Déjeuner de famille jeudi, 17 avril 2025

Le lendemain de ma visite chez Veuve Clicquot, ma fille vient avec ses deux enfants et leur historique nounou déjeuner à la maison. J’avais gardé les deux magnums de Veuve Clicquot Ponsardin dont il restait encore un quart. Je voulais que ma fille les goûte.

Si on veut donner une image de la différence de ces deux champagnes, le Veuve Clicquot Ponsardin 1962 est un Anthony Hopkins, et le Veuve Clicquot Ponsardin 1990 un Cary Grant. Le 1962 a un talent extraordinaire et le 1990 a un charme absolu.

Nous avons mangé du cœur de saumon cru. J’ai eu l’idée de choisir un Bonnezeaux La Montagne moelleux Domaine de Terrebrune 1993. L’idée était qu’un Bonnezeaux serait doux ce qui conviendrait au gras du saumon. Et cela a très bien fonctionné. Un vin trop puissant n’aurait pas été à la hauteur. Ce vin est élégant, avec des nuances subtiles et intenses, sans aucune agressivité.

Un Vega Sicilia Unico 1961 a accompagné le poulet puis un Brillat-Savarin. Élégant, puissant, extrêmement long, avec une trace fraîche et mentholée. C’est un très grand Vega Sicilia Unico à un niveau de maturité parfait. Équilibré, sans aucun signe d’âge.

Le Bonnezeaux 1993 est un excellent vin avec du saumon cru, et le Vega Sicilia Unico 1961 est un véritable roi. Je classerais : 1 – Veuve Clicquot Ponsardin 1990, 2 – Vega Sicilia Unico 1961, 3 – Veuve Clicquot Ponsardin 1962, 4 – Bonnezeaux 1993.

Ce fut un bon déjeuner dominical.

Visite et déjeuner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot jeudi, 17 avril 2025

La maison Moët Hennessy organise des voyages pour ses clients importants. La proposition était de déjeuner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot Ponsardin puis quelques jours plus tard une journée et un dîner au château de Bagnolet à Cognac pour goûter les cognacs Hennessy.

N’étant pas libre pour le voyage vers Cognac j’ai joint le groupe pour une visite des caves de Veuve Clicquot Ponsardin avec dégustation puis un déjeuner à l’Hôtel du Marc.

La visite des caves est impressionnante. Il y a 24 kilomètres d’allées dans les crayères. Une hôtesse nous raconte la volonté de la veuve née Ponsardin de faire des champagnes exceptionnels. Le fait d’avoir une cuvée « la Grande Dame » est parfaitement justifié par le dynamisme et la clairvoyance de madame Clicquot.

Dans l’une des salles de la cave nous goûtons trois vins. Le Veuve Clicquot Ponsardin la Grande Dame 2018 est celui qui vient d’être mis sur le marché. Il a des arômes d’huître, il est charmeur, délicat et élégant. Je le trouve excellent à ce jeune âge.

Le Veuve Clicquot Ponsardin Back Vintage la Grande Dame 1996 a, pour moi, un parfum de P2 de Dom pérignon, c’est-à-dire un vin de dégorgement récent, aussi il ne me procure qu’une émotion limitée.

A l’inverse, le Veuve Clicquot Ponsardin Back Vintage la Grande Dame 1993 est charmant et gastronomique. C’est un vrai plaisir. 1993 est un millésime ignoré à sa mise sur le marché et brillant aujourd’hui.

Nous nous rendons ensuite vers l’hôtel du Marc. Il fait tellement beau que nous bavardons dans le jardin en buvant pour l’apéritif Veuve Clicquot Ponsardin Carte Jaune Brut, sans année. Il n’est pas très complexe, mais très agréable à boire.

Nous passons à table dans la très jolie salle à manger aux couleurs noires élégantes. Le menu est ainsi écrit : les asperges vertes, crème Gaslonde citronnée / l’artichaut carabinero et sauce crustacé / les fromages affinés par Philippe Olivier / caramel et chocolat, cacahuètes, crème brûlée vanille.

Le Veuve Clicquot Ponsardin Carte Privée 1995 a un parfum superbe. Le champagne est long et profond en bouche. Il a une énorme puissance et une bulle dynamique.

Le Veuve Clicquot Ponsardin Rosé Réserve 1988 est un joli rosé de belle personnalité. Il est parfait avec les fromages.

La maison Veuve Clicquot fait ses rosés par assemblage avec du vin rouge, vin qui n’est jamais vendu en tant que tel. Aussi est-ce intéressant de goûter le Bouzy Clos Colin 2012. J’adore ce vin timide et subtil, presque fragile et émouvant. J’aime les vins de ce style qui vivent dans un autre monde.

Le Veuve Clicquot Ponsardin Rich Réserve 2008 accompagne le délicieux dessert au chocolat. Ce champagne doux est bien fait et suffisamment délicat.

En souriant, j’ai dit qu’une maison de Champagne aussi prestigieuse avait certainement des trésors en cave. Et l’ambiance était si conviviale que nous avons été invités à descendre en cave, et j’ai eu l’honneur de pouvoir choisir des vins.

J’ai choisi une bouteille qui avait perdu 90 % de son vin. Je l’ai ouverte, mais elle était morte. C’était sûr, mais tout vin mérite d’être goûté.

J’ai ensuite choisi un magnum de Veuve Clicquot Ponsardin 1962 qui avait perdu 15 % de son vin. Avec son étiquette déchirée il ne pourrait jamais être servi à table. Et l’on m’a permis d’en prendre un autre. J’ai choisi un magnum de 1990.

