Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

au restaurant Maison Rostang un sublime Lafite 1900 samedi, 7 mai 2022

Un ami américain, grand connaisseur de vins, m’annonce sa venue à Paris car il va visiter plusieurs grands vignobles. Il propose de m’inviter et me demande de fournir quelques vins. Sachant qu’il boit des vins prestigieux, j’ai préparé pour ce repas au restaurant Maison Rostang des vins dont je suis sûr qu’il ne les a jamais bus. Sa réaction me fait comprendre qu’il voudrait plus prestigieux, ce qui ne me gêne pas.

J’arrive au restaurant à 17 heures. J’ai dans ma besace six bouteilles. Je n’en ouvrirai que deux. Le parfum du Château Lafite 1900 est à se damner tant il est d’une perfection absolue. Riche, fruité, rond, séducteur, ce parfum devrait être inscrit au Guinness Book of Records, si on arrivait à conserver les parfums. Il est tellement puissant que je décide de mettre un bouchon neutre pour le conserver intact jusqu’à l’heure du repas.

A 18h30 j’ouvre un Champagne Gonet Père & Fils 1962 dont les arômes indiquent un âge certain mais une belle pureté. Je fais mettre au frais un vin blanc et j’attendrai l’arrivée de mon ami pour que l’on décide ce qui sera ouvert.

Mon ami arrive avec un autre ami que je connais et que je n’attendais pas. Il va falloir ouvrir d’autres vins. Je suggère le menu : asperges pour le champagne, langoustines pour le vin blanc que j’ai apporté et pigeon pour le Lafite.

La délicieuse amertume des asperges est idéale pour le Champagne Gonet Père & Fils 1962 à la couleur ambrée. La bulle est absente et le pétillant est très faible, donnant à ce champagne plus un goût de vin que de champagne. On s’aperçoit que le vin de base de ce champagne est noble et bien fait. Le vin est complexe avec des suggestions de saveurs alanguies et joliment vieillies. Il est agréable mais un peu plus âgé qu’il ne devrait.

La suite du repas se fera en dégustation à l’aveugle. L’Hermitage de Boissieu 1959 est un vin que j’ai acheté récemment, fasciné par sa magnifique couleur. Dans le verre, le vin est d’un or resplendissant très clair. Le nez est impressionnant de complexité et en bouche il est phénoménal. Je le rangerais volontiers parmi les plus grands blancs qui soient. Mes convives ont hésité entre Bourgogne et Rhône et ont cité des années autour de 1978. Ce vin riche, complexe, puissant et affirmé est exceptionnel.

Le Château Lafite 1900 a son nom et l’année gravés dans un écusson en verre collé à la bouteille. La bouteille a été soufflée manuellement et une irrégularité dans le goulot avait déchiré le bouchon à sa remontée. Le parfum est luxuriant, riche et séduisant. En bouche c’est la perfection absolue du bordeaux. J’avais acheté plusieurs bouteilles d’un même lot, et chaque fois que je l’ai bu, je l’ai trouvé parfait. Celui-ci est particulièrement percutant, alors qu’il a 122 ans. Mes amis ont évoqué les années trente ou quarante et ont été surpris qu’il soit aussi fringant. L’accord avec le pigeon est superbe.

Mon ami a tenu à nous faire boire une bouteille qu’il commande en cachette sur la carte du restaurant. Je vais donc maintenant devoir goûter à l’aveugle. L’idée d’un Bourgogne est assez évidente. Pour le domaine j’ai suggéré Rousseau et pour l’année, considérant que c’est un vin jeune, j’ai cité 1990 ce qui veut dire – pour moi – que c’est très jeune. Il s’agit en fait d’un Richebourg domaine Méo- Camuzet 2002. Nous prenons des fromages ce qui permet de boire ce vin et aussi le reste du vin blanc.

Le Richebourg est noble. On sent que c’est un Grand Cru. Il a déjà un bel accomplissement qui le rend très agréable à boire, mais après avoir bu le Lafite, on se rend compte qu’il faudra au moins 20 ans pour qu’on puisse le goûter à maturité.

La cuisine est superbe et le restaurant a gardé cette ambiance familiale qui fait son charme. Le service est très attentif. Mon classement des vins de ce repas est : 1 – Lafite 1900, 2 – Hermitage blanc 1959, 3 – Richebourg 2002, 4 – Gonet 1962.

Je suis content d’avoir revu ces amis et d’avoir ouvert un Lafite 1900 au sommet absolu de son art.

déjeuner nommé « Enigma » au restaurant Pages vendredi, 6 mai 2022

J’ai de temps à autre présenté une énigme dans un mail d’envoi de mes bulletins. Et la récompense de ces énigmes est de déjeuner avec moi avec de belles bouteilles. L’idée m’est venue de tenter la même incitation à trouver une énigme sur Instagram où je jouis d’une écoute extrêmement amicale et bienveillante. Le sujet de l’énigme était de trouver le point commun qui existe entre deux vins algériens, le Royal Kebir de Frédéric Lung et un autre vin, le Sidi Brahim d’André Vigna. L’enjeu était de boire un vin du domaine de la Romanée Conti avec moi. Plusieurs personnes ont trouvé l’énigme et j’ai choisi deux gagnants, les plus rapides, car ils étaient difficiles à départager. La solution de l’énigme est que sur les étiquettes les mots Kebir et Vigna, qui ont chacun cinq lettres, sont représentés comme une croix, le mot étant à la fois horizontal et vertical, la lettre centrale, le B ou le G étant au centre de la croix. La récompense est un déjeuner nommé « Enigma » au restaurant Pages. La gagnante est italienne vivant et travaillant à Toulouse. Le gagnant est américain de New York profitant de cette occasion pour faire un voyage à Paris avec sa fiancée. Les deux sont du même âge, de moins de trente ans.

Le jour venu je me présente à onze heures au restaurant Pages pour ouvrir les vins. Les parfums sont prometteurs et celui de La Tâche 1954 est absolument typique avec la rose et le sel. J’ai composé le menu avec le chef Ken qui sera asperge, poisson cru, poisson cuit, agneau suivi par trois bœufs différents. Et nous ajouterons fromage et dessert aux fruits rouges.

Le Champagne Krug Private Cuvée est très probablement des années 50. Son bouchon est en effet venu sans la moindre résistance. La couleur est d’un acajou clair, les bulles ont disparu mais le pétillant en bouche est intact. Nous sommes dans un monde de champagnes que mes jeunes convives ne connaissent pas. Il y a du miel, des agrumes, une complexité extrême et une longueur qui n’en finit pas. Un amuse- bouche au poisson fort donne une énergie superbe au champagne.

J’avais demandé que les asperges n’aient aucun accompagnement pour que leur amertume excite le champagne et ce fut le cas. Le poisson cru servi avec de l’huile convient au champagne mais j’ai demandé qu’on nous donne le même poisson cru sans accompagnement pour l’essayer avec La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954. C’est une coquetterie, mais ça marche !

Ce La Tâche a tout ce qui fait un grand vin. Il est complexe, long, avec un sel persistant. Il est parfait sur l’agneau.

J’ai aussi apporté un Beaune Hospices de Beaune Cuvée des Dames Hospitalières P. Perret 1943. Sa couleur est beaucoup plus jeune que celle de La Tâche. Le nez est généreux et en bouche, le vin est large et d’une belle jeunesse. C’est un pur bonheur, franc.

La Tâche a très bien réagi sur le wagyu délicieux et fondant. Les fromages ont accompagné les deux rouges que l’on peut boire ensemble sans qu’ils se nuisent.

Le dessert a accueilli un Champagne Billecart Salmon rosé sans année très pertinent.

Nous avons classé le Beaune 1943 devant La Tâche 1954 malgré sa grande authenticité car il faisait un peu plus fatigué que le fringant 1943. J’ai rencontré deux jeunes personnes extrêmement sympathiques que je n’aurais eu aucune chance de rencontrer s’il n’y avait eu cette énigme Enigma. Je pense qu’ils garderont un souvenir heureux de cet agréable déjeuner. La réponse du restaurant Pages à mes désirs est exceptionnelle.

