Dîner avec ma fille cadette samedi, 1 mars 2025

Il y a dans le réfrigérateur des boîtes de caviar qu’il faudrait ouvrir avant la date de péremption. Je choisis un Champagne Krug Private Cuvée probablement du début des années 70, fait avec des vins de la décennie 60. Le bouchon est très beau et sain et vient entier. Il y a même eu un pschitt de faible puissance mais réel. La couleur est claire, la bulle existe quand le champagne est versé.

Le parfum est d’une grande pureté et la bouche est éblouissante. La précision et la noblesse de ce champagne sont sensibles. Je crois que c’est l’un des plus grand Krug Private Cuvée que j’aie bus. Sa longueur est impressionnante.

Je ne bois que la moitié de la bouteille car ma fille cadette va venir dans deux jours et j’ai envie qu’elle goûte ce précieux champagne. La façon de manger le caviar que j’aime est : baguette simple, pas trop cuite, beurre et caviar. Et le champagne est le camarade de jeu idéal pour le caviar.

Deux jours plus tard ma fille vient dîner avec ses deux enfants. Le champagne Krug est toujours aussi vivace et il est un peu plus large, rond et d’une belle longueur.

J’avais vu en cave un Château Margaux 1967 de niveau entre mi et basse épaule, avec de petits suintements provenant de la capsule légèrement fendue. A l’ouverture il y a quatre heures, le nez était légèrement imprécis, sans que cela empêche le vin d’exprimer son caractère.

Servi maintenant sur un délicieux poulet label rouge, le vin a la densité d’un riche Margaux et une belle longueur et on ressent sa personnalité riche et noble si on accepte la légère infime déviation. Le vin se montre gourmand.

Ma femme ayant préparé une mousse au chocolat dont elle a le secret, j’ouvre une demi-bouteille de Maury La Coume du Roy Domaine de Volontat 1925. Cette ouverture est une catastrophe. Le bouchon de piètre qualité est collé au goulot et le tirebouchon ne retire que des déchirures de liège. L’opération est longue et des milliers de brisures flottent sur le liquide. On les enlève à la cuiller dans chaque verre.

Les efforts sont couronnés de succès car le Maury est intense, riche et profond, d’une gourmandise absolue, avec des accents caramélisés. Il montre une très belle personnalité et on sent l’intensité donnée par son âge séculaire.

Un restaurant émouvant samedi, 22 février 2025

L’anecdote qui va suivre n’a rien à voir avec le vin, mais je l’ai trouvée tellement hors du commun que je vais la raconter. Une de mes cousines de la génération de mes parents vient de mourir à l’âge de 104 ans, ce qui est extrêmement respectable. Mon frère aîné viendra à son enterrement. C’est donc une occasion que nous déjeunions ensemble avant la messe qui est à 14 heures.

Je sais que mon frère a des difficultés à marcher aussi vais-je choisir un restaurant très proche de l’église. Je vois sur Internet un restaurant qui s’appelle restaurant Le Saint Cyrille. Le nom est beau. J’appelle au téléphone pour réserver une table et la voix de ma correspondante m’indique qu’elle est très vieille et chevrotante. Elle me remercie de ma réservation et voudrait raccrocher aussi je lui dis que ce ne serait pas inutile qu’elle note mon nom pour savoir qui a appelé. Elle met un certain temps pour noter mon nom.

Le jour venu, je vois mon frère qui arrive alors que je suis déjà devant la porte du restaurant tellement faiblement éclairé que l’on penserait qu’il est fermé. Je franchis la porte le premier et un monsieur âgé nous reçoit. Je lui dis que j’ai réservé et il me répond : je sais, sans que j’aie besoin de donner mon nom. Nous comprendrons plus tard que je dois être la seule personne au monde qui a pris la précaution de réserver en ce lieu.

Nous nous asseyons. Le monsieur nous tend les cartes et on peut voir que la cuisine n’a rien de française. Le monsieur nous explique que c’est une cuisine égyptienne.

Arrive une dame d’un âge certain qui est certainement celle qui m’a répondu hier au téléphone. Autant le monsieur est renfermé et discret autant la dame est souriante. Nous commandons une entrée égyptienne à base de légumes pour deux, et le plat de viande de bœuf du boucher.

Les plats sont copieux et se mangent agréablement. C’est d’une simplicité pharaonique (plutôt que biblique). Le déjeuner est accompagné d’une bière Leff très convenable et de café.