Nous sommes montés en quittant la cave.

Le Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1962 est une leçon. Si complexe, si bien construit, c’est un vin à respecter. Un vin de méditation. Je suis impressionné.

Et puis, on passe au Veuve Clicquot Ponsardin Vintage Reserve Magnum 1990. Ce vin est extraordinaire, magique, tellement accompli. Un miracle. Il est au-delà de toute attente. J’en suis tombé amoureux.

Ce qui m’a le plus surpris lors de ce repas, cité dans l’ordre de service : le 2018, le 1993, le Bouzy, le 1962 et le légendaire 1990.

Quelle générosité !

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur jeudi, 17 avril 2025

Un ami allemand m’avait demandé d’organiser plusieurs dîners pour son entreprise. Il a vendu ses parts et investi dans un vignoble en Californie avec un jeune vigneron. Il voulait me voir et avoir mon avis sur les vins de son vignoble. Il m’a invité avec son fils et le vigneron de PIUS Paso Robles.

Il m’a dit : « J’apporterai des vins qui feraient pâlir vos vins français ». Bien sûr, c’était une blague, mais je l’ai pris comme un challenge. Nous nous retrouvons au restaurant le Sergent Recruteur. J’ai ouvert mes vins à 11 heures et comme le soleil inondaient l’île Saint-Louis je me suis promené le long de la Seine et pris un café crème sur une terrasse de café surplombant la Seine. Paris est magique quand il fait beau.

Nous commençons par un Champagne Dom Pérignon 2002 qui est à la fois riche, rond et extrêmement agréable. Il est vraiment agréable et se marie divinement à la célèbre rillette de maquereau.

J’ai récemment fait un tour dans ma cave pour trouver les bouteilles qui ont perdu trop de liquide. Certaines sont mortes, d’autres sont pleines de vie.

Le Rosé Kébir-Impérial d’Algérie des années 30 a perdu près de 60 % de son volume. Sûrement mort. Je l’ai ouvert 2 heures avant le déjeuner. Le premier nez était madérisé et je ne m’attendais à rien, mais en fait, avec les morilles qui accompagnaient les jeunes asperges, cela a créé une combinaison que le vigneron a adorée.

J’ai apporté La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961 avec un niveau de 15 cm sous le bouchon. Le premier nez était parfait à l’ouverture ce qui est un signe fort. Maintenant, il n’a aucune déviation. Il n’y a absolument rien à redire. Le vin est si complexe, solide, un pur délice. Ce qui frappe c’est son équilibre et mes convives sont sous le charme. Le bœuf remarquablement cuit par Alain Pégouret est le compagnon idéal de ce vin emblématique.

Le Chardonnay PIUS Estate de Paso Robles 2022 m’a beaucoup plu. Il est très bien fait intense et montre déjà une belle longueur.

Le Cabernet Sauvignon PIUS Estate 2021 m’a également plu. Les deux vins américains sont très bien faits et agréables à boire dans leur jeune âge. On sent que le jeune vigneron travaille bien.

Le dessert au cacao s’est parfaitement accommodé d’un Vin de paille Domaine de la Pinte Jura 2018, doux et charmant proposé par Aurélien, le très compétent et passionné Aurélien.

Je pense que le vigneron a produit des vins très prometteurs. Par boutade j’ai dit que pour surpasser La Tâche 1961, il faudra 2 ou 3 siècles aux vins californiens, mais je pense qu’ils vont bien évoluer. Ce fut un très bon déjeuner au restaurant Sergent Recruteur avec des convives sympathiques et entreprenants.

La lente résurrection d’un Vega Sicilia Unico 1983 jeudi, 3 avril 2025

Au port, près de ma maison du sud, il y a un restaurant de bord de mer, l’Aventure, où l’on mange de bons produits de la mer. Le patron est sympathique et l’équipe de service est très efficace. Je ne sais pas comment cela s’est passé, mais Julien, le patron, m’a autorisé de venir avec mes vins et il m’a dit avec fierté que je suis le seul à qui il octroie ce privilège. C’est un honneur qui me fait particulièrement plaisir.

Nous voulons avec ma femme aller déjeuner en ce lieu et je décide d’ouvrir une bouteille de vin avant d’aller au restaurant pour ne pas attirer l’attention si j’ouvre sur place un vin qui n’est pas sur la carte. Il est inutile d’attirer l’attention. J’ouvre un Vega Sicilia Unico 1983. Le bouchon se brise mais sans danger et quand je le sens puis quand je sens le vin, une forte odeur de bouchon attaque mes narines. Il n’est pas question de prendre ce vin et ce d’autant plus que j’offre toujours un verre au sommelier et à sa femme. Ce serait inopportun.

Je choisis donc un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème dont les vins sont de la deuxième moitié de la décennie 70 et de la première moitié de la décennie 80. J’ouvre la bouteille sur place car tourner un bouchon peut se faire discrètement. Le bouchon s’est rabougri ce qui fait qu’il s’extirpe sans la moindre difficulté. La couleur est d’un or joyeux et il n’y a ni pschitt ni bulle.

L’ouvrir au dernier moment n’est pas une bonne chose. Il y a une certaine amertume qui n’a disparu qu’à la fin du repas, et j’ai ensuite pu savourer la gloire du Krug. La prochaine fois, je l’ouvrirai à l’avance, car ce champagne mérite d’être bu comme il se doit.