264ème dîner à la maison mardi, 26 avril 2022

Le lendemain du magnifique dîner avec des vins de la Romanée Conti est le jour de mon anniversaire et nous allons recevoir nos trois enfants et des amis. Nous serons neuf dont huit buveurs.

Nous avons mis au point le menu du dîner et je vais laisser libre cours à mon imagination pour les vins. Compte tenu de la diversité des vins et de la préparation façon wine–dinners, ce repas sera compté comme le 264ème dîner de wine-dinners.

J’ouvre en premier le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 en magnum vers trois heures de l’après-midi et je n’ai jamais vu une bouteille aussi difficile à ouvrir. Avec un casse-noix j’essaie de faire tourner le bouchon. Impossible. Je recommence des dizaines de fois et la résistance est extrême. Après de nombreux essais le bouchon se cisaille, le bas restant coincé dans le goulot. Impossible de planter un tirebouchon dans un liège si dense. Après environ vingt minutes de combat le bouchon est enfin enlevé. Le pschitt est sensible.

La grande surprise, c’est que je vais devoir engager le même combat avec le Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985 dont le bouchon résiste de la même façon et se cisaille aussi. Est-ce que les conditions atmosphériques jouent un rôle ? Il y a de l’orage et du tonnerre. Y aurait-il une influence, je ne sais.

J’ai choisi en cave un Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947 dont la couleur est d’un blanc orangé très engageant et dont l’étiquette est délicieusement kitsch. Le beau bouchon tombe dans le vin lorsque je tente de piquer la pointe du tirebouchon. Il me faut carafer au plus vite et la couleur dans la carafe est celle d’un vin rosé. Le nez est engageant.

J’ouvre ensuite une bouteille de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954 qui est la plus basse des bouteilles basses dont j’ai acheté un lot. La baisse de niveau est de plus de 15 centimètres. Le haut du bouchon est dur comme du ciment. Le bouchon vient en morceaux mais normalement.

L’Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959 a un niveau parfait. L’ouverture est sans histoire et le vin a un parfum superbe.

J’ai en cave un lot de Château Filhot Sauternes 1891 dont les niveaux sont affreusement bas. J’en choisis deux. Une bouteille dont 80% du vin s’est évaporé et une autre dont la moitié s’est évaporée.

La première bouteille sent la poussière et me semble définitivement morte. Je verse le contenu dans un verre pour observer l’évolution qui me paraît définitivement compromise. Au contraire la bouteille qui a encore la moitié de son contenu offre à l’ouverture un parfum prometteur. Tout indique que le vin va se reconstituer.

Lorsque tout le monde est présent, nous prenons l’apéritif qui comprend des chips avec ou sans truffe, de la rillette, du foie gras, du jambon ibérique, etc. Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 en magnum est d’une belle énergie, large grâce aux cinq heures d’aération. C’est un beau champagne encore très jeune malgré ses 32 ans.

Le menu créé par la cheffe Silke Audouze est : Apéritif / Tarte à l’oignon / Caviar Osciètre prestige sur pomme de terre / Coquilles Saint-Jacques juste poêlée / Wagyu, écrasé de pommes de terre truffées / Fromages de nos belles régions de France / La Tarte Tatin blonde / La Tarte tatin brune.

Pour la tarte à l’oignon au goût sucré, je sers le Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947 qui est plus blanc que rosé dans nos verres. Il est incroyablement grand au point qu’il aura cinq votes de premier sur les huit votes possibles. Il est rond, précis, fruité, goûteux. Un régal. Et la tarte est faite pour lui. C’est un grand moment.

Le Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985 accompagne le caviar délicieux sur une pomme de terre et les coquilles Saint-Jacques. Il est beaucoup plus vif et prenant que le Veuve Clicquot. Il est à un moment de plénitude dans sa vie. Plein d’énergie et très long, c’est un grand champagne.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954 démontre, s’il en était besoin, que les bourgognes et particulièrement ceux de la Romanée Conti, résistent aux baisses de niveau, car ce vin exprime de façon délicate l’âme des vins du domaine. Tout est grâce, subtilité et suggestion. Et le millésime 1954 se montre élégant. Le wagyu est exactement ce qu’il faut pour qu’il s’exprime car la viande est cuite en grande délicatesse, avec une pomme de terre truffée douce.

L’Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959 au niveau parfait est un solide gaillard. Fort, équilibré, en pleine possession de ses moyens, c’est le gendre idéal, le premier de la classe, celui qui reçoit le prix de camaraderie. Il est à l’aise et on l’adore.

Comme il fait soif, mon fils va chercher dans sa cave personnelle un Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1985 qui est parfaitement adapté mais ne peut pas lutter avec son aîné.

Sur les deux tartes Tatin, une blonde et une brune, le Château Filhot Sauternes 1891 se montre résolument sauternes, avec un gras agréable et ne montre aucun signe de fatigue ce qui est surprenant. Il est velouté et un léger manque d’énergie ne gâte pas le plaisir.

J’ai voulu que mes enfants et mes amis puissent goûter au Sherry du Cap 1862 qui a été ouvert pour un récent dîner. Il est sec et élégant, raffiné et sans signe d’âge malgré ses 160 ans.

Ma fille aînée m’a offert un Calvados Pays d’Auge Adrien Camut vers 1980/1990 que nous avons partagé. Par certains aspects dont la fraîcheur, il m’évoque le calvados que j’ai tant aimé d’un chauffeur de mon entreprise il y a bien longtemps. Un vrai bonheur.

Nous avons voté. Nous sommes huit. Le Châteauneuf-du-Pape blanc 1947 truste cinq votes de premier. L’Hermitage 1959 a deux votes de premier et La Tâche a un vote de premier.

Le classement de notre table est : 1 – Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947, 2 – Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954, 4 – Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985, 5 – Château Filhot Sauternes 1891, 6 – Sherry du Cap 1862.

Mon vote est : 1 – Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959, 2 – Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954, 4 – Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985, 5 – Calvados Pays d’Auge Adrien Camut vers 1980/1990.

L’ambiance festive, affectueuse, a fait de ce repas un moment de bonheur parfait.

263ème dîner de wine-dinners au restaurant Plénitude dédié à la Romanée Conti lundi, 25 avril 2022

Le 263ème dîner de wine-dinners est tout-à-fait particulier. Alors que dans mes dîners il n’y a normalement pas de thème sur un vin, sur une année ou sur une région, j’ai voulu faire en 2009 un dîner où se trouveraient uniquement des Romanée Conti dont le millésime se termine en 9. Et j’avais donné un titre qui joue sur la double signification du mot « neuf » qui est soit un nombre, soit signifie ‘nouveau’. Le dîner s’appelait : « quoi de neuf à la Romanée Conti ? ».

A l’époque, les participants à mes dîners n’envisageaient pas des dîners d’un tel niveau. Je recevais énormément de demandes qui n’étaient que de pure curiosité, beaucoup d’amateurs voulant savoir combien coûte un dîner avec des vins aussi prestigieux. J’ai donc mis ce dîner en attente. L’idée de le faire en 2019 apparaissait évidente et j’ai eu des réponses positives. Entretemps, j’avais fait la connaissance d’Arnaud Donckele chef trois étoiles à la Vague d’or, le restaurant rebaptisé Cheval Blanc Saint-Tropez et une amitié est née, me donnant l’envie que le dîner ‘Romanée Conti’ se fasse dans le restaurant Cheval Blanc Paris, dont on attendait l’ouverture.

Alors que des amateurs commençaient à se manifester, les travaux à la Samaritaine accumulaient les retards, et par une malchance certaine, la pandémie Covid est arrivée, interdisant tout déjeuner ou dîner au restaurant. Au retour des vacances d’été 2021, j’ai décidé que quoi qu’il arrive, le repas aurait lieu. J’avais ajouté deux bourgognes de 1919 pour tenir compagnie à la Romanée Conti 1919 et j’ai inclus la Romanée Conti 2009. L’intérêt de certains amateurs qui suivent mes publications sur Instagram a facilité de nouvelles inscriptions. J’ai pu constituer une table de dix personnes et une date a été trouvée.

