Archives de catégorie : vins et vignerons

Stéphane Derenoncourt presents the 2012 of the wines for which he is consultant lundi, 25 mars 2013

It is the tenth time that Derenoncourt presents the wines of the numerous domains for which he acts as a consultant. It was in Paris in hotel George V.

Usually, the presentation is made some months after the week of primeurs, but this time it is more than one week before.

I am always amazed to see how numerous the domains using his advises are. It is around 60, mainly in Bordeaux but also all over the world.

For the 1st time, I have drunk wines of India. I will need probably one thousand years to understand the Vedic qualities of these wines.

 

What is amazing is that the juices are extremely friendly and nice to drink. Some are already very pleasant to drink.

What is positive too is that the wines are all different which means that they do not have a « Derenoncourt style », but their own style, with a grain of salt of the Derenoncourt talent.

 

Some wine have pleased me a lot : Clos Fourtet, Larcis Ducasse, Smith Haut Lafitte, Canon La Gaffelière, La Mondotte, La Gaffelière, Domaine de Chevalier, Petit Village. These wines have a real character, and are largely more pleasant than what I expected.

 

This said, is it possible to predict something at that stage ? First I am not a specialist of young wines. But I think that the wines which appear to be well built and coherent will be greater wines than the ones that look to be imprecise. Using this type of exclusion : well built versus imprecise is possible for me. But to prognosticate the future of wines one by one is probably not accurate if it would be made by someone like me.

 

My impression is that the wines that I have named are great wines. Now let us wait until the real experts appear on the scene on the beginning of April. We will probably hear that 2012 is for the twelfth time, the millesime of the century.

« l’écurie » de Stéphane Derenoncourt présente ses 2012 lundi, 25 mars 2013

Les vignobles qui composent « l’écurie » de Stéphane Derenoncourt présentent leurs 2012 dans les salons de l’hôtel George V. C’est la 10ème édition. Habituellement, cette présentation est faite quelques mois après la semaine des primeurs du début avril à Bordeaux, mais pour ce millésime la présentation est faite un peu plus d’une semaine avant la fameuse grand-messe des primeurs qui rassemble la terre entière du vin. Ce qui impressionne toujours, c’est de voir le nombre important de propriétés qui ont pour conseil la société Derenoncourt Consultants. De plus, rivalisant avec l’Empire Britannique, le soleil ne se couche jamais sur le champ de bataille de cette société : Italie, Turquie, Syrie, Inde, Etats-Unis, Maroc, et beaucoup d’autres pays font appel à ce brillant winemaker.

Dans les ors de ce bel hôtel, tout le monde est accueillant. Alors que 2012 était annoncée comme une année difficile et alors que les vins sont des bambins, reproche que l’on fait généralement à la semaine des primeurs, les jus sont chaleureux et extrêmement agréables à boire. Commençant par La Mondotte et Canon La Gaffelière, je suis surpris par la rondeur de ces vins.

La deuxième constatation est que les vins sont très différents ce qui indique qu’ils ne sont pas faits selon un « cahier des charges » de Derenoncourt Consultants, mais bien en fonction des caractéristiques propres de chaque domaine.

Parmi ceux que j’ai aimés, je retiendrais volontiers Larcis-Ducasse, Clos Fourtet superbe, Canon Lagaffelière et la Gaffelière, Smith Haut-Lafitte, Domaine de Chevalier, Poujeaux, Petit-Village, Guadet. J’ai bien aimé aussi le vin de Monsieur Louis, le Château Louis du propriétaire de l’Ami Louis, comme le Château Clarisse, du nom de la fille de M. Le Calvez, directeur du Bristol. Restauration et vin font bon ménage !

J’ai revu avec plaisir le souriant propriétaire de La Soumade avec lequel nous avons des souvenirs de folies bachiques, maintenant prescrites. Pour la première fois de ma vie, j’ai goûté deux vins faits en Inde, et je pense qu’il me faudra bien mille ans avant d’en comprendre les subtilités védiques.

On peut se poser la question de l’intérêt de boire des échantillons aussi jeunes. J’aurais bien du mal à reconnaître chacun de ces vins, si je les connaissais bien, sur ces seuls jus. Mais il est réaliste de penser que ceux qui apparaissent brillants sur cette session ont plus de chance de devenir grands que ceux qui paraissent plus imprécis. On peut donc plus facilement détecter des imperfections que prédire l’avenir des vins même quand ils sont flatteurs maintenant.

