Champagne Femme de Champagne lundi, 4 octobre 2021

Une amie m’offre une bouteille de Champagne Femme de Champagne Duval-Leroy Grand Cru sans année. L’occasion se présente de l’ouvrir à la maison. Ce sera sur du cœur de filet de saumon fumé et sur une salade de pommes de terre. Le bouchon est très petit et resserré dans le bas. Le pschitt est marqué et la bulle abonde. La couleur du champagne est claire et le parfum discret est pur. Le champagne est tout en retenue. Il est bien construit, mais il n’est pas porteur d’une grande émotion.

Comme je suis habitué à boire des champagnes anciens, il est plus que probable que je suis plus sévère que d’autres amateurs, mais le manque d’émotion est réel. Je l’ai d’ailleurs vérifié le lendemain, l’aération ne lui ayant pas apporté plus de largeur. J’ai beaucoup d’admiration pour le travail qu’a fait Carol Duval-Leroy pour placer sa maison familiale dans les plus appréciées de la Champagne, aussi ce témoignage sur une bouteille ne vaut que comme un sentiment ponctuel.

Magique dîner au restaurant Plénitude Arnaud Donckele vendredi, 24 septembre 2021

Des amis fidèles de nos festivités du 15 août et de la Saint Sylvestre décident de nous inviter, ma femme et moi, à dîner au restaurant Plénitude, le restaurant gastronomique du Cheval Blanc Paris, à la Samaritaine. J’ai déjà organisé un repas avant l’ouverture officielle du restaurant. Y dîner dans son format définitif sera une expérience nouvelle.

J’arrive longtemps à l’avance du fait de l’enchaînement de mes rendez-vous aussi ai-je le temps de boire une bière au bar du rez-de-chaussée de l’hôtel Cheval Blanc. La bière est délicieuse. C’est une blonde La Parisienne, pour consommer  »local ». La clientèle est composée de parisiens et pas encore de touristes. Le service est attentif. Arnaud Donckele informé de ma présence vient me saluer au bar. Quelle gentille attention !

Je monte ensuite à l’étage du restaurant. L’accueil est souriant. Nos amis ont envie de choisir le grand dîner. Ma femme a peur que ce soit trop copieux mais la majorité, comme dans le processus des primaires à l’élection présidentielle, a le dessus. Nous prendrons le dîner Symphonie qui est libellé ainsi : sandre, tourteau, brocoli pour Vinaigrette Berlugane / gambon, artichaut, main de Bouddha pour velours mousseux « Chopin carmin » / turbot, pomme de mer, noisette, caviar, pour bouillon « ode à l’iode » / trou normand / veau, florentine, bigarade, pour fricassée « dévoyée » / 6 agrumes, 5 herbes douces et poivrées, crème lactique pour sauce pectinée et condimentée « esquisse d’endocarpe ».

A gauche du menu il y a l’explication des sauces de chaque plat qui, dans le menu, sont précédées du mot « pour ». A titre d’exemple en voici deux : la vinaigrette « Berlugane » est : endocarpe de pamplemousse, mandarine et citron vert, gingembre, miel de fleur, infusion de marjolaine, mandarine Mikan, citron vert et orange sanguine pressés, huile de Bouteilhan, huile d’olive infusée à la mandarine, poivre de Sancho.

Le velouté « Chopin Carmin », quant à lui, est : consommé de gambon, infusion de cédrat et de basilic thaï, touche de bergamote, vinaigre de Lambrusco et de chardonnay, huile des têtes grillées, liaison au corail, huile de yuzu, eau de tomate foisonnée, cédrat confit, poivre de Java.

Les autres sauces ont aussi des présentations détaillées.

Un pain à partager arrive sur la table ainsi que du beurre présenté comme les généreuses cuillerées de glaces servies en cornet. On se précipite dessus tant c’est bon.

Les amis me laissent choisir les vins. La carte est abondante et comme souvent des prix excessifs voisinent avec des prix attractifs. Il y en a beaucoup dans cette belle carte et parfois des incompréhensions : aux prix annoncés pour Yquem, quel amateur va être tenté d’en commander ? A l’heure où les sauternes se boivent de moins en moins, un coup de pouce tarifaire serait le bienvenu.

