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278ème dîner à Yquem déjeuner avec le staff d’Yquem et ouverture des vins dimanche, 19 novembre 2023

(les articles étant publiés du plus récent aux plus anciens, il est recommandé de lire l’article ci-dessous avant celui-ci, pour avoir la chronologie des faits)

Après une nuit reposante, je me présente au château d’Yquem à 11 heures. Olivier Brulard a prévu le menu du déjeuner : homard breton rôti légèrement fumé sur nos sarments, pomme dorée et jus truffé / belle volaille de Méracq, agrumes du château et lentins de chênes / roquefort Le 12 AOP et Régalis César du Mont Royal / mangue et gourmandises acidulées au jus de passion.

J’ai envie d’ouvrir l’Yquem 1874 qui est prévu pour ce soir avec l’idée suivante : Ce vin a été reconditionné au château en 1989. Or il y a eu sur le marché quelques faux Yquem présentés comme étant reconditionnés au château mais en fait fabriqués par des faussaires. J’aimerais que mes convives de ce midi me donnent leur avis olfactif sur ce 1874. Et, sentant les deux vins, j’aimerais réserver le meilleur des deux au dîner. Nous boirions celui qui nous paraîtrait moins brillant.

Lorenzo Pasquini directeur d’exploitation du domaine, Toni El Khawand, maître de chai et Thomas Robert chef de culture me rejoignent dans la belle et grande salle à manger que nous aurons ce soir. D’habitude nous prenions la plus petite salle à manger mais ces trois personnes si importantes pour la vie du domaine vont l’utiliser pour une séance de pratique olfactive avec un professeur d’analyse olfactive.

Ils acceptent l’exercice que je leur propose. Pour mon nez, je trouve que l’impression mentholée du 1874 est un peu forte alors que le supposé 1906 au bouchon d’origine ouvert hier est très confortable et conforme à ce qu’on attend. Les trois sont unanimes pour déclarer que le 1874 est conforme à ce qu’il doit être car on trouve souvent sur les vins de cette époque cette belle trace mentholée.

Il paraît évident que le 1874 reste affecté au dîner. Nous boirons donc le probable 1906.

Je vais avec Lorenzo en cave pour choisir un vin. Ce sera Yquem 2001, ce millésime que j’adore. Je voulais que le homard accueille le vin rouge et la volaille l’Yquem, mais Lorenzo préfère l’ordre inverse. ‘Pas de souci’ comme on dit de plus en plus souvent dans les échanges urbains et pas seulement dans le sud de la France.

Le Château d’Yquem 2001 est un très grand Yquem mais il est devenu plus assis, confortable, alors que j’adorais son côté sauvage qui m’avait presque fait m’évanouir lorsque je l’avais bu pour la première fois lors de son lancement. Le homard est d’une qualité exceptionnelle.

Le Château Haut Brion 1981 est d’un millésime qui a été beaucoup trop longtemps sous-estimé. Ce vin équilibré est d’une solidité certaine. Il est franc et fort plaisant et mérite beaucoup plus que l’image qu’on lui donne. Cela fait des décennies que je considère 1981 comme une grande année.

Le Château d’Yquem 1906 est envoûtant. Imaginons une soucoupe volante qui envoie des ondes dans toutes les directions. Cet Yquem est comme cela. Il est rond et envoie des complexités dans toutes les directions. Il est magique et je tombe sous son charme, car malgré une couleur un peu sombre et un parfum discret, il est un festival d’émotion. Et je me rends compte qu’il pourrait entrer dans le cercle des plus beaux Yquem que j’ai bus. Il n’est pas aussi grand que le magique 1861, mais il n’en est pas loin.

J’aurai fait avancer la science d’Olivier Brulard qui défendait le roquefort comme partenaire d’Yquem. Je lui avais dit que le roquefort ne va pas et que le stilton est le compagnon idéal. Le stilton a gagné par K.O. technique au premier round. Il n’y a pas eu de match.

L’Yquem s’est montré brillant à tout moment et même si 1906 est la piste naturelle puisque j’en avais bu un dans une bouteille à la même étiquette, je pense que ce vin est plus conforme à la période autour de 1880.

Lorenzo, Toni et Thomas vont à leur séance d’olfaction tandis que je vais maintenant ouvrir les vins du dîner dans la belle salle à manger où nous venons d’avoir notre déjeuner. Je suis d’humeur extrêmement sereine et heureuse et je mets beaucoup d’attention dans mes gestes pour lever les bouchons.

L’Y d’Yquem 1960 a un parfum de grand vin au botrytis fort. Comme c’est le deuxième millésime d’Y, le tri des raisins avait laissé passer beaucoup de grains botrytisés. Ce parfum est engageant. Le Jurançon 1993 a un nez de litchi qui est d’une intensité prégnante.

L’Hermitage blanc 1928 au domaine inconnu a un nez discret qui va s’épanouir et promet. Le Cheval Blanc 1934 a un nez extraordinaire et tellement épanoui que je décide de mettre un bouchon en verre pour garder ce parfum parfait. L’Ausone 1985 a un parfum riche mais moins brillant que celui du 1934.

Les nez des deux Nuits Saint Georges sont grands. Celui du Henri Jayer est d’une subtilité are.

J’avais annoncé une Chambertin Coron Père & Fils 1929 car j’en ai plusieurs, mais j’avais lu trop vite. Sur l’étiquette déchirée, le mot Chambertin est à droite, ce qui suppose qu’il est précédé par Gevrey ou Charmes. Quant au nom du négociant, le haut de la capsule indique René Téze à Ambrières. Le parfum me semble être un des plus beaux de ce que j’ai ouvert, sauf le Cheval Blanc.

La puissance du nez du Château Chalon 1945 est inégalable. L’Yquem 1934 rebouché au château et resté au château, qui est la contribution de Pierre Lurton, me paraît d’une incroyable jeunesse et a un parfum vif.

J’ouvre maintenant les champagnes. Le Dom Ruinart 1990 me gratifie d’un beau pschitt même s’il n’est pas tonitruant. Les deux champagnes plus anciens, sont sales sous la coiffe et leurs bouchons se brisent à la torsion. Le nez du Veuve Clicquot 1947 est très discret et celui du Dom Pérignon 1962 de belle personnalité.

Tout au long de l’ouverture, j’ai été concentré, cherchant le geste juste et je me suis émerveillé de voir que tous les vins sont quasiment parfaits. Le ciel était avec moi.

Les invités qui ont des chambres arrivent peu à peu. Vite, je vais essayer de me reposer avant de recevoir les convives pour une visite du château et une dégustation avant le dîner.

quelques photos des beaux salons

278ème dîner – arrivée à Yquem et dîner à Langon dimanche, 19 novembre 2023

Le 278ème dîner va se tenir demain au château d’Yquem. Je pars de chez moi en banlieue Est à 7h30 du matin pour livrer les vins au château afin qu’ils aient le temps de se reposer sur place. Pour faire les premiers quarante kilomètres il me faut une heure et demie, tant la circulation a dépassé les capacités des voies pour automobiles. Que l’on puisse imaginer accueillir des populations nouvelles en région parisienne tient de l’aveuglement.

Les camions sont extrêmement nombreux sur les autoroutes et les pays d’Europe de l’est doivent bénir notre loi sur les 35 heures, car les camions de Pologne, Hongrie, Serbie, Lituanie et autres représentent la quasi-totalité de ceux qui circulent, concurrencés en sens inverse par les camions d’Italie, Espagne et Portugal, car les camions français ont quasiment disparu, grâce à cette merveilleuse loi qui a rendu impossible le transport international aux sociétés françaises.

Je suis accueilli au château par le sourire de Fatiha, qui m’a aidé lors de précédents dîners au château et plus tard par celui de Laetitia aussi présente lors de ces événements. Je salue Olivier Brulard, le chef de cuisine du château, MOF 1996, avec qui j’avais réalisé le 230ème dîner en ce lieu, il y a maintenant cinq ans.

Nous avions déjà avec Olivier travaillé sur le menu au téléphone et nous révisons ensemble chaque plat pour que chaque détail soit parfait. Olivier comprend bien que chaque plat est au service des vins, ce qui implique que chaque ingrédient doive être cohérent dans la construction du plat. Nous nous comprenons à demi-mot et cela me plait. Ce qui m’impressionne, c’est le soin que met Olivier à trouver les meilleurs produits. Que ce soient les cailles ou les champignons, on est face à la perfection du produit.

Discuter avec Olivier est un vrai plaisir. Valérie Lailheugue, la secrétaire historique d’Alexandre de Lur Saluces et maintenant de Pierre Lurton vient me rejoindre et nous vérifions tous les détails de l’hébergement ce ceux qui résideront au château, les menus et tous autres détails.

Une tradition s’est mise en place depuis plusieurs dîners que j’ai faits au château, c’est qu’au déjeuner du jour du dîner, « j’invite » (en quelque sorte) à un repas informel ceux qui font le vin et je partage avec eux un très vieux Yquem de ma cave. Au dernier dîner j’avais ouvert le 1893, d’un millésime mythique. Demain, je « recevrai » (si on peut dire) Lorenzo Pasquini directeur d’exploitation du domaine, Toni El Khawand, maître de chai et Thomas Robert chef de culture. Nous avons donc mis au point avec Olivier Brulard le menu qui permettra de vérifier certains des plats du dîner tout en s’adaptant aux vins.

