parfait, mais on aurait pu éviter de fumer les langoustines car le fumé asséche l'accord. Ce Y est un grand vin, qui n'aura pas l'honneur des votes, mais on sait que dans des repas très longs, la mémoire oublie les vins du début.

Le Champagne Dom Pérignon P2 2002 est un champagne absolument superbe et épanoui, combinant sérénité et jeunesse. L'accord avec la carotte est particulièrement osé, mais il est réussi et l'imposante huître n° 1 est parfaite pour ce beau champagne.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001 avait à l'ouverture un parfum plus discret que celui de l'Y. Il est encore discret mais on va prendre conscience des complexités infinies de ce grand vin. L'accord avec l'agneau est évidemment osé, mais j'adore casser les codes et c'est probablement le plus bel accord de ce repas. Le Montrachet solide et d'un équilibre parfait est un vin glorieux mais peut-être aujourd'hui plus discret que d'autres 2001 que j'ai bus.

Le pigeon en deux façons va accueillir deux vins. Le Château Haut-Bailly 1900 va subjuguer tout le monde. Il a 120 ans, mais aussi bien sa couleur que son goût sont d'une grande jeunesse. C'est un vin solide, construit, puissant et même entraînant tant il nous convainc. Il m'évoque Cary Grant, l'acteur qui fut séduisant et élégant à tous les âges de sa vie.

Le Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1966 est une splendeur absolue. La décennie des années 60 est certainement la plus belle décennie pour les champagnes et pour Dom Pérignon, et au sein de cette décennie, 1966 est l'année que je préfère. Quel grand champagne que j'adore, même si mon cœur a tendance à pencher vers les dégorgements d'origine. L'association d'un vin rouge et d'un champagne sur le même plat est inhabituelle. Ils ne se fécondent pas, mais leur association est plaisante.

Pour le canard Apicius, on a fait deux présentations puisque là aussi il y a un vin rouge et un champagne. Le Château Lafite-Rothschild 1961 est solide et carré, exhalant la truffe et le graphite, mais n'atteint pas le niveau des plus grands Lafite 1961 que j'ai eu l'occasion de boire.

Le Champagne Dom Pérignon Rosé P3 magnum 1988 est un grand cadeau que nous a fait Vincent Chaperon, comme le légendaire 1966 bu sur le pigeon. C'est un rosé abouti, complet, inspiré. Le canard l'épouse sans condition.

J'ai estimé un jour que le plat qui met idéalement en valeur une Romanée-Conti est un foie gras poché dans un bouillon de légumes, et servi sans son bouillon. Il se trouve que j'ai un amour particulier pour le Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915. C'est un vin que j'ai bu treize fois et que j'ai mis dans mes dîners huit fois. Sept fois sur huit je l'ai mis dans les trois premiers de mon classement. Mon amour pour lui est donc justifié. Il méritait de bénéficier de l'association avec le plat que je réserve aux Romanée-Conti. Ce fut une bonne idée car le chef l'a remarquablement exécuté. Le vin est intemporel. Il est droit, carré mais en même temps subtil et complexe. C'est un bourgogne de plaisir. Il est raffiné. Je l'adore comme on le verra dans les votes.

Le Château Guiraud Sauternes 1893 est d'une bouteille ancienne superbe, n'a pas d'étiquette mais la capsule et le bouchon renseignaient sur son nom et sur son année. Le niveau dans la bouteille était presque dans le goulot. Sa couleur est plutôt claire, tendant vers le rose. Son parfum est infini. On peut dire que c'est un sauternes parfait, d'une année mythique. Le soufflé est absolument divin. Un détail est amusant. Lorsque j'étais venu il y a une semaine vérifier certains plats avec le chef, j'avais eu l'opportunité de goûter cet excellent soufflé. Mais il était copieux. Aussi avais-je demandé au chef de réduire la taille du soufflé. Ce qui fut fait. Mais un des convives ayant adoré ce plat a demandé s'il pouvait en avoir un peu plus et toute la table a eu un deuxième service du soufflé. Le chef avait donc vu juste lors de mon essai. L'accord Guiraud et soufflé est divin.

Vincent Chaperon a fait ajouter à notre programme un Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1975 d'une extrême élégance, ponctuant parfaitement ce repas.