Cette amertume n’a pas gâché notre joie car ce jour qui est le premier avec l’heure d’été a un fort parfum de vacances, le port débordant de personnes qui veulent profiter de la première journée chaude et estivale.

La chair du saint-pierre est divine et le champagne a la souplesse suffisante pour bien s’adapter à son goût. D’un passage de l’heure d’hiver à l’heure d’été, on bascule tout d’un coup de l’hiver triste et froid à l’été chaud, promesse de bonheur.

Il restait bien évidemment le Vega Sicilia. Que fallait-il en faire ? Je n’avais pas pu le prendre pour le déjeuner du dimanche. Dimanche soir, je le sens et l’odeur de bouchon est toujours présente. Lundi midi, l’odeur de bouchon a presque disparu et le fruit commence à apparaître. J’essaie. Il est buvable, mais toujours serré. Lundi soir : plus d’odeur ni de goût de bouchon. Le vin est fruité et ample, mais pas encore excellent à 100 %. Je n’ai rien bu mardi car je préférais attendre une amie qui viendra déjeuner chez nous le mercredi.

Lorsque notre amie est arrivée, j’ai ouvert un Champagne Dom Pérignon 1985. Le champagne a un bouchon un peu serré, ce qui le rend un peu plus âgé qu’il ne le devrait. Il se présente comme appartenant au monde des vieux champagnes, alors que d’autres 1985 appartiennent encore au monde des jeunes champagnes. Mais ce n’est pas un inconvénient. Il est simplement différent. Puissant, plein d’énergie, très rond et juteux, il se montre merveilleux avec le foie gras. C’est un grand champagne, mais objectivement, je préfère le 1985 qui a conservé sa jeunesse.

Ce mercredi midi, le parfum du Vega Sicilia Unico 1983 est parfait. En bouche, le vin est ample, fruité, généreux et ne montre aucun signe de fatigue. Donc trois jours après l’ouverture, ce vin n’a plus de goût de bouchon et se montre brillant et sans fatigue. Je pense que la structure solide du vin espagnol a contribué à cette reprise. On en revient à l’adage que je suis toujours avec conviction : ‘il faut toujours donner une chance au vin’.

Repas avec des vins algériens éblouissants et des bordeaux antiques dimanche, 23 mars 2025

Il arrive de temps à autre qu’on me pose des questions sur des vins anciens peu connus. Un amateur de vins qui avait apporté à l’académie des vins anciens des vins remarquables d’Algérie et de Corse me parle d’un vin algérien qui m’est inconnu, ce qui excite ma curiosité.

Un autre amateur me parle d’un Léoville Las Cases 1884 provenant de Schröder et Shÿler. Là, mon sang ne fait qu’un tour. Il se trouve que j’ai bu des vins de toutes les années entre 1885 et 2023, sans qu’il n’y ait un seul millésime dont je n’aurais pas bu au moins un vin. Si nous partagions ce Las Cases, il y aurait une lignée de 140 millésimes successifs dont j’aurais bu au moins un vin. Une telle opportunité ne se refuse pas, car j’aime suivre par des statistiques mon voyage dans le monde fascinant des vins anciens.

Les apporteurs de ces vins pourraient venir jusqu’à ma maison du sud. Nous discutons des apports possibles et voici ce que ça donne : Lucas et Xavier apporteront : Château Léoville Las Cases mise Schröder et Shÿler 1884, Château Margaux 1983 et Haut-Sauternes Schröder et Shÿler vers 1900 (?).

Jérémy viendra avec Sidi Brahim Vigna, rosé Alger 1945 et Clos Adélia de la ville de Margueritte Algérie 1948.

J’ouvrirai : Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1964, Selatna rosé de Mascara Algérie 1955 et Château Beychevelle 1882.

Nous mettons au point le menu avec mon épouse : andouille de Guémené, Cecina de León, rillette / caviar osciètre / daurade royale / suprême de pigeon et purée Robuchon / saint nectaire et époisses / stilton / cake au citron, thym et tranches de mangues sauvages du Cameroun.

Comme nous nous verrons à déjeuner, il me semble que les vins de 1882 et 1884 devraient être ouverts la veille. Je décide d’ouvrir tous les vins dès 18 heures la veille. Le champagne a un niveau assez bas lié à une coulure le long du bouchon qui vient assez doucement, sans faire le moindre pschitt. L’odeur est engageante.

Pour le rosé de 1955 je sens un nez de bouchon sensible. Il ne reste qu’à espérer.

Le nez du Sidi Brahim rosé 1945 me séduit au plus haut point. Le nez est riche, avec une forte odeur de café si caractéristique des vins algériens. Le bouchon du 1955 était fortement déchiré et le bouchon du 1945 aussi déchiré, d’un liège trop friable.

Les bouchons des deux bordeaux de 1882 et 1884 sont de très belle qualité et sortent presque entiers. Sont-ils d’origine, je ne sais pas, mais ils ont au moins 90 ans s’il y a eu rebouchage. Le parfum du 1882 est très pur, mais demandera du temps pour s’épanouir. Le nez du 1884 est plus incertain. A ce stade, il est bon d’attendre ce qui se passera pendant la nuit.

L’ouverture du 1983 est d’une simplicité biblique et le Margaux sent très bon. Le bouchon du sauternes s’est fortement déchiqueté du fait d’un goulot qui n’est pas cylindrique et d’un liège faible. L’odeur est puissante et riche, mais relativement peu orthodoxe pour un sauternes. Les nombreux parfums ne sont pas les plus fréquents pour les sauternes. Nous verrons.

