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117ème dîner de wine-dinners au restaurant Guy Savoy mercredi, 29 avril 2009

Après une courte pause dans les jardins du restaurant Ledoyen et une petite marche digestive, je me présente au restaurant Guy Savoy pour ouvrir les vins du 117ème dîner de wine-dinners. Sylvain qui arrange les 132 verres sur la table viendra de temps à autre vérifier les odeurs des vins que je débouche. Il avait envisagé de mettre la Côte Rôtie entre les bordeaux et les bourgognes. Le choix de l’ordre de passage viendra des odeurs mais j’ai ma petite idée. Le test olfactif confirme mon choix de mettre la Côte Rôtie à la fin des rouges. Et j’ai eu raison. Il me faut batailler avec beaucoup de bouchons qui s’émiettent. L’odeur la plus merveilleuse est celle du Pommard 1947 dont je me demande s’il ne va pas damer le pion au Cros Parantoux d’Henri Jayer, vin mythique. Un vin libère une odeur d’entrailles de gibier attaquées par des mouches combinée à une désagréable senteur de petit lait. C’est atroce. Je n’en dis pas plus, pour laisser apparaître la considérable surprise au moment opportun. Le salon où nous dînerons est de l’autre côté de la rue mais dispose d’une mini-cuisine. J’assiste à un balai incessant de jeunes commis qui apportent les ingrédients de notre dîner. Cette noria est impressionnante.

Nous sommes servis par Julien, qui a fait un travail de sommellerie remarquable, par Carole, qui présente les plats avec une féminine assurance et une dévotion pour le chef qui fait plaisir à entendre, et par Emilie au beau sourire qui nous apporte des douceurs comme s’il s’agissait d’hosties consacrées.

Dans la salle à manger privée très étroite, la forme de la table me fait un peu peur pour les conversations qui vont se répartir en trois groupes, mais si cela s’est effectivement produit, l’ambiance fut enjouée, riante, concentrée sur la recherche du plaisir. Autour de la table un ami de longue date avec collaborateurs ou clients, un couple d’amis italiens qui a eu le nez de me téléphoner le matin même pour obtenir de dernière minute de remplacer des défections du dernier instant, un couple de japonais et quelques fidèles. Sur douze personnes, deux seulement participaient à leur premier dîner.

Comme nous sommes plus nombreux que d’habitude j’ai remplacé le champagne Dom Pérignon 1970 prévu en bouteille par un magnum que je venais d’acquérir. La bouteille fuyait un peu dans son emballage de livraison. Je m’en veux de ne pas avoir purement et simplement refusé cette bouteille, car dès la première gorgée, je suis furieux. La couleur est d’un brun gris, la bulle est inexistante, et le goût est fortement vicié par un contact fugace avec le métal de la capsule ou du muselet. Quand je n’aime pas, je n’aime pas et certains amis sont étonnés de me voir si virulent contre un vin somme toute buvable. Nous sommes debout, en train de goûter de délicieux toasts au foie gras et de fines tranches de parmesan de 36 mois. Il me faut agir. Je commande dans l’urgence une bouteille de Champagne Alfred Gratien Blanc de Blancs. Ce champagne à la bulle puissante crée un tel contraste qu’il me paraît impossible de le boire tant le saut « back to the future » est quasi impossible. Alors, je goûte à nouveau le Dom Pérignon qui me devient tout-à-coup agréable, comme s’il avait effacé ses malheurs. Hélas, le mal revient. Nous passons à table car je ne veux pas prolonger l’agonie et je fais servir à la fois l’Alfred Gratien mais surtout le Champagne Cristal Roederer 1978 qui est une bouffée de bonheur après ces malheurs. C’est un grand champagne d’une couleur qui commence à rosir, d’une belle bulle fine et d’une grande jeunesse malgré ses plus de trente ans. C’est un très bel exemple de Cristal Roederer, d’autant plus apprécié que le Dom Pérignon avait fait faux bond. L’amuse-bouche consiste en un flan de foie gras à la truffe noire et d’un gâteau de foie blond au naturel. L’accord du foie blond avec le Cristal Roederer, accord de complémentarité par le jeu des contrastes est confondant de bonheur.

Le menu créé par Guy Savoy : Rouget Barbet « rôti-farci » comme un gratin / Soupe d’artichaut à la truffe noire, brioche feuilletée aux champignons et truffes / Suprême de pigeon farci, piqué au radis noir, cuit à la vapeur, cuisse poêlée et betteraves, consommé et jus de pigeon / Ris de veau rissolés, « petits chaussons » de pommes de terre et truffes / Dessert d’Yquem / Fondant chocolat au pralin feuilleté et crème chicorée.

Le rouget accueille deux vins blancs. C’est un mauvais service à rendre au Meursault Auguste Prunier 1959, car ce vin s’il était bu tout seul, sur un plat, serait perçu comme un blanc absolument charmant. Son niveau dans la bouteille était exemplaire. Sa couleur est d’un or magnifique. Il est plaisant même s’il manque un peu de coffre. Mais il ne peut rien à côté du Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1953. J’aurais dû utiliser les services d’un huissier pour qu’il note l’odeur du vin à l’ouverture. Plus putridement épouvantable, je ne connais pas. A fuir. Or Julien me donne à goûter maintenant un vin au parfum splendide, pur, éblouissant. En bouche ce vin est la sacralisation du Corton-Charlemagne. L’année 1953 est une année que je vénère pour ce cru et la démonstration brillante en est faite ici. Plein en bouche, joyeux, coloré d’or fin, ce vin est un pur bonheur apportant des sensations de luxure comme le faisait l’Y de ce midi. Par gentillesse, nous revenons au Meursault pour constater à quel point le sort lui est contraire, car il eût fallu qu’il fût seul pour nous donner son beau message de Meursault, d’une belle année. Il est à noter que lorsque j’ai lu l’étiquette, je m’imaginais qu’il s’agissait du Prunier de la rue Duphot, restaurateur et caviste. Mais c’est un « vrai » propriétaire à Auxey-Duresses et non un négociant que ce Prunier.

La soupe d’artichauts est une institution ‘savoyenne’. La brioche que l’on trempe généreusement se justifie pour le plat seul mais beaucoup moins lorsqu’il y a de grands vins, qui se complaisent à la chaude douceur du brouet. Le Château Bensse Médoc 1936 a une couleur d’une franche jeunesse, car le rouge est d’un beau rubis. Le vin est d’une rare subtilité et jamais l’on ne supposerait qu’un 1936 pût être aussi charmant et épanoui. Il a de la violette. Mais comme précédemment, il est associé sur le plat à l’un des plus extraordinaires Pichon que je n’aie jamais bus. Le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1947 est une merveille de raffinement. En le buvant, je suis ému, car une nouvelle fois en peu de temps, je tiens en mon verre ce qui pourrait constituer un idéal du goût du vin rouge de Bordeaux. Et je constate que ce vin, issu d’un terroir noble, est immensément aidé par une année qui s’installe maintenant sur un sommet. Je me souviens qu’il y a vingt ans, les années 1928 et 1929 représentaient mon idéal. Vingt ans plus tard, je trouve en 1947 l’idéalisation de mes souhaits gustatifs.