Il est temps de voter, chacun désignant ses cinq vins préférés. Il est intéressant de constater que trois vins ont eu 7 votes des 7 participants, et ce sont les trois vins centenaires, le 1900, le 1915 et le 1893. Cette concentration de perfection pour des vins antiques a remis en cause beaucoup des repères de Vincent Chaperon qui n'imaginait pas de telles performances de la part des vins anciens. Les trois vins qui ont eu des votes de premier sont le Haut-Bailly 1900 trois fois, le Dom Pérignon 1966 deux fois, comme le Nuits Cailles 1915.

Le vote du consensus serait : 1 - Château Haut-Bailly 1900, 2 - Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915, 3 - Champagne Dom Pérignon P3 1966 magnum, 4 - Château Guiraud Sauternes 1893, 5 - Champagne Dom Pérignon P3 1975 magnum, 6 - Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001.

Mon vote est : 1 - Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915, 2 - Château Haut-Bailly 1900, 3 - Champagne Dom Pérignon P3 1966 magnum, 4 - Château Guiraud Sauternes 1893, 5 - Champagne Dom Pérignon P3 1975 magnum.

Les accords mets et vins ont été extrêmement pertinents et comme l'un des fidèles participants l'a dit, il aime lorsque l'on casse les codes. Ainsi la mousseline de carottes au cumin avec le Dom Pérignon 2002, le foie gras poché avec le Nuits Cailles sont de belles tentatives. Le plus original et sans doute le plus bel accord est celui de l'agneau avec le Montrachet, mais la langoustine divine avec l'Y ou le soufflé avec le Guiraud pourraient relever le défi du plus bel accord.

L'ambiance chaleureuse et enjouée fut parfaite. Merci à Dom Pérignon d'avoir permis de faire ce dîner au château de Saran. Mon plus grand sujet de fierté est que les trois vins centenaires de ce dîner ont été au sommet de leur art au point qu'ils obtiennent au final les places de premier, deuxième et quatrième. Il fallait un 250ème dîner brillant. Il le fut.

Nous avons prévu de refaire un dîner au château de Saran avec un nombre plus important de convives. Appelons-le pour l'instant : le « 25ème déconfiné ».

Le chateau : mes vins en cave mes vins dans la cuisine du château de Saran l'étiquette du Haut-Bailly 1900 faite pour une vente caritative au profit du sauvetage de Venise est identique à celle du Mouton 1918 dont l'étiquette figure en haut et à gauche de la première page de ce blog. superbe bouteille de Nuits Cailles 1915  

Ouverture des vins du 250ème dîner et dégustation à Hautvillers samedi, 22 mai 2021

J'arrive à 13h30 au château de Saran à Chouilly pour ouvrir les vins du dîner. Si je suis en avance, c'est parce qu'à 16 heures, nous aurons une dégustation de Dom Pérignon à Hautvillers. Je commence les ouvertures. Beaucoup de bouchons vont se sectionner, sans que des miettes ne tombent dans le liquide. Le parfum du Y d'Yquem 1985 et beaucoup plus intense que celui du Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001 ce qui est inattendu.

L'objet de tous mes soins est le Château Haut-Bailly 1900. La bouteille vient de la cave de la maison Nicolas, qui a mis une étiquette spéciale pour une vente caritative organisée pour le sauvetage de Venise en 1972. Il est donc probable qu'elle ait été reconditionnée pour cette vente. Le niveau est beau et le parfum est superbe.

Le plus beau parfum est celui du Château Guiraud 1893, au bouchon d'origine, au niveau parfait et à la couleur rose orangée plutôt claire pour ce millésime, ce qui n'a pas atténué la puissance des fragrances infinies.

Marco Fadiga le chef du château m'a préparé un petit casse-croûte. Tout me semblant en ordre, je me dirige vers Hautvillers où nous serons reçus par Marie-Philomène qui nous fera visiter l'église d'Hautvillers, où reposent Dom Pérignon et Dom Ruinart et nous racontera des anecdotes de la vie du moine visionnaire, Dom Pérignon.

Daniel Carvajal Pérez est un jeune colombien qui travaille avec Vincent Chaperon, le chef de caves de Dom Pérignon. Il est responsable du patrimoine œnologique. Il va mener notre dégustation avec beaucoup de talent et d'empathie.

Le Champagne Dom Pérignon 2010 a un nez superbe et une bulle fine. Le nez est racé, salin, avec un peu de floral. Il se caractérise par sa grâce, sa finesse et sa générosité. Son finale est frais comme un bonbon anglais.