J’ai choisi trois vins qui me semblent pouvoir convenir au menu.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2010 est noble et racé, vif mais en même temps accueillant. Son mélange de puissance et de douceur est idéal pour accompagner une huître Gillardeau grillée rafraichie d’oseille, une tartine à la poutargue, avec caviar, truffe d’Alba, sur une tuile de l’anguille fumée, citron, herbes mentholées, qui aurait aussi bien côtoyé un vin rouge et un bulot grillé sauce au jambon fumé.

Le dîner commence. Je vais montrer des signes avancés de gâtisme car émerveillé par chaque plat, je n’arrête pas de dire : « mais comment peut-il faire ça ? », en pensant au chef. Je suis allé de surprise en surprise, confondu par tant de perfection. J’avais dans le passé un Dieu vivant, Joël Robuchon. Je peux dire qu’aujourd’hui, mon Dieu vivant pourrait être Arnaud Donckele, le magicien des sauces. Et j’ai pu mesurer à quel point le repas qui a été conçu pour mes vins lors du 253ème repas se situait dans des registres totalement différents de ce que nous mangeons ce soir. La logique n’est pas la même.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Dauvissat 2014 est une pure merveille. Dans le verre Zalto les parfums pétrolés sont amplifiés mille fois. Ce vin est grandiose, conquérant, solaire, et va faire jeu égal avec les deux premiers plats, l’un de tourteau et sandre et l’autre de gambon. Ce qui est génial, c’est que les sauces complexes épousent le vin. Ce chablis est au sommet de son art.

Pour le turbot, il me semble que le moment est venu de servir le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape rouge 2005. L’accord est superbe, le vin et le plat s’adaptant l’un à l’autre. Et je continue à répéter sans cesse : « mais comment peut-il faire tout ça ? ». Le Rayas a une maturité idéale, riche mais avec des subtilités bourguignonnes qui lui vont si bien. Que le Rayas s’accorde si parfaitement au bouillon « l’ode à l’iode » est assez surprenant. La facilité avec laquelle les plats et les vins se sont trouvés est aussi une grande surprise, car les plats paraissent extrêmement complexes et malgré cela ils vont vers le vin qui les accueille.

C’est ainsi que le Rayas va cohabiter tout aussi bien avec le veau qu’avec le supplément non inscrit sur le menu qui est une joue de veau cuite 72 heures, servie avec du riz pilaf et une sauce blanquette infusée à la sauge. Le Rayas est grand mais j’ai trouvé dans ce repas que le chablis est encore plus noble que lui.

A ce stade, beaucoup d’interrogations se posent. Comment le chef fait-il pour avoir un tel talent ? Comment fait-il pour que tous ses plats soient strictement parfaits, ce qui empêche de les classer puisqu’ils sont tous au sommet de l’art culinaire ? Comment se fait-il que les vins s’adaptent aussi bien aux complexités des chairs et des sauces ?

Je suis sur un petit nuage quand j’entends que l’on nous invite à goûter le dessert en cuisine.

Il y a la place pour quatre personnes ce qui tombe bien. Nous avons la vue sur les belles cuisines où le personnel adopte un rythme plus lent après l’effervescence des plats à servir. Il faut dire que nous sommes largement après minuit. Arnaud Donckele tout souriant discute avec nous mais dresse les desserts et les sauces. L’émerveillement continue.

Le service est absolument charmant et compétent. Arnaud Donckele vient en salle en cours de repas pour servir ici ou là les sauces, ce qui crée une atmosphère décontractée et amicale. Les plats sont divins au point que je ne peux pas en choisir un qui émergerait. J’ai tendance à être superlatif car j’ai une grande amitié pour Arnaud Donckele, mais je crois que nous avons passé l’un des plus beaux dîners dont je puisse avoir le souvenir.

nous allons en cuisine

Arnaud Donckele en cuisine

mignardises

Krug Private Cuvée vendredi, 24 septembre 2021

Un de mes fournisseurs de vins m’avait proposé dix-huit Krug Private Cuvée des années 60. Les bouteilles n’ont plus d’étiquettes, mais les niveaux et les couleurs sont engageantes. Ça me paraissait beaucoup aussi ai-je passé commande de six bouteilles. Le fournisseur me livre et me dit : « essayez l’une d’entre elles. Et quand vous aurez goûté, vous me demanderez d’acheter les autres ». C’est une invitation à essayer.