C’est de toute façon un bel exercice, qui m’a permis de pressentir que beaucoup de ces vins seront réussis. A suivre avec les experts des vins en primeur, qui nous diront peut-être pour la douzième fois que c’est le millésime du siècle.

Dégustation de vins de la maison Remoissenet à Beaune mardi, 19 mars 2013

A l’invitation de Bernard Repolt, je me rends au siège de la maison Remoissenet à Beaune. Cette maison familiale de négoce appartient depuis quelques années à un richissime américain. Le siège est composé d’un entrelacs de parties d’immeubles ou d’immeubles en centre ville, avec une décoration d’inspiration médiévale qui date un peu mais crée une atmosphère sympathique. Nous nous rendons dans les chais construits en 1950, d’une architecture très pertinente, pour déguster de fûts quelques 2012 et 2011. C’est la première fois que je goûte des 2012 et je suis étonné de l’extrême accessibilité des vins rouges. Ils sont bons et peuvent se boire avec plaisir, alors qu’ils n’ont pas encore six mois. Il y a tellement de petites cuvées que l’on pourrait s’y perdre. Le Charmes-Chambertin Remoissenet 2012 est un vin d’un charme immense – il porte bien son nom – plus agréable à boire que le Chambertin Clos de Bèze Remoissenet 2012 plus riche mais qui mettra plus de temps à se révéler. Le Montrachet Remoissenet 2011 est absolument superbe alors que les blancs de 2012 sont vraiment trop jeunes pour être appréciés.

Bernard ouvre deux vins de 2010 qui sont en bouteilles, le Meursault-Poruzots 1er cru et le Beaune Toussaints 1er cru. Ils sont dans une période intermédiaire qui ne les met pas assez en valeur. Nous revenons au siège pour aller prélever dans l’opulente cave des vins anciens deux bouteilles pour le déjeuner. Je vois quelques piles sympathiques mais je sens qu’on ne peut pas y toucher. Quand il me dit que généralement il ne boit pas au déjeuner, j’ai un regret, car j’ai prévu une surprise. Peu importe, l’ambiance est amicale et nous partons au restaurant hôtel Ermitage de Corton à Chorey-lès-Beaune avec deux flacons de rouge, un Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Remoissenet 1969 et un vin mystère. Nous sommes accueillis par Nicolas Chambon, propriétaire des lieux et amateur de vins anciens. M’excusant pour une pause technique je vois à mon retour que le 1969 a été ouvert par une serveuse qui a fait tomber des miettes de bouchon dans le liquide. Montrant mes biscotos, je veux prendre en main l’ouverture du vin mystère et Bernard me dit : « vous n’échapperez pas à laisser des miettes dans le vin, car jamais je n’ai réussi à l’éviter pour ce vin ». Audouze est fier et fanfaron : « rien ne tombera dans le liquide ». Bernard est tenace : « ça m’étonnerait ». Devant Bernard, Nicolas Chambon et son équipe, j’ouvre la bouteille. Dix fois Bernard examine la bouteille pour essayer de trouver une miette qui aurait échappé mais il n’en trouve pas.

Le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Remoissenet 1969 est un vin lourd, à l’alcool fort, et qui s’est un peu torréfié comme lors d’un passage dans une cave chaude. Le vin mystère a une belle couleur et fait plus jeune, même si l’on sent qu’il est plus vieux. Il est d’une belle tenue et s’il a un peu d’alcool, sa trame et son grain sont plaisants. Je me trompe d’une décennie. C’est un Volnay Premier Cru Remoissenet 1967. C’est une très plaisante surprise. Sur de délicieux escargots de Bourgogne, le 1969 fait belle figure. Sur une joue de bœuf fort plaisante, le 1967 est à son aise, mais au fil du temps, le 1969 s’améliore considérablement pour trouver un équilibre sans défaut qu’il n’avait pas, alors que le 1967 commence à faire sa sieste.

Bernard avait prévu de recevoir des américains juste après le déjeuner aussi la question d’ouvrir mon vin ne se pose même pas. Je le confie à Bernard pour une prochaine rencontre. C’est un Château Doisy Barsac Dubourdieu 1921 à l’ambre foncé magnifique, au niveau dans le goulot alors qu’il s’agit d’un bouchage d’origine.

Souvent, les peintres en bâtiment qui ont obtenu un chantier posent leur pot de peinture pour montrer qu’ils sont là, mais vaquent à leurs autres chantiers en retard. Mon Doisy 1921 est posé dans les belles caves de Remoissenet comme l’hameçon pour de belles pioches futures, à partager avec ce chaleureux vigneron.