Le pigeon est une merveille et va donner lieu à une succession d’accords d’anthologie. Si les paires de vins précédents étaient boiteuses, tant l’un des vins surclassait l’autre, la paire de bourgognes rouges est un festival de perfection. Tout ce qu’on peut adorer en Bourgogne se retrouve en ces deux vins. Le Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1986 a un nez de dictionnaire c’est-à-dire que si l’on doit définir le nez idéal bourguignon, on ouvre à la page de ce vin, et c’est ça. En bouche il est parfait avec la salinité affirmée et un plaisir buccal rare. Mais le Pommard F.de Marguery 1947 a beaucoup plus de charme. Le vin d’Henri Jayer est parfait, une définition vivante. Le Pommard est moins universel, mais il a un charme et un romantisme uniques. Et lui aussi me confirme que 1947 est une année miraculeuse. Car jamais on ne pourrait commettre le sacrilège de placer ce Pommard devant un vin d’Henri Jayer s’il n’y avait le choix de cette année. Le bouillon de pigeon avec le Vosne-Romanée est absolument fusionnel. Cet accord sera couronné comme le plus grand du dîner. Un détail intéressant : sur le bouchon du Pommard est écrit : Domaine Roland Thévenin.

Le ris de veau est caramélisé en surface et fondant en son centre. Pour le plaisir du vin, je l’aurais préféré fondant partout. La Côte-Rôtie Audibert & Delas 1949 est elle aussi d’un rouge au beau rubis, ce qui fait que les cinq vins rouges pourtant anciens ont tous présenté des couleurs rouges éblouissantes, sans l’ombre d’une trace de tuilé. Ce qui me plait dans les vins anciens du Rhône, c’est que le message apparemment simplifié par l’âge recouvre une magique complexité. C’est d’un charme de jeune premier. Tout semble facile, mais c’est le fruit de la terre et du travail de l’homme, bonifié par un soleil complice. La chaude lourdeur de ce vin justifie sa place en fin de session des rouges.

Le Château d’Yquem 1980 est indéniablement Yquem et le dessert de Guy Savoy où la mangue et l’ananas se taillent une belle place lui est favorable. Mais j’ai trouvé cet Yquem classique beaucoup plus « en dedans » par rapport à des versions précédentes de la même année. Le Grenache Vieux « Superior Quality » Années 30 sur l’étiquette duquel est inscrit « très recommandé », ce qui est d’un bon enfant charmant, est moins charmant que son intention. Car ce vin qui évoque de stricts portos est assez déstructuré, fade, inconstant. Je suis gêné par des traces de gibier qui semblent ne pas entamer le capital de sympathie que ce vin trouve auprès de mes hôtes.  J’attendais l’originalité. Elle est là, car ce vin est déroutant et même plaisant, mais on est très loin du plaisir qu’il aurait pu donner.

Tout le monde connaît la chanson sur les cheveux d’Eléonore : « quand y en a plus y en a encore ! ». C’est le numéro que nous a joué l’équipe de Guy Savoy, car la sarabande des desserts qui n’en finissent pas tourne presque au théâtre de boulevard. L’image qui me vient est celle de ce prestidigitateur de cirque qui tire de sa bouche un mouchoir coloré, puis un autre qui lui est attaché et défile plus de vingt mètres de mouchoirs dont on se demande comment ils pouvaient être logés dans cette petite bouche. L’avantage de cette profusion est d’être servi par les beaux yeux d’Emilie et les sourires de Carole, mais l’impression d’être gavés tutoie la satiété.

Le vote est particulièrement difficile car il y a eu ce soir des vins éblouissants de perfection. Nous sommes onze sur douze à voter pour onze vins puisque le champagne Alfred Gratien ajouté est hors vote. Dix vins sur onze ont figuré sur les votes, ce qui est magnifique et les onze eussent figuré dans les votes si je n’avais pas fait corriger le vote d’un ami fidèle qui, troublé par mes attaques contre le Dom Pérignon abîmé, voulait lui faire justice. Cinq vins ont eu des votes de premier, ce qui est aussi très plaisant. Le Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1953 a eu quatre votes de premier, le Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1986 en a eu trois, le Pommard F.de Marguery 1947 en a eu deux et le Champagne Cristal Roederer 1978  ainsi que le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1947 ont reçu un vote de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1953, 2 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1986, 3 – Pommard F.de Marguery 1947, 4 – Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1947.

Mon vote est : 1 – Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1953, 2 – Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1947, 3 – Pommard F.de Marguery 1947, 4 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1986.

J’ai longuement hésité tant j’étais tombé sous le charme des deux bourgognes rouges, mais la performance du Pichon 1947 était tellement exceptionnelle que je lui ai donné la deuxième place. Ce qui est sympathique, c’est que le Meursault, le Bensse, la Côte Rôtie et même le Grenache ont obtenu au moins un vote dans les quatre premiers sur onze vins. La gentillesse des votants mérite d’être signalée. Savoir que le vin qui arrive premier aurait été irrémédiablement jeté par un amateur non averti du fait de son odeur immonde est une nouvelle fois une belle leçon.

Il y eut des velléités de cigare et la grande question fut de savoir si ce sont les fumants ou les non fumants qui resteraient en salle. Aussi, d’un mouvement unanime, toute notre table sortit sur le trottoir où il faisait fort bon. Les discussions se sont longuement poursuivies. Les cigares n’apparurent point, c’était un pétard mouillé. Le plaisir d’être ensemble était un feu qui ne voulait pas s’éteindre.

Le vote du consensus et mon vote couronnent quatre mêmes vins qui furent absolument immenses, nous donnant de rares émotions. Guy Savoy venu nous saluer a pu constater l’ambiance enjouée mais attentive à capter à la fois les milles finesses des vins et les innombrables subtilités d’une cuisine chaleureuse et nette. Ce fut un remarquable dîner.

117ème dîner au restaurant Guy Savoy – photos du dîner mercredi, 29 avril 2009

Les bouteilles du dîner

Le champ de bataille de l’ouverture des vins et la table mise en place

Flan de foie gras à la truffe noire et gâteau de foie blond au naturel

Rouget Barbet « rôti-farci » comme un gratin

Soupe d’artichaut à la truffe noire, brioche feuilletée aux champignons et truffes

Suprême de pigeon farci, piqué au radis noir, cuit à la vapeur, cuisse poêlée et betteraves, consommé et jus de pigeon

Ris de veau rissolés, « petits chaussons » de pommes de terre et truffes

Dessert d’Yquem (horreur, j’ai oublié de photographier le dessert ! Alors je photographie l’assiette vide !)

Fondant chocolat au pralin feuilleté et crème chicorée.