Un mois à l’avance une réunion de travail a été faite avec Arnaud Donckele, qui venait de recevoir trois étoiles au Cheval Blanc Paris en plus des trois étoiles à Cheval Blanc Saint-Tropez, avec Bertrand Noeureuil le chef qui dirige la cuisine de Plénitude, Alexandre Larvoir le directeur du restaurant et Emmanuel Cadieu le sommelier chef de tous les restaurants installés à la Samaritaine. Travailler avec Arnaud est un bonheur extrême, tant il est inventif. Deux plats proposés méritaient que je vérifie leur pertinence pour les vins auxquels ils sont associés, j’étais donc venu il y a deux jours pour les goûter.

Le jour dit, je me présente au restaurant Plénitude de l’hôtel Cheval Blanc Paris pour ouvrir les vins que j’avais apportés deux jours auparavant. Ayant annoncé les vins du dîner sur Instagram il y a quelques jours, il y a toujours des gens qui s’imaginent suffisamment compétents pour contester telle ou telle étiquette, car le problème des faux est une plaie dans le monde du vin depuis la célébrité qu’avait acquise un faussaire de génie qui fabriquait des faux presque indécelables.

J’ai donc prévu des bouteilles de secours pour le cas où à l’ouverture les parfums des vins me donneraient des doutes. Et bien évidemment, quand on devient attentif à la possibilité d’un problème, on commence à douter. J’hésite pour deux vins, la Romanée Conti 1899 et le Grand Chambertin Domaine Rousseau 1919, mais à la dégustation il s’avérera que les vins ne posent aucun problème.

Les bouchons résistent assez souvent, celui qui s’émiettera le plus est celui du Sherry du Cap 1862. Les plus beaux parfums sont ceux du vin que j’ai rajouté, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1935 qui est d’une typicité parfaite et celui de la Romanée Conti 1959. Le 1899 est d’une mise Nicolas qui bénéficiait du droit de mettre en bouteilles les vins du domaine. Le nez est un peu fermé mais s’épanouira. Le Montrachet et l’Yquem ont des parfums superbes. Les plus jeunes Romanée Conti sont conformes à ce qu’on peut attendre, avec des bouchons extrêmement serrés. Je suis plutôt confiant de la solidité des vins que nous boirons et rassuré sur leur authenticité.

Comme pour deux repas précédents, pour que l’on ne commence pas par des champagnes anciens, j’ai ajouté un Champagne Salon 1999. Il est absolument charmant, large et vibrant. Il me plait beaucoup plus qu’un Salon 2004 récent. Il est parfait à goûter pendant la présentation du repas que je fais aux dix convives, tous masculins. Un seul convive a participé aux deux premiers repas que j’ai fait ici avant celui-ci. Deux convives ont été présents au repas « Ultimate » du mois de mars. Six convives ont déjà participé à mes dîners et trois sont nouveaux, dont un de Tahiti et deux de Los Angeles.

Le menu conçu par le chef Arnaud Donckele est : partition maraîchère pour Vierge Peridium / poule faisane, potager, foie gras pour Velouté plume sauvage / volaille de la cour d’Armoise pour jus Belle Ile / fine feuille de bœuf d’Aubrac pour jus Comtadin / truite, asperge noix, pour bouillon Crisenon / composition satinée / financier à la rose.

Les amuse-bouches sont des merveilles dont un escargot époustouflant et des huîtres magiques. Ce sont les mêmes que lors du précédent dîner, mais ils méritaient d’être à nouveau présents.

Le Champagne Dom Pérignon 1959 me semble un peu plus évolué qu’il ne devrait mais les plats lui rendent son énergie. C’est un très noble Dom Pérignon riche et complexe.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1979 est le premier millésime de ce champagne et c’est aussi le plus grand. Celui-ci est superbe. C’est à mon sens l’un des plus raffinés de tous les champagnes, complexe et gastronomique.

La succession des entrées était plus abondante que ce que certains avaient calculé, aussi, devant des verres déjà vides, un ami a commandé un Champagne Krug Grande Cuvée édition 169 car son numéro se termine aussi par 9, pour accompagner la fin des entrées. Merci de cette initiative. Le champagne, même jeune a une belle largeur qui le rend très agréable et pertinent.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1899 est assez douce, calme et cohérente, déployant discrètement ses complexités. Elle est raffinée. Elle est manifestement authentique et sera incluse dans les votes, donc dans les cinq premiers vins, par neuf convives sur dix ce qui est rare et ne sera atteint que pour le vin qui lui est associé, la Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 1959. Cette Romanée Conti a toutes les belles caractéristiques des Romanée Conti, la rose et le sel en un raffinement exceptionnel. C’est d’ailleurs ce vin qui sera nommé premier de tous les vins du repas.

La bouteille que j’ai ajoutée, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1935 est associée aux deux premiers vins pour accompagner le plat délicieux tout en douceur végétale avec des amertumes subtiles. Ce vin dégage une émotion particulière et j’ai pour lui les yeux de Chimène. Il sera voté deuxième du vote du groupe et de mon vote. Il fait vibrer mon cœur.

Sur le plat de poule faisane et de foie gras, nous avons une conjonction tout à fait exceptionnelle de trois vins de 1919. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1919 me donne une émotion très particulière, au point que je la mettrai première de mon vote. Il y a en elle une énergie de vin préphylloxérique que j’adore.

La Romanée Marey & Comte Liger-Belair 1919 est plaisante, mais ne dégage pas autant d’intensité que sa voisine de la Romanée Conti. Elle est assez intéressante par sa cohérence typée.

Le Grand Chambertin Domaine Rousseau 1919 est jugé authentique par les participants mais est plus discret que les autres vins du repas. C’est malgré tout un moment de grande émotion que de boire ce vin.

Nous avions deux plats pour ces trois vins de 1919 aussi, certains ayant mal calculé leur rythme de boisson, un autre ami a l’idée de commander un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1998 qui a permis d’étancher quelques soifs. Même si ce Richebourg est jeune, il a une joie de vivre qui le rend plaisant sur le plat de volaille.

Pour le bœuf traité de divine façon il y a trois jeunes Romanée Conti. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1989 est agréable et enchanterait n’importe quel repas, mais nettement surpassée par la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999 qui est dix fois supérieure à la 1999 que j’avais incluse dans le déjeuner Ultimate. Ce 1999 est superbe de générosité conquérante. Il emporte mon enthousiasme car il corrige la prestation de la 1999 récente.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2009 est d’une énergie fougueuse mais on voit bien que dans ce repas, elle fait beaucoup trop jeune. Riche d’une belle énergie elle devra attendre avant de concurrencer les Romanée Conti d’âges canoniques.

Lorsque nous avions travaillé avec Arnaud au menu, j’ai annoncé que le Montrachet qui devait normalement suivre les champagnes serait plutôt placé après tous les rouges. Car ce vin si puissant aurait fait de l’ombre aux rouges. Et Arnaud m’avait dit : « finir un repas avec de la truite est particulièrement hors norme. Je te laisserai le soin d’expliquer cela à tes amis ».

Nous l’avons fait et le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1999 accompagné de la truite et des asperges a trouvé une place idéale. Ce Montrachet puissant mais sans excès, au goût riche et plein est un magnifique vin blanc et l’accord, l’un des plus osés, est un de mes favoris de ce repas.

Le Château d’Yquem 1929 a été rebouché au château en 1989. Il est très sombre mais délicieusement liquoreux avec un charme idéal. C’est un Yquem accompli et abouti.

Le Vin de Chypre 1869 est suave et bien gras tout en ayant des acidités contrôlées. Il est d’un charme raffiné.

Nous votons. Les votes sont assez concentrés puisque sur les 17 vins, sept n’auront aucun vote ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de qualité mais montre plutôt que certains vins sont au-dessus du lot.

Cinq vins ont été nommés premiers, la Romanée Conti 1959 a quatre votes de premier, le Richebourg 1935 a trois votes de premier, et les Romanée Conti 1899, 1919 et 1999 ont chacune un vote de premier.

Le vote global de toute la table est : 1 – Romanée Conti 1959, 2 – Richebourg 1935, 3 – Romanée Conti 1899, 4 – Romanée Conti 1919, 5 – Romanée Conti 1999, 6 – Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1919.