Nous avons côte à côte le Champagne Dom Pérignon 2002 d'origine et le Champagne Dom Pérignon P2 2002, dégorgé il y a environ cinq ans (P2 voulant dire deuxième plénitude, dégorgé généralement une quinzaine d'années après la version d'origine). Le 2002 d'origine, appelons-le P1 est fabuleux, plus que le P2. Le P1 est glorieux et le P2 est très élégant. Daniel estime que le P2 vieillira mieux ce qui donne lieu à des discussions passionnantes et souriantes, parce que je ne suis pas de son avis.

Ensuite le Champagne Dom Pérignon P1 2000 est associé au Champagne Dom Pérignon P2 2000. Celui d'origine évoque le miel et il est plus difficile à comprendre, alors que le P2 est plus frais, plus agréable. Daniel nous dit que 2000 est un millésime Janus, qui a deux visages et je préfère le P2 au P1, contrairement au millésime 2002. Le 2000 P1 est moins cohérent et le P2 gagne par sa fraîcheur.

Le Champagne Dom Pérignon P2 1996 est très frais, floral, fait de fleurs blanches et de citron. En bouche des fruits exotiques apparaissent. C'est un vin fin et précis. C'est un très bon champagne.

Nous avons ensemble le Champagne Dom Pérignon rosé 2006 et le Champagne Dom Pérignon rosé 2005, les deux étant de dégorgement d'origine. Le 2006 est peut-être un peu fort pour un rosé. Le 2005 est plus salin plus timide et plus frais mais il manque un peu d'affirmation.

Le Champagne Dom Pérignon rosé P2 1996 a un nez très beau et un bel équilibre. C'est un vin élégant.

Nous goûtons maintenant à l'aveugle un champagne de belle bulle, ancien, ce doit être un P3. Il a du charme, des fleurs séchées et des agrumes frais. C'est un Champagne Dom Pérignon P3 1970 à la complexité parfaite.

Mon classement est : 1 - 1970 P3, 2 – 2002 P1, 3 – 1996 P2, 4 – 1996 rosé P2. Le plaisir a été grand et amplifié par la qualité des commentaires de Daniel, qui a une belle vision de ce grand champagne.

Il est temps de repartir au château de Saran pour le 250ème diner.

L'église d'Hautvillers : la tombe de Dom Pierre Pérignon

249ème dîner à la Maison Belle Époque samedi, 8 mai 2021

Lors du 247ème repas où nous avions pu goûter six vins du domaine de la Romanée Conti, deux participants qui font partie de la direction du groupe Pernod-Ricard ont lancé l'idée que l'on se retrouve dans la même formation pour un dîner à la Maison Belle Époque de la maison Perrier-Jouët.

J'avais déjà eu l'occasion de faire un dîner dans cette magnifique « maison », c'était le 236ème dîner. Les personnes de la Maison Belle Époque impliquées dans le dîner ont changé. Séverine est chef de cave, la huitième seulement en 210 ans et elle est la première femme à ce poste. C'est elle qui a choisi les champagnes que nous boirons ce soir. À l'accueil Annabelle remplace Thierry le sympathique maître des lieux pendant de longues années. En cuisine, le chef Sébastien Morellon fait suite à Joséphine Jonot.

Les règles sanitaires liées au Covid avaient failli rendre le dîner impossible mais en fin de compte nous serons dans une magnifique salle à manger décorée avec un goût certain, à une table qui respecte les règles de distance.

J'arrive à 16 heures pour ouvrir les vins que j'avais livrés il y a une semaine, ayant profité de la livraison pour tester les recettes élaborées par le chef. Annabelle a redressé hier soir les bouteilles couchées en caisse. Elle est auprès de moi pour les ouvertures. Les trois premiers vins que j'ouvre en cave ont des bouchons qui tournent dans le goulot extrêmement facilement. Cela est sans doute dû à la forte hygrométrie qui règne en cave faisant suinter de l'eau en certaines zones. Les deux vins blancs de 1962 ont de superbes parfums. Le moment fort de la soirée sera de juxtaposer trois Vosne-Romanée Cros Parantoux de trois vignerons différents, aussi mes soins pour ces vins sont tout particuliers. Le Méo-Camuzet a un parfum racé fort élégant, le Henri Jayer est fermé et ne sent rien et l'Emmanuel Rouget est d'une grande discrétion. Tous les bouchons, même quand ils se déchirent du fait des irrégularités du verre à l'intérieur du goulot, viennent sans réelle difficulté.