Lorsque j’ouvre la bouteille je suis surpris qu’il y ait un pschitt encore significatif et une bulle abondante. La couleur étant claire on pourrait douter de l’âge mais le bouchon indique clairement Private Cuvée et a une forme cylindrique qui correspond bien aux années 60.

Le champagne est frais subtil et noble. Il n’a pas un caractère conquérant mais c’est plutôt un champagne de conversation. Il est là pour discuter de gastronomie avec des plats. Conquis par cette expérience, je me suis empressé de téléphoner à mon fournisseur pour acheter ce qui reste du lot qu’il m’avait proposé.

Plateau de fruits de mer et Krug mardi, 14 septembre 2021

Les vacances dans le sud touchent à leur fin aussi ce soir, face à la mer nous dégusterons un joli plateau de fruits de mer préparé par l’écailler du port. Il y aura des huîtres Gillardeau numéros trois et cinq, des crevettes roses, des langoustines et des pinces de crabe. J’ouvre un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème dont les vins ont plus de 20 ans et probablement 30. Un pschitt sympathique signe l’extraction du bouchon. La couleur est d’un ambre sympathique plutôt clair. Ce champagne est aristocrate. Il est pimpant, piquant et noble. Ses complexités sont magiques, son équilibre est parfait. C’est surtout sur la chair de tourteau que je l’ai trouvé impérial. Un très grand champagne et une des dernières soirées face à la mer.

Déjeuner au restaurant Tom Cariano mardi, 14 septembre 2021

Une amie a repéré un tout nouveau restaurant, ouvert il y a trois mois qu’elle aimerait essayer avec ma femme et moi. Il s’agit du restaurant Tom Cariano au sein de l’hôtel de la mer à l’Ayguade. Comme il fait beau on déjeune dans un joli parc protégé du vent. Nous décidons de prendre le menu homard d’Atlantique avec : amuse-bouche autour du homard / homard et sa bisque, rouille, brioche toastée et orange / pour le plat principal on a le choix entre la volaille au homard : demi-homard, cuisse de volaille farcie au homard, jus de homard ou bien le demi-homard poêlé, risotto au jus de homard / fruit de nos maraîchers, sablé et crème fouettée à la vanille.

Notre amie osera l’association homard et volaille alors que ma femme et moi nous prendrons le demi-homard au risotto.

Le début de repas est accompagné d’un Champagne Dom Pérignon 2010 qui est d’une belle élégance raffinée. C’est un champagne vif qui n’est pas large mais tranchant. Il est très gastronomique.

Si la carte des champagnes offre de beaux choix, la carte des vins est pauvre, car le restaurant démarre. Je commande le seul vin dont je connais le nom, un Château Grand-Puy Ducasse Pauillac 2013 en demandant que le vin ne soit ouvert que lorsque le plat principal sera servi. Le vin arrive donc en pleine éclosion et se montre absolument convaincant, riche et pointu avec des évocations tanniques. L’accord avec le homard est parfait. Notre amie nous donne à goûter de la volaille et son association avec le homard est pertinente.

Le chef Tom Cariano a travaillé plusieurs années dans la Napa Valley. Son approche est très cohérente. Sa cuisine est de belle réalisation notamment les cuissons. Il a tous les ingrédients pour connaître le succès. Il travaillera prochainement à étoffer sa carte des vins, ce qui nous poussera à revenir.

De nouveau au restaurant l’Aventure mardi, 14 septembre 2021

Nous invitons une amie de ma femme au restaurant l’Aventure où nous nous trouvons bien. Le propriétaire du restaurant m’a autorisé à apporter un vin et j’ai choisi un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle qui doit avoir environ soixante ans. Ayant vanté les qualités des délicieuses moules que nous avons plusieurs fois mangées, quelle n’est pas ma déception de me trouver face à des moules insipides sans le moindre intérêt. La fille du propriétaire qui nous sert explique qu’il y a eu un changement de fournisseur de moules. Cela peut expliquer la déception mais je pense que la cuisson est aussi en cause. La langouste avec des tagliatelles est toujours parfaite ainsi que la glace vanille, sorte de dessert obligé lorsque je mande des produits de la mer. Le Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle années 60 a le bouchon qui se cisaille, comme d’habitude, le disque du bas sortant avec l’aide d’un tirebouchon, sans aucun pschitt. La couleur est belle. Le champagne est large et complexe, ensoleillé, mais je l’ai trouvé moins dynamique que d’autres du même lot que celui-ci. Sans moules, le plaisir était moindre.