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Dégustation des 2010 des domaines familiaux de Bourgogne mardi, 19 mars 2013

Les domaines familiaux de Bourgogne présentent chaque année leurs vins. C’est le millésime 2010 qui est proposé à l’hôtel Bristol à une foule de professionnels, sommeliers, restaurateurs, cavistes marchands, gens de presse. Ceux qui grignoteront quelques fromages pourront boire des 2008 que plusieurs vignerons ont apportés.

L’année 2010 est une année qui a beaucoup de talent. Des vins sont encore fermés et ce sont généralement les plus grands. Parmi les plus fermés, mais aussi les plus prometteurs, on remarque le Corton-Charlemagne de Bonneau du Martray. Il y a naturellement des confirmations d’excellence dans les plus grands domaines : Roumier, Rousseau, Mugnier, etc..

Des experts ès vins jeunes auront des commentaires précis et structurés. Je me limiterai à quelques belles surprises (ou confirmations d’excellence) pour mon palais. Le Bâtard Montrachet Faiveley est assez exceptionnel. Il a une richesse mais surtout une complexité rare.

L’Aligoté « raisins dorés » de Lafarge est adorable dans sa subtilité fragile. Le Bouzeron de Villaine est étonnant de richesse. Le Corton rouge de Bonneau du Martray est d’une finesse rare. Le Clos Vougeot Chateau de la Tour est un grand vin bien construit. Le Musigny de Mugnier a, pour moi, la plus belle finesse du Musigny. Le Chambertin Armand Rousseau est, sans surprise, très grand, mais à attendre. Le Bourgogne La Digoine de Villaine surprendrait plus d’un amateur, tant il est bien charpenté.

Les vins sont bons à boire maintenant et je peux vous dire que le Bonnes Mares Roumier sur un saint-nectaire, ça fait chanter la joie de vivre.

Un déjeuner s’organise à l’initiative d’un couple de restaurateurs et je me retrouve avec eux et Alix de Montille, Dominique Lafon, Patrick Bize, Christophe Roumier à la brasserie du Bristol. Le Saint-Joseph Jean Michel Gérin 2011 est très agréable malgré son jeune âge. Le Côtes du Marmandais le vignoble d’élian 2008 est beaucoup plus difficile car il est taillé à coups de serpe. L’épaule d’agneau du Quercy confite aux piquillos, en cocotte, est superbe.

Comme toujours la présentation des vins par les domaines familiaux de Bourgogne est le point culminant des dégustations de vignerons, du fait de la générosité sans égale de – n’ayons pas peur des mots – l’élite mondiale du vin.

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13 millésimes de La Tour Blanche de 2012 à 1943 mercredi, 6 mars 2013

La Tour Blanche est un sauternes que j’apprécie pour son goût, mais aussi pour la fabuleuse histoire d’Osiris, mécène comme on n’en faisait qu’au 19ème siècle. Banquier, il a acquis La Tour Blanche en 1876 et en a fait don à l’Etat à la condition qu’on y construise une école de viticulture et de vinification. Elle accueille aujourd’hui 140 élèves par an. Osiris a créé l’ancêtre des restos du cœur, a été le plus généreux donateur de l’Institut Pasteur, a restauré pour en faire don à l’Etat la Malmaison. Bien sûr, il y avait dans cette générosité un intense besoin de reconnaissance, mais les dons sont concrets et d’une ampleur impressionnante. Alors, en buvant La Tour Blanche, je trinque à cet homme atypique, controversé peut-être, mais diablement généreux.

Didier Fréchinet responsable commercial, m’accueille à l’aéroport et me conduit au château La Tour Blanche. Nous faisons une petite visite du site de l’école d’où l’on a une vue qui s’étend à l’infini et surplombe le Ciron, le fameux cours d’eau qui est responsable de l’apparition du trésor du sauternais, la pourriture noble. Nous visitons les chais puis nous nous rendons dans une salle de dégustation très cosy où se regroupent Alex Barrau, directeur du château, Didier, Philippe Pélicano maître de chai qui travaille au château depuis 2001 et dont le premier millésime géré seul est le 2012. Se joint aussi Adeline, jeune stagiaire dont c’est le dernier jour de stage.

Château La Tour Blanche 2012 est un vin dont l’assemblage vient d’être fait hier, en vue de la semaine des primeurs du début avril. La couleur est d’un jaune vert et le vin est un peu trouble. Le nez est très pur, très frais, de très grand niveau. La bouche est lourde au sucre fort et dominant. Le vin est gourmand, mais il faudrait que le sucre se calme. Le goût qui reste en bouche, c’est le sucre. Aux experts de dire ce que ce bambin aux yeux à peine éveillés deviendra. Son nez est un signe positif de grandeur.