Mon vote est : 1 – Romanée Conti 1919, 2 – Richebourg 1935, 3 – Romanée Conti 1959, 4 – Romanée Conti Domaine 1899, 5 – Château d’Yquem 1929.

Il y a manifestement pour notre groupe une prime à l’ancienneté des Romanée Conti et c’est normal. Les votes s’appliquent aux vins que nous avons bus. Si un autre dîner se faisait avec les mêmes millésimes, le résultat ne serait pas le même car les bouteilles ne seraient pas les mêmes et ce n’est pas nécessairement le 1959 qui serait le plus brillant. Ces votes sont le constat d’un instant et n’ont pas valeur de vérité intangible. Et c’est en ce sens que ce témoignage est extrêmement précieux.

Nous étions tous impressionnés de nous trouver devant autant de vins légendaires et les amis qui avaient assisté au repas Ultimate ont constaté comme moi que l’émotion créée par cette profusion de Romanée Conti mythiques était plus grande que celle des vins légendaires de plusieurs régions du précédent repas.

Le service a été exemplaire et la cuisine d’Arnaud Donckele est transcendantale. On se demande comment tel plat va s’accorder avec les vins et le miracle se produit avec une gestion des acidités et de la fluidité des sauces qui est exceptionnelle.

Nous avons bavardé dans le fumoir. Personne n’a fumé mais nous formions un groupe émerveillé par l’intensité de l’émotion de se trouver face à des vins introuvables ou inaccessibles porteurs d’une intensité exceptionnelle de plaisirs gastronomiques. Nous avons vécu un moment inoubliable et probablement unique.


deux jours avant le déjeuner je suis venu goûter deux des plats pour vérifier la concordance entre le plat et les vins

arrivé avant 9 heures, j’ai le temps de profiter des viennoiseries du bar du rez de chaussée de l’hôtel Cheval Blanc

les bouteilles présentées dans le restaurant

Champagne Salon 1999 et les deux autres champagnes

Champagne Dom Pérignon 1959

Champagne Krug Clos du Mesnil 1979

Champagne Krug Grande Cuvée Edition 169

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1899

Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 1959

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1935

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1919

Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1919

Grand Chambertin Domaine Rousseau 1919

les trois vins de 1919

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1989

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999

 

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2009

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1998

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1999

Château d’Yquem 1929

Vin de Chypre 1869

les bouchons à différents stades

le repas

le menu et les votes

262ème dîner au restaurant Pages jeudi, 21 avril 2022

Le 262ème dîner se tient au restaurant Pages. Le dirigeant d’une entreprise américaine ayant des connections avec la France invite certaines de ses relations françaises. L’un de ses cadres français me contacte pour organiser un dîner pour des amateurs éclairés. Il y aura en effet autour de la table une majorité de membres du club des cent, ce club de celèbres gourmets. Le nombre de convives a pendant longtemps dansé le tango, un pas en avant et deux pas en arrière, me poussant à préparer un repas pour treize convives devenus douze le jour du dîner puis onze seulement du fait de la défection non annoncée d’un inscrit.

A 16 heures je me présente au restaurant Pages pour ouvrir les vins du dîner, avec l’aide compétente du sommelier Matthieu, qui fait aussi office de directeur de salle pendant l’arrêt-maladie du nouveau directeur.

Le parfum du Laville Haut-Brion 1953 est invraisemblable de puissance et de perfection. C’est le seul vin que je rebouche après ouverture pour ne pas perdre la générosité de ses fragrances. Le nez du Bâtard-Montrachet 1993 est subtil quand celui du Montrachet 1989 est large et puissant. Le nez du Palmer 1959 est divinement bordelais quand celui du Pétrus 1953 est celui d’un vin guerrier. Le nez de l’Echézeaux 1974 a le charme absolu des vins du domaine de la Romanée Conti. Les deux vins du Rhône ont des senteurs calmes et épanouies. Le Château Chalon 1962 est une bombe de parfums conquérants. Le Lafaurie-Peyraguey 1926 est une danse des sept voiles, avec des parfums aux complexités infinies et le Sherry du Cap 1862 est d’une finesse extrême en un message pénétrant.

Aucun parfum ne pose question. Les plus complexes et puissants sont les plus anciens, de 1926 et 1862. Viennent ensuite le Laville 1953, le Palmer 1959 et l’Hermitage la Chapelle 1962 qui sont au-dessus du lot.

Les ouvertures sans problème sont terminées à 17h20. Il me reste un peu moins de trois heures à attendre l’arrivée des convives. Je bavarde avec l’équipe de cuisine, heureuse de créer de beaux plats et quand ils vont dîner à 18 heures au 116, la brasserie qui appartient aux propriétaires de Pages, je les suis pour, selon la tradition, boire une bière et grignoter des édamamés.

Nous serons onze dont deux femmes. Pour ne pas démarrer par un champagne très ancien, j’ai ajouté au dernier moment un Champagne Salon 2004. Il joue bien son rôle d’entrée en matière (de luxe dira un convive passionné de Salon) car il est d’une belle droiture et promet de grandes complexités dans quelques années. Ce champagne me permet de faire le discours traditionnel au début de chaque repas.

Le menu composé par le chef Ken et son équipe est : choux au parmesan / carpaccio de barbue / homard sauce bisque / rouget sauce civet / pigeon sauce salmis / bœuf wagyu / comté 18 mois / tarte aux agrumes / mignardises. Ayant imprimé les menus et ayant traduit en anglais les intitulés des plats, toute l’équipe de Pages s’est gaussée de ma traduction du chou au Parmesan en Parmesan cabbage ! j’ai utilisé trop vite Google Traduction. Ma faute.

C’est le Champagne Mumm Cordon Rouge 1937 qui accompagne les choux qui ne sont pas des choux. Sa couleur est d’un bel or légèrement ambré. Il n’y a pas de pschitt mais le pétillant est là. Le champagne est fruité, cohérent, rond et bien assemblé et se boit avec plaisir. Je vois l’étonnement de plusieurs convives pour qui un champagne de 85 ans ne devrait pas avoir cette rondeur.

J’ai voulu associer un champagne et un vin blanc sur le poisson cru, car j’ai souvent remarqué que les deux se fécondent. Nous le vérifions car le Château Laville Haut Brion 1953 au parfum diabolique de présence et de puissance propulse le Champagne Krug 1982 à des hauteurs qu’il n’atteint pas quand il est bu sans être précédé par le vin bordelais. Le Krug qui m’avait offert à l’ouverture un très joli pschitt est idéal et d’un bel équilibre. Il est particulièrement courtois et subtil. Le Château Laville Haut Brion 1953 d’une couleur nettement plus claire que celle du Mumm est un bordeaux blanc parfait, dynamique puissant, aux suggestions exotiques et beaucoup plus intéressant par sa complexité que des bordeaux blancs parmi les plus prestigieux. Il fait partie des très grands Laville. L’accord avec le poisson goûteux et discret est superbe.

Le homard est cuit idéalement. Il accompagne deux blancs de Bourgogne. Le Bâtard-Montrachet Pierre Morey 1993 est tout en finesse et subtilité. Le Montrachet Bouchard Père & Fils 1989 est au contraire tout en affirmation et en puissance. Et malgré le plus grand prestige du Montrachet je préfère la sensibilité du Bâtard.

C’est une de mes coquetteries de faire servir du rouget dès qu’il y a un Pétrus. Les deux bordeaux rouges seront servis ensemble. Le Château Palmer Margaux 1959 correspond à la définition du bordeaux parfait, archétypal. Il est riche, plein et d’un équilibre rare. On sent la truffe mais légère et sa densité est subtile.

Au contraire, le Pétrus pomerol 1953 est une bombe. C’est un Pétrus guerrier, large et conquérant. Seul, on l’applaudirait, mais je préfère la subtilité d’un Palmer sans l’ombre d’un défaut, alors que le Pétrus est grand. La sauce civet est idéale pour les deux vins.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 est servi seul sur le pigeon à la cuisson parfaite. Le nez était à l’ouverture l’image même de la Romanée Conti. Ce vin subtil, fin, raffiné est un moment de pur bonheur. Et l’accord est doctrinal. Nous vivons tous un moment rare qui couronnera ce vin du plus grand nombre de places de premier. 1974 est une année que je chéris particulièrement pour les vins du domaine. J’ai bu treize vins du domaine de ce millésime.