J’ai apporté pour ce déjeuner un Château Haut-Brion 1981 et un Yquem que je considère d’une année proche de 1880, car aucune année n’est lisible sur l’étiquette, le bouchon ou la capsule. Il se trouve que j’avais mis sur Instagram une photo de l’étiquette qui est une étiquette de marchand et non celle du domaine. Un lecteur avisé a trouvé sur mon blog que j’avais ouvert une bouteille dotée de la même étiquette en 2009. Cette bouteille avait un millésime : 1906. Nous boirons donc sans doute un Yquem 1906 mais je persiste à croire qu’on est plutôt autour de 1880.

Il me semble pertinent d’ouvrir cet Yquem maintenant, car si j’arrive au château demain vers 11 heures, le vin n’aura pas assez de temps pour s’épanouir. Je l’ouvre donc, avec l’intention de reboucher la bouteille. Un air nouveau épanouira le vin lentement. Le parfum de l’Yquem est extrêmement prometteur. Le bouchon très noir ne donne aucune indication lisible.

Les préparatifs étant faits et toute l’équipe de cuisine et du château étant informée du programme, je me rends à Langon à l’hôtel Maison Darroze où je coucherai et où j’aurai dans peu de temps un dîner avec trois américains qui participeront au dîner demain au château d’Yquem.

Je connais la maison Darroze depuis des décennies, qui a connu une célébrité que l’on pourrait comparer à celle de l’Auberge du Père Bize où se pressaient les célébrités politiques ou du spectacle.

A 19h30, nous sommes tous les quatre à table. Deux amies américaines sont les plus fidèles de mes dîners et Bill, un incroyable globe-trotter s’est joint à notre groupe. Il a apporté Un Château Guadet Saint-Emilion 2015, d’un domaine où il a fait les vendanges.

Je choisis pour l’apéritif un Champagne Philipponnat Clos des Goisses Extra Brut 2008 fait à 55% de chardonnay et 45% de pinot noir. Ce champagne a une grande personnalité. Il est noble et vif, traçant son chemin avec conviction. Il va gagner avec l’âge en rondeur et cohérence, mais il est déjà plaisant par son tranchant et sa détermination.

Nous choisissons un menu à quatre plats très copieux. Ayant la carte des vins en main je vois que la carte comporte de très vieilles bouteilles à des prix attractifs. Un vin attire mon œil. C’est un Beaune Grèves Domaine Ropiteau Mignon 1947. Le chef de salle à qui je montre ce vin a immédiatement un sursaut : « oh ne prenez pas ça, c’est très probablement mort ». Audouze est têtu. Je demande qu’il aille le chercher. Il revient avec un vin de 1947 qui n’est pas le bon et qui ne me plait pas. Il repart en cave et apporte le vin que je voulais. Le niveau a baissé mais pas de façon anormale.

Je rassure le chef de salle que je ne ferai pas d’histoire si le vin n’est pas bon. Il semble rassuré. Je sors mes outils et avec précaution j’arrive à extraire le bouchon. Bill est étonné que je joue au chirurgien qui « opère » la bouteille. Le nez est assez poussiéreux mais pas rebutant. Il n’y aura pas assez de temps pour que l’oxygénation lente puisse faire son travail. Tant pis.

Le foie gras très agréable convient bien au champagne. Le chef de salle ouvre le Château Guadet Saint-Emilion 2015 et le nez me donne cette pensée : tous les vins de cet âge ont le même parfum. En effet, c’est riche, puissant, et tous les vins bien faits ont le même discours à cet âge.

En bouche, le vin n’aurait sans doute pas grand-chose à dire mais fort heureusement le plat de poisson, meilleur plat de notre repas, fait briller le saint-émilion. L’accord est superbe.

Le plat de résistance à base de volaille est loin d’avoir le niveau du plat de poisson. Le Beaune Grèves Domaine Ropiteau Mignon 1947 au parfum discret et subtil est fatigué. Mais si on fait abstraction de sa fatigue, il raconte infiniment plus de choses que le jeune bordeaux. Il suffit d’écouter ses subtilités qui ne demandent qu’à éclore.

Le soufflé délicieux est pantagruélique.

On est loin du lustre de la maison Darroze du temps de sa splendeur, mais nous avons passé un très agréable moment avec un plat de poisson superbe et une relique fatiguée de 1947.

le chef me montre les cailles pour demain

je vais ouvrir l’Yquem qui sera servi a déjeuner demain

dîner à Langon

Déjeuner avec des amateurs belges mardi, 14 novembre 2023

Il y a plusieurs mois, j’avais déjeuné avec deux jeunes belges amateurs de vins qui avaient proposé de partager de belles bouteilles. L’ambiance amicale de ce déjeuner a donné envie de « remettre le couvert ». Les amis belges sont passés de deux à quatre et le déjeuner se tiendra au restaurant Pages. Il était convenu de se retrouver à 11 heures pour l’ouverture des vins, mais comme je suis arrivé plus tôt, j’ai eu le temps d’ouvrir le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969.

Le niveau est un peu bas, la capsule est intacte et en enfonçant le tirebouchon, je sens que le bouchon est très serré. Une fois de plus je constate qu’un bouchon très serré ne signifie pas étanchéité. Des bouteilles perdent souvent plus de volume avec des bouchons très serrés qu’avec des bouchons peu serrés ou qui menacent de tomber dans le liquide.

Le bouchon est dur comme du bois sec et sur 80% de la longueur on le voit sec et portant des signes de moisissure, mais heureusement le bas du bouchon est de belle qualité. Et je suis aux anges en sentant ce breuvage qui me semble divin. Mes amis auront le même sourire en le sentant.

Je poursuis avec les vins des amis belges. Le Château Grillet 1979 a un nez de bouchon. Nous verrons. Tous les bouchons viennent entiers et sans problème. Le parfum du Château Lafite 1954 est enthousiasmant et plus riche que ce que j’attendrais de cette année et le parfum de l’Ausone 1937 est glorieux. Celui du Clos de Tart 1953 est beaucoup plus discret et on attendra son éveil.

Je croyais le Château Lafue 1928 reconditionné, un Sainte-Croix du Mont, mais non. Il est étonnamment clairet et annonce un liquoreux devenant sec.

Nous sommes très heureux qu’à part le Grillet, tous les vins n’offrent que de belles promesses. J’ouvre alors le Krug Private Cuvée années 60 au niveau très haut. Le bouchon est d’une qualité exceptionnelle et le nez n’annonce que du bonheur.

Il me semble que l’on devrait commencer par un champagne « de début » avant ‘d’attaquer’ le Krug, afin de se faire le palais. Pierre-Alexandre nous vante les mérites d’un Champagne Marteaux Guillaume Cuvée Esprit Terroir 2016 dégorgé en 2022 fait des trois cépages, non dosé. Il a raison de l’avoir recommandé car ce champagne n’a pas la dureté des non dosés et se montre même joliment gastronomique. Une belle surprise.

J’avais mis au point le menu avec le chef Ken qui sera : mini-barquette de tartare de bœuf et verdure / poisson cru à l’huile / raviole de homard / cabillaud sauce au vin / canard de Challans et endives / wagyu en deux services et gaufres / tarte Tatin.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60 est d’une rare noblesse. Tout en lui est parfait, au goût idéal. J’avais acheté un lot de ce champagne qui se montre chaque fois idéal. Avec le poisson cru, l’accord est magique.

Le Château Grillet 1979 est marqué par un nez de bouchon, mais le milieu de bouche est absolument sain, sans trace de bouchon, qui ne réapparaît que dans le finale. Je me concentre sur le goût du milieu de bouche et le vin me plait beaucoup, très adapté à la raviole de homard. Il est à noter que le nez de bouchon aura complètement disparu environ trente minutes plus tard.

Le Château Lafite-Rothschild 1954 a un parfum irréellement séduisant. Il est raffiné. En bouche je retrouve les marqueurs de Lafite, le charbon comestible et la truffe. Sa densité me surprend car je n’attendrais pas une telle richesse pour un 1954. Avec le cabillaud, l’accord est divin.

Il y a bien longtemps, j’avais profité des ‘reliques’ de cave du restaurant Laurent comptant beaucoup de bordeaux de 1937. Les prix étaient bas car les risques étaient grands. J’ai donc gardé de 1937 l’image d’un millésime incertain, alors que c’est probablement la cave du Laurent qui ne permettait pas un vieillissement de longue durée. J’appréhendais le Château Ausone 1937 avec précaution mais le nez à l’ouverture m’avait rassuré. Servi maintenant, c’est un empereur, c’est César toisant Vercingétorix. Le canard est un compagnon idéal de ce riche et grandiose saint-émilion.

Un des amis demande lequel nous préférons des deux bordeaux et nous sommes tous du même avis : même si l’Ausone est un puissant guerrier, notre cœur balance du côté du subtil et émouvant Lafite.