Une seule personne entrera pour déjeuner. La recette pécuniaire du restaurant sera de trois repas. La dame nous dira que l’autre convive ayant vu mon frère, trouvait que son visage ressemblait fortement au visage de son père. Il avait demandé à la dame s’il pourrait photographier mon frère. Il n’en eut pas le droit.

Nous allions quitter le restaurant et la femme voyant ce qui restait dans nos assiettes nous dit qu’il était hors de question que nous ne gardions pas ce qui restait. Elle confectionna deux barquettes remplies des restes de chacun qu’il nous faudrait emporter. Nous lui avons dit qu’aller à l’église avec ces barquettes était impossible. Elle nous a dit de revenir après la messe chercher nos paquets incluant des sauces et la bouteille d’eau.

La messe eut lieu avec une particularité. Ce ne sont pas les enfants de la défunte qui ont lu des textes sur elle, mais ses petits enfants de plus de quarante ans. Mon frère ne voulait pas reprendre son panier au restaurant. Il préférait aller à la mise en terre que personnellement je ne pouvais pas suivre.

Je suis retourné au restaurant et en entrant j’ai vu des piles de barquettes prêtes à recueillir les restes des plats des rares clients du restaurant. La dame m’a donné les deux paquets et de sa petite voix tremblante elle me dit : j’ai oublié de vous compter les deux cafés. Je les ai immédiatement payés.

Voilà un restaurant qui, du fait de son éclairage plus que discret, doit avoir peu de clients, tenu par deux égyptiens de plus de 75 ans, pour qui laisser une assiette non vide est quasiment un sacrilège et qui doit vivoter. Cela m’a ému au point que je veuille raconter cette anecdote. C’est surtout le sourire de cette femme et ses yeux qui gardent espoir qui m’ont impressionné.

Une autre forme de l’Académie des Vins Anciens jeudi, 20 février 2025

 

Une autre forme de l’Académie des Vins Anciens

 

Un de mes crédos est que chaque vin mérite qu’on lui donne une chance même si elle est faible, plutôt que de le vider dans l’évier.

 

Je vais lancer des événements qui s’appelleront « les cas des bas niveaux ». Je les appelle ainsi car il y a une contrepèterie amusante : « les bas des caniveaux » qui peut avoir un lien avec mon désir que les vins anciens ne finissent pas dans les caniveaux, parce qu’on ne les aurait pas bus.

 

Il y a dans ma cave un nombre considérable de vins anciens. Un rapide examen m’a permis de dénicher une bonne centaine de vins qui sont dans une situation critique. Si vous en avez dans votre cave, les réunions des  « cas des bas niveaux » vous permettraient de donner une chance à ces vins.

 

L’idée est d’être six à huit en un déjeuner où vous apportez une bouteille en danger et une bouteille de bon niveau de votre choix. Il n’y aurait aucun coût, sauf celui du repas et celui d’un droit de bouchon éventuel si je n’arrive pas à négocier la gratuité avec le restaurant qui nous accueillerait.

 

Si ce projet vous intéresse, contactez-moi.

 

Très cordialement

Dîners à San Sebastian à Arzak et Amelia mardi, 18 février 2025

Deux amis sont fidèles des repas du 15 août dans le sud et des réveillons de fin d’année dans le sud ou à Paris. Ils nous invitent à passer quelques jours en voyage gastronomique. Le choix s’est porté sur San Sebastian, ville où les restaurants étoilés abondent.

Nous prenons l’avion à l’aéroport de Roissy. Notre terminal est nouveau et petit, ce qui est très agréable par rapport aux terminaux vers l’étranger où l’on passe son temps à faire du slalom dans les interminables files d’attente. Les avions pour des courtes distances comme celui qui nous emmène à Biarritz sont extrêmement étroits. C’est assez paradoxal de constater que l’obésité est en croissance, alors que sièges se rétrécissent. Le vol est agréable et nous prenons une voiture de location pour nous rendre à Saint-Sébastien. Il fait un beau soleil et la température est environ de dix degrés de plus qu’à Paris.

On dirait que madame Hidalgo a sévi dans cette ville car il y a des feux tous les cinquante mètres et des voies réservées en tout endroit.

Notre hôtel est installé au sein d’un musée et s’appelle Hôtel « one shot » ce qui paraît assez curieux car dans l’hôtellerie, on aimerait généralement que les clients reviennent. Mais j’ai peut-être mal traduit. La décoration est résolument moderne, qui a pris le pas sur l’ergonomie.

Nous allons dans un petit restaurant à Tapas où nous déjeunons en prenant des plats à la carte. La cuisine est de grande qualité sur des plats très simples.