Château La Tour Blanche 2009 est fortement bouchonné. Elle est remplacée par une deuxième bouteille. Le nez est discret mais on sent un vin intense. La bouche est superbe, suave, d’un vin riche, sucré mais beau. Sa fraîcheur est invraisemblable et il est diablement bon. Quel dommage ! Car il est si goûteux que les amateurs vont le boire trop tôt, alors qu’avec quelques décennies de plus il sera immense. Tout est réuni pour faire un vin d’anthologie.

Château La Tour Blanche 2001 a un nez qui n’est pas parfait, d’iode, de camphre et si l’attaque est belle, le final est trop marqué. Aussi, Philippe va chercher une deuxième bouteille au nez un peu marqué, mais nettement meilleur. En bouche l’attaque est belle de caramel, de crème de lait et le final est sur les fruits confits. Il y a une belle fraîcheur mais je préfère le 2009. Ce 2001 n’est pas un vin de plaisir. Il faut le garder en cave pour qu’il trouve sa voie. Le 2009 donne une plus grande impression de fraîcheur. Et son final claque.

Château La Tour Blanche 1986 a une couleur claire, peu évoluée. Son nez a aussi une pointe de camphre. La bouche est très douce, raffinée, avec des fruits jaune clair. Le parcours en bouche est beau mais le final n’est pas assez précis, trop rêche.

Château La Tour Blanche 1983 a une couleur plus foncée, d’un bel or intense. Le nez a un soupçon d’animal et le pain d’épices est plus nettement marqué. Le vin est opulent, frais, de belle ampleur en bouche. Il est équilibré, au final un peu en dedans mais beau. Le 1986 s’améliore par l’aération, le 1983 est vaillant, solide sur ses jambes, au final court mais solide aussi. Il y a beaucoup de similitudes entre le 1986 et le 2001. Le 1983 devient nettement meilleur et son final s’allonge. Il convient de signaler que chacun des vins que nous buvons est ouvert au moment même. Il aurait beaucoup plus d’ampleur avec quelques heures d’aération lente.

Château La Tour Blanche 1967 a une couleur d’un ambre très clair. Le nez est frais, de fruits confits. Le vin est noble. Il est doux, élégant, au beau final. C’est un grand vin. Si son final est un peu sec, c’est à cause de sa minéralité. Alex évoque deux cailloux que l’on frotte. De ce vin de grande fluidité on aimerait ne garder que l’attaque pour oublier le final et ne rester que sur la première impression.

Château La Tour Blanche 1962 est plus sombre d’un très bel or foncé. Le nez est minéral. En bouche, c’est une merveille. Le sucre affleure, mais sur un nuage de bonheur. Riche, à la forte impression sucrée, à l’alcool marqué, il dégage une impression de luxure. Le final de ce vin voluptueux est beau. Le caramel et le zeste d’orange sont là, sur un alcool présent. Il y a dans le 1962 un infime côté liégeux que Philippe avait remarqué mais n’osait exprimer pour nous laisser libres de le découvrir. J’aime son côté atypique.

Château La Tour Blanche 1957 a un nez très Tour Blanche. Comme dirait Audiard, la bouche, elle cause. J’adore ce vin qui n’est pas orthodoxe. Il a un final magique. On sent les pomelos, le vin est légèrement acidulé, marqué par une forte tension. Son final rebondit sans cesse. Il est vivant, vibrant et claque comme un fouet. Ce vin de fraîcheur a le plus beau final.

Château La Tour Blanche 1950 a une couleur qui va plus vers le thé. Le nez est discret, retenu. Le vin est de grande pureté, très équilibré et très intégré. C’est un vin noble, serein, calme, avec un beau final. C’est le bon élève, droit dans la définition d’un sauternes accompli. Il a une très grande fraîcheur même si on sent un peu l’alcool. Le 2001 est nettement meilleur maintenant et devient ce que 2001 doit être.

Voici nos classements. Alex : 50 62 57 67 83 86 09 01 12. Didier : 62 83 50 57 67 86. Philippe : 57 62 83 67 50 86. Adeline : 62 50 83 57 67 86. Mon classement : 57 50 62 83 67 86 09 01 12.

Nous sommes unanimes pour mettre le 1986 en dernier des anciens, mais avant cela, nos préférences divergent. C’est le goût de chacun. Alors que nous avons adoré le 2009 si agréable à boire, lorsqu’on le boit après les 1957 et 1950, il paraît dénué de toute complexité ! L’avenir est au sauternes vieux. Ce devrait être un dogme.