La table en fin de repas

 

117th dinner of wine-dinners – the wines mercredi, 29 avril 2009

Champagne Dom Pérignon 1970 in magnum. The label of the Italian importer seems to have been put under the Dom Pérignon label.

Champagne Cristal Roederer 1978

Meursault Auguste Prunier 1959

Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1953

Château Bensse Médoc 1936

Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1947

Pommard F.de Marguery 1947. When I opened the bottle I saw that on the cork was printed "domaine Roland Thévenin".

Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1986

Côte-Rôtie Audibert & Delas 1949

Château d’Yquem 1980

Grenache Vieux « Superior Quality » circa 1930

One can read on the label "Highly recommanded" ! (très recommandé)

 

116th dinner made with my friend collector – the wines samedi, 18 avril 2009

With my Californian friend who collects wines, we have made a dinner which will be counted as one of my wine-dinners, the 116th. It is very special but I use to include such dinners within my wine-dinners. Some friends who joined the dinner brought wines. It is a very unusual set of wines.

Here are the wines which were shared :

Champagne Cristal Roederer rosé 1985 brought by Steve

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Champagne Perrier-Jouët 1911 brought by Steve 

Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 brought by Steve

The level looks very good

Chateau Longueville "au" baron de Pichon Longueville. The capsule is difficult to read but is complete and what is amazing is that the level in the bottle is in the neck !

I am wondering about the expression "au" baron wich is very unusual to describe who is the owner of a Chateau

I will open this Chateau Lafite 1900 with a very low level. If it is good, we keep it.

If it is not good, we will open this one

the level is mid-shoulder

Chateau Ausone 1900 brought by Steve. What is curious is that the capsule, which is damaged, looks to be rather young.

nice label

Chateau Montrose 1900 brought by Laurent Vialette

Chateau Lafite-Rothschild 1986 and Chateau Mouton-Rothschild 1986 brought by Jeffrey Davies

Chateau Haut-Brion 1986 brought by Laurent Vialette

Chambertin Leroy 1955

brought by Steve

Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1891 brought by Thomas Henriot

Chateau d’Yquem 1906

It has been bottled by a negociant Guithon as it was usual at that time. The colour is perfect.

It is a curiosity. According to the cellar’s book, it could be a Constantia South Africa middle of 19th century.

Porto Burmester 1890 brought by Laurent Vialette

 

116ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent samedi, 18 avril 2009

J’ai pris l’habitude de comptabiliser dans les dîners de wine-dinners ceux que je fais à Paris avec mon ami collectionneur californien Steve. L’esprit est différent ce soir puisque les participants sont mes invités et les vins sont apportés par plusieurs personnes. A ce titre, on serait plus proche des objectifs de l’académie des vins anciens. Mais la recherche d’un niveau de haute gastronomie justifie que ce dîner soit inscrit dans ceux de wine-dinners. Il prendra donc le numéro 116 et c’est sans doute le dîner où il y aura eu le plus grand nombre de vins anciens : dix de 70 ans et plus, dont six du 19ème siècle. Une première.

Je vais ouvrir toutes les bouteilles à 17 heures, les miennes et celles de mes amis. Les odeurs les plus fortes sont celles du Laville Haut-Brion 1947, explosive et celle du Montrose 1900, toute en fruits rouges. L’odeur la plus fatiguée est celle de l’Yquem 1906, très poussiéreuse, mais tout indique que le vin se reconstituera. La bouteille très ancienne de ce que je pense être un Constantia d’Afrique du Sud du milieu du 19ème siècle délivre le parfum d’un vin plutôt sec aussi demande-je à Philippe Bourguignon que l’on ajoute un Comté pour ce vin. Le bouchon de l’Ausone 1900 porte bien la mention de l’année mais aucune indication d’une année de rebouchage, car bouchon et capsule sont récents. Le parfum le plus charmeur est celui du Porto 1890.

Les participants du dîner sont Steve, mon ami californien et son fils Wesley, Jeffrey Davies, négociant américain à Bordeaux mais aussi vigneron et sa femme Françoise, Laurent Vialette, négociant en vins anciens à Bordeaux et expert en vins et sa compagne Violaine, Thomas Henriot, viticulteur au Château de Poncié à Fleurie, mon fils Frédéric, mon gendre Guillaume et moi.

Pour situer les choses, voici les apports de chacun. Les vins apportés par Steve : Champagne Cristal Roederer rosé 1985, Champagne Perrier-Jouët 1911, Montrachet Bouchard Père & Fils 1939, Château Ausone 1900, Chambertin Leroy Négociant 1955. Les vins apportés par Laurent : Château Laville Haut-Brion 1947, Château Montrose 1900, Château Haut-Brion rouge 1986, Porto Burmester 1890. Les vins apportés par Jeffrey : Château Mouton-Rothschild 1986, Château Lafite-Rothschild 1986. Le vin apporté par Thomas : Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891. Les vins que j’ai apportés : Château de Longueville au Baron de Pichon Longueville 1904, Château Lafite 1900, Constantia Afrique du Sud vers 1850, Château d’Yquem 1906.

La liste des vins a souvent changé ainsi que la composition de la table. Il fallut la patience de Philippe Bourguignon pour que nous arrivions à bâtir un menu qui fut une réussite absolue. Voici le menu composé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret : Homard en salade / « Royale » et queues d’écrevisses légèrement frottées au curry, mousserons et fleurette thym-citron / Foie gras de canard poêlé, primeurs en aigre doux / Carré d’agneau de lait des Pyrénées grilloté / Sot-l’y-laisse et fregola sarda aux dernières truffes noires / Morilles farcies, écume d’une sauce poulette / Comté 36 mois / Millefeuille garni d’une mousseline aux agrumes et caramel de beurre salé / Sorbet cacao et palmiers

Dans le beau salon d’entrée du restaurant Laurent, nous prenons l’apéritif avec un Champagne Cristal Roederer rosé 1985. La couleur est d’un saumon gris, la bulle est normalement active et le nez est assez ingrat. Mais en bouche ce qui est très plaisant, c’est que ce champagne fait plus champagne que rosé. On a l’impression de boire un vrai champagne, qui ne montre quasiment aucun signe d’évolution. Le champagne est de longueur limitée et n’a pas une folle imagination mais il se boit avec plaisir.

Quand nous passons à table, Steve exauce l’un de mes vœux les plus chers. En Champagne, 1911 est une année de légende, et je n’ai jamais bu un exemplaire de cette année difficile à trouver. Aussi, lorsque je suis servi du Champagne Perrier-Jouët 1911, je ne boude pas mon plaisir. La couleur est assez grise, le nez est délicat, la bulle est rare mais présente. Jean-Philippe, jeune sommelier qui m’avait assisté lorsque j’avais ouvert toutes les bouteilles du dîner a servi le champagne avant le plat, ce qui est contraire à mes recommandations. Aussi le goût du champagne sans fard est-il assez fatigué. Lorsque le homard est servi, il joue le rôle d’élixir de jouvence pour le champagne qui revit. Il s’anime et devient d’une douceur exquise. L’accord avec la chair du homard est remarquable.