Après une nuit aux orages titanesques, notre déjeuner s’annonce sous le soleil. C’est encourageant et nous passons quelques minutes au soleil sur la terrasse, face à la mer.

Le Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1964 a une magnifique couleur dorée. Il n’a aucune bulle mais le pétillant est très présent. Ce champagne très rond et agréable trouve son envol sur la rillette plus que sur l’andouille ou la Cecina de León légèrement trop sèche.

Nous gardons tous un peu de champagne en passant à table pour voir comment il réagit au caviar et c’est un accord pertinent.

Le caviar va accompagner les deux rosés d’Algérie. Le Selatna rosé de Mascara 1955 a un nez de bouchon très marqué, mais en bouche, sa fraîcheur le rend un compagnon possible du caviar. Avec le Sidi Brahim Vigna rosé 1945 nous entrons dans le monde des vins préphylloxériques forts, puissants, marqués de café et de réglisse, au charme percutant. Quel bonheur que ce vin puissant.

Sur la daurade royale présentée très simplement, le rosé de 1945 est d’un charme absolu, rond mais avec de belles notes de fraîcheur délicate.

Les excellents pigeons accompagnent les deux vins de plus de 140 ans. Le Château Beychevelle 1882 est totalement étonnant. Il est d’une pureté absolue, droit, linéaire, traçant sa route, et hautement expressif. C’est un vrai bonheur et on peut imaginer qu’à l’aveugle, on dirait : années soixante et non années 1880. Je suis ravi que ce vin soit aussi expressif.

Le Château Leoville Las Cases 1884 mis en bouteille par Schröder et Shÿler a une couleur moins rouge et plus marronée et même s’il est expressif il est légèrement dévié et de moindre plaisir. Mais avoir la chance de boire ces deux vins mérite qu’on s’intéresse aux deux.

Le Château Margaux 1983 apparaît sur le saint nectaire et ce « jeune » montre qu’il a un grand potentiel car il est vif et puissant, mais on peut facilement imaginer, dans le décor gustatif que nous avons tracé, que ce vin deviendra sublime dans soixante ans. Il faudrait le laisser s’épanouir encore. Bien évidemment c’est une utopie mais nous mesurons bien ce que le temps lui aurait réservé. Il est gourmand et noble.

Le Clos Adelia Vin Fin Algérie 1948 est servi sur l’époisses et j’ai tout à coup l’émotion que je ressens face à la perfection. Ce vin m’émerveille. Il a tout pour lui, charme, douceur, puissance, profondeur. Je retiendrais volontiers sa richesse complexe mêlant charme et profondeur. Quel vin ravissant. C’est du bonheur pur. Et l’époisses est fait pour lui.

Le Haut Sauternes Schröder & Schyler vers 1890 mais plutôt sur une plage de 1890 à 1930 va être accompagné de deux façons. D’abord avec un stilton assez fort et ensuite avec un cake au citron, thym et tranches de mangues sauvages du Cameroun. Ce Haut-Sauternes est énigmatique, car il offre des saveurs peu usuelles pour les sauternes, tout à fait opportunes pour le cake par le côté pâtisserie de ce vin. C’est d’ailleurs avec le cake que le sauternes devient de plus en plus charmant.

Le programme de vins de ce repas est très inhabituel, avec trois vins d’Algérie dont deux rosés très anciens et dont le rouge de 1948 qui se présente dans une bouteille d’un litre qui ressemble plus à une bouteille de Byrrh ou de Martini que de vin, et deux bordeaux de plus de 140 ans. On fait du hors-piste, mais en fait, à part le vin bouchonné, tous ont été très expressifs et ont été séduisants.

Nous avons voté pour l’ensemble des huit vins et les quatre votes de premiers concernent les vins de Jérémy : deux votes de premier pour le Sidi Brahim 1945 et deux de premier pour le Clos Adélia 1948.

Les cinq vins du vote d’ensemble sont : 1 – Clos Adélia 1948, 2 – Sidi Brahim rosé 1945, 3 – Château Beychevelle 1882, 4 – Haut-Sauternes Schröder é Schÿler, 5 – Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1964.

Mon vote est : 1 – Clos Adélia 1948, 2 – Château Beychevelle 1882, 3 – Sidi Brahim rosé 1945, 4 – Haut-Sauternes Schröder & Schÿler, 5 – Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1964.

Les plus beaux accords ont été le cake au citron de mon épouse avec le Haut-Sauternes suivi des suprêmes de pigeon avec le Beychevelle 1882.

Les conversations ont été animées tout au long du repas et j’adore rencontrer de vrais amateurs de vins, qui, alors que je partage avec eux des vins pour la première fois, deviennent des amis comme si nous nous connaissions depuis toujours. Les vins anciens ont démontré qu’on doit leur faire confiance, et l’ouverture de tous les vins la veille du déjeuner s’est montrée particulièrement pertinente et efficace.

Ce fut un repas amical d’une grande complicité.

294ème dîner au restaurant Astrance vendredi, 14 mars 2025

Le 294ème dîner se tient au restaurant Astrance, dans la belle salle privative à la table parfaite, de forme elliptique. Nous sommes douze dont une seule femme, venue avec son époux de Pologne. Un autre participant étranger vient de la Malaisie. Les neuf autres convives sont français dont six sont des camarades de la même promotion d’HEC. Il y a cinq nouveaux ce qui est agréable.