J'avais un doute sur la couleur de l'Yquem 1939 qui a été rebouché au château en 1989 mais je suis rassuré par son parfum et les fragrances que délivre la Romanée-Conti 1967 m'enthousiasment. C'est un chef-d'œuvre de subtilités.

Je vais saluer le chef Sébastien Morellon en cuisine et je suis heureux de saluer aussi Michel Nave, chef MOF qui est le bras droit de Pierre Gagnaire avec qui nous avions réalisé un dîner sublime dans son restaurant, le 222ème.

Les participants arrivent et se rendent dans leurs chambres puis, quand nous sommes tous prêts, nous avons une forte envie de boire du champagne, ce qui se comprend normalement lorsque l'on est dans une maison de champagne. Mais j'apprends que pour des raisons sanitaires, nous ne boirons pas au bar, distanciation oblige, et l'apéritif se prendra à table.

J'apprends aussi que Séverine préfère dîner dans une pièce voisine, car elle a peur de toute contamination, ce qui se comprend compte-tenu de sa fonction. Un maître de cave sans odorat, c'est impensable. Fort heureusement Séverine viendra nous présenter les champagnes que nous boirons.

Il y aura un seul nouveau à ce dîner, jeune entrepreneur gastronome et amoureux des grands vins.

Le menu mis au point avec le chef Sébastien Morellon et réalisé par lui avec l'aide de Michel Nave, est : sablé parmesan, pomme gaufrette, saumon fumé, gel citron-mélisse / langoustine au court-bouillon, mousseline de persil / sole de petit bateau pochée, farcie d'une duxelles de champignons, fondue de poireau / quasi de veau braisé parfumé de laurier, carottes / filet de bœuf sauce Périgueux, pommes Anna / gratin de macaronis au comté / foie gras poché dans une infusion de légumes / ris de veau croustillant, fondue d'oignons doux / déclinaison de mangue.

Annabelle nous sert le Champagne Perrier Jouët Belle Époque Magnum 1989 lorsque nous sommes assis. Le nez de ce champagne est incroyable tant il est plein, fort, guerrier. C'est un immense champagne de grande largeur. Il combine à la fois l'énergie d'une folle jeunesse avec la sérénité que donne la maturité. Très solaire, c'est un champagne royal. Les petits amuse-bouches le rendent gourmand.

Le Champagne Perrier Jouët Belle Époque Magnum 1988 est résolument différent. Si le premier est masculin, celui-ci est féminin, alors que ce n'est pas la caractéristique de ce millésime. Il est tout en grâce et bien malin celui qui dirait lequel il préfère, tant ils explorent des voies différentes. Ce 1988 trouve son envolée avec la divine langoustine superbe avec sa mousseline de persil.

Pour la sole riche et affirmée et arrondie par les champagnes les deux vins blancs de 1962 se montrent brillants. Le Traminer Trimbach 1962 est d'une palette de goûts inhabituels. J'adore son caractère sauvage et terrien. Son nez très minéral évoque les litchis lui donnant des tons exotiques fluides et charmants.

Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 au contraire est glorieux. C'est pour mon goût la plus grande année de la Coulée de Serrant avec le 1967, deux années réussies par Madame Joly. Il est serein, épanoui, calme et tout à son affaire. Mais j'ai tendance à penser que le Traminer est plus en phase avec le plat, porteur d'une grande émotion. J'ai toujours un petit faible pour les fantassins.

La raison principale de l'inscription à ce dîner est la curiosité de mes amis à goûter ensemble trois Cros Parantoux mythiques. Il ne s'agit pas de les juger mais de les juxtaposer. Et j'ai eu l'idée que l'on perçoive leurs comportements sur une viande blanche et sur une viande rouge. Nous commençons donc à les apprécier sur un veau fondant.

Très vite il apparaît que le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992 est très largement transcendant par rapport aux deux autres. Ce n'est pas que les deux autres seraient plus petits. C'est que le Henri Jayer dégage une émotion incommensurable. Et il n'y a pas d'auto-persuasion parce que nous aurions envie que le Henri Jayer soit le meilleur. Il l'est.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Méo Camuzet 1991 au nez raffiné est le vin qui s'exprime le mieux avec le veau, alors que le Vosne Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1996 plus affirmé est celui qui fait jeu égal avec la force du filet de bœuf que le chef a fait puissant, comme je le souhaitais.