Le Clos de Tart 1953 pourrait être jugé plaisant, mais je ne reconnais aucune caractéristique d’un Clos de Tart. C’est un bon bourgogne mais qui n’a pas la prestance que devrait avoir ce vin si subtil et rare. Le wagyu l’aide bien mais le cœur n’y est pas.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 est une merveille dans un état parfait. Il a les marqueurs des vins de la Romanée Conti, la rose et le sel, riches à l’extrême. J’entre en pamoison. Pour mon goût, ce vin est la perfection de la Romanée Conti. Et le wagyu apporte du gras qui fait éclore la rose.

Le Château Lafue Sainte-Croix du Mont 1928 m’avait surpris par sa couleur très claire annonçant sans doute un liquoreux devenu sec. Il montre en fait un très bel équilibre au doucereux délicat. Combien d’amateurs connaisseurs de vins ne diraient pas Sauternes en buvant ce Lafue à l’aveugle ? Le plaisir de ces appellations de vins doux du bordelais est total. La tarte Tatin revisitée par le chef pâtissier est superbe et met en valeur le liquoreux.

La cuisine du chef Ken a été absolument pertinente et a ébloui mes nouveaux amis, les plus originaux des accords étant avec le poisson cru et avec le cabillaud. Mais le canard avec l’Ausone et le wagyu avec le Richebourg ont été des accords puissants.

Il est temps de voter. Je pensais que le Richebourg serait le gagnant, mais la subtilité délicate du Lafite a impressionné mes convives qui lui ont donné trois places de premier contre deux places pour le Richebourg.

Le vote du consensus est : 1 – Château Lafite-Rothschild 1954, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 3 – Champagne Krug Private Cuvée années 60, 4 – Château Ausone 1937, 5 – Château Lafue Sainte-Croix du Mont 1928, 6 – Clos de Tart 1953.

Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 2 – Champagne Krug Private Cuvée années 60, 3 – Château Lafite-Rothschild 1954, 4 – Château Ausone 1937, 5 – Château Grillet 1979.

Je suis ravi que mes jeunes amis trouvent normal d’apporter un Ausone 1937 dans un repas partagé. Cela prouve que la reconnaissance des vins anciens a vraiment progressé dans le monde du vin. Et cela m’encourage à continuer à faire la promotion et le partage des vins anciens, si porteurs de plaisirs et de moments mémorables.

Une fois de plus Pages a réalisé un menu idéal pour les vins. La complicité que j’ai avec l’équipe de Pages a eu une récompense. Nous leur faisons goûter les vins du repas, ce qui les fait entrer dans ce monde merveilleux.

Déjeuner avec quatre vins centenaires vendredi, 3 novembre 2023

Il y a juste un an j’avais déjeuné avec Warnet, jeune amateur de vins très compétent et curieux. Il avait apporté Moët 1911 et 1928 et j’avais apporté un Pétrus 1989.Warnet m’envoie un message disant qu’il aimerait partager un Moët des années 1880 avec moi. Pour trouver ce que j’aimerais partager avec lui, je me promène dans les allées de ma cave, attendant qu’un vin me fasse un clin d’œil pour que je le choisisse.

La ‘pêche’ est bonne car je croise le chemin d’un Champagne Pommery & Gréno 1947 étiqueté pour le couronnement de la Reine Elizabeth en 1953, puis d’un Champagne Duc de Roucher Extra Dry Cuvée England 1921 à l’étiquette comme neuve, puis d’un Château Margaux sans étiquette mais dont la capsule très lisible indique le nom du vin, d’une bouteille soufflée bouche ou soufflée main et que celui qui me l’a vendu attribue à 1905 et enfin une demi-bouteille de Beaune des Hospices Clos des Avaux Jolliot Paullin 1904. Ce choix me paraît d’un éclectisme fou.

A 10h30 je suis au restaurant Pages pour ouvrir mes bouteilles. J’avais dit à Warnet qu’on ne boirait pas tous mes apports aussi sans l’attendre je décide de ne pas ouvrir le champagne de 1947. Nous fêterons la Reine une autre fois. Mon convive me dira qu’il aurait fait le même choix qui nous permet de boire ce midi des vins qui sont tous centenaires.

Les deux rouges ont le même comportement à l’ouverture : le bouchon colle à la paroi et ce qui remonte est dissymétrique. Il faut cureter pour enlever ce qui vient en mille morceaux. Le parfum du Margaux ne demande qu’à s’ouvrir et celui du Clos des Avaux est poussiéreux mais moins d’une minute après on sent que le fruit est en train d’éclore.

Les deux champagnes étant anciens, il n’y a aucun obstacle à les ouvrir maintenant. Les deux bouchons sont superbes et viennent entiers. La qualité des bouchons est parfaite, au point que l’on peut lire ce qui est écrit alors que le bouchon très noir du Margaux est illisible.

Warnet peut lire sur le bouchon du Moët « White Seal » et après recherche il datera son champagne en 1887. Sur le bouchon du 1921 on peut lire Extra Dry et 1921. Ce sont vraiment de beaux bouchons. Les parfums sont aussi prometteurs.

Selon la tradition nous allons au 116, le restaurant voisin qui appartient aussi au chef Teshi. Nous buvons une bière japonaise en grignotant des édamamés, récompense après les ouvertures.

Avant que n’arrive Warnet, j’avais fait le menu avec le chef Ken qui se présente ainsi : Ceviche de lieu jaune, espuma lait-ribot / tartelette de tartare de bœuf, oignons caramélisés / carpaccio de daurade royale / cabillaud sauce umami / fricassée de homard grillé, giroles, jus de veau / canard colvert façon lièvre à la royale, purée de panais à l’anis, tubercule de cerfeuil rôti / wagyu maturé cuisson Binchotan, gaufre de pomme de terre et crème de persillade / dessert de Lucas : pignon de pin, extrait de sapin, châtaigne, tuile, chips et crème glacée.

Le Champagne Moët & Chandon que nous pensons de 1880 mais qui est de 1887 a une belle couleur ambrée et un nez délicat et subtil. En bouche, ce qui me frappe, c’est que ce champagne a strictement le goût historique de Moët & Chandon. Les 1911, 1914, 1928 ou 1934 sont absolument dans la même lignée. C’est un champagne chaleureux et réconfortant, au goût que l’on rêverait de trouver pour tous les champagnes. Le carpaccio de daurade est idéal pour le mettre en valeur et le cabillaud goûteux et divinement cuit lui rend sa politesse.

Arrive maintenant un de ces accords fusionnels que je cherche en permanence mais que je trouve très peu souvent car ils sont rares. Le Château Margaux 1905 a un goût qui est en prolongement total avec le goût du homard. Les deux s’emboîtent comme les doigts d’une main avec le gant idéal. C’est saisissant, car quand on atteint une telle symbiose, on la sent au plus profond de soi-même. Le Margaux est très féminin, gracile et subtil comme une jolie femme en crinolines qui joue de son éventail pour cacher les œillades assassines qu’elle délivre alentour. Et le homard répond à ses désirs. C’est un moment exceptionnel, intense, qui nous émeut.

Le canard traité comme un lièvre à la royale est magnifique, mais le bourgogne est plus magique encore. Qui pourrait imaginer qu’un 1904 en demi-bouteille, d’un niveau très bas, puisse être une telle merveille ? Ce Beaune des Hospices Clos des Avaux Jolliot Paullin 1904 est une merveille et du niveau d’un Grand Cru. Il est une synthèse du goût d’un bourgogne Côtes de Beaune parfait. Quel charme et quel accomplissement. Nous restons sans voix car ceci paraît irréel. Une telle plénitude, une absence totale d’âge, cela est confondant. L’accord est superbe et original et plus classique avec le wagyu.

Le Champagne Duc de Roucher Extra Dry Cuvée England 1921 a une couleur ambrée acceptable. Le pétillant est présent au goût, même s’il est faible. Ce qui frappe, c’est le côté extrêmement solide de ce champagne. Il est carré et fait pour l’éternité. On attend d’un Extra Dry un champagne doux et fortement dosé mais l’âge a atténué le doucereux. Le 1921 est plus monotone que le 1887 et n’a pas une aussi forte personnalité. Le dessert est un peu trop doux pour le champagne qui est trop dominant alors qu’il aurait fallu qu’il soit excité par le plat.

Que de merveilles ! Warnet va voter ainsi : 1904, 1887, 1905, 1921. Mon vote est 1904, 1905, 1887, 1921. La palme de l’accord va au Margaux et homard.

Pierre-Alexandre nous a servi des liqueurs « La Gauloise » qui sont faites comme des chartreuses. La jaune est d’une grande séduction et d’une douceur idéale. Nous la préférons à la verte, plus brutale.

Pendant le repas j’ai versé des verres de tous les vins à l’équipe de Pages. Leurs yeux émerveillés faisaient plaisir à voir. Ce n’est pas tous les jours que l’on a à une table quatre vins centenaires.

Ce fut un repas mémorable et très grand.

La pause après les ouvertures

277th meal at Restaurant Pages mercredi, 11 octobre 2023

I interact quite often with wine lovers who express themselves on Instagram. One day one of them living in Singapore told me that he was coming to France with friends, invited to events in Champagne. He would like me to organize a meal for five people and point out wine trails that he would like to explore. Among my suggestions, he chose Lafite 1961, Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 and a Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970.

During another discussion he said he had been disappointed by a Dom Pérignon 1952 and I told him that if he came to see me, I would make him drink a 1952 which I considered excellent. Gang tells me that he and his friends will bring a Cristal Roederer 1988 and a magnum of Krug Grande Cuvée with a cream label, which is more than thirty years old.