Nous nous rendons au restaurant le Saprien à Sauternes, qui a changé de propriétaire depuis ma dernière visite. Le menu que nous sommes plusieurs à prendre est un duo de foies gras, puis un ris de veau et une variation sur le thème de fromages à pâte persillée.

Château La Tour Blanche 1990 est d’un équilibre rare. Il évoque le 1950 par son côté très archétypal. Il n’a pas l’ombre d’un défaut. C’est un splendide sauternes.

Château La Tour Blanche 1948 est d’un bel or. Le nez est d’orange amère. La bouche est éblouissante. C’est vraiment le plus grand de tous. C’est le seul à avoir un final mentholé. Le nez est de menthe et d’anis. Le vin est merveilleux. Il est beaucoup plus puissant que ce qu’on imaginerait d’une année qui souffre de sa proximité avec des années de légende. En fait il est magique d’équilibre et de sérénité. Il a beaucoup d’émotion et de plénitude. Il est orange confite, avec une grande pureté d’expression et beaucoup de cohérence.

Château La Tour Blanche 1947 est très café. Il a plus de fraîcheur mais aussi plus d’amertume. Il est très complexe et moins charmeur que le 1948. Le 1947 fait penser au 1957 et crée un accord magique avec le ris de veau.

Château La Tour Blanche 1943 a été ajouté parce que c’est le vin de mon anniversaire. J’apprécie cette délicate attention. Il est d’un bel or. Le nez est calme. Le vin est sec et j’explique à mes hôtes que je suis habitué aux sauternes qui ont mangé leur sucre et que j’apprécie leurs charmes particuliers. On sent que la « matière vineuse » de ce sauternes sec est magnifique. C’est un très grand vin noble.

Des quatre vins de ce déjeuner, ce sont les 1990 et 1948 qui sont les plus équilibrés. Le 1990 a des saveurs exotiques. Je classe les vins ainsi : 1948, 1990, 1947 et 1943. Et ces quatre vins se classeraient en tête, si l’on combinait les deux séries, le 1957 pouvant se situer presque à égalité avec le 1943.

Quels commentaires ajouter ? Nous avons rencontré sur quelques vins de la dégustation du matin des imperfections olfactives ou dans le final alors que les quatre vins du déjeuner frappent par leur absolue pureté. Dans chaque décennie, les écarts entre les vins présentés sont importants, sauf pour la décennie 40 où les vins sont beaucoup plus proches et cohérents. Les 1947 et 1948 sont deux vins magistraux et proches.

Cette verticale de treize vins de la Tour Blanche est un honneur pour moi dont je suis reconnaissant. Ce fut un exercice apprécié par mes hôtes car ce fut pour eux une belle occasion de revisiter l’histoire de leur grand vin. Ce grand moment a apporté de l’eau au moulin de mes convictions : plus un sauternes est ancien, meilleur il est. Longue vie à La Tour Blanche, un grand sauternes.

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le 2012 est dans un flacon de 2007, à gauche ci-dessus

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déjeuner au Saprien

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Déjeuner de 29 vins dont 22 du domaine de la Romanée Conti samedi, 2 mars 2013

Décidément, les vins de la Romanée Conti ne me quittent plus. Sébastien, un fou de vin dijonnais, lance une invitation dont le thème est la Romanée Conti. Il coordonne les apports de chacun et l’ordre du jour est à la générosité. Le repas devant se tenir à Dijon, j’ai apporté il y a plus de deux semaines mes deux bouteilles au domaine de la Romanée Conti où Sébastien en a pris possession.

La veille de l’événement, Sébastien m’envoie un mail où il déclare que pendant la séance des photos des bouteilles apportées, il a pu constater que le Richebourg 1942 que j’ai fourni est considéré par lui-même et un ami comme un faux. Instantanément j’envoie un mail de réponse avec des extraits des bulletins 89 et 216 dans lesquels j’ai raconté les bouteilles sœurs de celle-ci. L’une était fatiguée, l’autre splendide, mais aucune ne m’avait donné le moindre doute sur son authenticité. Il est vrai que sur l’étiquette il n’y a pas la mention des propriétaires, ce qui paraît étrange et sur lequel je reviendrai après la dégustation du vin.