Le wagyu est le compagnon idéal des deux vins du Rhône. Le Châteauneuf-Du-Pape Montredon 1952 est très agréable et convivial mais il va vite être oublié car notre attention est attirée par l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 qui pourrait probablement jouer dans la même cour que son légendaire aîné, le mythique 1961. Car cet Hermitage est parfait. Il n’a pas l’ombre d’un défaut et sa facilité dans sa complexité en fait un vin au charme insolent. Quel grand vin.

Le Château Chalon Fruitière Vinicole des Producteurs de Château Chalon 1962 est d’une grande puissance aussi bien olfactive que gustative et l’accord avec un Comté est l’un des piliers de la gastronomie. Il y a à notre table des grands amateurs de vins jaunes. Ils sont ravis par la longueur extrême de ce vin.

Il y a parmi les participants l’un des propriétaires d’un grand sauternes. C’est tout naturellement qu’il nommera premier le Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1926 qui est brillantissime. Presque noir, il est complexe et pénétrant. Il a un charme fou que seuls les grands liquoreux peuvent avoir. La tarte que la charmante Yuki a préparée a une acidité idéale pour ce vin opulent qui est d’un accomplissement parfait.

Le Sherry du Cap 1862 est fondamentalement dry, mais l’âge a adouci et arrondi son message. Les financiers de Yuki, qu’elle appelle « financiers François » parce que nous les avons mis au point ensemble adoucissent la force de l’alcool et rendent le Sherry éblouissant.

Les convives ont été le plus souvent admiratifs des accords tout au long du repas. Il est l’heure de voter pour les cinq vins que chacun a préféré. Aucun champagne n’a eu de vote ce qui peut se comprendre par le fait qu’en fin de repas, avec tant de merveilles, on oublie les vins du début. Quand on pense que Krug 1982, l’un des plus grands champagnes qui soient, n’a obtenu aucun vote, cela laisse songeur et laisse penser que les autres vins ont été exceptionnels. Le seul vin qui n’a pas eu de vote est le Châteauneuf-Du-Pape Montredon 1952, qui est resté dans l’ombre du sublime Hermitage.

Cinq vins ont eu des votes de premier, l’Echézeaux 1974 cinq fois, l’Hermitage 1962 trois fois, et le Palmer 1959, le Château Chalon 1962 et le Lafaurie Peyraguey 1926 chacun une fois.

Le vote du groupe est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 3 – Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1926, 4 – Pétrus pomerol 1953, 5 – Château Palmer Margaux 1959, 6 – Château Laville Haut Brion 1953.

Mon vote est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 3 – Château Palmer Margaux 1959, 4 – Château Laville Haut Brion 1953, 5 – Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1926.

Je suis content que des gourmets émérites de cette table aient pu être impressionnés par les accords et aussi par la qualité des vins, épanouis par la méthode d’ouverture que j’utilise. Il est plus que probable que nous allons nous revoir.

Champagne Salon 2004

Champagne Mumm Cordon Rouge 1937

Champagne Krug 1982

Château Laville Haut Brion 1953

Bâtard-Montrachet Pierre Morey 1993

Montrachet Bouchard Père & Fils 1989

Château Palmer Margaux 1959

Pétrus pomerol 1953

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974

Châteauneuf-Du-Pape Montredon 1952

Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962

Château Chalon Fruitière Vinicole 1962

Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1926

Sherry du Cap 1862

les préparatifs

photo avec le chef Ken et le sommelier Matthieu

le repas

la table en fin de repas

les votes

Déjeuner à la brasserie restaurant Tout Paris jeudi, 7 avril 2022

Prochainement, je vais enfin réaliser le dîner dont le thème est la Romanée-Conti que je voulais faire depuis des années. Et il sera fait par le chef Arnaud Donckele avec lequel j’ai une relation d’amitié particulière. Je viens donc au restaurant Plénitude pour mettre au point le menu avec Arnaud, avec Bertrand le chef de cuisine de Plénitude, Alexandre le directeur du restaurant et Emmanuel, le sommelier des restaurants de Cheval Blanc Paris.

Parallèlement, je dois déjeuner avec un ami qui a choisi le restaurant Tout Paris qui se situe au septième étage de l’immeuble de Cheval Blanc Paris. J’ai promis d’apporter une bouteille. Je trouve amusant d’apporter un Cheval Blanc et j’en prends un ancien afin de le faire goûter aux participants de la réunion de travail, afin de se remémorer le goût des vins anciens.

J’ouvre donc pour les participants de la réunion de travail un Château Cheval Blanc 1966. Le bouchon se brise en peu de morceaux et la première odeur est bouchonnée, mais cette sensation disparaîtra en moins d’une minute. Il reste un parfum puissant et profond, très riche.

Lorsque nous goûtons le vin on ressent une trace très longue continue, d’une rare complexité. On est dans des tons de charbon et de truffe, avec une grande noblesse et une forte densité. Il y a des accents de vin ancien mais d’une belle élégance. Et le fait de le goûter tout en réfléchissant au menu est une bonne chose car on prend conscience que les plats doivent suivre la ligne tracée par le vin.

Je suis toujours fasciné par la créativité d’Arnaud Donckele. Il suffit que j’esquisse une suggestion et Arnaud voit déjà le plat qu’il va créer. Et je remarque aussi la connivence qui existe avec Bertrand qui a déjà anticipé ce qu’Arnaud allait dire. Quel bonheur que de composer un menu dans une telle ambiance. Je joue un peu le rôle du Père Fouettard, car je suis celui qui dit non lorsque des propositions sont faites, anticipant ou imaginant qu’un accord ne se ferait pas avec la piste proposée. Le travail est accompli avec les suggestions de tous et la vision du chef.

Avec mon ami nous nous rendons à la brasserie restaurant Tout Paris, accueillis par Sarah toute souriante qui a un talent certain pour orienter nos choix. Nous prendrons la tarte tourteau, avocat, cédrat confit et coriandre / le homard bleu au barbecue / le soufflé mandarine et son sorbet. Arnaud Donckele est présent en ces lieux et rencontre de nombreuses personnes, sollicité et affairé. Il est intervenu personnellement pour nous faire servir des préparations délicieuses. Le Château Cheval Blanc 1966 est large. Mon ami le trouve excellent mais ne le trouve pas très long. Ceci ne me gêne pas car sa trace en bouche, large, est aussi linéaire. Il est riche et noble avec un finale marqué par le charbon et la truffe, très prégnants. L’accord avec le homard est superbe. Le homard est servi généreusement. Il est de grande qualité.

Mon ami a commandé un Champagne Dom Ruinart rosé 2007 qui est très équilibré, solide et de belle émotion. Il n’est pas d’une grande complexité mais il se montre gastronomique. Je le bois avec plaisir.

Ce repas fut bon, avec un service impeccable. Le restaurant Tout Paris est à recommander, d’un niveau de belle et bonne brasserie.

261st meal of wine-dinners in restaurant Plénitude mardi, 29 mars 2022

The 261st meal of wine-dinners begins in a very curious way. The confinement or its consequences had slowed down the pace of meals so I wanted to create a dinner thinking of two loyal friends whose company I appreciate. I submit my project to them and one of them says to me: « for once we would like a meal where there would be only legendary wines, like the Hermitage La Chapelle 1961 ». I tell them that such a meal would lead us into an area of ​​budgets that are difficult to access, but they encourage me to do a project.

When I expose it to them, they make me think of a sketch by Fernand Raynaud (a famous comic of the 60ies) where a naive man has been instructed to pass packets of sugar through customs (or at least designated as such). Arrested by customs officers, he calls his uncle on the phone and after having betrayed all their secrets, he says to him: « say, Uncle, why are you coughing ». Their reaction would have prompted me to say to them: « my friends why are you coughing », because they declined my offer as I suspected.

The project having been designed, I was not going to give it up and it was thanks to Instagram that I was able to put together an almost complete table since I was led to invite my two daughters so that we could be ten.

It seemed obvious to me that this meal had to be done with Arnaud Donckele talented chef. I had no idea while working with him on the menu, that he was going to go from three to six stars in the red guide. It was announced two days before our meal. The atmosphere on the day of the event was particularly cheerful.