The scene is set and I suggest that we meet at the Pages restaurant.

I now need to find my wines in the cellar. The Champagne Dom Pérignon 1952 has a beautiful presentation and through the glass I sense a beautiful champagne. The Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 comes directly from the Domaine, but when I shared this wine a few years ago, brought by Anne-Claude Leflaive, it had shown at the tasting TCA (trichhloroanisole), which is characterized by a taste of cap. This pushes me to add wines to my program.

I have four Château Lafite-Rothschild 1961, one of which in my main cellar has a low level (even though it says high level in my inventory). I look for the other three in another cellar, but I can’t find them. I decided to add a Château Ausone 1929 which seems to me to have a good presentation.

Furthermore, I chose one of the three Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970 that I own. It will be the one with the best level. It has no label but is clearly identified by the very explicit cap.

For good measure, I added a 1972 La Tâche, low grade but good looking.

I had to provide four wines. There will be six, to cover any eventuality.

On the appointed day, I arrive shortly before 10:30 a.m. at the Pages restaurant to open my wines. I ask Chef Ken what dishes are planned and we start sketching out the menu. Two of my guests arrive to attend the opening of the wines. By a pleasant coincidence I manage to remove all the corks whole, which greatly impresses them.

The nose of the Lafite 1961 is a little weak but gives great hope. That of Ausone 1929 is frankly closed. The nose of the 1992 Chevalier Montrachet looks glorious. The scent of La Tâche 1972 is not very engaging and many wine lovers would put it aside. On the contrary, that of Richebourg 1970 looks brilliant.

A few changes are being made with Chef Ken to take odors into account. We have an hour and a half left before the other guests arrive. According to tradition we will have a beer at 116, the neighboring restaurant while nibbling on edamame. Everything is ready for what will be the 277th of my meals.

The other guests arrive at 12:30 p.m. Among them a woman from London, who is a big influencer in the wine world and reminds me that we met at a dinner I organized at the 67 Pall Mall club in London.

I asked Chef Ken, given the abundance of champagne, to prepare raw fish and Wagyu carpaccio. We start with a Champagne Cristal Roederer 1988 which made a nice spritz at the opening. The color is light for a champagne of this age. Instantly, I am struck by the brilliance of this infinitely complex champagne. What happiness. What delights me is that this champagne is anything but conventional. He explores flavors off the beaten track. He calls out and I really like it.

The wines that make up Champagne Krug Grande Cuvée crème magnum label are around forty years old. This is the second contribution of my new friends after the Cristal Roederer. It’s a magnificent champagne but I also know it by heart, it transports me less than the Cristal Roederer. But its grandeur will mark the meal.

I asked Pierre-Alexandre to serve at the same time the Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1992 from an exceptional year. Instantly, the first sip is like fireworks. My mouth explodes with happiness because the wine is full, complete, accomplished, coherent, perfect. It brings a rare joy of living. And it is wise to drink it at the same time as champagnes because the pleasures are added.

For the Wagyu, I serve Champagne Dom Pérignon 1952. I am faced with pure perfection and I would be ready to lock myself in a bubble of happiness, as with the few wines which have paralyzed me like the Hermitage La Chapelle 1961 or Montrachet Bouchard 1865. Because I am facing a perfect wine. And the delicious herbs that accompany Wagyu give a masterful excitement to this ideal champagne.

The lobster is accompanied by the brilliant Chevalier Montrachet.

For fish, we have the two Bordeaux. Château Lafite-Rothschild 1961, which had a low level, has been reconstituted and no fault can be found. It has a very rich truffle taste and is a great Bordeaux, just like my friends wanted.

I had high expectations from the Château Ausone 1929, which had a very beautiful appearance, but if it has the breadth of the 1929 wines, I found it less energetic than I hoped.

The two Romanée Conti wines appear on delicious veal. The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970, with its beautiful level and beautiful color, is in full possession of its means. It is rich, full, broad and solid but it also has a delicate charm. It drinks well, with a nice length finish.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1972 does not have a perfect color and it is not at the level it should be, but it is in the spirit of Romanée Conti and I think that if I were drinking this wine with Aubert de Villaine , we would find the graceful subtleties of Romanée Conti behind the veil which stifles its qualities. A Saint-Nectaire excites La Tâche in a good way.

The pastry chef has made a delicate dessert with a nutty flavor that allows the Krug Grande Cuvée to remind us how refined it is.

We vote. Six of us chose our five favorites from eight wines. Three wines will have first votes, the Dom Pérignon 1952 has three first votes, the Chevalier Montrachet 1992 has two and the Krug Grande Cuvée has one.

The consensus vote is: 1 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992, 2 – Dom Pérignon 1952, 3 – Krug Grande Cuvée magnum cream label, 4 – Richebourg Domaone de la Romanée Conti 1970, 5 – Château Lafite-Rothschild 1961.

My vote is: 1 – Dom Pérignon 1952, 2 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992, 3 – Cristal Roederer 1988, 4 – Richebourg DRC 1970, 5 – Château Lafite-Rothschild 1961.

The atmosphere at this meal was exceptional. Even though we are from very different parts of the world, we chatted as if we had been friends forever. The cuisine was perfect and the service excellent, Naoko, wife of chef Teshi, the owner of the restaurant, brought her smile and her attention to perfection. Pierre-Alexandre did a perfect wine service. The entire kitchen team prepared dishes with great precision. It is therefore without hesitation that I class this dinner as the 277th, a great moment of sharing.

277ème repas au restaurant Pages mercredi, 11 octobre 2023

J’échange assez souvent avec des amoureux du vin qui s’expriment sur Instagram. Un jour l’un d’entre eux habitant Singapour me dit qu’il vient en France avec des amis, invité à des événements en Champagne. Il aimerait que j’organise un repas pour cinq personnes et indique des pistes de vins qu’il aimerait explorer. Parmi mes propositions, il choisit Lafite 1961, Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 et un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970.

Lors d’une autre discussion il avait dit avoir été déçu par un Dom Pérignon 1952 et je lui avais répondu que s’il venait me voir, je lui ferais boire un 1952 que j’estime excellent. Gang m’annonce que ses amis et lui apporteront un Cristal Roederer 1988 et un magnum de Krug Grande Cuvée à étiquette crème, qui a plus de trente ans.

Le décor est planté et je propose que nous nous retrouvions au restaurant Pages.

Il me faut maintenant trouver mes vins en cave. Le Champagne Dom Pérignon 1952 est d’une belle présentation et à travers le verre je pressens un beau champagne. Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 vient directement du Domaine, mais quand j’ai partagé ce vin il y a quelques années, apporté par Anne-Claude Leflaive, il avait montré à la dégustation du TCA (trichhloroanisole), qui se caractérise par un goût de bouchon. Ceci me pousse à rajouter des vins à mon programme.

J’ai quatre Château Lafite-Rothschild 1961 dont un dans ma cave principale a un niveau bas (alors qu’il est écrit niveau haut dans mon inventaire). Je cherche les trois autres dans une autre cave, mais je ne réussis pas à les trouver. J’ai décidé d’ajouter un Château Ausone 1929 qui me semble avoir une bonne présentation.

Par ailleurs, j’ai choisi l’un des trois Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970 que je possède. Ce sera celui qui a le meilleur niveau. Il n’a pas d’étiquette mais est clairement identifié par le bouchon très explicite.

Pour faire bonne mesure, j’ai ajouté une La Tâche 1972, de faible niveau mais de belle apparence.

Je devais fournir quatre vins. Il y en aura six, pour parer à toute éventualité.

Le jour dit, j’arrive peu avant 10h30 au restaurant Pages pour ouvrir mes vins. Je demande au chef Ken les plats qui sont prévus et nous commençons à esquisser le menu. Deux de mes convives arrivent pour assister à l’ouverture des vins. Par un hasard agréable j’arrive à extirper tous les bouchons entiers ce qui les impressionne fortement.

Le nez du Lafite 1961 est un peu faible mais laisse un bel espoir. Celui de l’Ausone 1929 est franchement fermé. Le nez du Chevalier Montrachet 1992 s’annonce glorieux. Le parfum de La Tâche 1972 n’est pas très engageant et beaucoup d’amateurs le mettraient de côté. Au contraire celui du Richebourg 1970 s’annonce brillant.

Quelques changements se font avec le chef Ken pour tenir compte des odeurs. Il nous reste une heure trente avant que les autres convives n’arrivent. Selon la tradition nous allons boire une bière au 116, le restaurant voisin en grignotant des édamamés. Tout est prêt pour ce qui sera le 277ème de mes repas.

Les autres convives arrivent à 12h30. Parmi eux une femme de Londres, qui est une grande influenceuse dans le monde du vin et me rappelle que nous nous sommes rencontrés lors d’un dîner que j’ai organisé au club 67 Pall Mall de Londres.

J’ai demandé au chef Ken, devant l’abondance des champagnes, de préparer un poisson cru et du Wagyu en carpaccio. Nous commençons par un Champagne Cristal Roederer 1988 qui a fait un joli pschitt à l’ouverture. La couleur est claire pour un champagne de cet âge. Instantanément, je suis frappé par le brio de ce champagne aux complexités infinies. Quel bonheur. Ce qui me ravit c’est que ce champagne est tout sauf conventionnel. Il explore des saveurs hors des sentiers battus. Il interpelle et ça me plait énormément.