Après ce mail qui me froisse un peu, je choisis une bouteille de complément, « pour le cas où ». Le lendemain matin, jour de la dégustation, j’arrive au restaurant La Dame d’Aquitaine à Dijon, et je descends des marches pour me trouver dans une magnifique salle d’architecture gothique aux nombreux piliers qui soutiennent d’élégantes voûtes. La hauteur de plafond est très grande et l’atmosphère du lieu est engageante. Sébastien est en train d’aligner les bouteilles présentes pour des photos. Ma bouteille de La Tâche 1974 est alignée avec les autres mais la bouteille de 1942 est dans un casier de réserve. Je dis à Sébastien qu’il me paraît opportun de boire la 1942, ne serait-ce que pour un intérêt pédagogique : si elle est vraie, que conclure et si elle est fausse, que peut-on en dire ? Je sens Sébastien réticent et je lui réitère mon opinion sur les deux précédentes que j’ai bues, d’un lot que j’ai dû acheter il y a une vingtaine d’années.

Un de ses amis arrive, qui avait questionné le domaine sur la 1942. Il dit que dans une dégustation qui se veut sérieuse, on ne devrait pas l’ouvrir. Un peu agacé par cette réaction, je décide d’offrir à la dégustation un Richebourg 1953 de beau niveau, d’une année de grande réussite ce qui fait que mon apport sera : La Tâche 1974, Richebourg 1953 et Richebourg 1942 que je tiens à goûter au sein des autres vins.

Avec Sébastien, j’ouvre les bouteilles et lorsque je sors le bouchon du Richebourg 1942, il apparaît que le bouchon est bien de cette époque, qu’il a 1942 imprimé clairement visible et le mot « Richebourg » écrit comme on l’écrit au domaine. Voilà un élément qui conforte ma bouteille et Sébastien en convient.

A onze heures débute dans la belle salle voûtée une dégustation verticale d’Echézeaux du domaine. Un ami signale que si cette dégustation démarre à onze heures, c’est qu’à ce moment précis nous entrons dans un jour fleur. Nous rions de cet à-propos. Sabine, propriétaire avec son mari du restaurant fait le service du vin en annonçant à haute voix celui qu’elle répartit. Elle aura accompagné notre parcours et nos facéties avec une bonne humeur digne d’éloges.

Christian, l’ami qui voulait refuser ma 1942 remet à tout le monde un document où nous devons marquer trois notes pour chaque vin : d’abord celle que nous donnerions, sur 20, sans avoir bu, en fonction de ce que nous attendons. La seconde note est celle du vin dégusté et la troisième est le classement du vin dans l’ensemble des vins de la journée. Nous sommes douze et il y a 29 vins à boire. Aurons nous la force de noter au final ? L’avenir le dira mais l’idée est intéressante.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989 a une couleur trouble assez évoluée. Le nez est un peu dévié, amer. La bouche est opulente. Le vin est plus riche que ce que je pensais. Il est nettement meilleur que ce que le nez annonce. Il a une belle acidité, mais il commence à décliner. On note une torréfaction. Il est beaucoup plus évolué qu’il ne devrait et lorsqu’on y revient plus tard, le vin décline.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2003 a un nez très fenouil, très végétal. Le vin est jeune, gourmand. Il est généreux, au final poivré. Ce vin tue le pauvre 1989 qui est trop évolué. Tout au long de cette dégustation des Echézeaux, des amis vont signaler le côté gibier des vins, pour presque tous. Je ne partage pas cette analyse pour le 2003 que je trouve végétal, au final de cassis.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2005 a une couleur assez claire. Le nez est de menthe et d’anis. Avec lui je perçois le côté gibier suggéré par les amis. La bouche est assez dure et marquée par une certaine sécheresse, mais ce vin a un gros potentiel. Il faut qu’il devienne moins rugueux et il sera grand.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2006 a une couleur grenat. Le nez de ce vin est absolument magique. Il est élégant, velouté, capiteux. Une merveille de nez. En bouche, le vin est élégant avec un léger manque de puissance. C’est un vin de plaisir que j’adore. Il est vraiment DRC.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2007 a une couleur très claire et le nez laisse apparaître le gibier. La bouche est agréable, un peu modeste. On sent ses limites. C’est un vin qui ne me parle pas et je suis gêné par son côté gibier.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2008 a un nez jeune qui sent le soufre. La bouche est goûteuse, gourmande. C’est bon. Le vin est jeune et minéral, pas encore positionné, mais c’est un vin de plaisir. Il est agréable à boire maintenant et c’est assez difficile de prédire son futur. Il me semble gourmand et gastronomique.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2009 a une couleur plus sombre. Le vin est plus dense. On sent le cassis et le poivre. La bouche est puissante, envahissante. Le final est plus discret. Il a la sécheresse du 2005 mais il est plus élégant. Il est beau mais son final est un peu court.