I arrived at the Plénitude Arnaud Donckele restaurant at the Cheval Blanc Paris hotel at 9:30 a.m. to open the wines. The cork of the 1959 white Lafite has broken into several pieces and gives off a sublime fragrance. The cork of the Mouton 1945 very strongly stuck to the glass came off in lint. The scent is magical. The Lafite 1869 has a recent label and has no indication of the date of recorking. When I take out the cork, which is probably around fifty years old, I am reassured because it seems completely authentic to me. And the perfume of the wine is of a balance that strongly suggests a prephylloxera wine. I am happy.

The nose of the Romanée Conti 1999 has all the components of a great Romanée Conti but the wine is a little discreet. Next to it, the perfume of Echézeaux Henri Jayer 1990 in magnum has all the finesse I expected. It is of rare subtlety.

The flavors of the two Rhône wines are generous and brilliant. We will feast. The Yquem 1858 shows by the smell that it has eaten its sugar and it reminds me of the Filhot 1858 that I drank which also had eaten its sugar. We will therefore be in refined flavors that are more than conquering.

On the contrary, the Constantia « Red » with the cork that disintegrates is a bomb of fragrances. What power and what richness in this wine. The richest flavors are those of Constantia and Lafite white wine. The finest are those of Mouton 1945, La Chapelle 1961 and Ermitage Cuvée Cathelin 1991.

Finishing this crucial opening session, I can say that all the wines show what I expected and they promise the qualities I was hoping for. The two 1943 champagnes are opened at 11 a.m. and the young champagne is opened at 10 a.m.

The beautiful dining room on the first floor of La Samaritaine, offering a view of the Seine and the Pont Neuf is reserved for us. Special attention awaited us. When I had a dinner at the Yacht Club of Monaco, the restaurant had a table built according to my recommendations, elliptical in shape. The restaurant Plénitude had the same attention for this meal, to the point of calling this table my name. The facts will prove that this table is ideal.

I had thought that starting our meal with two champagnes from 1943 might not put them in an ideal situation so, without having announced it, I had a Champagne Salon 2006 served. One of the guests will say: if a Champagne Salon serves clear the mouth, we are in pure luxury. This 2006 pleases me with its width and balance. It is solid and will age well.

The menu created by Arnaud Donckele for the wines is worded as follows: Langoustine, artichoke, caviar, for Carnelian vinaigrette / Red mullet, Boulangère, crocus, for Sabayon Borgne / sweetbread, sweet onion, celery, for rogue jus / pigeon, giblets, herbettes, for delicate juice / satiny composition / rose financier.

We notice that each dish is presented in three words and that the dish only exists « for » the sauce. The chef is a sauce wizard and we are going to check it out.

We sit down to eat. We are ten. The only French people are my two daughters and a loyal guest. There is a Belgian, British by birth or at heart, Swiss and an American. The meal is held in English.

The appetizers are wonderful and especially the oysters which are probably the finest I have ever tasted. Champagne Dom Pérignon 1943 shows its age but also its very fine qualities. It has the charm and largeness of the great Dom Pérignons.

The Champagne Salon 1943 has the same panache as the Salon 1943 drunk at the Champagne Salon headquarters, which I consider to be my greatest Salon. We are here at the same level of perfection. The cork indicates that it is a recent disgorgement made at the estate. Its square, solid structure, made to stand the test of time, is impressive. Because of its greater freshness, I much prefer the Salon, and to my great surprise I hear three table neighbors to my right who prefer the Dom Pérignon. We will see in the votes that the balance weighed on their side. Amazing to me. Apart from these differences, they are two exceptional champagnes, noble and imposing.

On the divine langoustine (it rhymes), there are two whites that everything opposes. But what a brilliance. This is the first time I have drunk this extremely rare 1959 Lafite white wine. Its nose is rich and generous and on the palate it is incredibly seductive and even bewitching. I would gladly say that this white wine outclasses all the dry white wines of Bordeaux. Why was it abandoned, I don’t know, but what a pity. This wine is imperial.

Next to it, the Montrachet Domaine Leflaive 1996 is impressive in largeness and smoothness. It is rich but airy. My guests, some of whom had problems with Burgundy whites with disastrous corks, admired the perfect condition of this great wine and its breadth in the mouth.

Throughout the meal we will notice that in the pairs of wines associated with a dish, one wine is more welcoming to the meat and the other more welcoming to the sauce. Not having taken notes, I would not be able to restore it, which is a pity.

Arnaud Donckele, all smiles, comes to greet us and explains the interest he finds in cooking for rare and old wines and the pleasure of our exchanges. He even said at one point: « the chef is actually François Audouze ». It’s nice, but the immense chef is him, without further ado.

On the exceptional red mullet we taste two Bordeaux reds separated by 76 years. Château Lafite 1869 is solid and refined. It has the robust structure of pre-phylloxera wines and the truffle taste found in the great Lafites.

Next to it, Château Mouton-Rothschild 1945 lives up to its legend. This is the definition of the perfect Bordeaux where all the components of the tastes are assembled. It is one of the greatest wines in the world and this bottle is at the peak of its quality. These two Bordeaux wines are exceptionally expressive in their straightness. Two treasures.

Calf sweetbreads will rub shoulders with two exceptional wines. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999 has all the assets of a great Romanée Conti. Like the fanatic of legendary cars who knows how to recognize a McLaren from a kilometer away solely by the sound of the engine, I know how to decipher the subtleties of this wine in an exceptional vintage. But he is still too young for my taste and a little too discreet. It is big, but it will be so much bigger in twenty years that my pleasure is a little diminished.

Before the meal, I thought that the wine that would impress me the most would be the Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, an extremely rare bottle. On the nose, I am satisfied, because all the finesse is there. On the palate, I am also overwhelmed by its refined expression. But I made a mistake. I usually like to drink Romanée Conti wines with a simple poached foie gras. For this meal, I suggested a sweetbread and I think my suggestion was not accurate, although the dish is remarkable, because there was more power in the dish than the two lovely wines could support. This does not detract from the qualities of these two legendary wines.

The pigeon is a marvel. During my long trip in the world of wine, the Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961 seemed to me to be the greatest and most moving red wine. And yet the competition is fierce. I find in this bottle today the same reasons to place it in the firmament. It has it all, generosity, openness, readability, assurance, and an insistent charm. It’s a marvel of balance. He will be my winner.

The Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991 is for me the greatest vintage of this wine. What youth, what nobility, what enjoyment. A pure marvel of gourmet youth. There, everything comes together for perfect happiness, pigeon and these two Hermitages. A great moment of emotion.

Château d’Yquem 1858 has a beautiful amber color but with rays of sunshine. The satiny composition of the pastry chef is a total success with a perfect dosage of acidity. This Yquem has eaten its sugar, which means that it is drier than it should be. It lacks the intoxicating opulence of the great Yquems. I am lucky enough to accept dry Sauternes in which I find other subtleties, but I also understand that one may regret the lack of breadth.

The Great Constantia Red J.P. Cloete South Africa circa 1860 has a pretty amazing old copper color that shines in the sun. The nose is invasive, lush. In the mouth we have all the most seductive flavors of the world. Dense, rich, complex, this wine is on another taste planet.

There are so many extraordinary wines that ranking them is almost impossible. As far as I’m concerned, I don’t think I would do the same ranking if I was asked to do it again an hour later. The 2006 Salon is not included in the voting field. All wines had at least one vote. The wine that received the most votes was Vin Blanc de Lafite 1959. What a nice surprise.

Five wines were named first which is a great result, the Hermitage la Chapelle three times, like the Hermitage Cathelin. The Mouton 1945 was named first twice. The Echézeaux Henri Jayer and the Dom Pérignon were voted first once each.

The consensus vote is: 1 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 3 – Lafite white wine 1959, 4 – Château Mouton-Rothschild 1945, 5 – Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, 6 – Champagne Dom Perignon 1943.

My vote is: 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 2 – Château Mouton-Rothschild 1945, 3 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 4 – Lafite white wine 1959, 5 – Great Constantia Red J.P. Cloete South Africa circa 1860.