253ème repas de wine-dinners au restaurant Plénitude Arnaud Donckele mercredi, 8 septembre 2021

Le 253ème repas de wine-dinners a eu une longue gestation. Je connais depuis plus de dix ans Arnaud Donckele et lorsqu’il a été décidé qu’il dirigera le restaurant gastronomique de la Samaritaine, l’idée nous est venue de faire un grand repas avant l’ouverture officielle du restaurant. Mais les dates de la fin des travaux pharaoniques dans ce gigantesque immeuble reculaient et reculaient sans cesse. De plus le Covid a mis une incertitude sur les possibilités de faire des repas.

L’horizon s’étant éclairci, la date d’ouverture officielle du restaurant Plénitude Arnaud Donckele de Cheval Blanc Paris a été annoncée et la date du repas que nous ferions ensemble a été fixée à trois jours avant l’ouverture officielle. Nous avons travaillé à la mise au point du menu et nous avions déjà eu avec Arnaud des discussions sur la philosophie des repas. Les voies qu’explore Arnaud ne sont pas celles que j’explore, mais peuvent se rencontrer. Nous avons dû travailler pour en faire une synthèse. J’ai fixé des pistes telles que rouget pour un Pétrus, ris de veau pour un Corton-Charlemagne, pamplemousse pour un Yquem et Arnaud, en visionnaire, a tout de suite compris comment traduire ces pistes en plats cohérents. Et notre complicité a permis de faire un repas structuré.

Le génie des sauces du chef a conduit à des plats extraordinaires. Arnaud a privatisé pour nous le restaurant pour un déjeuner. Il a été omniprésent, servant les plats et servant lui-même les sauces dans nos assiettes, ce que je considère comme un privilège et un signe d’amitié.

Quand les convives sont arrivés, il les a salués en disant : « ce que vous allez manger, ce sont les plats de François Audouze. Moi, je n’y suis pour rien ». Nous avons ri. Et tout au long du repas les participants ont pu voir à quel point il s’est impliqué. Aucun plat n’est un plat de la carte. Ce sont des créations pour cet événement et ils ne sont pas reconductibles. C’est ce que le chef a expliqué au moment où dans le fumoir, nous avons fumé des cigares et bu un Rhum de la Martinique.

Les vins avaient été livrés deux jours avant le déjeuner et redressés la veille au soir. Le jour venu, je me présente à l’hôtel Cheval Blanc Paris un peu avant 9 heures. Emmanuel, le sommelier, me propose d’ouvrir les vins dans le fumoir. Le bouchon du Laville Haut-Brion vient entier comme presque tous les bouchons. Le nez du Laville est noble. Le parfum du riesling paraît fermé. Celui du Corton-Charlemagne de Coche-Dury n’est pas aussi tonitruant que ce que j’attendais mais il est subtil. Le parfum du Pétrus 1989 est miraculeux, celui de La Tâche très discret et celui de l’Yquem 1947 est la splendeur la plus absolue. Il est royal. Je devrais m’agenouiller devant le parfum du Constantia, réel chef d’œuvre. Son bouchon est le seul qui se brise en de nombreux morceaux, car ce minuscule bouchon s’est collé au verre et ne glisse pas dans son petit goulot.

Tout étant rondement mené j’ai le temps de regarder le site merveilleux de la Samaritaine et de saluer Arnaud Donckele, souriant et heureux que nous tentions cette expérience. A 11 heures j’ouvre les deux champagnes. Le bouchon du 1979 est étonnamment court et celui du 1981 libère une belle explosion gazeuse.

Les convives sont tous à l’heure. En trinquant avec un Champagne Krug 1979 je peux donner les « consignes » aux trois nouveaux. Nous sommes huit, avec une condamnable absence de parité.

Le Champagne Krug 1979 a une jolie couleur d’un ambre clair et le premier contact montre une acidité très présente mais je préviens mes convives que les amuse-bouches vont effacer cette acidité. Et c’est le cas, avec des huîtres merveilleuses et des bulots fumés comme je n’en ai jamais mangés. Le champagne est large et opulent, bien typé et c’est un des meilleurs 1979 que j’aie eu la chance de boire.