Les vins qui composent le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème magnum ont autour de quarante ans. C’est après le Cristal Roederer le deuxième apport de mes nouveaux amis. C’est un champagne magnifique mais je le connais par cœur aussi, il me transporte moins que le Cristal Roederer. Mais sa grandeur va marquer le repas.

J’ai demandé à Pierre-Alexandre de servir en même temps le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1992 d’une année exceptionnelle. Instantanément, la première gorgée est comme un feu d’artifice. Ma bouche explose de bonheur car le vin est plein, complet, abouti, cohérent, parfait. Il apporte une joie de vivre rare. Et c’est judicieux de le boire en même temps que les champagnes car les plaisirs s’ajoutent.

Pour le Wagyu, je fais servir le Champagne Dom Pérignon 1952. Je suis en face de la perfection pure et je serais prêt à m’enfermer dans une bulle de bonheur, comme avec les quelques vins qui m’ont tétanisé comme l’Hermitage La Chapelle 1961 ou le Montrachet Bouchard 1865. Car je suis en face d’un vin parfait. Et les délicieuses herbes fines qui accompagnent le Wagyu donnent une excitation magistrale à ce champagne idéal.

Le homard est accompagné par le brillantissime Chevalier Montrachet.

Pour le poisson, nous avons les deux Bordeaux. Le Château Lafite-Rothschild 1961 qui avait un niveau bas s’est reconstitué et on ne lui trouve aucun défaut. Il a un goût de truffe très riche et c’est un grand bordeaux, comme mes amis le souhaitaient.

J’attendais beaucoup du Château Ausone 1929 d’un très bel aspect, mais s’il a la largeur des vins de 1929, je le trouve moins énergique que ce que j’espérais.

Sur un veau délicieux apparaissent les deux vins de la Romanée Conti. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970 au beau niveau et à la belle couleur est en pleine possession de ses moyens. Il est riche, plein, large et solide mais il a aussi un charme délicat. Il se boit bien, avec un finale d’une belle longueur.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1972 n’a pas une couleur parfaite et il n’est pas au niveau qu’il devrait avoir, mais « il raconte » la Romanée Conti et je pense que si je buvais ce vin avec Aubert de Villaine, nous lui trouverions les subtilités gracieuses de la Romanée Conti derrière le voile qui étouffe ses qualités. Un saint-nectaire excite La Tâche dans le bon sens.

Le pâtissier a fait un dessert délicat au goût de noix qui permet au Krug Grande Cuvée de nous rappeler à quel point il est raffiné.

Nous votons. Nous sommes six à désigner nos cinq préférés de huit vins. Trois vins auront des votes de premier, le Dom Pérignon 1952 a trois votes de premier, le Chevalier Montrachet 1992 en a deux et le Krug Grande Cuvée en a un.

Le vote du consensus est : 1 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992, 2 – Dom Pérignon 1952, 3 – Krug Grande Cuvée magnum étiquette crème, 4 – Richebourg Domaone de la Romanée Conti 1970, 5 – Château Lafite-Rothschild 1961.

Mon vote est : 1 – Dom Pérignon 1952, 2 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992, 3 – Cristal Roederer 1988, 4 – Richebourg DRC 1970, 5 – Château Lafite-Rothschild 1961.

L’ambiance de ce repas a été exceptionnelle. Alors que nous sommes de régions du monde très différentes, nous avons bavardé comme si nous étions amis depuis toujours. La cuisine a été parfaite et le service excellent, Naoko, femme de chef Teshi, le propriétaire du restaurant, a apporté son sourire et son souci de perfection. Pierre-Alexandre a fait un service du vin parfait. Toute l’équipe de cuisine a fait des plats d’une grande justesse. C’est donc sans hésiter que je classe ce dîner comme le 277ème, un grand moment de partage.

Déjeuner de récompense d’une énigme sur Instagram mercredi, 20 septembre 2023

De temps à autre, j’aime poser des énigmes sur mon compte Instagram. La dernière est venue d’une bouteille de Lafite-Rothschild 1981 que l’on a bue dans un repas que j’ai raconté dans un précédent bulletin. La bouteille était enveloppée dans un fin papier rose fané, collé aussi bien au verre qu’à l’étiquette. Il était impossible de lire l’année et si j’avais tiré sur le papier, l’étiquette serait venue avec le papier rendant le millésime illisible. J’ai photographié la bouteille de dos, aucun élément ne permettant d’identifier et j’ai demandé sur Instagram que l’on trouve le vin et l’année. Le gagnant partagerait un grand vin avec moi.

Il y a eu un gagnant qui m’a expliqué que le papier rose est celui de Lafite et que grâce à la hauteur de la surépaisseur du goulot, qu’on pouvait deviner, il avait pu dire que le vin était de 1982 plus ou moins un an. J’étais content que l’énigme ait un gagnant. Matic vit en Slovénie. Il est architecte et passionné de vin.

Parallèlement, Adrien, un français vivant à Singapour s’était inscrit à un dîner que j’ai été obligé d’annuler. Imaginant qu’il avait pris un billet d’avion pour venir au dîner, sans poser de question je lui ai proposé de se joindre au déjeuner que je peux appeler « Enigma », et qu’il serait mon invité.

Nous serons donc trois à déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur. J’arrive à dix heures pour ouvrir mes vins ainsi que le vin d’Adrien, un Haut-Brion 1986.

Le champagne Salon 1997 est ouvert par Aurélien, le sommelier devenu aussi directeur de salle, parce que je n’ai pas assez de force pour l’extirper. Le Haut-Brion 1986 a un bouchon de belle qualité. Le parfum est prometteur, mais le vin devra s’élargir.

Le Château Lafite-Rothschild 1962 est le vin que j’ai choisi pour le gagnant de l’énigme, accompagné d’autres vins. Le bouchon vient entier, de belle qualité, et le parfum délicat promet d’être grand.

J’ai aussi apporté l’Echézeaux de la Romanée Conti que nous avions partagé hier au restaurant Pages que je cache pour en faire la surprise. Et le Tokaji Escenzia 1988 reste dans ma musette et n’apparaîtra que si le déjeuner s’y prête.

Ayant fini ma tâche, je me promène par un matin ensoleillé autour de l’Ile Saint-Louis et autour de Notre Dame. Il y a beaucoup de touristes et de parisiens de l’île. Mon Dieu que Paris est joli quand les rues sont propres et les piétons charmants. J’ai habité l’île quand j’étais jeune marié et j’ai retrouvé des émotions d’un Paris calme et serein.

Matic et Adrien arrivent. Ils sont tous deux de 1990. Des gamins !

Nous trinquons au Champagne Salon 1997 qui est de belle noblesse mais n’est pas glorieux. C’est parce qu’il a besoin d’être associé à des mets. Avec les rillettes il prend de l’envol. Il deviendra spectaculaire lorsqu’il sera associé à une bouillabaisse, dont la sauce propulse le Salon à des hauteurs infinies. Quel grand champagne de gastronomie, mon préféré parmi les jeunes Salon.

Pour le homard, nous buvons le Château Haut-Brion 1986. Ce vin est riche puissant, solide comme un rugbyman, élégant, et explosant de truffe. Là aussi, c’est avec la bisque légère mais insistante que le vin devient superbe.

Le plat de viande de bœuf maturé est exactement comme je l’aime, précis, droit, lisible. Alain Pégouret connaît mes goûts puisque nous avons fait ensemble plus d’une quarantaine de dîners. C’est à ce moment que je sers l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti dont il restait la moitié de la bouteille. Et j’ai demandé à chacun de manger une pomme de terre soufflée couverte de sel, ce qui s’impose pour la Romanée Conti. Quelle immense surprise pour moi, car ce vin qui avait hier un bas niveau et montrait sa fatigue est aujourd’hui entraînant et émouvant. Il est à dix étages au-dessus de l’émotion de la veille. Et cela m’a donné l’idée et l’envie, pour les vins de la Romanée Conti qui ont perdu du volume, de les ouvrir la veille et non pas quatre heures avant. Mes convives sont aux anges, et ils ressentent bien à quel point ce vin dégage quelque chose d’immatériel, comme lorsqu’on entre dans une cathédrale.

Le Château Lafite-Rothschild 1962 se résumerait par deux mots : charme et distinction. Mais c’est surtout le charme que l’on ressent. C’est un grand vin qui n’a pas la puissance du Haut-Brion 1986 mais qui est plus complet, raffiné et élégant. L’accord avec la sauce lourde est idéal.

Quatre fromages vont accompagner chacun l’un des vins. Les conversations sont si agréables que nous prenons le temps de choisir un dessert au chocolat qui accompagne le Tokaji Escenzia Aszu 1988 envoûtant, séduisant et léger par rapport à d’autres Tokaji, qui est marqué de la même différence qu’un Sauternes qui a « mangé » son sucre a avec un Sauternes au fort botrytis.

