Un amateur de vins vivant à Bruxelles avait participé à l’un de mes dîners à l’Appartement Moët Hennessy il y a deux ans et demi. Il avait sans doute apprécié la forme de mes dîners au point qu’il a créé une société qui organise des dîners dans l’esprit de mes dîners.
Récemment, il m’envoie le programme d’un de ses futurs dîners, m’explique qu’il s’est inspiré de mes dîners et aimerait que je m’inscrive. Le programme est extrêmement attractif et je jouirai d’un « prix d’ami » qui aide à me persuader. Je lui dis que je suis très heureux qu’il fasse des repas comme les miens car le plus important est que les grands vins soient bus. Il avait annoncé que nous serions huit mais la réalité sera toute autre.
Il y avait bien quinze ans que je n’étais pas allé à la Gare du Nord, et je constate un changement certain de la population qui arpente les allées de cette grande gare. Toutes les populations du monde sont représentées. La gare est beaucoup plus propre que ce dont je me souvenais.
Le train dans lequel je voyage est plus spacieux que les trains que je prends de Paris à Toulon. J’arrive à Bruxelles en un temps très court. Je loge dans un grand hôtel dans un quartier dont les commerces indiquent qu’il est plutôt luxueux.
J’arrive peu après 19h au restaurant Comme Chez Soi que j’ai connu dans les années 80 lorsque les conseils d’administration de la société que je présidais se faisaient à Bruxelles. Lionel Rigolet, gendre du précédent chef Pierre Wynants est le chef du restaurant. Tout au long de la soirée on verra à quel point l’on ressent une atmosphère familiale et c’est extrêmement plaisant.
Je suis accueilli par Wouter, que j’avais reçu à un de mes dîners et par Pieter, son associé dans la société Vincroyable qu’ils ont fondée pour faire des dîners de grands vins.
Nous descendons dans la cave du restaurant où un Champagne Dom Pérignon 2015 est servi aux participants du dîner qui sont déjà tous là. Nous nous présentons et bavardons entre participants. Les amuse-bouches qui accompagnent le champagne sont très sophistiqués. Le champagne est d’une douceur extrême de grand plaisir. Alors que le Dom Pérignon n’est pas excessivement dosé, il donne un confort idéal et soyeux.
Nous allons ensuite faire une photo en cuisine et nous montons d’un étage pour aller dans la salle à manger privative très joliment décorée.
J’avais retenu que nous serions huit mais nous serons douze, avec quatre vins qui seront ajoutés au fil du repas. Le menu est ainsi présenté : foie gras terrine-brioche / coquille Saint-Jacques – Shiitake ravioli – truffe d’automne / ris de veau, émulsion de champignons – beurre baratté / selle de lièvre – sauce crémeuse au pomerol, pomme de terre / trois fromages pâte bleue / desserts nombreux et divers.
Le premier service de vin comprend le Champagne Jacques Selosse Version Originale sans année et le Champagne Jacques Selosse Ambonnay, Le Bout du Clos sans année. La juxtaposition est intéressante car on voit à quel point le blanc de noirs d’Ambonnay a une personnalité masculine, quand le Version Originale a une expression plus romantique. Les deux vins, très précis ont de belles expressions. L’accord avec le foie gras est idéal.
Trois vins blancs vont apparaître maintenant, le troisième étant servi sans que nous sachions ce qu’il est. Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1996 me surprend car il est tout en douceur, merveilleusement subtil alors que le plus souvent il est conquérant. J’aime beaucoup cette expression différente.
Le Corton Charlemagne Domaine Coche-Dury 2006 est une merveille. J’aime tellement cette expression d’un puissance inouïe et d’une énergie élégante. Je suis en pamoison en buvant ce vin.
Le Domaine Leflaive Puligny Montrachet Les Pucelles 2007 est le plus charmeur des trois vins mais je mesure qu’il n’a pas la complexité d’un grand cru contrairement aux deux autres. L’accord des trois avec les coquilles Saint-Jacques est parfait.