The dishes were presented in English and French in a very elegant way. The food service is perfect. The wine service by Emmanuel was also perfect and intelligent. Instead of going to the smoking room, we went up to the seventh floor to smoke the cigars that I had brought and taste the Nady Martinique Rum that I had also brought. At one moment I realized that I was the only one to smoke which is a paradox because I quit smoking for 31 years. Funny. But at least we had the excuse to continue talking about this unforgettable meal. Arnaud Donckele’s cuisine is extremely sensitive and talented and my wines have shown themselves to be at the top of their art, whatever their age.

I was called upon to organize an extraordinary meal. It was above all my expectations. It is the greatest of the 261 meals I have had the honor of organizing. It’s unforgettable.

A friend of mine reading my report told me: against all prognostics and against nature Rafael Nadal won the Melbourne Open. Make better than this meal would be impossible. Would you accept the challenge to do better? Practicing Britannic understatement I would say: interesting question.

(the photos of this lunch can be seen in the next article in French)

261ème repas de wine-dinners au restaurant Plénitude lundi, 28 mars 2022

Le 261ème repas de wine-dinners commence d’une bien curieuse façon. Le confinement ou ses suites avaient ralenti le rythme des repas aussi j’avais envie de créer un dîner en pensant à deux amis fidèles dont j’apprécie la compagnie. Je leur soumets mon projet et l’un d’eux me dit : « nous aimerions pour une fois un repas où il n’y aurait que des vins de légende, comme l’Hermitage La Chapelle 1961 ». Je leur dis qu’un tel repas nous entraînerait dans une zone de budgets difficilement accessibles mais ils m’encouragent à faire un projet.

Lorsque je leur présente, ils me font penser à un sketch de Fernand Raynaud où un naïf a été chargé de passer à la douane des paquets de sucre (ou tout au moins désignés tels). Interpellé par des douaniers il appelle au téléphone son donneur d’ordre et après avoir trahi tous leurs secrets, il lui dit : « dis, Tonton, pourquoi tu tousses ». Leur réaction m’aurait poussé à leur dire : « mes amis pourquoi toussez-vous », car ils ont décliné mon offre comme je le subodorais.

Le projet ayant été conçu je n’allais pas l’abandonner et c’est grâce à Instagram que j’ai pu constituer une table presque complète puisque j’ai été conduit à inviter mes deux filles pour que nous puissions être dix. Il me paraissait évident que ce repas devait se faire avec Arnaud Donckele chef talentueux. Je ne savais pas en travaillant avec lui au menu, qu’il allait passer de trois à six étoiles au guide rouge. Ce fut annoncé deux jours avant notre repas. L’ambiance le jour dit fut particulièrement enjouée.

Je suis arrivé au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc Paris à 9h30 pour ouvrir les vins. Le bouchon du Lafite blanc 1959 s’est brisé en plusieurs morceaux et dégage une sublime fragrance. Le bouchon du Mouton 1945 très fortement collé au verre est venu en charpie. Le parfum est magique. Le Lafite 1869 a une étiquette récente et n’a pas d’indication de date de rebouchage. Lorsque je sors le bouchon qui a probablement une cinquantaine d’années, je suis rassuré car il me paraît totalement authentique. Et le parfum du vin est d’un équilibre qui suggère fortement un vin préphylloxérique. Je suis heureux.

Le nez de la Romanée Conti 1999 a toutes les composantes d’une grande Romanée Conti mais le vin est un peu discret. A côté de lui le parfum de l’Echézeaux Henri Jayer 1990 en magnum a toute la finesse que j’attendais. Il est d’une subtilité rare.

Les parfums des deux vins du Rhône sont généreux et brillants. On va se régaler. L’Yquem 1858 montre à l’odeur qu’il a mangé son sucre et cela me rappelle le Filhot 1858 que j’ai bu qui lui aussi avait mangé son sucre. On sera donc dans des saveurs raffinées plus que conquérantes.

Au contraire, le Constantia « Red » au bouchon qui se désagrège est une bombe de fragrances. Quelle puissance et quelle richesse en ce vin. Les parfums les plus riches sont ceux du Constantia et du Vin blanc de Lafite. Les plus nobles sont ceux du Mouton 1945, de La Chapelle 1961 et de l’Ermitage Cuvée Cathelin 1991.

Finissant cette séance si cruciale des ouvertures, je peux dire que tous les vins montrent ce que j’attendais et ils promettent les qualités que j’espérais. Les deux champagnes de 1943 sont ouverts à 11 heures et le jeune champagne est ouvert à 10 heures.

La belle salle du restaurant au premier étage de la Samaritaine, offrant une vue sur la Seine et sur le Pont Neuf nous est réservée. Une attention toute particulière nous attendait. Lorsque j’avais fait un dîner au Yacht Club de Monaco, le restaurant avait fait construire une table selon mes recommandations, de forme elliptique. Le restaurant Plénitude a eu la même attention pour ce repas, au point d’appeler cette table de mon nom. Les faits prouveront que cette table est idéale.

J’avais pensé que commencer notre repas avec deux champagnes de 1943 pourrait ne pas les mettre en situation idéale aussi, sans l’avoir annoncé, j’ai fait servir un Champagne Salon 2006. Un des convives dira : si un Champagne Salon sert à éclaircir la bouche, on est dans le luxe pur. Ce 2006 me plait par sa largeur et son équilibre. Il est solide et vieillira bien.

Le menu créé par Arnaud Donckele pour les vins est ainsi rédigé : Langoustine, artichaut, caviar, pour vinaigrette Cornaline / Rouget, Boulangère, crocus, pour Sabayon Borgne / ris de veau, oignon doux, céleri, pour jus dévoyé / pigeon, abattis, herbettes, pour jus délicatesse / composition satinée / financier à la rose.

On remarque que chaque plat est présenté en trois mots et que le plat n’existe que « pour » la sauce. Le chef est un magicien des sauces et nous allons le vérifier.

Nous passons à table. Nous sommes dix. Les seuls français sont mes deux filles et un convive fidèle. Il y a un belge, des britanniques de naissance ou de cœur, des suisses et un américain. Le repas se tient en anglais.

Les amuse-bouches sont merveilleux et notamment des huîtres qui sont probablement les plus raffinées que je n’aie jamais dégustées. Le Champagne Dom Pérignon 1943 montre son âge mais aussi ses très belles qualités. Il a le charme et l’ampleur des grands Dom Pérignon.

Le Champagne Salon 1943 a le même panache que le Salon 1943 bu au siège du champagne Salon que je considère comme mon plus grand Salon. On est ici au même niveau de perfection. Le bouchon indique qu’il s’agit d’un dégorgement récent fait au domaine. Sa structure carrée, solide, faite pour braver le temps est impressionnante. Du fait de sa plus grande fraîcheur je préfère de loin le Salon, et à ma grande surprise j’entends trois voisins de table à ma droite qui préfèrent le Dom Pérignon. On verra aux votes que la balance a pesé de leur côté. Etonnant pour moi. A ces différences près, ce sont deux champagnes d’exception, nobles et imposants.

Sur la divine langoustine (ça rime), il y a deux blancs que tout oppose. Mais quel brio. C’est la première fois que je bois ce rarissime Vin blanc de Lafite 1959. Son nez est riche et généreux et en bouche c’est incroyable de séduction et même d’envoûtement. Je dirais volontiers que ce vin blanc surclasse tous les vins blancs secs de Bordeaux. Pourquoi a-t ‘il été abandonné, je ne sais pas, mais quel dommage. Ce vin est impérial.

A côté de lui le Montrachet Domaine Leflaive 1996 est impressionnant d’ampleur et de suavité. Il est riche mais aérien. Mes convives dont certains ont eu des problèmes avec des blancs de Bourgogne aux bouchons désastreux sont admiratifs de l’état parfait de ce grand vin et de sa largeur en bouche.

Tout au long du repas nous allons remarquer que dans les paires de vins associés à un plat un vin est plus accueillant à la chair et l’autre plus accueillant à la sauce. N’ayant pas pris de notes, je ne saurais pas le restituer, ce qui est dommage.