Voici le menu du repas. Le début de l’intitulé est souvent lié aux suggestions que j’ai faites, et à partir du mot « pour », c’est le génie du chef qui donne au plat une cohérence gustative et un supplément d’âme :

Sandre / chair d’araignée / caviar pour vinaigrette « berlugane »

Homard / choux brulés / pinces pour soupe  »vigne cardinale »

Ris de veau / carottes fondantes pour jus condimenté « dévoyé »

Rouget / céleri / crocus pour bouillon « bravade »

Pigeon / pomme de terre / Peranzane pour sauce « olive giboyeuse »

Bleu ciré dans le vaisselier lacté

Composition satinée pamplemousse / mangue / crème lactique / safran pour sauce « esquisse rose »

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1981 est très différent du Krug 1979. On le sent plus complexe, plus raffiné, plus noble. Le 1979 est un fonceur, le 1981 est un esthète. C’est d’ailleurs l’un des Clos du Mesnil que je préfère, après le légendaire 1979. Le plat gourmand est large et idéal pour ce fin champagne.

Le homard côtoie deux vins. Le Château Laville Haut-Brion Blanc 1950 a une couleur très claire comme le plus souvent pour ce vin qui ne bronze pas avec l’âge. Le nez est impérial et riche et en bouche, le vin est un festival de saveurs riches et inhabituelles. On aurait du mal à dire que c’est un bordeaux blanc tant ses richesses ressemblent à celles d’un Hermitage blanc. Je suis conquis par l’originalité de ce vin qui me semble meilleur que ce qu’aurait donné un Haut-Brion blanc du même âge.

Le Riesling Léon Beyer vers 1950 a hélas un nez de bouchon. Même si le vin n’a pas de goût de bouchon, on est mal à l’aise avec son parfum. C’est pourtant un beau riesling cohérent et minéral, mais le cœur n’y est pas. Le homard est une merveille et embellit le Laville.

Le Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 1997 n’a pas l’approche tonitruante de certains millésimes riches de ce vin, mais il a la belle sophistication des Corton-Charlemagne d’un domaine qui porte cette appellation au firmament. L’association avec un ris de veau est mon idée et comme au rugby, c’est Arnaud Donckele qui a transformé l’essai avec une sauce à se damner. L’accord est parfait.

Le Pétrus 1989 a un nez impressionnant. Quelle richesse de truffe et de charbon ! En bouche il est tout simplement miraculeux. Un ami présent avait bu avec moi au Château de Saran un Pétrus 1990. Ce 1989 est transcendantal par rapport à son cadet. C’est un vin sublime qui justifie pleinement la réputation dont jouit Pétrus. On est au nirvana et le rouget traité par Arnaud est de la consistance qui fait le génie de cette association qui est une de mes coquetteries. Un rouget servi après un ris de veau n’est pas banal et ce fut réussi.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990 est d’un des millésimes que je préfère pour La Tâche, le plus grand étant 1962. Le parfum de ce vin n’est pas aussi puissant que ce que j’attendais. C’est un grand vin, en possession de tous ses moyens, mais il a du mal à m’émouvoir après la prestation du Pétrus. Le pigeon est absolument magique, interprété de la plus belle façon. L’accord avec La Tâche est particulièrement réussi.

Le Château d’Yquem 1947 va accompagner deux services, celui du fromage bleu et celui du dessert. Arnaud Donckele a défendu son choix du fromage bleu ciré, mais ce choix qui a été fait par curiosité ne m’a pas fait changer d’idée : Stilton est le fromage qui convient aux vieux Yquem. Ce sera une occasion de nous revoir pour tester les deux. Il y a dans le bleu ciré du gras qui ne colle pas au sublime Yquem. Ce qui me fascine toujours avec ces Yquem légendaires c’est que tout en eux est parfait. Le dessert où le pamplemousse rose est le guide est une merveille.

Nous nous rendons dans le fumoir pour goûter le White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862. Arnaud est très fier de cette possibilité de fumoir et il a raison. Nous bavardons avec Arnaud Donckele et c’est un plaisir et un privilège de discuter avec lui de gastronomie. Le Constantia est dans son registre aussi parfait que ne l’est l’Yquem 1947 en lequel tout est dosé pour notre bonheur. Le gras de l’Yquem, sa sucrosité, sa longueur appartiennent aux plus grands des Yquem et à mon goût ce 1947 surpasse le 1921 si chéri des experts.