L’étape suivante est avec trois vins rouges dont le troisième n’est pas connu. Tout le monde est évidemment excité par la présence du Cros Parantoux Domaine Henri Jayer 1993 d’une subtilité extrême. Ce vin parle juste avec un talent certain. Quel grand vin archétypal.
Le La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1998 est très expressif et a l’âme de la Romanée Conti. Il est très caractéristique du côté très carré de La Tâche.
Le Richebourg Domaine Méo Camuzet 1998 est lui aussi un vin subtil et de bel équilibre. Je cherchais quel vin et je n’ai pas reconnu le Richebourg qui joue dans la même catégorie que les deux autres grands vins.
Les deux organisateurs ont voulu que l’on revienne à des vins plus jeunes avant de passer aux bordeaux. Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2000 et le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2000 sont un peu jeunes pour moi mais se présentent comme ils doivent être. J’ai été très agréablement surpris pas l’ampleur du Grands Echézeaux.
C’est maintenant qu’apparaissent deux grands bordeaux de 1945. Alors que traditionnellement je fais servir les bordeaux avant les bourgognes, j’ai trouvé que l’arrivée de ces deux vins s’est passée d’une façon fort pertinente. Le Château Cos d’Estournel 1945 est un grand vin absolument équilibré et n’a pas d’âge tant il est plein d’énergie. Mais j’ai un tel amour pour le Château Lafite-Rothschild 1945 que m’avait fait découvrir Alexandre de Lur Saluces lors d’un dîner privé au château de Fargues que j’adore son expression riche, solide et en même temps séduisante. C’est un vin profond.
Le ris de veau m’est apparu trop fort pour accompagner ces deux vins splendides.
Pour le Château d’Yquem 1983 trois fromages bleus sont présentés. Il est d’une évidence absolue que le stilton est le fromage le plus adapté. Ce 1983 est parfait, d’une belle expression cohérente et charmante, sans puissance excessive.
J’ai apporté un Rancio domaine de Volontat qui doit être d’une année entre 1880 et 1920. Je suis très surpris qu’il soit aussi puissant mais surtout complexe, plus complexe que l’Yquem.
Nous sommes ensuite submergés de desserts plus gourmands les uns que les autres. A Bruxelles, on sent que la gourmandise est sans limite.
J’ai suggéré que l’on vote comme dans mes dîners et ce fut accepté. Cinq vins ont été nommés premiers ce qui est peu pour 14 vins, mais c’est à cause du vin d’Henri Jayer qui a eu six votes de premier, suivi du Montrachet de la Romanée Conti et du Lafite 1945 avec deux votes de premier chacun, puis du Corton Charlemagne coche Dury et du Cos d’Estournel 1945 avec un vote de premier.
Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – Domaine Henri Jayer Cros Parantoux 1993, 2 – Château Lafite-Rothschild 1945, 3 – Domaine de la Romanée Conti Montrachet 1996, 4 – Domaine de la Romanée Conti La Tâche 1998, 5 – Domaine Coche-Dury Corton Charlemagne 2006, 6 – Château Cos d’Estournel 1945.
Mon vote a été : 1 – Domaine Coche-Dury Corton Charlemagne 2006, 2 – Château Lafite-Rothschild 1945, 3 – Domaine Henri Jayer Cros Parantoux 1993, 4 – Domaine de la Romanée Conti Montrachet 1996, 5 – Domaine de la Romanée Conti La Tâche 1998.
Tous les participants sont des passionnés. Le Chef a fait un repas de grande qualité et ce qui m’a séduit, c’est le caractère familial de ce restaurant qui donne un plaisir supplémentaire. Certains ont bu des alcools et à une heure du matin nous étions encore à table.
C’est le fils du chef Lionel Rigolet qui m’a raccompagné en voiture à mon hôtel. Dans quel restaurant trouverais-je une telle attention ? Vincroyable a un bel avenir devant lui. Tant mieux.