La ville est belle de jour et de nuit. Nous avons longuement marché le long de la mer, contemplant les riches rochers, les montagnes et les monuments haut perchés sur les collines.

Nous allons au restaurant Arzak qui est gratifié de trois étoiles. Le menu est interminable et contrairement à ce qui se passe en France pour les menus-dégustation, nous avons le choix entre deux options à chaque étape, ce qui fait que nous n’avons pas tous eu les mêmes sensations. Par un hasard curieux les choix des plats ont été toujours à deux et deux et jamais à trois et un. Mais les deux d’un même plat n’étaient pas toujours les mêmes.

Quand on voit apparaître des petites assiettes de beurre avec du pain bien croustillant, on sait que Weight Watcher n’est pas passé par là.

Le menu que l’on m’a remis en fin de repas est : Taco de haricots, crevette, soupe à l’ail frit, porc ibérique / maquereau / homard et levure / œuf poché et frit avec anchois et sardines / lotte pulvérisée / chevreuil, feuilles et fungi / sorbet à la citronnelle / plateau de fromage / desserts autour du chocolat.

J’étais en charge du choix des vins que j’ai fait valider par la puissance invitante. Il y a des prix très raisonnables et des prix délirants sur des vins phares. Il y a donc de quoi choisir de belles bouteilles. La carte des champagnes est impressionnante.

Le Champagne Billecart Salmon Cuvée Nicolas François brut 2006 est généreux et opulent. Il est large et joyeux. On l’aime dès le premier contact. Il est à l’aise avec les premiers plats et amuse-bouches.

Le menu ayant plusieurs étapes qui appellent des vins blancs, j’ai demandé qu’on m’aide pour le choix d’un blanc espagnol, dont je ne suis pas familier. Grâce à l’aide d’une jeune sommelière j’ai commandé un Rioja Remirez de Ganuza blanc 2014 qui s’est révélé d’un bel équilibre et d’une belle gourmandise d’autant plus que l’un des plats est fait en utilisant ce même vin dans la sauce.

Il n’était pas envisageable de passer à côté d’un Vega Sicilia quand on n’est pas très loin de la Ribera del Duero. J’ai commandé un Vega Sicilia Unico Reserva Especial 2003 fait de 1985, 1990, 1991. Je pensais qu’on allait le boire tard dans le dîner mais lorsque j’ai vu le plat avec des tranches de maquereau à la peau brillante et à la chair puissante, j’ai eu l’intuition que le Vega Sicilia devait être servi avec cette chair. Et ce fut un régal. J’ai alors demandé que les trois vins soient servis ensemble pour que l’on puisse choisir les accords qui nous tentent.

Le vin rouge espagnol est incroyable et c’est surtout le finale qui est une merveille inextinguible. Habituellement on ressent dans le finale une trace mentholée. Je ne l’ai pas ressentie, mais quelle longueur impressionnante. On dit que c’est Charlie Chaplin qui a eu la plus longue ovation aux Oscars de douze minutes d’applaudissements. Le Vega, c’est cela, un départ vers l’infini d’un plaisir pur. Le vin est riche et frais, puissant mais cajoleur. Un régal.

Elena, la chef de cuisine qui succède à son père est venue nous voir, charmante, directe et positive. C’est un plaisir de discuter avec elle.

Globalement il y a une cuisine de haut niveau mais un menu beaucoup trop copieux. Et certains plats procèdent de recherches trop semblables. Le plat le plus marquant est celui de l’œuf poché remarquablement réalisé. Les desserts sont d’une qualité exceptionnelle.

La sommellerie se fait en versant de toutes petites quantités à chaque passage. C’est un choix qu’on accepterait si un sommelier était toujours attentif aux niveaux dans les verres. Cela ne nous a pas empêché de passer une excellente soirée.

Le lendemain, par un beau soleil, nous sommes allés nous promener le long de la si belle baie de Saint-Sébastien. La Basilique Santa Maria est impressionnante. On y entre contre monnaie sonnante ce que Notre Dame de Paris aurait pu faire aussi. Les avis sur ce sujet sont partagés.

La foule est immense et comme nous n’avions rien réservé, nous nous sommes retrouvés dans un petit bistrot ne payant pas de mine. Nous avons remarquablement mangé, avec une émotion aussi grande, toutes choses égales par ailleurs, que celle du dîner de la veille.