A 16 heures je viens au restaurant pour ouvrir les vins qui ont été déposés il y a deux jours, avec 160 verres de l’Académie des Vins Anciens, prêtés pour ce dîner. Le sommelier Lucas m’aide à ouvrir certaines bouteilles. Tous les parfums se sont révélés encourageants, sauf celui du Cos d’Estournel 1955 qui paraît bouchonné. Certains bouchons se sont désagrégés, mais globalement l’ouverture est facile, ce qui a permis que l’on bavarde avec Lucas et un ami fidèle de mes repas (c’est probablement son quinzième dîner) qui a eu la gentillesse de faire ouvrir un Champagne Ambonnay Marguet Grand Cru 2010, dégorgé en 2016, qui contient 58% de pinot noir et le reste en chardonnay. C’est une belle surprise d’un champagne rond et expressif, agréable pour attendre les participants.

De même qu’il y a le théorème de la tartine de beurre qui tombe toujours sur le côté beurré, il y a aussi le théorème des invitations à horaire précis : il y a toujours un invité qui a du retard. L’ambiance souriante de toute la table a permis de considérer cela comme bénin.

Le menu qui a été réalisé par le chef Pascal Barbot sur les idées que nous avions échangées est : gressins, jabugo et fleur de sel / ormeau en fines lamelles, bouillon court aux algues / médaillon de homard vapeur, sauce homardine, riz koshihikari / asperge blanche et verte, coulis d’amande, huile de curry / agneau de lait de Lozère, jus de cuisson infusé à la truffe noire / pigeon doré sur coffre et rôti d’abat / entrecôte de bœuf Wagyu de Hida, sauce légèrement poivrée / tartelette aux agrumes de saison / fine tarte au chocolat / financier à la rose.

Le Champagne Krug Vintage Magnum 1996 a une jolie couleur très claire, une bulle abondante et se montre « droit dans ses bottes » tant il est conforme à ce qu’on attend d’un Krug d’une grande année.

Paradoxalement, la rigueur du Krug va mettre en valeur le Champagne Jacques Selosse Substance dégorgé 07/2013. Ce champagne est éblouissant de finesse et de subtilité. Et surtout il développe des complexités extrêmes. J’avais demandé des ormeaux à Pascal Barbot et l’accord ormeaux et Selosse est magique. J’adore ce choc des extrêmes.

Le Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1990 est un très grand vin, riche et magnifiquement fait. Mais le Chante Alouette Hermitage blanc M. Chapoutier 1952 d’une rare fraîcheur va le surpasser car il est fait pour la lourde sauce du homard, qui paralyse le Bâtard. Le vin de Bourgogne retrouve sa grâce sur le riz exceptionnel. Beaucoup de convives marquent leur étonnement de voir un Hermitage de 72 ans aussi frais et intense. Il est aussi très gourmand.

Souvent je considère qu’associer les Château Chalon avec le Comté est trop conventionnel aussi ai-je proposé à Pascal Barbot qu’on mette le Château Chalon Jean Bourdy 1947 au milieu du repas. Et Pascal a proposé des asperges. L’accord est de forte émotion car le vin du Jura au parfum extrêmement fort trouve des expressions très subtiles. Le vin est raffiné et riche. Un pur bonheur.

Le Château Cheval Blanc Saint-Emilion 1960 côtoie le Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1955. Au service du 1955, je redoutais la présence d’un goût de bouchon mais Lucas qui avait senti le vin m’a rassuré et effectivement tout défaut s’est effacé. Les deux bordeaux sont très différents. Le Cheval blanc est tout en finesse et noblesse alors que le Cos d’Estournel est un fonceur, un taureau de combat. Jamais je n’aurais imaginé que le Cheval Blanc deviendrait le gagnant des votes avec une compétition très forte.

Le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 1998 est d’une délicatesse raffinée. Il est tellement bien fait, équilibré, serein. J’ai voulu qu’il fasse son chemin avec le Vega Sicilia Unico 1941 d’une grande pureté et qui est d’une jeunesse étonnante. Les deux cohabitent très bien sur un pigeon excellent et sur le wagyu qui met en valeurs les vins.

La délicate tartelette aux agrumes met en valeur le Château d’Yquem 1962 serein, charmeur comme un Frank Sinatra. Il a un botrytis très peu marqué qui lui donne sa finesse.

J’ai ajouté au programme le Maury La Coume du Roy Domaine de Volontat 1925 car il a cent ans. Riche, ensoleillé, il est très plaisant et va servir à mettre en valeur le Vin de Chypre 1870 dont la complexité est centuple.

C’est la première fois, je crois, que huit vins sont nommés premiers dans un de mes dîners. C’est assez incroyable qu’il y ait autant de diversité dans les préférences. Le Cheval Blanc 1960 est nommé trois fois premier et sera le vainqueur et ce qui est rare, c’est que ce premier ne figure pas dans mes cinq premiers.

Le Chambertin 1998 et le Vega 1941 ont chacun deux votes de premier. Cinq autres vins ont un vote de premier.

Le vote du consensus est : 1 – Château Cheval Blanc Saint-Emilion 1960, 2 – Vega Sicilia Unico 1941, 3 – Château Chalon Jean Bourdy 1947, 4 – Champagne Jacques Selosse Substance dégorgé 07/2013, 5 – Château d’Yquem 1962, 6 – Chante Alouette Hermitage blanc M. Chapoutier 1952.