Chacun des trois Vosne Romanée Cros Parantoux serait la vedette d'un repas s'il était seul, le Rouget dans l'affirmation puissante, le Méo dans un registre plus courtois, et le Jayer dans la transcendance. Ce groupe de trois vins est un moment d'une intensité rare. Alors qu'il s'agit de Premiers Crus et non de Grand Crus, on est au sommet du plaisir bourguignon.

Il m'était apparu opportun qu'un champagne précède la Romanée Conti en faisant une rupture gustative. Le Champagne Perrier Jouët Belle Époque Magnum 1982 est accompagné d'un gratin de macaronis absolument idéal pour gérer ce qui est plus qu'une parenthèse, un grand moment. Car ce 1982 est immense. J'ai de cette année l'image de romantisme. Tout est en grâce dans ce champagne. Sa longueur et sa justesse sont merveilleuses.

J'avais senti à l'ouverture que la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 serait toute en grâce. Le foie gras poché remarquablement exécuté est comme un coussin de velours qui fait admirer la brillance d'un joyau. Car c'est un accord extraordinaire. Le nez est subtil et en bouche toutes les suggestions se dessinent comme en une œuvre d'Albrecht Dürer. Tout y est. Il faut savoir lire ce vin. Je suis aux anges. Et je suis tellement content de trouver une Romanée Conti qui s'exprime naturellement de façon équilibrée et suggestive que je ne boude pas mon plaisir. Elle ne s'affiche pas, n'a rien d'ostentatoire, elle suggère et se livre si on l'écoute. Et l'accord divin la rend encore plus belle.

Le Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1976 est d'une année que Jean Hugel considérait comme la plus réussie de celles qu'il avait dirigées. Le vin combine force et subtilité, d'un équilibre rare. Je me demandais si faire suivre un foie gras poché par un ris de veau était possible. L'accord s'est montré superbe.

Le Château d'Yquem 1939 est d'un ambre assez discret et je me suis rendu compte que le léger doute que j'avais sur sa couleur n'était dû qu'à une chose : la bouteille est d'un verre bleuté comme ce fut le cas pendant la guerre. Dans le verre la couleur du vin retrouve un or magnifique. Son nez est puissant. En bouche il combine élégamment le côté gras du botrytis avec une tendance sèche des sauternes ayant mangé leur sucre et cette combinaison le rend élégant. La mangue se montre le compagnon idéal de ce grand vin.

D'habitude, lorsque l'on vote dans mes dîners, même si mon vote diffère du vote du consensus, cela ne m'émeut pas. Mais dans ce cas, j'ai eu un temps de réaction qui n'est pas un refus, mais presque. J'étais tellement heureux de trouver une Romanée Conti qui soit dans l'expression la plus fine et subtile de la Romanée Conti que je l'ai mise première de mon vote. Or le gagnant, de loin, est le Cros Parantoux d'Henri Jayer qui a obtenu six votes de premier. Pourquoi ai-je été interrogatif, alors que le Henri Jayer a été sublime, je ne le sais pas aujourd'hui en rédigeant ce compte-rendu. C'est peut-être dû au fait que les marqueurs habituels de la Romanée Conti, la rose et le sel étaient moins marqués que d'habitude pour ce 1967. J'aurais aimé que mes amis aient mon enthousiasme mais je suis heureux qu'ils aient couronné le vin d'Henri Jayer. La Romanée Conti a eu trois votes de premier.

Le classement du consensus est : 1 - Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992, 2 - Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 - Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Époque 1982, 4 - Vosne Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1996, 5 - Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1976, 6 - Château d'Yquem 1939.

Mon classement est : 1 - Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 - Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992, 3 - Château d'Yquem 1939, 4 - Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Époque 1982, 5 - Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1976.

Une mention particulière devrait être faite sur les accords mets et vins que j'ai suggérés ou bâtis avec le chef et qui ont été magnifiés par le talent du chef. L'accord le plus beau est celui du foie gras poché avec la Romanée Conti. Ensuite ce serait la sole et sa duxelles avec le Traminer, le ris de veau avec le Gewurztraminer, le bœuf avec le Vosne-Romanée d'Emmanuel Rouget et les macaronis avec le Perrier-Jouët 1982. Mais la langoustine avec le 1988 pourrait concourir aussi, car tout fut divinement bon.