Deux vins sont prévus sur les écrevisses aussi fais-je servir en premier le Montrachet Bouchard Père & Fils 1939, pour que le Château Laville Haut-Brion 1947 au parfum explosif n’écrase pas le bourguignon. Le Montrachet 1939 est le troisième que je bois de cette année et c’est le seul qui a son bouchon d’origine, les deux précédents provenant de la cave de Bouchard. Stéphane Follin-Arbelet, directeur général de Bouchard, qui savait ce que nous allions boire, est intéressé par la prestation des vins de son domaine et m’a demandé de rédiger des notes de dégustation. Ayant peur de ne pas répondre avec toute la précision qu’il souhaiterait, j’ai mis à contribution Philippe Bourguignon. Voici ce qu’il écrit : « la couleur est d’or ambré, le nez est puissant, plus agrumes et quinquina que champignon. Il est au stade feuilles séchées d’automne et infusion. Ses ressources sont nobles. Sa présence en bouche est ronde et sa persistance assez longue ». Cette analyse me convient. J’ajouterais que le vin s’accorde merveilleusement avec la chair des écrevisses, alors que le Laville épouse magnifiquement les mousserons et la crème légère. Le Laville au parfum impérieux est d’une rare puissance. Personne ne pourrait donner un âge à ce bordeaux à la jeunesse folle. C’est un magistral vin blanc. Il est à noter qu’aucun des deux blancs ne nuit à l’autre. Ce sont deux trésors de leurs régions.

Le foie gras a la délicatesse nécessaire pour accueillir deux vins subtils. Le Château de Longueville au Baron de Pichon Longueville 1904 a une belle étiquette lisible, et c’est la première fois que je lis l’usage du « au » dans le nom d’un vin. Pourquoi dit-on Château « au » Baron ? C’est une énigme. Le niveau du vin est dans le goulot ce qui est rarissime pour un vin de 105 ans au bouchon d’origine. Hélas, le vin a une acidité trop présente qui limite le plaisir. Le Château Lafite 1900 à l’inverse a un niveau sous l’épaule. De peur d’un défaut j’avais apporté une autre bouteille de Lafite 1900. Lorsque j’ai ouvert la plus basse, l’examen des odeurs, que j’ai fait contrôler par Philippe Bourguignon m’a encouragé à le laisser seul, d’autant que seize vins pour dix personnes dépassent déjà les normes. J’ai bien fait de conserver cette bouteille, car si le vin ne peut cacher sa fatigue, il montre une douceur et un velouté qui sont charmants. J’adore ce goût chamarré que met encore plus en valeur le foie gras de la même douceur.

Le carré d’agneau est magnifique et fait comme un gant pour deux vins de 1900 de compétition. Est-ce que le Château Ausone 1900 contient 100% de vin de 1900, il est possible d’en douter, mais le résultat final ne jure pas à côté des deux autres vins de 1900 et s’il y a coupage, ce fut parfaitement réalisé. Le vin est excellent. A côté de lui, le Château Montrose 1900 qui avait à l’ouverture explosé de fruits rouges au point que je l’avais vite rebouché pour conserver ce trésor olfactif, est d’un charme extrême. On ne peut s’empêcher de chercher quels 1900 l’on préfère et la tentation naturelle est que Laurent aime son Montrose, que Steve aime son Ausone et que j’aime mon Lafite 1900. On aime toujours ses enfants. En qualité pure, je classerais ainsi : Ausone, Lafite et Montrose, mais au moment des votes je mettrai Lafite devant, car je suis fier de la prestation de mon bébé centenaire.

Les trois vins de 1986 sont vraiment dans une forme éblouissante. Classer des vins si parfaits est l’expression d’un goût personnel. Le Château Haut-Brion rouge 1986 semble le plus complet des trois. Le Château Mouton-Rothschild 1986, moins conventionnel est peut-être le moins brillant, mais à un niveau qui ferait pâlir beaucoup d’autres vins. Le Château Lafite-Rothschild 1986 est pour moi le plus charmant, le plus émouvant. Je classe donc Lafite, Haut-Brion et Mouton. Le plaisir de ces trois vins est tel que je me suis posé la question : si des vins de cette qualité sont si brillants et épanouis à vingt-trois ans, avec une richesse, une jeunesse et un allant plein de brio, à quoi sert-il d’explorer des vins de plus de quatre-vingts ans de plus ? Je peux aisément comprendre qu’il y a en ces trois vins de quoi combler l’amateur le plus exigeant. On pourrait donc sans problème ne pas passer « au-delà du miroir » et ne pas entrer dans le pays des merveilles des vins anciens. Cet intermède de vins « très jeunes » m’a convaincu qu’il faut aimer les deux mondes du vin, celui des jeunes et celui des vieux. La série suivante allait me convaincre une fois de plus des trésors de « l’au-delà du miroir ».

Comme lors de mon déjeuner avec Aubert de Villaine, les morilles ont le don d’émoustiller les bourgognes. Le Chambertin Leroy Négociant 1955 est un vin de grande stature. Sa couleur est entre rose et rouge, avec une trace visuelle de thé. Le nez est délicieusement bourguignon avec un peu d’amertume. En bouche, c’est un grand bourgogne mesuré, qui ne fanfaronne pas mais décline une salinité convaincante.

Voici ce que Philippe Bourguignon a écrit sur le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891 : « la couleur est dépouillée, sans fond, tuilée, orangée. Le nez est très fin, bien complexe, encore racé, bien présent et aidé par une acidité volatile discrète qui pousse des odeurs de terre humide, de cave, de violette. Envoûtant, distingué, il n’a pas de caractère viscéral. Le cœur de bouche est rond, assez séveux, sans tanin. Puis le vin mincit en fin de bouche, sans sécher. Il ne fait pas son âge. C’est un vin troublant ».  Je ne sais pas quand Philippe a écrit ce texte qui m’a été remis après son départ, car il n’a pu finir son service, touché par un rhume de printemps. Mais mon impression est beaucoup plus laudative pour ce vin plein de charme, à la salinité délicieuse et à la pureté bourguignonne impérissable. Les morilles l’ont dopé.

La magnifique demi-bouteille de plus d’un siècle et demi contient-elle du Constantia d’Afrique du Sud vers 1850 comme le livre de la cave que j’ai achetée pourrait me faire croire ? Lorsque j’avais ouvert la bouteille, le vin paraissait sec, d’où l’ajoute du Comté qui accompagne magnifiquement ce vin si on en croque de tous petits morceaux. Le vin a regagné du sucre que je croyais qu’il avait perdu. Ce vin est nettement meilleur que celui que j’avais partagé récemment lors d’un déjeuner avec un faux Pétrus 1936. Et ce pourrait bien être un Constantia car il a beaucoup de charme.