Le Constantia est tout en douceur, avec des saveurs et des odeurs de mille et une nuits. J’avais demandé des financiers nature et à la rose et ceux que le pâtissier a réalisés mettent en valeur la grâce de ce breuvage divin que Napoléon adorait.

Cela fait trente ans que je ne fume plus, mais j’ai gardé des boîtes à cigares. J’en ai apporté une pour que mes amis et moi fumions ces reliques qui les étonnent car les cigares sont loin d’être secs. J’ai aussi apporté un Rhum de la Martinique Nady années 50 / 60 absolument délicieux et typé avec des petites notes vanillées, qui est un bonheur pour déguster les cigares.

Dans le fumoir nous avons voté pour les vins sans inclure le Rhum. Trois vins seulement ont été classés premiers : Pétrus 1989 a eu quatre votes de premier, La Tâche a eu trois votes de premier et le Constantia a eu un seul vote de premier, le mien.

Le classement du consensus est : 1 – Pétrus 1989, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, 3 – White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862, 4 – Château d’Yquem 1947, 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1981, 6 – Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 1997.

Mon classement est : 1 – White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862, 2 – Pétrus 1989, 3 – Château d’Yquem 1947, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, 5 – Château Laville Haut-Brion Blanc 1950.

Un tel repas avec la complicité d’un chef du talent d’Arnaud est la récompense de ma démarche gastronomique. C’est ce dont je rêve et nous l’avons fait. Arnaud est le prince des sauces mais pas seulement, car l’architecture du repas a été parfaite.

Les vins se sont montrés très grands. Les accords ont été pertinents. J’ai un petit faible pour rouget et Pétrus, pigeon et La Tâche, dessert et Yquem. Le service a été d’une grande justesse. Ce repas devrait être canonisé au Panthéon de la Gastronomie. C’est un immense bonheur. Merci Arnaud.

la lie de La Tâche

Constantia choisi dans la collection

les vins dans ma cave

les vins dans le fumoir du restaurant

l’entrée de l’hôtel

la salle à manger

la petite pièce où sont gardées des vaisselles de « grand-mère »

la vue sur la Seine

les plats

Débauche de vins au restaurant Pages vendredi, 3 septembre 2021

Un ami m’envoie un message me demandant si je voulais participer à un dîner qui se tiendra au restaurant Pages. Il annonce quelques convives dont Olivier Krug, Charles Philipponnat, Frédéric Panaïotis, les dirigeants de Drappier, le dirigeant de Chartogne, et le directeur général de Vega Sicilia Unico. Un seul de ces grands personnages du vin aurait suffi pour que je dise oui. Je propose d’apporter du vin et mon ami me dit qu’il y en aura beaucoup car une influenceuse du vin vivant à New York veut fêter les 60 ans de son mari né en 1960 dont l’anniversaire n’avait pu être organisé en 2020 du fait du Covid. Nous serons environ seize ce qui rend difficile d’apporter des bouteilles de vins anciens. J’opte pour deux magnums, un Montrachet Guichard Potteret magnum 1988 et un Pommard Grands Epenots Domaine Hubert de Montille magnum 1999. Comme il y aura des vins anciens je propose à mon ami de venir à 16 heures au restaurant Pages pour ouvrir les vins qui seront présents.

Comme convenu je commence à ouvrir les rares vins présents ce qui me laissera un temps mort très long. Le Grands Epenots de Montille a un nez superbe alors que le Montrachet 1988 a un bouchon qui sent le bouchon et hélas le vin sent le bouchon aussi. Quel dommage. J’ouvre deux Château Petit Faurie de Soutard 1960 l’un superbe, l’autre au bouchon que je dois sortir au tirebouchon Durand, nettement moins accueillant. Il en est de même de deux Château Margaux 1934 dont l’un est sublime et l’autre résolument fatigué.

Après les ouvertures, je vais prendre une bière à la brasserie 116 et je grignote des édamamés. Juste avant que l’équipe de cuisine ne prenne leur dîner, je leur offre de goûter le Champagne Dom Pérignon 1983 que j’avais apporté au Pavyllon et dont il restait une belle moitié. Ils ont apprécié la noblesse de ce champagne.