L'ambiance très amicale, le service attentif et la cuisine d'un niveau exceptionnel ont fait de ce 249ème dîner un des plus mémorables qui soient.

La maison Belle Epoque et ma chambre. Une table vivante mon lit et la vue de ma chambre la table du repas mes outils d'ouverture Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1989 Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1988 Traminer Trimbach 1962 Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 Vosne Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1996 Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992 Vosne Romanée Cros Parantoux Méo Camuzet 1991 Magnum Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1982 Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1976 Château d'Yquem 1939

248ème repas de wine-dinners avec une Romanée Conti 1961 en jéroboam dimanche, 18 avril 2021

(il est conseillé de lire d'abord les deux articles ci-dessous en commençant par le sujet « achat d'une Romanée Conti 1961 en jéroboam »)

Le lendemain matin, après une nuit mouvementée, je vais vite m'occuper des vins à ouvrir pour le repas de midi, mais je vais d'abord sentir le jéroboam de Romanée Conti 1961. Alors qu'à minuit j'avais perçu un soupçon de sel, le vin est désespérément muet. Aucune odeur n'est perceptible. Je n'ai pas envie de goûter le vin, car j'agiterais le liquide dans la bouteille. Il est préférable d'attendre.

J'ouvre en premier le Champagne Pommery magnum 1959 car il me semble avoir souffert pendant sa vie. La cape est trouée et déchirée à l'endroit où le bouchon rejoint le haut du goulot, et cette zone est très sale. A ma grande surprise le bouchon saute dans ma main produisant une belle explosion de gaz, suivie d'un brouillard de gaz. C'est assez surprenant qu'un 1949 de dégorgement d'origine puisse avoir une telle explosion de gaz. Le nez est plutôt inexistant. Les ouvertures ne posent pas de problème particulier. Le Château Chalon Jean Macle 1982 a un bouchon avec des traces de moisissure qui anesthésient son parfum. Les senteurs du Clos Rougeard Le Bourg 1989 et du Château Filhot 1929 sont superbes.

Avant que les convives n'arrivent, je goûte le Pommery qui fait un peu plat. Le parfum de la Romanée Conti est toujours aussi fermé.

Les convives arrivent à l'heure dite. Ce déjeuner comptera pour le 248ème de mes repas. Nous commençons à trinquer sur le Champagne Pommery magnum 1959. Il est assez fermé et plat et l'on sent qu'il a besoin des amuse-bouches. C'est le Pata-Negra qui le fait revivre et il délivre un message beaucoup plus chaleureux. Les amuse-bouches sont : gougères, chips de céleri-rave et de panais / radis daïkon, truite fumée - œufs de saumon / Pata-Negra 36 mois. Le champagne Pommery se révèle assez grand et carré mais il ne peut pas cacher qu'il a un peu souffert dans sa vie. Sa personnalité le rend aimable.

Nous avons fait appel, Olivier et moi, aux conseils et suggestions d'un chef ami qui nous a envoyé du renfort en cuisine pour la préparation des plats. J'ai mis au point le menu avec le chef et des mains aimables sont venues concrétiser les plats. Le menu fruit de ces réflexions est : carpaccio de Saint-Jacques, coques, jus de coques monté au beurre / carpaccio de bar de ligne à l'huile d'olive / homard bleu breton sauce bisque / rouget barbet poêlé purée de carottes, sauce civet / pigeon de Vendée rôti, sauce salmis, purée de pommes de terre, pommes grenailles confites / foie gras poché dans un bouillon de légumes / comté 18 mois / mousse à la mangue / financiers à la rose. On peut dire que pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître.

J'ai ouvert le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1990 au dernier moment. Porteur d'une belle bulle il se montre vif et délicat. Il est tout en finesse et suggestion. L'association coques et coquilles Saint-Jacques, mariant le salé et le sucré, est idéale pour mettre en valeur le champagne noble et romantique.

L'Y d'Yquem 1979 est un vin de grand plaisir. Il combine le côté sec d'un Graves avec le botrytis suggéré d'un Yquem et cela lui va bien. Le carpaccio de bar est un compagnon idéal de ce vin car il met en valeur le botrytis qui le lui rend bien. La fluidité fraîche de ce vin est superbe.