Nous allons dîner au restaurant Amelia qui est logé dans un hôtel du même nom. L’arrivée est assez ubuesque. On nous fait patienter dans le hall d’entrée de l’hôtel et un jeune employé me demande : « êtes-vous excité ? ». J’ai répondu que non. Ensuite on nous explique comment les portes s’ouvrent. Il se passe un temps assez curieux entre notre entrée et le moment où on s’assied à table.

Et ce n’est pas fini car on va nous présenter dans des paniers tous les ingrédients des futurs plats et on va nous les expliquer un par un. Nous commençons à nous demander quel est l’intérêt de cette mise en scène et puis tout-à-coup, dès l’arrivée du premier plat tout s’éclaire. Cette cuisine est d’un talent exceptionnel, d’une cohérence incroyable. C’est un parcours dans un jardin d’Eden.

Le menu que nous avons demandé de ne pas connaître (je l’ai laissé dans sa langue) est : Consommé / Wild trout Kamatoro / palamos prown, caviar, scallop, champagne sauce / Ricciola, tomato / King grab, tear peas , Iberian pork / the bread / lobster, pumpkin, lobster revenge / venison, onion, ceps, potato, uni, vin jaune / shiso, sake / the cheese, daurikus caviar, banana, rum / lemon tart / turron / dark chocolate, soy sauce / white chocolate, kefir lime, pistachio.

Petit à petit, après chaque émerveillement, il nous est apparu que le restaurant trois étoiles était Amelia alors qu’il en a deux et que Azrak est un deux étoiles alors qu’il en a trois. C’est subjectif, bien sûr, mais c’est le sentiment de tous les quatre de notre groupe.

La carte des vins a aussi des prix accessibles et d’autres inaccessibles mais c’est compensé par la possibilité d’avoir des vins au verre, servis avec un outil de genre Coravin qui laisse un gaz inerte qui comble le volume de vin servi. C’est le choix que nous avons pris pour le Vega Sicilia.

Le Champagne Michel Gonet Prestige blanc de Blancs 2004 est un très beau champagne qui s’est montré d’une très grande qualité, idéal avec le caviar.

Ayant vu les produits qui composeraient notre repas, nous avons spontanément pensé à prendre un vin jaune, choix que le sommelier nous a suggéré aussi quand il est venu nous voir. Les grands esprits se rencontrent. Le Vin Jaune Domaine Labet Les Singuliers 2015 s’est montré beaucoup plus mûr et complexe que ce que j’imaginais. Il a été idéal avec le King crabe et le porc ibérique.

Le Vega Sicilia Unico Reserva Especial 2016 contenant 1996, 1998, 2002 servi généreusement au verre est apparu sur le homard. Il est grand, riche et juteux, mais j’ai préféré le Vega Sicilia Unico Reserva Especial d’hier, plus vieux et plus long.

Au début du repas, j’ai estimé que le personnel nous prenait un peu de haut. Lorsqu’ils ont vu nos remarques sur les vins et les plats, les rapports sont devenus plus agréables et même un peu plus tard très souriants. La qualité des plats nous a conduit à féliciter toute l’équipe pour ce repas d’une qualité exceptionnelle.

Le lendemain, nous sommes allés nous promener sur la grande plage de Biarritz, ce qui a ravivé des souvenirs des plus de dix ans de vacances que nous avons passées dans cette ville si accueillante. Nous sommes allés comme en un pèlerinage à Arcangues cette si jolie ville, nous recueillant sur la tombe de Luis Mariano, dans un cimetière d’une beauté unique.

En revenant vers Paris nous étions tous riches de grands souvenirs où la beauté des lieux faisait jeu égal avec la brillante gastronomie.

Règles pour la 42ème séance de l’académie des vins anciens du 15 mai 2025 lundi, 17 février 2025

Règles pour la 42ème séance de l’académie des vins anciens du 15 mai 2025

Cette séance est ouverte aux amateurs de vins anciens avec ou sans apport de vins.

1 – participants sans vin

Les confirmations d’inscriptions sont prises dans l’ordre des demandes. Le prix est de 300 € par personne, à payer avant le 18 avril.

2 – participants avec vins

  • proposer un vin ancien et fournir tous éléments sur le vin, dont le niveau dans la bouteille (chaque photo ne devra pas dépasser 500 Ko et devra être lisible. Elle sera en pièce jointe et non pas dans le corps du texte)
  • Obtenir mon approbation pour la ou les bouteilles proposées
  • Respecter les critères d’âge :
  • Champagnes : avant 1997
  • Vins blancs : avant 1991
  • Vins rouges et liquoreux : avant 1972

Les modes de livraisons figurent ci-après.

Livraison des vins entre le 31 mars et le 30 avril.