Plutôt que de noter ces sept vins au sein des 29 vins, j’ai jugé plus prudent de les classer entre eux et ce sera dans l’ordre de préférence : 2006, 2008, 2009, 2005, 2003, 2007, 1989. J’ai pu constater que mes amis ont des votes différents entre eux.

Nous faisons une pause pendant que notre table se prépare pour le déjeuner. Mon ami Florent a apporté deux champagnes et le sauternes. Il me sert le Champagne Dom Pérignon rosé 1985 et ma réaction est instantanée : ce vin sent le Paris-brest. Et tout le monde en convient. C’est incroyable que ce champagne soit aussi nettement Paris-brest. Mais il l’est aussi en bouche ce qui est encore plus incroyable. Alors mon cerveau est totalement possédé par cette image. Plus tard, je sentirai de la truffe blanche. Nous allons différer Florent et moi, car je pense que ce goût atypique est une déviation de ce que devrait être ce rosé. Florent n’est pas d’accord. Mes amis ont aimé ce champagne plus que je ne l’ai aimé. Le champagne réagit bien à un amuse-bouche au ris de veau.

Le Champagne Krug 1989 de Clément a beaucoup plus de tension et de précision. Il est très agréable, à la bulle forte. Le Champagne Henriot Brut Souverain magnum 1949 est absolument délicieux. Il a la perfection de l’année 1949, une des plus belles en Champagne, et il a le charme fou des champagnes anciens. Sa bulle est discrète mais le perlant est là. Sa force vient de sa conservation en magnum. La douceur est d’une élégance rare. C’est un pur régal.

Le menu conçu par Laurent Perriguey est : tartare de Saint-Jacques à l’huile de truffe, copeaux de parmesan et mesclun / foie gras de canard poêlé aux légumes oubliés / barrette de thon mi-cuit, crumble de chorizo et grué de cacao / déclinaison de porcelet, la côte en juste température, le carré confit et le pied en cromesquis / crépinette de queue de bœuf et joue de bœuf, purée de rattes / plateau de fromages / assortiment de sorbets poire Williams, pêche de vigne, yuzu et mirabelle.

Le Bourgogne Hautes Côtes de Nuits blanc mis en bouteille par DRC 2009 a un nez de vin très jeune. On sent le beurre et le toast, voire un peu de noisette. C’est un vin un peu limité.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001 a un nez diabolique de richesse et d’évocation. Ce nez est à se damner. Ce montrachet n’est pas très puissant par rapport à d’autres du domaine et ça lui va bien, car il joue sur l’élégance et la discrétion. Dans le brouhaha, car notre joyeuse équipe est assez dissipée, j’essaie de me recueillir sur un accord de première grandeur, voire de folie. Car l’huile des coquilles est parfumée à la truffe blanche et trouve un écho incroyable dans ce vin splendide. C’est un moment merveilleux de ce repas. C’est totalement sublime.

Le Corton Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2009 a un nez de vin jeune, un peu imprécis. Mais en bouche, c’est une belle surprise, car il est beaucoup plus riche que ce qu’on attendrait. J’ai une bonne relation avec ce vin. Le Vosne-Romanée 1er cru Cuvée Duvault-Blochet Domaine de la Romanée Conti 2002 servi en même temps que le Corton fait beaucoup plus faible. Toutefois, et c’est cela la magie de la gastronomie, il trouve une alchimie avec le goûteux foie gras qui crée un accord fabuleux.

Sébastien, par prudence, fait servir maintenant les deux 1961 pour que nous ayons toute notre lucidité pour les apprécier. Les deux vins sont noirs et donneront des sensations un peu torréfiées. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961 est très vivante et la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961 est magique de complexité. Le côté torréfié est commun aux deux. Nous sommes face à deux très grands vins, car toutes les complexités sont là, mais en revenant sur eux après la série des Richebourg, j’ai noté dans mes verres une fatigue qui ne devrait pas exister.

La Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 2004 est superbe et très étonnante après les deux 1961, car elle les snobe de sa jeunesse. J’aime beaucoup sa subtilité. Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1997 est beaucoup plus vieux que ce que son année devrait donner. Il n’est pas très intéressant.