Olivier et quelques amis critiquent le vin d'Olivier, le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1998 qui se présente selon eux moins bien que le 1999 d'hier. Je les trouve sévères car le vin accompagne comme il convient le fort homard à la sauce guerrière. Cet accord me plait plus qu'à d'autres amis.

Le Clos Rougeard Le Bourg 1989 avait un parfum magique à l'ouverture. Il est d'une richesse et d'un accomplissement parfaits. Il a gagné une sérénité exceptionnelle depuis son ouverture. C'est un grand vin. L'accord, dont je me permets de dire que j'en suis fier, éblouit tous les convives car le rouget, comme avec Pétrus, met en valeur la vivacité du vin. La sauce civet est diabolique. Boire un tel vin dans son accomplissement total est un privilège.

L'heure est venue de faire entrer en scène la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti Jéroboam 1961. A ce stade j'ai encore en tête que ce vin a un parfum muet. Pour servir le vin je vais le verser en carafe que je remplirai au fur et à mesure des besoins. Il serait en effet difficile de verser le vin directement depuis un lourd jéroboam. Dès que je commence à verser, mes narines sont envahies d'un parfum qui me fait penser sur l'instant : « c'est gagné ». Car ce parfum est celui d'une grande Romanée Conti, marqué de sel. En versant, les premières gouttes du vin ont une couleur de terre, de tuile. Cette couleur devient plus acceptable ensuite mais le vin est un peu trouble.

Les amis étaient autour de moi lorsque j'ai rempli la carafe. Je verse le vin à table et nous le buvons. Quel plaisir, quelle richesse. Ce vin est plein. Il a une densité extrême et le sel et la vieille rose sont des composants du plaisir. Tous, nous sommes heureux car nous avions peur de ne pas trouver la Romanée Conti dont nous rêvions, mais elle est là. Il y a dans ce vin une densité supérieure à ce que j'attendais, peut-être due au fait que le vin a subi une forte évaporation. Je sens que le vin a souffert pendant son existence, peut-être avec des stockages malheureux, mais je l'aime encore plus de savoir qu'il a traversé les âges pour nous délivrer un beau message de noblesse et de complexité. C'est un vin complet qui a gardé toutes les subtilités d'une Romanée Conti, suggérant et affirmant et on le félicite comme un blessé qui marche pour la première fois depuis des mois.

Tout en ce vin paraît à la fois fragile et fort. Le pigeon est absolument parfait avec lui mais c'est surtout sur le foie gras poché que le vin délivre toutes ses finesses subtiles. Cet accord, qui est une de mes coquetteries, est un de ceux que je préfère car le foie gras est un révélateur du vin.

J'ai versé dans mon verre la lie, noire et dense et j'ai mangé la lie, concentré de l'excellence de ce grand vin.

Le Château Chalon Jean Macle 1982 m'avait interpelé à l'ouverture mais je constate que mes convives le boivent avec plaisir. Je trouve qu'il manque un peu de noix mais mes amis l'adoptent. Tant mieux.

Le Château Filhot 1929 avait il y a plus de cinq heures un parfum d'une richesse infinie. Cette bouteille superbe au bouchon d'origine avait un niveau dans le goulot. C'est pour cela que je l'avais choisie comme contribution. Sa couleur est très foncée. C'est un sauternes riche dont je suis amoureux. La mangue lui convient comme un gant. La fraîcheur de la mousse le rend souriant.

Le Champagne Veuve Clicquot rosé 1973 ouvert sur l'instant a une couleur d'un rose superbe et raffiné. La bulle est présente et le champagne est d'un raffinement idéal. C'est le meilleur vin possible pour finir un repas, mis en valeur par les financiers délicieux.

Nous sommes tous heureux et surtout soulagés d'avoir bu une magnifique Romanée Conti. Il est temps de voter. La Romanée Conti et le Clos Rougeard seront les deux seuls à être nommés premiers. Seuls le Pommery et le Leflaive n'auront pas de votes. Sept vins ont eu des votes.

Le vote du consensus serait : 1 - Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 jéroboam, 2 - Clos Rougeard Le Bourg 1989, 3 - Y d'Yquem 1979, 4 - Château Filhot 1929, 5 - Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1990, 6 - Château Chalon Jean Macle 1982.