Les confirmations d’inscriptions sont prises dans l’ordre des demandes. Le prix est de 190 € par personne, à payer avant le 18 avril.

3 – lieu de la réunion

Le restaurant Macéo au 15 rue des Petits Champs 75001 PARIS

Rendez-vous à 19h. Fin de réunion à minuit.

4 – Mode de paiement

Paiement par virement à FRANCOIS AUDOUZE AVA

RIB / FR7630003030000005024474342

5 – mode de livraison

  1. – par envoi postal à François Audouze, société ACIPAR, 44 rue Andrei Sakharov, 93140 BONDY.
  2. – par livraison au 10 Place des Vosges 75004 Paris. Téléphoner à la concierge Madame PUREZA PEREIRA 07.64.88.30.66, prendre rendez-vous avec elle et l’appeler quand vous êtes arrivé, en donnant mon nom. Elle n’est pas joignable au téléphone entre 12h et 17h.

Respectez les dates limites, c’est fondamental.

Brillant Climens 1953 lundi, 17 février 2025

Par un de ces hasards qui jalonnent la vie, je dîne au restaurant le Sergent Recruteur avec le propriétaire de Château Climens, Jérôme Moitry, juste après avoir déjeuné avec le président du Château d’Yquem, Pierre Lurton. J’avais rencontré Jérôme Moitry au Grand Tasting de novembre 2024 et il savait que mon amour pour les vins anciens avait été propulsé par le choc physique créé par un Climens 1923 bu à l’aveugle vers 1975. Nous nous étions promis de nous revoir.

Pour accompagner notre dîner j’ai apporté deux vins que j’ai ouverts une heure avant l’arrivée de Jérôme Moitry.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964 a un beau bouchon indiquant un vieillissement dans de bonnes conditions. La couleur du champagne est d’un or léger. La bulle est quasiment inexistante mais le pétillant est bien là. Le champagne est rond et chaleureux, de belle longueur. Avec les traditionnelles rillettes, le 1964 est glorieux et gourmand.

Le menu que nous choisissons est : mousseline d’œuf et truffe noire, comme une meurette, sauce Périgueux / noix de ris de veau dorée aux noisettes, purée de châtaignes torréfiées, céleri grillé à la ‘bourgeoise’, chanterelles en vinaigrette, jus corsé.

Avant le premier plat nous avons eu une entrée surprise très crémée, qui se mariait idéalement avec le champagne.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1984 qui avait un niveau idéal avait offert à l’ouverture un parfum très engageant. La première gorgée est édifiante. On comprend que l’on est en face d’un vin de très haute qualité. Ce vin est riche, d’un équilibre parfait avec une amertume idéale. C’est un « la Chapelle » proche de l’idéal, percutant et fort. Un immense vin d’une année qui n’est pas retenue parmi les plus grandes.

Comme l’entrée était une mousseline d’œuf avec de la truffe noire, il était opportun de servir le Château Climens Barsac 1953 apporté par Jérôme Moitry, que j’ai ouvert à son arrivée. Il est intéressant de noter que Jérôme a eu un accueil restrictif pour son vin, le jugeant fatigué et imprécis, alors que je lui disais qu’il est parfait, un léger défaut étant à oublier, ce qui fut très vite fait.

Le Climens 1953 a une couleur d’or orangé très proche de celle de l’Yquem 1945 bu au déjeuner. Le vin est subtil et délicat, plus féminin que ce qu’est Yquem et qui nous a enchantés tout au long du repas, car il était possible de passer d’un vin à l’autre en prenant la précaution d’une bouchée du plat avant de boire un autre vin.

Nous avons longuement parlé de l’avenir des sauternes, de l’évolution des goûts et de la compréhension des vins anciens par les amateurs de vins. J’ai bu ce Climens 1953 avec beaucoup d’émotion car c’est un vin subtil que j’apprécie particulièrement.

Mon classement est : l’Hermitage 1984 du fait de sa structure parfaite, Climens 1953 pour son émotion et Moët 1964 d’une grande solidité et cohérence.

Boire Yquem 1945 et Climens 1953, de mes deux liquoreux préférés, cela fait une belle journée.

Présentation à la presse d’Yquem 2022 mercredi, 12 février 2025

Le Château d’Yquem organise une dégustation et un déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier, pour le lancement du Château d’Yquem 2022. Cette réunion est destinée aux journalistes spécialistes des vins et spiritueux.