Les invités arrivent et nous sommes submergés par les vins. Sans calcul, en comptant deux bouteilles pour un magnum, nous dépassons les quarante bouteilles pour seize. C’est de la débauche mais surtout c’est assez anarchique car il y a toujours un convive qui vient remplir un verre pour qu’on goûte son vin. De ce fait, ma mémoire me fait défaut pour raconter certains vins de ce programme de folie :

Champagne Krug magnum 2003 : succulent et racé comme il doit être – Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2012 dégorgé en avril 2021 et pas encore commercialisé : très prometteur et imposant – Champagne Dom Ruinart Magnum 1990 : l’un des plus grands Dom Ruinart, une merveille – Champagne Dry Monopole Heidsieck & Co magnum 1955 : un peu fatigué mais beau témoignage d’une grande année – Champagne Drappier Grande Sendrée magnum 2002 : superbe – Pommard Grands Epenots Domaine Hubert de Montille magnum 1999 : d’une subtilité infinie, je l’adore – Château Calon-Ségur 1961 : la bouteille que j’ai bue est grande et riche – Château Margaux 1934 : j’ai eu le bonheur de boire la bonne bouteille, un rêve – Vega Sicilia Unico 1964 : un très grand Véga au sommet de sa maturité – Château Petit Faurie de Soutard 1960 : très beau saint-émilion.

Et il y a les vins que je n’ai pas bus ou dont je ne me souviens pas : Chevalier Montrachet domaine Leflaive magnum 2008 – Champagne Chartogne-Taillet Heurtebise 2016 – Vega Sicilia Unico magnum 2006 – Champagne Dom Ruinart rosé 1985 – Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1959 – Corton renardes Paul André 1979 – Champagne Drappier Brut Nature André Michel (fin des années 90) – Champagne Krug Grande Cuvée étiquette bordeaux – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1981 – Corton Charlemagne Louis Latour 1934 – Montrachet Guichard Potteret magnum 1988 qui n’a même pas été servi, mon apport oublié dans une cave de refroidissement – Champagne Dom Pérignon 1969. J’ai certainement raté des merveilles.

Le menu a été une fois de plus parfait : brioche feuilletée, tapenade à l’ail noir / tartelette confits d’oignons, anchois / carpaccio de Joshu Wagyu / salade de homard bleu, burrata, émulsion pastis fenouil, radis mirabelles, caviar Baeri Baïka Royal / anguille fumée, frite ‘Nduja, gel de citron au piment d’Espelette / daurade royale sauce « umami », nectarine confite au sel / dégustation de bœuf de maturation, girolles et gaufre de pomme de terre / pastèque et thym citron / crème brûlée au chocolat, glace à la cardamome.

Le talent du restaurant Pages s’affirme de plus en plus. Ce qui fait la valeur de ce dîner c’est la cuisine, les convives tous intéressants et enjoués et la générosité de participants qui veulent faire plaisir à tous. Ce fut un grand moment de partage. J’ai cru comprendre que les 60 ans allaient se fêter encore chez de nombreux vignerons.

les vins que j’ai apportés

les vins que j’ai ouverts

quelques vins qui arrivent avec les invités

le sommelier regarde si l’alignement des verres est parfait

le repas

les vins

les convives

Dîner au restaurant Le Pavyllon jeudi, 2 septembre 2021

Ma fille aînée me propose que nous dînions ensemble et suggère le restaurant le Pavyllon, créé par Yannick Alléno au rez-de-chaussée du Pavillon Ledoyen. Elle suggère que nous dînions au comptoir, face à la cuisine. Les places sont réservées.

Le jour venu, vers 17 heures, une charmante personne m’appelle et me demande si je vais apporter du vin. Je la remercie de cette charmante attention et je demande pourquoi. Elle me répond que l’on sait que j’ai l’habitude de le faire. Quelle belle proposition.

Peu avant 20 heures, j’arrive sur place et je montre au sommelier ce que j’ai apporté. N’ayant pas pris mes outils, le riesling 1983 est ouvert par le sommelier. Avec le tirebouchon limonadier classique il n’est pas étonnant que le bas du bouchon ne remonte pas et tombe dans le liquide. Le sommelier adroit a réussi à extraire le bas du bouchon. Aucune miette ne reste. Tant mieux.