Mon vote est : 1 – Champagne Jacques Selosse Substance dégorgé 07/2013, 2 – Vega Sicilia Unico 1941, 3 – Château Chalon Jean Bourdy 1947, 4 – Chante Alouette Hermitage blanc M. Chapoutier 1952, 5 – Vin de Chypre 1870.

Pascal Barbot a fait une cuisine d’une grande sensibilité et c’est très agréable de voir à quel point il s’est impliqué dans ce repas. L’ambiance a été extrêmement chaleureuse et nous avons parlé en anglais et en français d’une façon très naturelle. C’est un des repas les plus heureux que j’aie eu la chance d’organiser.

Déjeuner au Cercle de l’Union Interalliée vendredi, 14 mars 2025

L’un des membres de notre club de conscrits nous invite au Cercle de l’Union Interalliée. Le lieu est superbe et des fenêtres de notre grand salon du troisième étage, nous pouvons voir un jardin splendide qui fait rêver. J’aime la salle avec des tableaux de retour de chasse, une tapisserie champêtre et une belle table ronde joliment décorée.

Notre ami a commandé un Champagne EPC blanc de blancs sans année Maison Alain Edouard. Je suis brutalement surpris de l’absence totale de longueur de ce champagne qui n’est franchement pas expressif. Peu importe, nous sommes là pour nous trouver ensemble.

Le menu mis au point par notre amis avec le Cercle est : tourteau et mousse de fenouil, gel citron vanille / gravelax d’ombrine Grillée, sauce crémeuse aigre douce, purée de brocolis et quelques pickles / filet de bœuf poêlé, sauce forestière, gratin de macaronis aux champignons et béchamel / fromages affinés / ganache montée pistache, goyave rose et sablé sarrasin manioc.

Le menu est bien composé et fort agréable. Le plat qui m’a donné le plus de plaisir est le gravelax.

Le Macon Fuissé Thibert-Miranda 2023 est fort agréable, gentiment fruité et facile à vivre. Il accompagne bien le tourteau et le gravelax.

Le Chinon Baronnie Madeleine Couly Dutheil 2017 est aussi une grande surprise mais positive car ce vin est très riche puissant et généreux. Il ne faut pas en attendre de vraies complexités, mais il se boit bien.

Un nouveau membre est entré dans notre club. Ces réunions sont très heureuses.

Dîner avec de grands jeunes amateurs de vins vendredi, 14 mars 2025

J’ai souvent des relations avec des élèves ou anciens élèves de grandes écoles qui sont des passionnés de vins au point de gagner des concours européens entre grandes écoles de dégustation à l’aveugle. Un dîner est prévu au restaurant « Lesar » et je suis invité. Nous serons treize parce que Gauthier l’organisateur de l’événement est affecté d’une grosse grippe. Il viendra ouvrir les vins mais nous quittera avant le repas.

Les convives arrivent en ordre dispersé. Notre table est très longue et étroite aussi les discussions ne peuvent pas concerner l’ensemble de la table. Il y a des participants avec qui je n’ai eu aucun échange, ce qui est dommage. Mais il n’est pas possible de faire autrement avec un groupe de cette taille.

Nous aurons quinze vins répartis en cinq groupes de trois vins de même couleur. Le menu a été conçu par Gauthier avec les deux chefs, Oscar et Arnaud, deux anciens élèves de l’école Ferrandi. Il m’a demandé s’il serait envisageable de servir les bordeaux rouges avant les vins blancs. Comme j’adore explorer des pistes nouvelles, j’ai approuvé son initiative et l’expérience nous a montré que c’était tout à fait possible.

Le menu du chef est : Raviole ouverte, pignon, citron et marjolaine / Merlu en croûte viennoise au poivre vert / Volaille, sauce poulette au vin jaune, Salsifis, / Carbonade à la Flamande, purée de pomme de terre à la sarriette / Crème diplomate, citron, kiwi et sorbet basilic.

Les trois vins d’une série sont servis en même temps. Comme nous voterons en fin de repas je donnerai pour chaque série les points obtenus par les trois vins dans le classement global des quinze vins. Les points donnés aux vins classés, de 1er à 5ème sont : 20 – 15 – 11 – 8 – 6.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est l’un de mes deux apports. Il est grand et joyeux mais je le trouve étonnamment jeune, au pétillement fou. Il lui manque un peu d’ampleur et de maturité.

Le Champagne Extra- Brut Roland Fliniaux 1972 est curieux car il est très perlant ce qui à cet âge doit correspondre à une fermentation ressurgie. De ce fait il est assez bizarre.

Le Vouvray pétillant Marc Brédif années 1980 est gentil, agréable mais sans vraie complexité. Les points obtenus dans cette série dans l’ordre des vins sont : 37, 12 et 27 ce qui est relativement peu.

Sur le merlu viennent les trois bordeaux et l’accord est superbe. Le Château Pibran Pauillac 1949 est particulièrement bon, large, de grande personnalité. Le Château Tour Caillet Bordeaux 1923 est assez fatigué et le Saint-Julien Terret Gros Cailloux 1955 est une agréable surprise, fluide et délicat. Les points attribués sont : 125, 0, 42 ce qui fait que le Pibran 1949 est le deuxième des quinze vins du repas.