Lorenzo Pasquini, directeur d’exploitation de Château d’Yquem, fait une présentation extrêmement intéressante sur les particularités géologiques des appellations qui font des vins doux dans la région de Bordeaux. Il évoque les complexités géologiques des terres et des parcelles du Château d’Yquem. Et c’est passionnant. Il nous propose un exercice qui n’a pas déjà été fait, de goûter six échantillons de vins qui entrent dans la composition de l’Yquem 2022. Les variantes sont soit les parcelles du vignoble, soit les vins qui composent le vin, sémillon ou sauvignon blanc, et le premier échantillon est passerillé et non botrytisé.

La particularité de 2022 est que ce millésime est le plus chaud et le plus sec de tous les millésimes d’Yquem. Pour illustrer cela Lorenzo nous dit que le 18 octobre il faisait encore 34 degrés dans les vignes.

L’Y est aussi particulier car aucun millésime d’Y n’a été aussi précoce, la récolte commençant le 9 août 2022.

Je prenais mes notes sur un carnet mais comme c’était difficile, j’ai écrit sur mon téléphone qui hélas a effacé mes notes. J’avais écrit : Vin 1 : nez vert, mais en arrière-plan il y a une délicate douceur. Bouche saline et belle douceur. Vin puissant. Costaud. Pas de pourriture mais passerillage. Devient frais / Vin 2 : nez délicat plus raffiné. Sauvignon. Bouche plus fluide. Salin. Très Yquem. Un Vin puissant… les notes suivantes se sont évaporées.

Ce qui est intéressant, c’est que le septième vin est le vin final qui paraît beaucoup plus frais et élégant que les composantes. Lorenzo m’a demandé mon avis sur ce 2022. Je l’ai trouvé solide, carré, puissant mais élégant et un peu trop « scolaire » à mon goût. C’est le bon élève qui n’est pas canaille pour deux sous. Cela veut dire que cet excellent 2022 ne prendra son envol que dans quelques années.

Lorenzo nous dit que la trilogie de 2021, 2022 et 2023 devrait être aussi intéressante que la trilogie 1988, 1989, 1990.

L’apéritif se prend avec l’Y d’Yquem 2022 frais, agréable et bien construit. On est à l’aise avec ce jeune vin qui promet. Il y a du saumon gravlax, des blinis au tarama et un carpaccio de poulpe grillé. C’est l’huître et citron caviar qui propulse l’Y à de belles hauteurs.

Le menu a été conçu par Pierre Vila Palleja propriétaire des lieux et aussi sommelier et dégustateur renommé : tartare de veau à l’anguille fumée et sarrasin torréfié / pithiviers de pigeon au foie gras / tomme aux fleurs et Stilton, agrémentés d’un chutney à l’orange / tarte aux pommes caramélisées, crème montée vanillée.

Le Château d’Yquem 2022 prend une hauteur significative avec le tartare de veau. Il avait été bu à la suite de six vins parcellaires. Là, il s’exprime avec enthousiasme et montre qu’il jouera dans la cour des grands.

L’effet de l’âge se sent immédiatement avec le Château d’Yquem 2005. Il a des beaux agrumes dont un citron qui se marie bien au Pithiviers. Par rapport au 2022, la fusée gustative du 2005 est lancée. Le 2022 la rattrapera.

Le Château d’Yquem 1985 est curieux car il n’est pas large. Il est pointu et va de l’avant et fort heureusement le Stilton ouvre l’éventail de ses complexités. Je n’ai pas touché au chutney pour rester sur le stilton pur et la tomme est beaucoup moins apte à propulser le 1985.

Maintenant, c’est ‘trompettes de la renommée’. Le Château d’Yquem 1945 est un monstre sacré. Sa couleur est noire. Dans le verre, le noir côtoie des robes orangées. Et le finale de ce vin est une explosion de complexités. On citerait n’importe quel agrume, n’importe quel fruit exotique, il est là, il est dans le magique bouquet de saveurs infinies. Quel monstre de bonheur. Quelle longueur infinie.

J’avais parlé avec mes convives journalistes de vieux Yquem. On voit qu’un 1945 est stratosphérique et qu’il n’y a aucune raison que le 2022 ne le rattrape pas dans 80 ans. Ce 1945 est un Yquem parfait.

Pierre Lurton nous avait rejoint au début du repas. Il a toujours un sens de l’humour acéré et affûté. Il est amoureux d’Yquem. Nous le sommes aussi. La dégustation de six parcelles ou composantes est très didactique. Lorenzo est très ému d’avoir créé ce vin. Longue vie à Yquem 2022.