Il y a un menu à sept plats et un menu à cinq plats. Nous préférons être raisonnables et le menu est ainsi rédigé : moules de chez Morisseau, en soupe froide aux pépins de tomate, crème glacée / soufflé au fromage, à la vapeur, sauce composée au vin jaune, croquant de céleri et râpée de noix de muscade / rouget à la grande friture, à la diable, concassée d’huîtres de claire à l’huile d’estragon / pigeon du pays de Racan, poché au lait d’algue kombu grillée, tanin de betterave et sabayon à l’ail des ours / des fraises des bois, fraîches et mi- confites, glace à la mascarpone et parfum de tagette.

Disons-le tout de suite, ce repas est remarquable. Ce qui m’a impressionné, c’est la pertinence des acidités. Tout est bon et réalisé avec talent. J’aurais préféré l’entrée un peu moins froide, ce qui n’aurait pas entamé sa fraîcheur et j’ai trouvé que l’huître étrangle un peu la chair si parfaite du rouget, la rendant moins lisible, alors que le pigeon est d’une réalisation idéale, la chair étant totalement mise en valeur. Les deux plats les plus brillants sont le soufflé et le pigeon. Un rêve.

Yannick Alléno est présent aussi nous avons pu bavarder avec lui et évoquer quelques idées intéressantes.

Le Champagne Dom Pérignon 1983 a été servi en même temps que le Riesling Réserve Personnelle Hugel 1983. La couleur du champagne est d’un ambre rose. Le pschitt est discret mais réel. La bulle est présente mais rare et le champagne est d’une belle complexité plaisante. Le riesling, quant à lui, a un parfum tonitruant. C’est les trompettes de la renommée. Sa couleur est très claire comme d’un riesling très jeune, et en bouche c’est un festival glorieux. Dans pratiquement toutes les situations le riesling s’est montré le plus adapté au plat. Le champagne est plus en retrait, moins partageur avec le plat. L’accord le plus saisissant est celui du soufflé avec le riesling. On a l’impression que leurs goûts se confondent, dans un prolongement parfait.

Pour le pigeon, nous avons commandé un vin au verre. Je pensais prendre un verre de Barolo et j’ai demandé ce que le sommelier conseillerait. Il m’a répondu : « vous devriez essayer le Barolo de Yannick Alléno ». Je suis émerveillé par le parcours de Yannick Alléno qui officie sous toutes les latitudes du monde, mais j’ignorais qu’il pouvait être vigneron aussi.

Le Barolo Réva 2017 a une belle attaque qui convient au pigeon, mais du fait de son âge, le finale est un peu court.

Yannick Alléno est souriant, le service est impeccable, la cuisine est de très haut niveau montrant un talent à pleine maturité. Ce fut un dîner exemplaire.

Dernier repas avant un retour à Paris dimanche, 29 août 2021

Des amis viennent dîner à la maison. Pour l’apéritif j’ai envie d’ouvrir un vin bien jeune dont l’ami qui me l’a offert en dit le plus grand bien. Le Côtes de Provence Rose et Or Château Minuty 2020 est d’une couleur très claire, a le nez d’un rosé et en bouche a tout d’un rosé jeune. Il n’est pas déplaisant mais il manque de corps. Je suis plus sensible à des rosés riches comme celui du Clos Cibonne qu’à des rosés éthérés et frêles, même si leur expressivité existe.

Pour poursuivre l’apéritif j’ai ouvert il y a une heure un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 2006. Je m’attendais à mieux car j’avais le souvenir que 2006 est réussi pour ce beau champagne. Celui-ci a des notes torréfiées, pataudes, manquant de grâce. J’opte volontiers pour un accident de parcours, car je suis un grand amateur de Comtes de Champagne, ou, pourquoi pas, à une mauvaise humeur de mon palais.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine de la Petite Gardiole Charles Establet 1965 ouvert il y a quatre heures m’avait gratifié d’un parfum très prometteur. Sur table, le parfum est moins brillant et une petite acidité empêche d’applaudir la belle tenue d’un Châteauneuf-du-Pape expressif et typé, meilleur que ce qu’on pourrait attendre d’un 1965, année qui a été peu bénie des dieux dans beaucoup de régions.

Etait-ce le temps, était-ce moi, mais ces trois vins ne m’ont pas comblé. Il faudra passer à autre chose.