C’est maintenant qu’apparaissent les trois Richebourg dont un est affirmé faux par Sébastien et Christian. La surprise n’en est que plus agréable, car le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1942 a le nez d’un vin du domaine et d’un vin de cette époque. Il est très conforme à ce qu’on attend d’un Richebourg du domaine. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 est lui aussi très DRC, et j’en jouis avec plaisir, heureux de l’avoir rajouté pour qu’il serve de témoin au 1942. Et le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1975 ajouté par Sébastien est nettement meilleur que ce qu’on peut imaginer de cette année faible. Je l’aime beaucoup. Ces trois Richebourg sont superbes, très DRC et je classe pour moi : 1942, 1953 et 1975.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1997 est un très beau vin que je trouve un peu conventionnel, surtout après les émouvants Richebourg, qui surclassent à mon sens les deux 1961.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1974 est aussi un très beau vin du domaine. Il n’a pas de signe de fatigue. Il est quand même en dessous des deux Richebourg que j’ai aussi apportées. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2007 est un vin agréable mais qui donne relativement peu d’émotion après les vins plus canoniques.

Nous buvons un vin mystère de Sébastien et j’avoue que « Le Vin le plus simplement » domaine Van Berg à Meursault 2006 n’a pas laissé de trace dans ma mémoire tant une myriade d’étoiles des vins du domaines valsaient dans mon cerveau.

Le Champagne Heidsieck Monopole « Red Top », goût américain vers 1930 est superbe, plus sec que ce que suppose le goût américain. Il est très beau mais nettement moins vibrant que le Heidsieck 1907 gardé cent ans dans des eaux de la mer du Nord. Mais c’est un grand vin.

Le Château Suduiraut Sauternes 1928 est comme toujours une merveille de précision. C’est un de mes chouchous du sauternais et c’est pour cela que Florent l’a apporté. D’une couleur acajou, bien gras, c’est un vin de bonheur.

Le Marc de Bourgogne Domaine de la Romanée Conti 1991 est à la Fine de Bourgogne Domaine de la Romanée Conti 1991 ce que le vin jaune du Jura est au vin blanc de Bourgogne. Le côté interlope, canaille du marc est un bonheur coupable, car il fauche comme des blés nos restes de lucidité.

L’ambiance du repas a été joyeuse, parfois estudiantine. Sabine a été une hôtesse parfaite et son mari Laurent a fait une cuisine remarquable. Si je classe ce qui n’est pas vin rouge, ce sera : 1 – Montrachet DRC 2001, 2 – Champagne Henriot 1949, 3 – Suduiraut 1928, 4 – Marc 1991.

Si je classe les vins rouges, ce sera 1 – Richebourg 1942, 2 – Richebourg 1953, 3 – La Tâche 1961, 4 – Romanée Conti 1961. Le fait de classer premiers deux de mes vins peut paraître puéril ou provocateur, car souvent, je regarde mes vins avec les yeux de Chimène. C’est indéniablement pour le goût que je fais ce classement et cela donne l’occasion de réfléchir au problème des faux. Si l’on est capable de faire un faux 1942 (grands dieux, pourquoi cette année) avec la typographie exacte du domaine, pourquoi oublierait-on d’indiquer les noms des propriétaires. Comme le bouchon est d’origine, comme le goût est celui d’un Richebourg du domaine (personne n’a crié au faux en le goûtant et je n’ai eu que des compliments), je m’entretiendrai avec le domaine sur une hypothèse que je risque : c’est en 1942 qu’Henri Leroy achète les parts des Chambon dans la société civile du domaine, selon ce que j’ai lu. Quelqu’un au domaine aurait pu demander à l’imprimeur d’étiqueter des bouteilles sans que les noms des propriétaires n’apparaissent, puisqu’ils changeaient. C’est peut-être une hypothèse fausse. Mais elle a plus de consistance pour moi qu’un faux, qui pourrait se mesurer à égalité avec deux Richebourg du domaine, dont on ne voit pas l’objet quand il a été fait.

Plutôt que d’envisager un faux dont la logique n’est pas évidente je préfère, pour cette époque, croire à une initiative dont on n’aura pas gardé la trace, puisque les archives n’ont pas été conservées. C’est peut-être de l’optimisme, mais fondé sur les résultats de la dégustation.

Ceci étant mis à part, ce fut un moment extraordinaire, grâce à Sébastien et à la générosité de tous. Nous avons bu des grands vins, émouvants, avec une cuisine exacte en un lieu prestigieux. Mon compteur a maintenant une marque de 350 vins du DRC bus depuis 12 ans, en 74 millésimes. Même si je ne peux pas me prétendre expert des vins du domaine, j’en ai maintenant une certaine accoutumance.