Un joli beaujolais dimanche, 9 février 2025

Ma fille cadette vient à la maison avec son fils. J’ai envie de goûter un vin que j’ai acheté en vue d’une conférence dégustation qui se tiendra pour des élèves de grandes écoles dans quelques semaines. C’est un Moulin à Vent Union des viticulteurs de Romanèche-Thorins et Chénas Prestige 1969 qui annonce fièrement sur son étiquette « Grand Cru de Bourgogne ». Pourquoi pas !

Le fournisseur à qui j’ai acheté quelques bouteilles m’a signalé que la couleur du vin est très claire, plus claire que ce qu’on attendrait. Il m’avait suggéré d’en goûter une et accepterait de reprendre les autres bouteilles si l’expérience n’était pas positive. Je vais suivre son conseil avec une autre raison : je n’ai pas envie de présenter aux étudiants des vins de piètre qualité.

Pour l’apéritif nous grignotons des chips à la truffe puis un fromage de montagne en buvant un Champagne Dom Pérignon 1982. J’avais été surpris que le pschitt soit aussi prononcé, ce qui est un signe de jeunesse. La couleur est ambrée. Les bulles chatouillent gentiment la langue et ce champagne est absolument délicieux, de forte personnalité. J’aime beaucoup ce millésime que j’ai bu une quinzaine de fois, car il est à un point de bascule : il est encore dans la jeunesse et va vers sa maturité. Le champagne est très long, rond et conquérant. Adorable sous tous ses aspects.

Le Moulin à Vent Union des viticulteurs de Romanèche-Thorins et Chénas Prestige 1969 m’avait offert à l’ouverture un parfum très engageant, subtil et raffiné. Servi sur un poulet il confirme la délicatesse de son nez et en bouche c’est une magnifique surprise. Je ne m’attendais pas à un vin si subtil, frêle, d’une jolie amertume à peine râpeuse et l’idée qui me vient est qu’il déroule un goût raffiné et très long comme celui d’un Echézeaux du Domaine de la Romanée Conti des années 70.

C’est vrai que l’émotion est grande et ma fille la ressent de la même façon. J’ai un faible pour les beaujolais ancien et ce vin en est une nouvelle preuve.

Nous n’avions pas pu partager les crêpes de la chandeleur. Nous nous sommes rattrapés avec gourmandise car les crêpes avaient l’épaisseur idéale. Ce fut un beau dîner familial.

Grandes surprises dans un déjeuner au restaurant Pages mercredi, 29 janvier 2025

Deux amis qui ont déjà participé à mes dîners dont l’un m’a déjà demandé d’organiser plusieurs dîners pour ses amis ou collègues vont déjeuner avec moi pour mettre au point un futur dîner.

Pour ce repas au restaurant Pages, j’ai arpenté ma cave pour trouver des vins. Dans une allée je vois une grosse tache de vin récente. C’est un bordeaux de 1953 qui a perdu la moitié de son vin qui a coulé au sol et cette perte est récente. La capsule s’est déchirée et une partie du bouchon dépasse du goulot.

Ce vin a toutes les chances d’être abîmé mais j’ai une règle : toujours laisser une chance à tous les vins. Ce Château La Gaffelière Naudes 1953 s’ajoutera aux autres vins que j’ai choisis.

J’arrive peu avant 11h30 au restaurant Pages qui est presque vide car toute l’équipe déjeune au 116, la brasserie qui appartient aux propriétaires de Pages. Ils me rejoignent vite.

L’un des amis est autrichien et j’ai pris un Strohwein (vin de paille) de Cabernet Sauvignon Autriche 1999. C’est le premier vin que j’ouvre pour que Lucas le pâtissier puisse créer un dessert. Il sera à base de fruit noir et de chocolat.

J’ouvre ensuite le Bordeaux 1953. Je n’ai pas besoin de tirebouchon car le bouchon est tellement recroquevillé qu’il vient à la main quand je soulève la capsule. Il y a énormément de saletés sur tout le goulot que je nettoie avec mes doigts. Quelle surprise quand je le sens. Il n’a aucune odeur négative ce qui est surprenant. Je verse l’équivalent de deux verres dans une coupelle pour que le chef Ken fasse la sauce qui accompagnera le cabillaud.

Les trois autres vins ont des parfums prometteurs, la Coulée de Serrant ayant le plus beau parfum.

Le menu sera : amuse-bouches / carpaccio de bar / cabillaud / canard de Challans / wagyu / comté / dessert fruit noir et chocolat / financiers à la rose.