Nous avons voté pour nos trois préférés et dans l’ordre Matic a mis : Echézeaux, Lafite et Haut-Brion, Adrien a choisi : Lafite, Echézeaux, Haut-Brion et j’ai classé : Lafite, Haut-Brion et Echézeaux. C’est particulièrement intéressant que ces deux jeunes amateurs aient mis premier ou second l’Echézeaux que beaucoup d’autres amateurs inattentifs auraient éliminé en le trouvant au premier contact impossible à boire et auraient peut-être, hélas, vidés dans l’évier.

Nous avons beaucoup parlé. Ils étaient émus de goûter les vins de ce repas. Ce fut un grand moment de partage causé par une énigme. Du vrai bonheur.

Déjeuner suite à une énigme sur Instagram dimanche, 21 mai 2023

Il y a quelques années, j’avais mis sur les mails d’envoi de mes bulletins des énigmes, pour que les lecteurs s’amusent à chercher les réponses, avec pour récompense de déjeuner avec moi autour de grands vins. J’ai repris cette idée sur Instagram pour animer le dialogue avec des abonnés de tous pays.

La récente énigme datait du 27 février 2023. Les réponses furent extrêmement rapides et elles favorisaient les français par rapport aux américains qui se lèvent beaucoup plus tard. Johan était le premier vainqueur, puis Pierre qui me connaît bien et avec Pierre-Antoine, je voulais figer la liste des gagnants, car la récompense prévue était un déjeuner pour lequel j’apporterais un vin du domaine de la Romanée Conti.

Peu de temps après, voulant vider ma messagerie des spams reçus récemment, je vois qu’Adrian, un espagnol, avait répondu avant Johan. Je n’allais pas dire à Pierre-Antoine qu’il ne serait pas invité aussi quatre personnes furent déclarées gagnantes, un espagnol, un suisse, un français vivant près de la Suisse et un français se partageant entre Paris et la Champagne. Il fallut ajuster les agendas pour que tous se mettent d’accord sur une date. Nous avons trouvé une solution.

Le gagnant espagnol veut apporter deux vins espagnols et je lui suggère de n’en apporter qu’un. L’ami français (avec qui je déjeunais hier autour de son Montrachet 1926) veut apporter un vin. J’ai donc rempli ma musette de plus de vins qu’il ne faut, et je choisirai en fonction des apports.

L’enjeu était de boire une bouteille de la Romanée Conti, mais avec quatre gagnants il me semble qu’il en faut deux.

A 11 heures j’arrive au restaurant Pages où je suis accueilli par de larges sourires de l’équipe qui travaille en cuisine. Je commence l’ouverture par La Tâche 1963 et en enlevant la capsule, se libère une masse poussiéreuse noire. Le bouchon que je tire se soulève et exhale une vilaine senteur vinaigrée de serpillère. Masquée par mon silence, c’est une tempête sous mon crâne. Je maugrée. Je me dis : « non pas ça, hier j’ai eu une La Tâche 1956 morte. Pas deux fois ! ». J’enlève le bouchon et je sens le vin. Rien. Pas un seul petit signe de déviation. Le nez est clairement celui d’un vin du Domaine, avec toutes les caractéristiques que j’aime. Comment est-ce possible que l’odeur du bouchon n’ait pas laissé de trace dans le vin, je ne sais pas, mais je fais : « ouf ».

L’ouverture de l’Echézeaux 1989 est beaucoup plus facile et sans incident. Des deux vins d’Adrian je choisis le Viña Tondonia Rioja rouge 1970 dont le parfum est une merveille.

Le bouchon du Pavillon Blanc de Château Margaux 1979 me fait souffrir car il y a dans le goulot une telle surépaisseur de verre que le liège vient en mille morceaux. J’ouvre le Santenay Jessiaume Père & Fils 1943 de Pierre qui montre un parfum charmant et je finis par le magnum du Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 au parfum d’une belle intensité.

Selon la tradition nous nous rendons avec trois des gagnants à la brasserie 116 pour boire une bière japonaise en grignotant des édamamés. C’est un rite et un plaisir.

Pendant la séance d’ouverture j’ai mis au point avec le chef Ken le menu en m’inspirant des plats qui sont normalement prévus mais en les adaptant. Après des amuse-bouches délicats il y aura une entrée à base d’artichaut, du cabillaud cru puis du cabillaud cuit avec une sauce au vin rouge, une viande de bœuf en deux cuissons et une gaufre de pomme de terre et petit pois, du wagyu servi simplement sans accompagnement, du saint-nectaire et un original millefeuille grillé à la vanille.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est un champagne d’une simplicité d’approche que j’adore. Tout en lui est lisible, cohérent, rond et agréable. Il est solide et très gastronomique. Il accompagne les amuse-bouches, la composition à base d’artichaut et le poisson cru, et sera pertinent sur l’excellent dessert. Je trouve ce 1996 un peu moins vif qu’il y a quelques années. Il retrouvera de nouvelles énergies.

Le Pavillon Blanc de Château Margaux 1979 a une très jolie couleur. Il est franc et droit, et trouve un bel accord avec le poisson cru. Il n’est pas très complexe mais se montre très jeune, pur et plaisant.

Le Santenay Jessiaume Père & Fils 1943 est un vin plutôt léger surtout si on le compare aux trois autres rouges, mais son côté aérien et frais est fort agréable. Son acidité est belle. Il n’a pas d’âge et la sauce au vin du cabillaud va le mettre en valeur. Nous nous faisons plaisir.

Les deux vins de la Romanée Conti sont servis ensemble. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963 est absolument divine, et avec Pierre nous convenons qu’elle est encore supérieure à La Tâche 1965 que nous avons adorée hier. Ce vin est idéal, parfait, avec une émotion extrême, tant sa subtilité est infinie. On est dans ce que la Romanée Conti fait de mieux. Aubert de Villaine m’avait dit il y a peu de jours que je trouve dans les petites années des plaisirs extrêmes et ce 1963 est un exemple parfait et convaincant, car les petites années révèlent pour moi d’extrêmes subtilités.

Je sens les gagnants très émus d’entrer ainsi dans le monde de la Romanée Conti. On ne pouvait pas rêver mieux.

Il va se passer quelque chose d’assez extraordinaire avec l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989. Au moment où on le découvre il est droit, carré, solide et facile à lire. Un bon second à côté de La Tâche. Mais il va progresser à une allure incroyable, gagnant en complexité, en largeur, en affirmation, et devient un vin immense, très au-dessus de ce que je pouvais imaginer, tout en plaisir. Cette ascension sera telle que deux convives mettront dans leur vote l’Echézeaux devant La Tâche pourtant sublime.

Les deux vins étaient agréables sur la viande bœuf mais c’est surtout sur le délicieux wagyu qu’ils s’expriment, le gras de la viande amplifiant toutes leurs subtilités.

Le Viña Tondonia Rioja rouge 1970 offre un parfum d’une pureté absolue. S’il était seul, sans les bourguignons, on l’applaudirait, car il a une construction parfaite et raffinée. C’est l’excellence du vin espagnol avec une grande finesse. Le saint-nectaire met en valeur sa maturité accomplie.

Le millefeuille très original redonne au champagne l’occasion de nous faire plaisir.

C’est le moment des votes. Trois places de premier vont à La Tâche 1963 et deux places de premier pour l’Echézeaux 1989. Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche 1963, 2 – Echézeaux 1989, 3 – Champagne Henriot 1996, 4 – Viña Tondonia 1970.

Mon vote est : 1 – La Tâche 1963, 2 – Echézeaux 1989, 3 – Viña Tondonia 1970, 4 – Pavillon Blanc 1979.

L’ambiance de notre table était formidable. C’est comme si nous nous connaissions depuis toujours. Mes convives étaient aux anges, ravis d’avoir abordé le domaine de la Romanée Conti avec des vins aussi parfaits et émouvants. J’ai fait servir en cuisine un verre de chacun des vins du Domaine et j’ai pu voir à quel point le chef Ken était ému de boire des vins aussi brillants.

A la table voisine, deux chinoises regardaient avec envie les vins que nous buvions. Nous avons bavardé à la fin du repas avec elles. Ce serait assez amusant qu’à la suite de ce contact je puisse faire à nouveau des repas à Pékin.

La cuisine du chef Ken est particulièrement pertinente pour les vins du repas. Je suis content d’avoir créé l’énigme qui m’a permis de rencontrer des amateurs aussi passionnés et conviviaux.

 

Magnifique dîner au restaurant Paul Bocuse dimanche, 7 mai 2023

Thomas a participé à plusieurs dîners dont le 249ème tenu à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët où avaient été servis trois Vosne-Romanée Cros-Parantoux des trois vignerons qui en ont des parcelles, Henri Jayer, Emmanuel Rouget et Méo-Camuzet. On en retrouvera la mémoire dans ce repas.

Il fête cette année ses 40 ans et depuis trois ans il a cherché à rassembler les plus prestigieux vins du millésime 1983 pour faire un repas d’anthologie avec des amis connaisseurs. Il veut le faire au restaurant Paul Bocuse à Collonges-au-Mont-d ‘Or et m’a demandé de prendre contact avec le directeur général du restaurant, Vincent Le Roux, pour mettre au point le menu.
Il souhaite aussi que je définisse les vins du repas ainsi que leur ordre. Hier nous avions dîné pour vérifier la pertinence des plats et mettre en place les derniers ajustements.