Le Château d’Yquem 1906 a bien profité des six heures d’ouverture, car toute poussière a disparu de son odeur qui est maintenant lourde et caramélisée. Le vin a une couleur très sombre, le caramel n’est pas pesant et le vin a une structure de bel Yquem dans des tons fort sucrés. Sa longueur est respectable et fait oublier une petite fatigue.

Le Porto Burmester « Reserva Novidade » 1890 est un moment de plaisir pur, car c’est la séduction doucereuse comme une danse des sept voiles. Le parfum de ce vin s’était manifesté avant même l’ouverture, puisqu’il transperçait le bouchon ! Des odeurs de poivre et de réglisse me rappelaient mes vins de Chypre. En bouche il est beaucoup plus léger et l’alcool ne le marque pas trop. C’est un vin élégant de pur plaisir, avec des évocations de fruits bruns de sucre roux et d’alcool léger. C’est un porto très charmeur.

Nous somme tout retournés par l’accumulation de tant de splendeurs. Et les accords ont été vibrants, le restaurant Laurent confirmant son intelligence particulière des situations. Le homard sur le champagne de 1911 était raffiné, l’écrevisse avec le Montrachet est très probablement le plus bel accord. Mais la douceur du foie gras sur le Lafite 1900 ou la chair de l’agneau de lait sur l’Ausone 1900 peuvent entrer en compétition dans l’excellence. Les traces qu’ont laissées les truffes sur les 1986 étaient plus que justifiées et les morilles sur l’Enfant Jésus 1891 d’une complémentarité indispensable. Tout fut bon.

Le vote est extrêmement difficile et comme il est naturel, chacun aime bien ses propres vins. Sur seize vins pour dix votants, il n’y a que trois vins qui ne figurent dans aucun quinté. Ce sont le Cristal Roederer rosé 1985, le Pichon Baron 1904 et le Mouton 1986. Les treize autres vins sont entrés dans les quintés, quatre d’entre eux récoltant des places de premier. Le Beaune Grèves 1891 a reçu quatre places de premier, l’Ausone 1900 trois places de premier, le Laville 1947 deux et l’Yquem 1906 une.  

Le vote du consensus serait : 1 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891, 2 – Château Laville Haut-Brion 1947, 3 – Château Ausone 1900, 4 – Château d’Yquem 1906, 5 – Château Montrose 1900.

Mon vote est : 1 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1891, 2 – Champagne Perrier-Jouët 1911, 3 – Château Lafite 1900, 4 – Château Ausone 1900, 5 – Porto Burmester « Reserva Novidade » 1890.

Seize vins pour dix convives, c’est trop, mais comment freiner la générosité des participants ? Alors que je n’encourage pas dans mes dîners des comparaisons, les triplettes de 1900 et de 1986 ont pu être bues sans que leur compétition ne prenne le pas sur le plaisir de les boire. L’ambiance fut amicale, le restaurant Laurent est certainement le plus accueillant pour ce genre d’exercice. Jamais il n’y avait eu à ma table autant de vins anciens. Il reste plus de quatre-vingt-dix ans avant que le siècle ne se finisse, avec hélas la certitude que cela se produise sans moi. Mais pourquoi ne pas dire que ce repas est le « repas du siècle » ? Ça n’ajoute rien au plaisir que nous avons partagé. Mais rêvons un peu….  

116th dinner – pictures samedi, 18 avril 2009

The group of wines

Two interesting corks : Pichon Baron 1904 and Lafite 1900

All the corks

Homard en salade, (I forgot to take a picture of this dish, very traditional)

« Royale » et queues d’écrevisses légèrement frottées au curry, mousserons et fleurette thym-citron

Foie gras de canard poêlé, primeurs en aigre doux

Carré d’agneau de lait des Pyrénées grilloté

Sot-l’y-laisse et fregola sarda aux dernières truffes noires

Morilles farcies, écume d’une sauce poulette

Comté 36 mois

Millefeuille garni d’une mousseline aux agrumes et caramel de beurre salé

Sorbet cacao et palmiers

The table with "some" glasses

Some people drink more than others !

115ème dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Bristol mardi, 31 mars 2009

Le 115ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de l’hôtel Bristol. J’ai choisi ce restaurant où j’ai déjà tenu onze de mes dîners pour rendre hommage à la troisième étoile qu’Eric Fréchon vient juste d’obtenir et a dignement méritée. Le restaurant est plein et les salles annexes sont toutes réservées, ce qui montre l’intérêt de décrocher cette étoile en temps de crise.

A 17 heures j’ouvre les bouteilles et cette opération s’effectue avec une facilité déconcertante. Il faut dire que les vins de ce soir sont particulièrement jeunes : l’âge moyen est de trente-quatre ans alors que généralement la moyenne dépasse cinquante ans. Les odeurs sont toutes belles, le vin le plus fermé, mais il s’ouvrira, est le Lafite 1964. Pour une fois j’ai mis des vins en situation de compétition. Nous verrons comment cela se passe.

Le menu composé par Eric Fréchon et mis au point avec le sommelier Marco Pelletier est : Amuse-bouche / Foie gras de canard cuit en papillote, huîtres fumées, bouillon de canard au thé vert / Oignon rosé de Roscoff, carbonara, royale de lard fumé, truffe noire et girolles / Ris de veau de lait braisé au fenouil sec, carottes au pain d’épices et citron, jus de cuisson / Poitrine de canard challandais rôtie aux épices, purée de dattes, citron et kumquat, pommes soufflées / La pomme de dix heures.

Il y a ce soir trois des fidèles parmi les fidèles, compagnons des casual Friday, un ami que je rencontre souvent aux dîners des amis d’Yquem, un couple de nouveaux adeptes et un nouvel inscrit suédois, qui lit en suédois mes récits dans la revue qui accueille mes écrits. Sur dix convives il y a cinq nouveaux, ce qui me fait plaisir car c’est un signe d’ouverture. Deux femmes illuminent notre table de leurs sourires radieux.

Les consignes habituelles sont données dans le beau hall d’entrée de l’hôtel et nous passons à table dans la salle lambrissée et tapissée de forme ovoïde d’une grande élégance. Nous commençons à boire le Champagne Pommery Brut 1947. Les quatre amuse-bouche ne sont pas encore servis, aussi le premier contact avec le champagne est-il un peu déroutant pour ceux qui n’ont pas l’habitude des champagnes anciens. Mais tout s’éclaire au contact des saveurs raffinées et agréablement complexes des petits jeux auxquels se livre Eric Fréchon. La couleur du Pommery est d’un or ambré, la bulle a disparu mais le pétillant est présent. Le goût du champagne est harmonieux, rond, centré. Il peut devenir par contraste doucereux sur l’oseille, puis sérieux sur le thon. Des quatre saveurs, l’huître est la seule qui eût appelé un champagne plus jeune.