Les blancs accompagnent la volaille avec bonheur. Le Meursault 1er cru Cras « Clos Richemont » domaine Darnat 1985 est assez agréable mais surpassé par les deux autres blancs, le Chablis 1er cru Montmains Issoncourt de Lorraine 1987 assez typé et le brillantissime Meursault 1er cru Perrières Jacques Prieur 1995 qui est mon deuxième apport. Les points attribués sont : 8, 41 et 183, ce qui fait que le Meursault 1995 est largement premier des quinze vins, avec cinq votes de premier.

La très réussie carbonade accompagne les deux bourgognes et le beaujolais. Je suis le seul à avoir donné un vote au Morgon négociant 1979 parce que je l’ai trouvé atypique et étonnant.

Le Pommard René Naudin 1949 est très élégant et le Gevrey-Chambertin 1er cru Lavaux Saint-Jacques Malvoisin 1934 qui s’était montré un peu fatigué s’est révélé très expressif et plein de charme. Les points recueillis sont : 15, 60 et 68, ce qui fait que les deux bourgognes sont inclus dans le vote global.

La juxtaposition des liquoreux est originale. Le Monbazillac Clos Fontindoule 1988 est celui que j’ai préféré pour son équilibre, alors que le Sauternes Rousset Peyraguey 1983 jeune sauternes a été généralement préféré. Le Gewurztraminer Grand Cru Clos Zisser klipfel 1961 n’a eu aucun vote car il était plus que fatigué.

Le classement final est : 1 – Meursault 1er cru Perrières Jacques Prieur 1995 qui a plu à tous les convives, 2 – Château Pibran Pauillac 1949 brillant, 3 – Sauternes Rousset Peyraguey 1983, 4 – Gevrey-Chambertin 1er cru Lavaux Saint-Jacques Malvoisin 1934, 5 – Pommard René Naudin 1949, 6 – Saint-Julien Terret Gros Cailloux 1955.

Mon vote est assez différent : 1 – Meursault 1er cru Perrières Jacques Prieur 1995, 2 – Morgon négociant 1979, 3 – Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996, 4 – Monbazillac Clos Fontindoule 1988, 5 – Pommard René Naudin 1949.

Il est intéressant de noter que le consensus a beaucoup plus de vins anciens que mon vote. C’est intéressant que ces jeunes amateurs compétents acceptent aussi bien les vins anciens.

L’ambiance a été fort agréable. Gauthier avait organisé les accords avec talent. Que demander de plus ?

Des amis, un beau couscous et des vins algériens samedi, 1 mars 2025

Un camarade de promotion de mon école envoie à un groupe d’amis un message dans lequel il dit qu’a été créé le groupe X-Couscous « dont la seule activité est d’en partager périodiquement un « bon comme là-bas » dans certainement l’un des meilleurs de la région parisienne ! ».

J’ai immédiatement eu envie de vérifier si ce restaurant vaut ce compliment, mais aussi de revoir des camarades d’école. Je leur propose de venir au déjeuner de leur groupe et de leur faire connaître les vins d’Algérie, si méconnus. La date est trouvée. Nous aurons l’apéritif chez un des membres qui habite à courte distance du restaurant, avant le déjeuner.

Comme je vais apporter des vins en un restaurant inconnu, je demande à cet ami de régler le problème des droits de bouchon. Il est facilement réglé.

Le choix des vins est toujours une opération excitante. Comment doser ce qui va plaire à mes amis. Je choisis un champagne, deux vins d’Algérie dont un rosé et un rouge et je joins le Maury 1925 dont j’avais bu une petite quantité avec ma fille.

Lorsque j’arrive au restaurant L’Harissa pour ouvrir mes vins, le propriétaire et son fils me reçoivent avec le sourire car ils sont prévenus de ma venue.

Le Rosé Royal Kebir probable 1947 a un beau bouchon et un parfum intéressant. Le Ali Djara Vin fin Parlier & Fermaud Alger sans année vers 1960 a un bouchon aussi difficile que celui du Maury ouvert récemment : c’est un liège léger qui est collé au goulot et se déchirerait facilement, mais fort heureusement, j’ai apporté le tirebouchon Durand qui me permet de l’extraire entier. Le nez est riche et parfait. Je laisse aussi sur place le Maury la Coume du Roy Domaine de Volontat 1925 déjà ouvert, car je vais rejoindre mes amis à la maison de l’un d’entre eux.

Je croyais que mon champagne suivrait l’apéritif prévu par cet ami mais en fait il n’a rien prévu puisque j’avais annoncé que j’apporterais quelque chose. Il a eu raison, car notre programme est copieux.

Le Champagne Dom Pérignon 1993 a un bouchon qui vient entier. Il est de bonne qualité. Le nez est intense et en bouche, c’est du plaisir pur. Mes camarades, qui ne sont pas réellement amateurs de vins anciens sont conquis par la qualité de ce champagne. Il est rond, joyeux, expressif et de grand plaisir. Il est très long en bouche. Je constate à chaque fois que les années de Dom Pérignon, 1992 et 1993, volontiers ignorées par la critique, sont absolument brillants aujourd’hui.

Nous nous rendons au restaurant et je vois que le propriétaire connait mes amis et les accueille avec le sourire, ayant avec eux de beaux souvenirs. Nous sommes six. Cinq vont prendre couscous mouton ou agneau et le sixième prend un couscous merguez.

C’est l’organisateur de ce repas qui me sert. La semoule est très bonne et je peux dire objectivement que l’agneau est cuit à merveille. Je ne sais pas si c’est le meilleur couscous du monde, mais c’est un très excellent couscous.