Le jour J, j’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins et dès mon arrivée le chef exécutif Gilles Reinhardt vient me saluer et m’explique qu’il n’avait pas pu rester hier pour que l’on commente les plats et me dit qu’il a été navré de ce contretemps. J’apprécie énormément qu’il ait eu cette sympathique attitude.

L’ouverture des vins se fait en présence de Thomas et de Maxime Valéry chef sommelier. Les bouchons viennent assez facilement sauf celui du Cheval Blanc 1983 très serré dans son goulot. Le bouchon de La Tâche 1983 vient en charpie car en haut du goulot il y a une surépaisseur de verre qui déchire le bouchon lorsqu’on le tire.

Le plus beau parfum est celui du Chablis Les Clos Dauvissat 1983 en magnum. Sa couleur est belle et ce vin promet.

A 20 heures nous sommes huit et il n’y a que des hommes, amis de Thomas. Nous sommes dans un salon de taille idéale et Maxime Valéry va nous accompagner tout au long du repas et va même participer aux votes en fin de repas.

Le menu préparé par le chef exécutif Gilles Reinhardt qui est MOF est : les amuse-bouches / fine tartelette croustillante, chou-fleur en différentes textures et caviar osciètre royal / quenelles de sandre et homard sauce champagne / omble de fontaine bio, risotto végétal, jus d’arêtes au vin rouge / découverte de l’agneau laiton de l’Aveyron, petits pois à la française / canette des Dombes en deux services / le citron jaune bio, rafraîchi aux feuilles de céleri et agrumes confits aux baies de genièvre.

Le Champagne Dom Pérignon 1983 magnum à l’ouverture avait explosé et sauté en l’air ce qui est rare pour un champagne de quarante ans, mais dû à la température qu’il avait. Il est servi maintenant un peu chaud mais cela lui va assez bien. C’est un champagne vif, pour lequel la puissance compte plus que le charme. Les millésimes des Dom Pérignon ont tous des personnalités différentes et celui-ci est dans le camp des Dom Pérignon vifs et doux à la fois. Il est large et adapté aux amuse-bouches délicats et subtils.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1983 montre immédiatement qu’il est plus complexe et plus fin. C’est une autre version du champagne noble. Mais je trouve qu’il manque un peu d’émotion comme un acteur qui récite son texte sans trop de passion. C’est évidemment un grand champagne mais pas au niveau qu’il devrait avoir, comme le démontrera le vin qui suit. La tartelette est un pur régal qui cohabite le mieux avec le Dom Pérignon pour le caviar et le poisson cru alors que le jaune d’œuf avec le caviar trouve un bel écho avec le Krug.

Sonnez, trompettes de la renommée, car arrive maintenant le Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum sur la légendaire quenelle. Le nez de ce vin est irréel tant il est puissant, affirmé et expressif. En bouche, c’est un vin parfait qui exsude des saveurs glorieuses. Nous faisons tous silence pour nous imprégner de ce divin breuvage. Magnifique vin intense, doré et rond, et accord sublime avec l’onctueuse quenelle. C’est un immense moment.

Le Château Cheval Blanc Saint-Emilion 1983 est associé à l’omble qui est un plat que j’adore et que j’avais estimé hier digne compagnon d’un rouge. Le jus d’arêtes est moins intense qu’hier alors que c’est lui qui crée l’accord. Le Cheval Blanc est au sommet de son art, d’une truffe forte et riche et d’une personnalité épanouie. Thomas et Alexander avaient bu plusieurs grands bordeaux de 1983 récemment et le Cheval Blanc avait dominé les autres dont Margaux et Latour qui sont pourtant de solides gaillards. Celui-ci est très grand et n’aura pas la consécration de votes qu’il mériterait dans un autre dîner car comme au rugby, les cinq bourgognes vont faire un barrage infranchissable aux votes finaux pour lui.

L’agneau accompagne les deux premiers bourgognes. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983 apparaît pour certains plus vieux qu’il ne devrait être et ils font mauvaise mine, alors que je me dis : « enfin un vin de mon monde », bien sûr avec humour. Les amis glorifient donc le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1983 alors que je le trouve un peu aqueux et timide. Il va sans dire que les deux sont de très grands vins, mais la force du Roumier associée à une belle maturité même si elle est un peu précoce, me séduisent absolument, alors que la timidité du Rousseau n’arrive pas à me convaincre. L’agneau est absolument superbe et s’affronte au Chambolle-Musigny pour mon plus grand plaisir.

La canette des Dombes est présentée en deux services. Les deux vins d’Henri Jayer seront servis lors de la première étape. La découpe des canettes est faite par Jean-Philippe Merlin, le directeur de salle historique qui a découpé plus de quarante mille oiseaux pendant sa carrière chez Paul Bocuse.

L’Echézeaux Henri Jayer 1983 et le Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983 sont deux vins tellement sublimes et subtils qu’une nouvelle fois il faut se recueillir pour écouter leur message. Tout est en subtilité et les deux vins se montrent extrêmement différents. Un ami voit dans le Cros Parantoux des accents de Richebourg alors que je lui vois des accents de Saint-Vivant, ce qui montre la diversité des goûts. Sept votants mettront le Cros Parantoux devant l’Echézeaux. Je serai le seul avec le sommelier à mettre l’Echézeaux devant le Cros Parantoux. J’ai trouvé une expression virile de l’Echézeaux quasiment parfaite alors que le Cros Parantoux exceptionnel lui aussi n’avait pas la même force de persuasion à mon goût.

Quel cadeau de Thomas d’avoir mis ces deux vins dans son repas d’anniversaire ! Et les deux vins étaient au rendez-vous car malgré ma remarque, nous avons eu devant nous l’expression la plus aboutie de l’âme du vin bourguignon d’exception.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 est le seul vin non apporté par Thomas. C’est mon cadeau. Il est servi en même temps que la seconde partie du plat de la canette des Dombes, riche et complexe dans sa conception mais de goût généreux. On sait que j’ai tendance à aimer particulièrement les vins que j’apporte mais je crois que j’ai raison en ce cas. Immédiatement ce vin me donne l’impression d’une totale perfection, ce que je n’ai ressenti que pour le Chablis Dauvissat dans ce dîner. Et ce sentiment de perfection me marque. Mon voisin de table aura la même analyse. C’est impressionnant car pour mon goût La Tâche dépasse les quatre bourgognes précédents, malgré leurs immenses qualités. Je ressens l’équilibre, la puissance bien maîtrisée et une fraîcheur rare. Avec le plat en croûte, le bonheur est à son comble.

Il est déjà tard aussi paraît-il opportun que l’on vote au moment où le Château d’Yquem 1983 va être servi. Je propose qu’Yquem ne fasse pas partie des votes pour gagner du temps. Cet Yquem est particulièrement bon et se présente comme une belle synthèse de ce qu’est l’âme d’Yquem, avec un beau botrytis, une grande solidité et une richesse certaine. Il est cohérent dans tous ses aspects et le dessert crée un des plus beaux accords du repas, la délicate meringue faisant saliver l’Yquem.

Pendant que nous buvons l’Yquem, un des deux grooms vient jouer de son orgue de Barbarie, un serveur apporte une assiette avec une bougie allumée et nous applaudissons Thomas pour son anniversaire et pour sa générosité.

Les votes de premier sont concentrés sur trois vins, le Cros Parantoux Henri Jayer ayant quatre votes de premier, La Tâche trois votes de premier et le Chablis deux votes de premier et malgré ce plus petit nombre de votes de premier, ce sera le Chablis qui finira premier car il a reçu des votes de tous les participants, plus le sommelier qui a aussi voté. Tous les vins ont eu au moins un vote.

Le vote du consensus est : 1 – Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum, 2 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – Echézeaux Henri Jayer 1983, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983, 6 – Champagne Dom Pérignon 1983 magnum.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum, 3 – Echézeaux Henri Jayer 1983, 4 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983.

Ce repas a été un repas d’anthologie. Thomas y a mis tout son cœur. Les plats ont été adaptés en taille et en préparation. Tout a été absolument succulent. La quenelle est légendaire et j’ai un amour particulier pour l’omble. Les accords ont été superbes, le plus beau étant la quenelle avec le chablis, suivi de l’Yquem avec le citron jaune. Le service a été extrêmement attentif à cette expérience rare et Maxime Valéry a fait un service des vins original et précis, en une expérience nouvelle pour lui.

Les équipes motivées et souriantes ont contribué à la réussite d’un très grand repas qu’avec l’accord enthousiaste de Thomas je classe 276ème des dîners dont j’ai participé à la création. Une belle aventure.


mes apports dont des cadeaux

la Tâche sera ma contribution au dîner

les vins du dîner

l’ouverture des vins

le limonaire pour l’anniversaire de Thomas

275th lunch at Plénitude Restaurant dimanche, 30 avril 2023

The 275th wine-dinner event, a lunch, is being held at the Plénitude Arnaud Donckele restaurant at the Cheval Blanc hotel in Paris. At 9:30 a.m., I go to the hotel entrance and the porter, like the employees in charge of luggage, says to me « hello Mr. Audouze ». I walk through the front door and the person in charge of reception, whom I already know, says ‘hello Mr. Audouze’. The sommelier not being available yet, I ask this charming lady if I can have a coffee. I go up to the seventh floor where there is a bar and they say ‘hello Monsieur Audouze’.