Jeune, c’est vraiment la caractéristique du Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1990 qui malgré ses dix-neuf ans fait gamin à côté du Pommery. Nettement moins dosé que le 1947, ce Dom Ruinart est vert, sa bulle pétille fortement et sa longueur est extrême. La petite entrée ajoutée, une gelée de lentille, est absolument délicieuse et fortement goûteuse. Mais elle ne va pas du tout avec le champagne. Par aucun biais l’accord ne se fait. Et, comme cela se produit souvent, l’incompréhension entre le plat et le champagne va mettre encore plus en valeur l’accord suivant, le plus beau de la soirée.

Marier un foie gras avec des huîtres est d’une belle audace. L’exécution est parfaite. La fougue du Château Laville Haut Brion 1995 convient parfaitement, et c’est surtout la sauce, je dirais plutôt le bouillon, qui fait le trait d’union avec le vin généreux et kaléidoscopique. Nous sommes sur un sommet gastronomique.

J’ai commis l’erreur de ne pas relire le menu imprimé par le restaurant, aussi chaque convive a lu Montrachet Bouchard Père & Fils 2001 au lieu de Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2001. Il est compréhensible que cette lecture ait modifié l’approche que chacun a de ce vin. Il est absolument parfait et généreux, et le plat d’oignon est une merveille d’imagination d’un grand chef. Certains convives comme ma voisine préféreront l’accord du vin blanc de Bourgogne avec l’oignon à celui du vin blanc de Bordeaux avec le foie gras. Je suis de l’autre camp. Le vin de Bouchard est joyeux, riche, opulent.

Le ris de veau est associé à deux bordeaux de 1964. C’est presqu’une première, car dans mes dîners, j’essaie d’éviter toute confrontation entre deux vins. On ne goûte pas de la même façon quand un vin est seul de sa catégorie et quand il est en comparaison. Il se trouve que les vins sont suffisamment dissemblables pour que la rivalité ne joue pas. Le Château Lafite-Rothschild 1964 est assez strict, légèrement amer, et représente un ascétisme aux antipodes du caractère lascif et séducteur du Château Mouton-Rothschild 1964 tout en velours. Avec l’ami d’Yquem, nous ne comprenons pas l’engouement de la table pour le Lafite, tant il apparaît que le Mouton est plus savoureux. Mais, comme cela arrive, les votes nous prouveront que si nous avons gustativement raison, nous avons politiquement tort.  

J’avais imprudemment annoncé qu’il existait un vin de réserve. L’ami fidèle parmi les fidèles, celui qui avait fait ouvrir son magnum de Fargues 1961 alors que nous étions déjà plus que repus lors d’un casual Friday, fait pression et insiste pour que j’ouvre le bourgogne de réserve. L’ami d’Yquem ayant apporté une bouteille d’un vin inconnu, nous aurons donc quatre vins rouges pour le canard au lieu de deux prévus.

Par une incompréhension de mes propos, Marco Pelletier fait servir le Châteauneuf du Pape Clos des Papes 1949 largement avant que le plat n’arrive. Ceci va fortement jouer sur l’appréciation du vin. Car bu seul, le vin est très décevant et m’étonne, car rien à l’ouverture ne m’avait laissé penser qu’il s’affaiblirait ainsi. Il est fatigué, plat, et il est certain que la sauce du canard changerait la donne. Et c’est ce qui se produit car dès que le plat apparaît, le vin revit et lorsque l’on boira le fond de la bouteille, ses qualités reviendront. Fugacement peut-être, mais il sera possible de les ressentir, ce qu’un autre des plus fidèles traduira en votant pour ce vin.

Le vin de réserve, le Clos de Vougeot Domaine Méo-Camuzet 1992 surprend tous les convives par sa vigueur et sa puissance. Il est généreusement bourguignon, avec une petite salinité que j’adore. C’est un vin très agréable. Le canard est excellent et une fois de plus, c’est la sauce qui se révèle magique.

C’est à mon tour d’être surpris, car je n’attendais pas une telle puissance dans la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1993. Cette année de la Mouline m’a habitué à plus de réserve et là, ce vin tonitrue. C’est un vin porteur de générosité, chaleur et enthousiasme, ce qui nous ravit. Il est délicieux.

Nous voici maintenant en face du Vin inconnu 1904. Notre ami qui l’a apporté et a voulu qu’on l’ouvre, ce que j’ai fait en début de repas, nous explique qu’il a acheté une cave et que le livre de cave indique pour cette bouteille 1904, ce qui est très plausible du fait de l’état de la capsule et du bouchon, mais ne donne aucun indice sur la région. Et la forme bourguignonne de la bouteille ne dit rien de plus car on a pu embouteiller du bordeaux dans ce flacon. Je suis généralement prudent dans les évaluations à l’aveugle mais une chose est claire pour moi, c’est un bordeaux, ce dont doute un des fidèles. Mais la majorité penche pour cette solution. Après cela, il est bien présomptueux de situer le climat. J’opterais volontiers pour Pauillac quand l’ami apporteur pencherait pour Haut-Brion, ce qui ne me convainc pas. Toujours est-il que le vin est extrêmement bon, d’une couleur indiquant une vivacité encore présente, et son goût n’a pas la moindre trace d’acidité. Il est chaleureux, et la piste Pauillac me plait bien, l’année 1904 ayant produit des vins merveilleux.

Nous changeons de monde maintenant et la possibilité de comparaison existe une nouvelle fois puisque nous buvons deux Yquem. Le Château d’Yquem Sauternes 1988 est glorieux. Ne cherchons pas d’autre qualitatif, car celui-ci suffit. D’un bel or, ce vin emplit la bouche généreusement. On se sent bien tant il est parfait. Le Château d’Yquem Sauternes 1961 est très différent. Il a commencé à manger légèrement son sucre et l’on voit apparaître une note fugace de thé. La juxtaposition est intéressante, même si le resplendissant 1988 vieillit un peu le 1961 de grande élégance. La pomme de dix heures accompagne bien les deux Yquem qui, avouons-le, s’amusent tout seuls devant le miroir de leurs beautés.

Il est temps de voter et le seul vin qui n’aura pas de vote parmi les douze vins de ce dîner, c’est le Clos de Vougeot, non pas du fait de sa qualité mais parce qu’il n’a pas été imprimé sur le menu. Onze vins sur douze ont eu des votes, ce qui est remarquable, les dix vins prévus au programme ayant tous au moins un vote.

Cinq vins ont eu le privilège d’obtenir la première place dans au moins un vote : le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2001 ainsi que le Château Lafite-Rothschild 1964 ont chacun trois fois la place de premier, la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1993 a deux votes de premier et le Champagne Pommery Brut 1947 ainsi que le Château Mouton-Rothschild 1964 ont chacun un vote de premier.

Le vote du consensus serait celui-ci : 1 – Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2001, 2 – Château Lafite-Rothschild 1964, 3 – Côte Rôtie La Mouline Guigal 1993, 4 – Château d’Yquem Sauternes 1988.

Mon vote est : 1 – Château Mouton-Rothschild 1964, 2 – Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2001, 3 – Champagne Pommery Brut 1947, 4 – Vin inconnu 1904.