Le Rosé Royal Kebir Frédéric Lung probable 1947 est un vin totalement inconnu de mes convives et c’est très normal. Je suis aux anges car ce rosé a une forte personnalité et une longueur impressionnante. Il est riche, énigmatique, profond, avec de belles amertumes et donne un plaisir aussi bien avec les légumes et la semoule qu’avec la viande. Mes amis sont un peu intrigués car ils sont dans un monde inconnu, mais aiment ce vin qui marque les esprits.

Vient maintenant le moment du vin rouge dont je ne connais pas du tout l’histoire et dont je n’ai qu’une seule bouteille. Le Ali Djara Vin Fin Parlier & Fermaud Alger sans année vers 1960 a un nez très puissant et envahissant les narines tant il est riche.

En bouche, il est d’une richesse extrême. Les 12° annoncés sur l’étiquette sont timides. Je dirais plutôt 14°. J’avais expliqué à mes amis que mon amour pour les vins algériens était venu il y a près de cinquante ans quand je participais à des dîners où les vins étaient dégustés à l’aveugle. Les vins algériens étaient confrontés à des bourgognes et pouvaient parfois les surpasser. Aujourd’hui, ce vin se montre au-dessus de ce que je pouvais imaginer, riche, long et puissamment expressif, d’une belle noblesse. Beaucoup d’amateurs diraient volontiers qu’il s’agit d’un grand Rhône. Ce vin est de grande qualité.

Pour le dessert, forcément et fortement sucré, je sers le Maury la Coume du Roy Domaine de Volontat 1925. Je vois les visages étonnés de mes amis qui n’auraient jamais imaginé qu’un vin doux de cent ans puisse être aussi jeune et brillant. Il est riche, long et joyeusement gourmand.

Nos discussions sur nos parcours très différents ont permis d’échanger de belles anecdotes. J’ai permis à mes amis d’entrer dans le monde des vins anciens. Ils ont été surpris et heureux de cette expérience. J’ai compris qu’ils ne demandent qu’une chose, c’est de recommencer.

Déjeuner au restaurant Le Relais Louis XIII samedi, 1 mars 2025

Il y a plusieurs années, j’avais proposé des places à prix très bas à des élèves des grandes écoles pour qu’ils puissent venir à l’Académie des Vins Anciens. J’ai gardé des relations amicales avec certains d’entre eux dont des amateurs de vins très pointus.

Nous allons déjeuner à deux au restaurant Le Relais Louis XIII. Arrivant en premier je suis accueilli par le sympathique sommelier Nicolas auquel je n’ai pas besoin de donner mon nom car il me suit sur Instagram. Je demande à rencontrer Manuel Martinez, chef et propriétaire du restaurant, pour aborder la difficile question des droits de bouchon. Le chef est heureux de me voir, il me tutoie, et la question est rapidement réglée.

J’ouvre le champagne que j’ai apporté, un Dom Ruinart 1964 d’une grande beauté. Mon ami arrive avec son vin, un Chablis Premier Cru Montée de Tonnerre Alexis Lichine Marcel Servin 1967 à la couleur splendide.

Choisir dans la carte des vins de ce restaurant est un long voyage aux multiples sensations, car les prix dépassent les sommets de l’Himalaya et nous n’avons pas de bonbonnes d’oxygène pour éviter des évanouissements. Les prix invraisemblables côtoient heureusement des prix de taille humaine. Nous choisissons un Clos Rougeard Le Bourg Saumur Champigny 2001.

C’est avec Shulin la femme de Manuel Martinez que nous composons le menu. Je ne me souviens plus très bien de tout mais nous avons été gâtés avec des plats délicieux de la cuisine bourgeoise française d’un généreux M.O.F (meilleur ouvrier de France), dont : une entrée inondée de lamelles de truffes / la classique quenelle de bar / le lièvre à la royale, mousseline de céleri / et le millefeuille.

Le Champagne Dom Ruinart 1964 est très étonnant car son goût part dans toutes les directions. Il est salin et ce qui impressionne, c’est une longueur quasi infinie. C’est un très grand champagne mais hors norme. Je verse deux verres, l’un pour le chef et l’autre pour Nicolas et des membres de son équipe. J’aime beaucoup ce Dom Ruinart car ses saveurs font du hors-piste, tout en restant gourmandes.

Le Chablis Premier Cru Montée de Tonnerre Alexis Lichine Marcel Servin 1967 à la belle couleur a un nez puissant. En bouche, c’est un chablis de belle tenue, mais je suis un peu gêné qu’il ait une longueur si courte à côté de celle du champagne. Ceci étant, il est joyeux tout en étant minéral, et avec la gourmande quenelle, c’est un régal.

Le Clos Rougeard Le Bourg Saumur Champigny 2001 est un vin agréable et précis. C’est le gendre idéal tant il est élégant et poli. C’est une des plus belles réussites de sa région. Il arrive à faire jeu égal avec le lièvre à la royale que j’ai trouvé manquant de caractère sauvage. Ce lièvre est un peu trop domestiqué et de mâche lourde.

Le millefeuille est un régal absolu qui nous permet de finir le champagne avec bonheur.

Ce restaurant est amical, à l’esprit ouvert et joyeux. Nicolas est un sommelier très compétent et sympathique. Le chef est accueillant et souriant. On sent qu’il a tout vu et tout connu et que la seule chose qui lui importe aujourd’hui, c’est le plaisir. Les trois vins ont eu chacun sa zone d’excellence. Ce fut une belle expérience.