I will learn later that Alexandre Larvoir, the manager of the Plénitude restaurant had a note with my photo distributed to all the places I could go, which explains why I was recognized. It’s fun and it’s a great idea.

As soon as I can, I start opening the wines and the weather conditions must be strong because many corks give the impression of being swollen to the point that I had to use the Durand corkscrew which combines a classic wick with a bimetal which goes up the corks more easily but which I avoid using because the bimetallic strip tears the edge of the corks which is annoying for my collection of corks.

The 1966 Château Carbonnieux Blanc has a pronounced cork nose and what bothers me is that the cork also smells of cork. I will monitor the evolution of this perfume.

The champagnes open easily but the cap of the Dom Pérignon 1966 breaks into a thousand pieces which is unpleasant and has existed for years.

Even with the Durand, the Chablis Rebourseau and Philippon 1923 cork fell apart. Its scent is promising.

The two Bordeaux have absolutely perfect corks and their flavors are superb, that of Haut-Brion 1929 being divine.

The Echezeaux has a cork entirely surrounded by fat and comes whole. The neck is covered with this grease and I clean it with my fingers which turn black. I had a picture taken of my dirty hand. It’s impressive. But what is incredible is that the perfume of the wine is moving as it expresses what makes the soul of Romanée Conti.

I had to use the Durand for the Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 as the cork was difficult to eradicate. It is black on three quarters. The nose is more solid and makes me think of the warrior character of Richebourg more than the subtlety of Romanée Conti, but the wine looks great on the nose diagnosis.

The Rayas 1976 has an engaging fragrance and the Yquem 1967 offers a breathtaking bouquet of scents. Malaga 1872 has a heavy wax that is very hard and difficult to remove. The perfume is a journey into the beyond as the sweet and the dry interlace.

All is well except for the Carbonnieux. Two hours later the cork nose has almost disappeared and shortly before the arrival of the guests there is almost no more fault, but not completely.

Arnaud Donckele comes to greet me and tells me that he wanted to integrate my personality into his creation, which must represent our two visions. The opportunities to put his talent at the service of legendary and ancient wines are rare. He appreciates all the more that we intertwine our intuitions.

Guests are punctual. There will be eleven of us, all of the same gender, and my guests come from three countries, England, Germany and Poland.

I present my dinners that none of the guests have practiced and on delicate appetizers we drink Champagne Krug 1989. It has no more bubbles, its color is a summer wheat gold and its personality is triumphant. It is a great harmonious, balanced and joyful champagne. For my guests it is an opportunity to enter a world they do not know, that of old champagnes.

We sit down to eat. The menu created by Arnaud Donckele from our common reflection is: oyster, caviar, agaric for Gratin ‘champenois’ / rabbit, brocoletti, mousseron for vinaigrette ‘Saint-Saëns’ / white asparagus, green mango, herbs for coulis ‘Narcisse’ / red mullet, baker’s, crocus, for ‘one-eyed’ sabayon / veal, morels, walnut for ‘clavelin’ sabayon / pigeon, giblet, herbs for ‘delicacy’ salmis / emotional memory for ‘orchard balm’ juice.

We see that the word ‘for’ exists in the title of each dish, because the flesh or the solid is at the service – so to speak – of the sauce. When Arnaud comes to see us at some point during the meal, he will say: « start with the sauce ».

Champagne Dom Pérignon 1966 is absolutely divine and its sparkling is more pronounced than that of Krug. I drank this vintage of Dom Pérignon 27 times and in my opinion it is the greatest 1966 that I have drunk. What Grace. So much the Krug is in affirmation, so much the Dom Pérignon is in suggestion. The pairing with the oyster is perfect.

I warned my guests that the Château Carbonnieux Blanc Léognan 1966 had a cork nose when opened, and in the glasses whose top is very narrow compared to the opulence of the shape of the glass, the small residual cork nose is amplified. But on the palate, what remains of the cork nose is insignificant on the palate. I had warned that I could open another white wine but no one was bothered to the point that a guest ranked this wine second in his vote.

The Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923 accompanies the Carbonnieux on the rabbit executed in a masterful way. I wanted us to drink a hundred-year-old wine. This Chablis is all about delicacy. He is airy and shows no signs of fatigue. It is not very complex, it is moving. And it creates an agreement with the sauce which is anthological.

One of the guests had said at the beginning of his first contact: « I don’t recognize a Chablis in this wine » and I reassured him because, just as an old champagne is in another world than a current champagne, a century-old Chablis no longer has the characteristics of a young Chablis and what counts is the emotion it provides. Everyone will understand this since this wine will be included in nine out of eleven vote sheets. A success.

I say to my friendly guests: the Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1989 is a return to the world of wine that you know, since it has all the characteristics of a dazzling young wine. In another meal, he would be a winner, he is so brilliant. But here the attention is more towards old wines. I thought of the Montrachets. This Musigny is more incisive and sharp whereas the Montrachets are broader and opulent. Both are expressions of the absolute excellence of white Burgundy wine. The pairing with the asparagus and its sauce is magical.

An anecdote concerning Ausone 1955 and Haut-Brion 1929 which appear now. When I open the wines a few hours before the meal, I don’t taste, to have a slow oxygenation in its purity. I only feel. During lunch, wines are served by the sommelier. I ask him to serve me the first drops so that I can let everyone know if there is a problem. So I drink before the dish is served. But in my meals, the wines are served after the dish is on the table, so that the guests do not drink a wine with the memory of the previous dish. Wine should be drunk after the first bite of the dish designed for him. To inform the guests, I do the opposite. We had just had the asparagus with a green herb sauce. I taste the wines and the smell is not nice and for both wines their finish is too short. So I inform my guests that both wines might have problems and that I will open another wine if they are not satisfied.

I receive my dish, I drink the wines which have not the slightest problem. Everyone enjoyed it and no one asked me to open another wine. This shows the influence of a dish on wine’s taste.

Château Ausone Saint-Emilion 1955 has a very expressive nose and on the palate the wine is strong, powerful, intense and rich. It is a conqueror with a trace of truffle in the middle of the mouth.

Château Haut-Brion 1929 is all nobility with a certain refinement. Its length is superb. Our table will be split in two, with supporters from Ausone and others from Haut-Brion. If Haut-Brion did not shine as much as that, it is because a small veil of dust reduced the pleasure without masking the message of the wine and its nobility. The guests were happy to see that Bordeaux can reach such riches. And what was their surprise to see that these two wines go well with a fleshy and powerful red mullet.

The Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957 which had stained my hands has a nose that I love, which expresses the soul of Romanée Conti wines with salt and rose, these markers that I love. What a moving wine.

The Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 is solid. Its fragrance is rich and its taste like its nose reminds me of the pride of Richebourg. La Romanée Conti can have this facet. But the grace and dazzling finesse of Romanée Conti are also there. It is a very great wine but my heart will go to Echézeaux. The pairing of the two wines with the veal is very subtle.

Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976 is so easy to understand! After four red wines that demand attention, the palate settles into a conformable armchair and listens to a reassuring message, which obviously does not exclude richness and complexity. That’s what the pigeon needed. This wine is great but still quite far from the mythical 1978.

The Château d’Yquem 1967 is splendid. Its fragrance is inimitable. It’s an explosion of scents. I must say that the dessert is absolutely magical and blew me away. We can understand that in a temple that belongs to LVMH we had the opportunity hundreds of times to try perfect pairings with Yquem, but I am still blown away. The 1967 is now more mellowed and plays more on its grace than on its power.

We will see in the votes that my guests, more concerned about entering the unknown world of old wines, will vote less for wines like Rayas or like Yquem because the surprise is less strong.

Alexandre Larvoir tells us that his team will have to prepare the dining room for the dinner that will follow and suggests that we go to the smoking room to taste the Malaga 1872. We therefore voted by drinking the Malaga 1872 which is not part of the wines to be ranked, each voting for their five favorite wines.

Yet the Malaga 1872 deserves our attention, because it combines sweet and salty, sweet wine and dry wine. This kaleidoscopic and confusing complexity is a refined pleasure.

All the wines, without the Malaga, had at least one vote, which makes me happy because each wine was able to be in the top five of at least one voter. Five wines have had the privilege of being named first, Echézeaux four times, Romanée Conti three times, Chablis twice, Krug 1989 once and Rayas 1976.

The ranking of the eleven guests is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 3 – Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923, 4 – Champagne Dom Pérignon 1966, 5 – Château Ausone Saint- Emilion 1955, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976.

My ranking is: 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 – Château Haut-Brion 1929, 4 – Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923, 5 – Champagne Dom Pérignon 1966.

What pleases me the most is that Chablis came third. It was ranked in the top five by nine out of eleven diners. That a hundred-year-old wine and Chablis achieve such a performance delights me with ease.

The service is always of the highest quality. Maelys, Anaïs and Marion served us remarkably well. They combine professionalism and beauty. As usual Emmanuel Cadieu made a perfect wine service.

For my taste, the best pairing is rabbit with Carbonnieux and Chablis, then asparagus and white Musigny. The most original is the pairing between the red mullet and the two Bordeaux wines.

Placing the rabbit at the top of the meal and before the red mullet is one of the caprices that I appreciate, because I like breaking the codes, and doing it with the complicity of Arnaud Donckele and above all his talent, it’s a Supreme hapiness.