Il se peut que la croyance en la présence d’un Montrachet au lieu de Chevalier-Montrachet ait influencé quelques votes de mes amis. La place de Lafite aussi haut dans les votes est une surprise, mais c’est bien ainsi car cela montre la vanité des notations ou appréciations qui se veulent absolues.  

La cuisine d’Eric Fréchon est incontestablement brillante. Le dosage des saveurs et la délicatesse des sauces sont absolument remarquables. Il y a eu deux ou trois petites imperfections dans le service des vins qui imposeront une meilleure coordination et que je sois plus précis dans mes recommandations. Les cinq nouveaux se sont bien intégrés même si l’un des plus fidèles, taquin comme à son habitude, ne fit rien pour leur rendre la tâche facile. L’ambiance riante, enjouée et taquine nous a conduits tard dans la nuit et aucun convive ne voulait quitter la table dans cette salle au confort parfait. Ce dîner, avec une ambiance amicale rare et des impromptus, voire des inconnues comme ce vin de 1904 fut un grand et beau dîner.

115ème dîner au Bristol – photos mardi, 31 mars 2009

Les vins prévus pour le dîner avant ouverture. Deux vins seront ajoutés.

Le bouchon du Clos des Papes 1949 porte encore le centre de la capsule qui est resté collé.

Les deux bouchons d’Yquem montrent le lent travail du temps : 27 ans de distance entre les deux.

Les bouchons. On remarque la capsule trouée du 1949. La belle table centrale.

Les délicats amuse-bouche

La gelée de lentille et Foie gras de canard cuit en papillote, huîtres fumées, bouillon de canard au thé vert

Oignon rosé de Roscoff, carbonara, royale de lard fumé, truffe noire et girolles

Ris de veau de lait braisé au fenouil sec, carottes au pain d’épices et citron, jus de cuisson

Poitrine de canard challandais rôtie aux épices, purée de dattes, citron et kumquat, pommes soufflées

Avant dessert et la pomme de dix heures

La table en fin de soirée

 

115ème dîner – le 31 mars 2009 – photo des vins mardi, 31 mars 2009

Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1990

Champagne Pommery Brut 1947

Château Laville Haut-Brion 1995

Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2001

Château Lafite-Rothschild 1964

Château Mouton-Rothschild 1964

Chateauneuf du Pape Clos des Papes 1949

Côte Rôtie La Mouline Guigal 1993

Château d’Yquem Sauternes 1988

Château d’Yquem Sauternes 1961

114ème dîner de wine-dinners à Pékin – le récit dimanche, 15 mars 2009

Les vins pris en photo dans la cave après leur ouverture

Le 114ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Maison Boulud à Pékin. Nous pensions être douze, ce qui a justifié le choix des vins. Onze furent annoncés la veille, dix en début de repas, nous finîmes neuf en arrivant au porc… Parmi les participants, certains étaient déjà présents au 113ème dîner au même endroit il y a trois jours. Desmond bien sûr, qui est l’organisateur, son ami autrichien vivant à New York, le propriétaire de l’hôtel où je loge, accompagné ce soir par son épouse, et la seule femme du précédent dîner, responsable de la planification urbaine de la ville de Pékin. Les nouveaux sont des amis chinois de Desmond, d’âges très proches du sien, c’est-à-dire entre trente-cinq et quarante ans. Nous passons à table et les explications que je fais pour profiter au mieux de ce type de dîners sont réduites à leur plus simple expression pour ne pas ennuyer ceux qui les ont déjà entendues.

Koen nous sert le Champagne Dom Ruinart rosé 1986 sur de petits hors d’œuvre délicats. Le champagne a une belle bulle active et sa couleur est d’un rose orangé gracieux. Il est très long et profond et l’image qui vient le plus naturellement c’est qu’il est confortable. Un convive me demande sur quels types de plats ce champagne pourrait s’accorder. Tous les plats que je cite ayant des couleurs de roses, dont le pigeon, cela nous permet de disserter sur les accords « couleur sur couleur », dont nous aurons au cours du repas de belles évidences.

Le menu composé par le chef Daniel Boulud après les nombreuses mises au point que nous avons faites ensemble est ainsi rédigé : Hors d’Œuvre / Huitres en Gelée d’Algues / St Jacques rôtie au Poivre doux et Céleri,  / Tourte de Ris de Veau, Morilles et Pousses de Pois / Thon à la truffe noire et lard frais, Lentilles et racines douces / Tartine de Pigeon grillée, Trompettes de la mort, Sauce salmis / Agneau d’Australie à la Provençale / Vacherin de Litchi et violette, Glace au Miel / Fondant au Chocolat et Crème Nougatine. C’est seulement après le second plat que nous serons informés que la tourte de ris est remplacée par une langoustine gratinée aux pignons, légumes au vert. Ce choix est sans doute commandé par un problème d’approvisionnement, car Daniel nous confiera lorsqu’il se joindra à notre table que son problème majeur à Pékin est celui des matières premières à cuisiner. Le changement de plat fut judicieux, même si l’audace du premier choix eût mérité l’essai.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 est d’une couleur de miel clair. La bulle est d’une finesse remarquable. Ce champagne est d’un raffinement total. Sa trame est immense et son caractère légèrement fumé est délicat. Je demande à mes convives qu’ils essaient de goûter le Krug d’abord sur l’huître seule, puis sur l’huître et des grains de caviar. Il est saisissant de constater à quel point la salinité du caviar élargit le champagne en lui donnant l’ampleur d’une queue de paon. Peu de temps après, on constate que le final du champagne est presque sucré, par compensation à la salinité du caviar.

Les délicieuses coquilles accompagnent deux vins, le "Y" d’Yquem Graves blanc 1980 et le Château Haut-Brion Graves blanc 1983. On ne peut pas imaginer deux blancs plus distincts que ces deux là. L’Y est d’un or prononcé alors que le Haut-Brion est clair. L’Y est très doux alors que le Haut-Brion est strict. Celui-ci est d’une belle acidité et son fruit est discret, alors que le vin fait sur les terres de Sauternes est fort, opulent et généreux. Chacun convient que c’est le Haut-Brion qui est le plus juste sur le plat auquel il s’adapte, mais je sens que la générosité et l’opulence de l’Y emporte les suffrages de mes convives qui en viennent presque à déprécier le Haut-Brion.

Le Château Carbonnieux blanc 1953 a une couleur magnifique et une complexité remarquable. Je crois n’avoir sans doute jamais bu meilleur Carbonnieux blanc. Le final est très délicat, minéral et marin. La langoustine qui remplace la tourte convient bien et c’est surtout le gratiné qui fait le trait d’union avec le plat, alors que les petits pois sont sans effet. Le fruité du vin est incroyable.