Le Champagne Pommery 1980 a une couleur très claire de grande jeunesse. On ne voit pas les bulles mais en bouche, sur la langue, elles sont puissamment ressenties. Ce champagne est très expressif, enthousiasmant. Il est d’une belle maturité, cohérent et rond. L’accord avec le bar est parfait.

Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly 1976 est magique. Quelle puissance ! Je m’aperçois que j’ai mal conçu le menu puisque le vin de 1976 accompagne le cabillaud dont la sauce est à base du bordeaux de 1953 alors que ce vin viendra après. Mais à ma grande surprise, l’accord du poisson dont la sauce est au vin rouge avec le vin blanc est parfaitement pertinent.

Sur le canard le Château La Gaffelière Naudes 1953 fait bonne figure, mais on voit quand même qu’il a un peu souffert. C’est un honnête Saint-Emilion qui montre une solidité étonnante.

Le Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1959 est d’une couleur particulièrement claire. Son parfum est délicat et on retrouve la même délicatesse en bouche. Ce vin subtil, raffiné, précieux est extrêmement bon et va prendre son envol avec le wagyu, au point que nous en demanderons un deuxième service. Ce Chambolle est particulièrement grand, d’une grande année.

Le Strohwein Cabernet Sauvignon Weinbau Georg Lunzer Autriche 1999 est d’un rouge foncé avec des notes de rouge clair. Le nez est sec et ne laisse pas imaginer le goût qui est celui d’un liquoreux gras et épais, un peu comme un Maury. Le vin est délicieux et parfait avec le dessert. C’est un vin de plaisir qui convient aussi bien avec les délicieux financiers.

Mes amis n’attendaient pas cette profusion de vins si différents. Les deux vainqueurs sont la Coulée de Serrant d’une personnalité brillante et le Chambolle Musigny d’une délicatesse extrême.

Ce fut un très beau repas, mais la plus belle surprise pour moi, c’est la qualité du Saint-Emilion que beaucoup d’amateurs auraient éliminé et qui a montré à quel point les vins nous offrent des moments inattendus.

Magique Château Latour 1934 dimanche, 26 janvier 2025

Ma fille cadette vient déjeuner à la maison avec son fils. Nous avons choisi d’avoir un poulet avec une purée de pomme de terre. C’est un plat simple pour accueillir un vin. Sur l’inventaire des vins de la maison, je retiens une dizaine de vins possibles pour pouvoir en prendre un. Le premier que j’ai envie de regarder est un Château La Gaffelière Naudes 1953 qui est dans une case très basse ce qui fait que je ne vois pas les étiquettes. Je mets la main sur une bouteille que je remonte et c’est un Château Latour 1934. Le niveau est entre mi épaule et basse épaule. Il me paraît opportun que ce soit le vin du déjeuner, sachant que s’il ne convient pas, il y aura toujours des solutions de recours.

La bouteille est très ancienne, avec un cul profond et un cylindre évasé, plus large en haut de l’épaule. Le bouchon vient en se déchirant puisque le goulot est pincé. L’odeur est parfaite. Il m’apparaît que le niveau assez bas n’a eu aucune influence sur le parfum. C’est plutôt bon signe.

Pour l’apéritif nous avons le Champagne Bollinger Blanc de Noirs Vieilles Vignes Françaises 2000 qui avait été servi il y a deux jours et demi. Lorsque je le sers, de fines bulles sont nombreuses. Le nez est brillant et il m’apparaît immédiatement que le Bollinger est nettement plus épanoui et large aujourd’hui. Quel grand champagne, racé, noble, large et expressif. Un vrai bonheur et une vraie grandeur. Faudrait-il que j’ouvre les champagnes deux jours avant, la question mérite d’être posée pour des champagnes aussi structurés.

Le Château Latour 1934 est un vin que j’ai bu déjà dix fois de ce millésime, sur les 182 Latour que j’ai pu boire, de 79 millésimes différents. La couleur de ce vin est magnifique et le parfum est d’une pureté absolue. C’est intéressant de constater que ce vin n’a aucune trace d’effet liée à la baisse de niveau.

En bouche, le vin est d’une fraîcheur plaisante et d’une belle structure. C’est un vin délicat qui ne joue pas sur la puissance. Il est noble et harmonieux. On se régale avec un tel vin manifestement grandiose, d’une noblesse absolue.

Le dessert est une galette des rois, tardive puisque les rois mages ont dû rejoindre leurs royaumes depuis longtemps. Aucun vin n’aurait convenu avec ce dessert tartiné d’une confiture d’agrumes.

Il valait mieux rester sur la mémoire d’un champagne et d’un vin au sommet de leur art.