Mon vote est : 1 - Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 jéroboam, 2 - Château Filhot 1929, 3 - Champagne Veuve Clicquot rosé 1973, 4 - Clos Rougeard Le Bourg 1989, 5 - Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1990.

Que dire de ce repas ? Si la bouteille de Romanée Conti avait eu un beau niveau et belle allure, il est probable qu'aucun de nous ne l'aurait acheté dans le contexte actuel des prix. Alors, soyons heureux qu'elle ait tant souffert puisque nous avons pu en profiter et jouir des sensations uniques qu'offre ce vin mythique. J'ai pris le risque d'acheter cette bouteille et mes amis ont pris le risque de me suivre dans cette aventure.

Le repas a été superbe avec des accords inattendus et superbes comme la Romanée Conti avec un foie gras poché et le Clos Rougeard avec un rouget. Un grand moment pour moi a été le carpaccio de Saint-Jacques avec des coques et le jus de coque, créant une osmose sublime avec le Grand Siècle 1990. Merci à Olivier d'avoir accueilli notre repas chez lui. Merci à toute l'équipe qui a envahi sa cuisine pour l'aider à réaliser de beaux plats.

Je ne peux pas m'empêcher d'être heureux d'avoir cru en cette bouteille après les vérifications que j'ai pu faire. Les vins sont plus solides que ce qu'on imagine, et leur donner une chance est un de mes plus grands plaisirs. Et vérifier la pertinence de ma méthode d'ouverture des vins ne peut que me combler. L'ambiance du repas a été enjouée et amicale. Cherchons vite de nouvelles aventures !

Champagne Pommery 1959 magnum Champagne Laurent Perrier Grand Siècle 1990 Y d'Yquem 1979 Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1998 Clos Rougeard Le Bourg 1989 Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 jéroboam (voir les photos sur l'article relatant l'achat de ce jéroboam) La lie que j'ai bue Château Chalon Jean Macle 1982 Château Filhot 1929 Champagne Veuve Clicquot rosé 1973 en cuisine les plats servis les verres à nouveau cette brochette unique de grands vins et ce mythique jéroboam de Romanée Conti 1961

Dîner chez l’hôte du 248ème déjeuner dimanche, 18 avril 2021

Nous allons passer à table chez l'ami qui va réaliser chez lui demain le repas qui va accompagner un jéroboam de Romanée Conti 1961. Olivier a invité un ami fidèle de mes dîners qui sera aussi au déjeuner demain et ma fille aînée qu'il connaît mais ne sera pas avec nous demain pour l'aventure Romanée Conti.

Les sushis sont de très grande qualité. J'ai apporté trois vins. Nous commençons à trinquer sur le Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985. Quelle belle attaque, fraîche, vive et intense. C'est un grand champagne cinglant. J'ai voulu qu'on le compare au Champagne Dom Pérignon 1985. Ce champagne est plus gras, opulent, charmeur. Mes amis préfèrent le Dom Pérignon alors que je préfère le Diamant Bleu, car j'ai bu récemment des Dom Pérignon 1985 plus aboutis.

Mon troisième vin est un Vouvray Sec Clovis Lefèvre 1961. Je voulais voir si le vouvray et les champagnes se fécondent. Ce Vouvray est magique car il virevolte en bouche, ses saveurs minérales flirtant avec de passagères douceurs, comme en une danse endiablée. Et le vin est d'une longueur infinie, à mille facettes. Je suis aux anges et le vin de Loire élargit les champagnes quand il les précède. Avec le Heidsieck, c'est flagrant.

Je mettrai le Vouvray en premier, alors que mes amis et ma fille le rangent en troisième place. Je pensais que l'ami invité aurait acheté des fromages pour champagnes mais ils sont plus propices aux vins rouges. Olivier qui n'a quasiment pas de vin dans cet appartement ouvre un vin espagnol qu'il trouve tellement limité qu'il n'osera pas nous le faire goûter. Il ouvre un Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1999 fort agréable et qui s'adapte bien aux fromages.

Ma fille a apporté un gâteau qui a dû chuter dans son emballage et apparaît informe. Sa couleur verte en fait un extraterrestre dont j'aurai du mal à percevoir le langage. Alors que nous avons un déjeuner sérieux le lendemain, Olivier nous achève avec un alcool blanc redoutable. La nuit sera rude.