Lorsque Koen met devant nous deux verres pour le prochain service, je relis le menu pour constater que les deux vins à venir devraient être servis ensemble. Au vu de l’ombre que l’Y a faite au Haut-Brion, je m’empresse de demander à Koen de ne servir que le Château Latour Pauillac 1953 sur ce plat et de consulter Daniel sur un autre plat à ajouter pour le vin suivant. Ma décision est la bonne, car nous avons pu bénéficier de deux immenses bordeaux, sans risque que l’un ne tue l’autre. Le Latour a une couleur dont Desmond dit qu’elle appartient aux vins des années 80. Ce vin est souple, doux, magnifique. Sa subtilité est incroyable. Tout en suggestion, il nous entraîne dans le monde des grands vins aux raffinements infinis. C’est un grand plaisir pour moi de constater que ce vin d’esthète est compris par mes convives.

Sur une volaille légère aux morilles, improvisée à la hâte, le parfum du Pétrus Pomerol 1959 ressemble à l’arrivée de Johnny Halliday sur la scène de Grand Stade de France sur sa Harley-Davidson alors que la foule l’attend depuis de longues heures. C’est une clameur qui explose. L’odeur de ce Pétrus, c’est ça. C’est le triomphe du parfum du vin de Bordeaux. Cette odeur se suffit à elle-même, elle est magique. La couleur du vin est très jeune. Le vin est tout en truffe, et le mot qui revient sans cesse à l’esprit, c’est la perfection. Ce vin fait comprendre pourquoi Pétrus peut susciter un tel engouement. C’est un vin extraordinaire et Desmond est heureux. Chaque convive, qui connaît la renommée de Pétrus est absolument estomaqué de voir ce qu’un vin de cinquante ans peut exprimer. Autour de moi, ce ne sont que signes d’une immense satisfaction.

S’il en est un qui est maintenant estomaqué à l’apparition du Chambertin J. Faiveley Tasteviné 1949, c’est bien moi. Car ce vin est la définition absolue du plaisir bourguignon. L’année 1949 parle évidemment à mes convives puisque c’est la date de la création de la République Populaire de Chine. Le boire lorsqu’il a soixante ans ajoute encore au symbole. Sa couleur est belle. Ce vin est magnifique. Il a tout pour lui, le velouté, le charme et la jeunesse, la densité et l’expressivité. Sur le pigeon, c’est un bonheur.

Sur deux dessertes, Daniel, un de ses adjoints et plusieurs serveurs posent deux énormes plats, dont une cocotte lutée. Et Daniel découpe les côtes d’agneau d’Australie sous nos applaudissements. Il y a un sens du spectacle à la chinoise. Paradoxalement, alors que la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1990 fait partie de mes immortels, le vin paraît tout discret après le feu d’artifice des trois vins précédents. Ce vin du Rhône que je vénère, puissant parmi les puissants, est ici d’une discrétion que je ne lui connais pas. La raison pourrait être une température de service trop élevée, car il fait chaud dans notre pièce. L’agneau est remarquablement délicieux. C’est un grand plat.

Le Riesling Hugel Sélection de Grains Nobles 1976 est une leçon d’élégance. Comme cela se vérifie avec tous les vins de la maison Hugel, le temps dissout le sucre et ce vin d’une race folle a l’astringence et la sagesse d’un vin sec. Mais il est d’une richesse extrême, tout en subtilité. Le dessert au litchi, exécuté avec une finesse incomparable par rapport à l’essai qui m’avait été servi lors de mon premier repas en ce lieu compose un accord d’anthologie. L’évocation de violette est d’une distinction à nulle autre pareille.

Le Château Suduiraut Sauternes 1976 est un solide sauternes en pleine possession de ses moyens. C’est très étonnant qu’il puisse être aussi parfait tout en étant si jeune. Comme à la parade d’un défilé militaire, il ne lui manque pas un bouton de guêtre. Il n’a pas l’ombre d’un défaut. L’accord avec la mangue, accord couleur sur couleur est fantastique.

Le Malaga Larios solera 1866 est pour moi une divine surprise. C’est une bouteille que j’ai depuis vingt-cinq ans, fermée d’une vilaine capsule, sans doute embouteillée il y a quarante ans. Qu’avait-on prélevé du tonneau démarré en 1866 ? Je m’attendais à ce qu’il n’y eût que des traces de malaga canonique, aussi quelle n’est pas ma surprise de constater qu’il s’agit d’un vin réellement ancien, délicieux, charmeur et subtil à la fois, qui exsude un poivre que seul l’âge peut produire à ce niveau de raffinement. L’amertume de ce vin est fantastique. J’avoue être étonné de cette perfection. L’accord au plat est attendu et fonctionne bien.

Tout au long du repas, chacun s’est émerveillé de la perfection de présentation de mes vins. Il se démontre ainsi que le voyage n’a eu aucun effet négatif, les vins s’étant reposés dans la cave du restaurant depuis plus de cinq semaines et étant redressés depuis quatre jours.

Nous nous sommes livrés à la traditionnelle séance des votes. Nous sommes neuf votants pour douze vins. Les trois seuls d’entre eux qui n’ont eu aucun vote sont pourtant de solides valeurs : le Dom Ruinart, le Haut-Brion et le Malaga. Le Pétrus 1959 a eu trois votes de premier et quatre votes de second et figure dans les neuf bulletins. Le Chambertin a eu aussi trois votes de premier et deux votes de second. Le Latour a eu trois votes de premier, ce qui indique que seuls trois vins ont eu des votes de premier. Il y a une grande logique à cela.

Le vote du consensus serait : 1 – Pétrus Pomerol 1959, 2 – Chambertin J. Faiveley Tasteviné 1949, 3 – Château Latour Pauillac 1953, 4 – Château Carbonnieux blanc 1953.

Mon vote est : 1 – Chambertin J. Faiveley Tasteviné 1949, 2 – Pétrus Pomerol 1959, 3 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1985, 4 – Château Carbonnieux blanc 1953.

La palme des accords reviendra au dessert au litchi et violette avec le vin de Hugel et sera suivi par l’huître au caviar avec le Krug. L’ambiance de ce dîner a été beaucoup plus informelle et amicale que lors du précédent. Il y a à cela deux raisons, c’est qu’au premier il y avait des personnages importants de l’Etat ou de la Cité et aussi que nous nous connaissons mieux avec les convives qui ont assisté aux deux repas.

Daniel Boulud est venu s’asseoir à notre table. Nous avons fait des photos de groupe. Daniel a confirmé son intérêt d’avoir fait ces repas avec l’organisateur « exigeant » que je fus. Desmond était manifestement ravi d’avoir pu ainsi honorer ses amis. Tout fut mis en œuvre pour que ces deux premiers dîners en Chine fussent de vrais succès.

Alors que Desmond avait demandé que l’on accélère le service pour que le repas ne finisse pas trop tard je vois au moment de partir un nuage de fumée dans un coin du bar. C’est Desmond qui a distribué des cigares de sa cassette personnelle à trois de ses amis. Ils tètent les havanes les plus raffinés en dégustant des whiskies fort tourbés. Tout, décidément tout, me surprendra en ce monde attachant, au potentiel quasi infini.