Arnaud Donckele tout sourire vient nous saluer et explique l’intérêt qu’il trouve à cuisiner pour des vins rares et anciens et le plaisir de nos échanges. Il dit même à un moment : « le chef en fait, c’est François Audouze ». C’est gentil, mais le chef immense, c’est lui, sans autre forme de procès.

Sur le rouget exceptionnel nous goûtons deux bordeaux rouges que 76 ans séparent. Le Château Lafite 1869 est solide et raffiné. Il a la structure charpentée des vins préphylloxériques et le goût de truffe que l’on retrouve dans les grands Lafite.

A côté de lui le Château Mouton-Rothschild 1945 est conforme à sa légende. C’est la définition du Bordeaux parfait où toutes les composantes des goûts sont assemblées. C’est un des plus grands vins du monde et cette bouteille est au sommet de sa qualité. Ces deux vins de Bordeaux sont dans leur rectitude d’une expression exceptionnelle. Deux trésors.

Le ris de veau va côtoyer deux vins hors norme. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999 a tous les atouts d’une grande Romanée Conti. Comme le fanatique de voitures mythiques qui sait reconnaître une McLaren à un kilomètre de distance uniquement par le bruit du moteur, je sais décrypter les subtilités de ce vin dans un millésime exceptionnel. Mais il est encore trop jeune pour mon goût et un peu trop discret. Il est grand, mais il le sera tellement plus dans vingt ans que mon plaisir s’en ressent.

Avant le repas, je pensais que le vin qui m’impressionnerait le plus serait l’Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, bouteille rarissime. Au nez, je suis comblé, car toutes les finesses sont là. En bouche, je suis aussi comblé par son expression raffinée. Mais j’ai commis une erreur. D’habitude j’aime boire les vins de la Romanée Conti sur un foie gras poché tout simple. Pour ce repas, j’ai suggéré un ris de veau et je pense que ma proposition ne fut pas la bonne, même si le plat est remarquable, car il y avait plus de puissance dans le plat que ce que les deux ravissants vins ne pouvaient soutenir. Cela n’enlève rien aux qualités de ces deux vins mythiques.

Le pigeon est une merveille. Lors de mon parcours dans le monde du vin c’est l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961 qui m’est apparu comme le plus grand et émouvant vin rouge. Et pourtant la compétition est rude. Je retrouve dans cette bouteille aujourd’hui les mêmes raisons de le placer au firmament. Il a tout, la générosité, l’ouverture, la lisibilité, l’assurance, et un charme insistant. C’est une pure merveille d’équilibre. Il sera mon vainqueur.

L’Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991 est pour moi le plus grand millésime de ce vin. Quelle jeunesse, quelle noblesse, quelle jouissance. Une pure merveille de jeunesse gourmande. Là, tout est réuni pour le bonheur parfait, pigeon et ces deux Hermitages. Un grand moment de bonheur.

Le Château d’Yquem 1858 a une belle couleur ambrée mais avec des rayons de soleil. La composition satinée du pâtissier est une réussite totale avec un dosage des acidités parfait. Cet Yquem a mangé son sucre c’est-à-dire qu’il se présente plus sec qu’il ne devrait. Il manque de l’opulence enivrante des grands Yquem. J’ai la chance d’accepter les sauternes secs auxquels je trouve d’autres subtilités, mais je comprends aussi que l’on puisse regretter le manque d’ampleur.

Le Great Constantia Red J.P. Cloete South Africa circa 1860 a une couleur assez incroyable de vieux cuivre qui brille au soleil. Le nez est invasif, luxuriant. En bouche on a toutes les saveurs du monde les plus séductrices. Dense, riche, complexe ce vin est sur une autre planète gustative.

Il y a tellement de vins extraordinaires que faire un classement est quasiment impossible. En ce qui me concerne, je ne crois pas que je ferais le même classement si on me demandait de le refaire une heure plus tard. Le Salon 2006 n’est pas inclus dans le champ des votes. Tous les vins ont eu au moins un vote. Le vin qui a eu le plus de votes est le Vin Blanc de Lafite 1959. Quelle belle surprise.

Cinq vins ont été nommés premiers ce qui est un beau résultat, l’Hermitage la Chapelle trois fois, comme l’Ermitage Cathelin. Le Mouton 1945 a été nommé premier deux fois. L’Echézeaux Henri Jayer et le Dom Pérignon ont été votés premier une fois chacun.

Le vote du consensus est : 1 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 3 – Vin blanc de Lafite 1959, 4 – Château Mouton-Rothschild 1945, 5 – Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, 6 – Champagne Dom Pérignon 1943.

Mon vote est : 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 2 – Château Mouton-Rothschild 1945, 3 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 4 – Vin blanc de Lafite 1959, 5 – Constantia South Africa circa 1860.

Les plats ont été présentés en anglais et en français d’une façon très élégante. Le service des plats est parfait. Le service des vins par Emmanuel a été lui aussi parfait et intelligent. Au lieu d’aller au fumoir nous sommes montés au septième étage pour fumer les cigares que j’avais apportés et gouter le Rhum Nady Martinique que j’avais aussi apporté. A un moment je me suis rendu compte que j’étais le seul à fumer alors que j’ai arrêté de fumer depuis 31 ans. Cocasse. Mais au moins nous avons eu le prétexte pour continuer à parler de ce repas inoubliable. La cuisine d’Arnaud Donckele est d’une sensibilité et d’un talent extrêmes et mes vins se sont montrés au sommet de leur art quel que soit l’âge qu’ils eussent.

J’ai été appelé à organiser un repas hors norme. Il le fut au-dessus de toutes mes espérances. C’est le plus grand des 261 repas que j’ai eu l’honneur d’organiser. C’est inoubliable.


La vue du restaurant Plénitude

la table fabriquée pour ce repas, appelée la table François Audouze

les bouchons des deux 1943

le cadeau offert à Arnaud Donckele pour ses 6 étoiles : un Vin de l’Etoile pour lequel j’ai écrit sur l’étiquette : le vin des six étoiles

 

le rhum bu au 7ème étage de l’hôtel Cheval Blanc Paris

260th wine-dinner in restaurant Taillevent samedi, 26 février 2022

Since the beginning of my dinners, I have had 27 with the restaurant Taillevent. I want to do a new one in this place that I like, but I don’t know the new chef, Giuliano Sperandio. Director Baudoin Arnould creates contact with the chef so that we can develop the menu for the 260th wine-dinner. Immediately we understand each other. The chef understands and approves the fact that each dish must be consistent for the wine. Hence a search for simplicity that is not a limitation of creativity. On the dishes that I proposed, the chef made relevant additions and suggestions.

The wines were brought to the restaurant a week in advance. When the day comes, I arrive to open the wines at 4 p.m. By a rare chance, all the corks come out whole, except that of the Chypre 1870 because believing that the cork is short, I did not use the long wick, which resulted in the cork tearing. The aromas of the wines are all promising, the Nénin 1961 needing to blossom. The flavors of sweet wines are by far the most powerful and the one that moves me the most is that of Ausone 1937 with a depth of truffle taste. Having finished at 5 a.m., I have three hours ahead of me to think, meditate and rest, chatting with the friendly sommelier manager Paul Robineau. The chef comes to greet me and we finalize the final adjustments. His suggestions appeal to me. At 6 p.m. I open the magnum of champagne and at 7 p.m. the older champagne.

There will be ten of us, including ten males, which should earn us a heavy fine for not respecting parity. There are six new ones, which I really appreciate.

The aperitif is taken standing up in the beautiful, elegant wood-paneled Saturn lounge. Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989 has a strong bubble. In my opinion, it is an archetypal champagne because it has everything we love in a balanced and expressive champagne. If we had to define the champagne we would like to drink, it would be this one. It is consensual and pleasant. The truffle gougères are powerful and the relatively soft ham highlights this beautiful champagne.

To show that the chef wanted to cook for wine, here is how he worded his menu: appetizer / scallops / turbot / lobster / pigeon / stilton / mango / rose financier. I love the intentions expressed in this clean presentation.

Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966 has a pretty color of pink amber. The palate is round, consistent, very smooth. The evocations of pink citrus fruits are of a certain charm. It is a great champagne from a year that I consider to be one of the greatest of the century. I read on the faces of my guests the astonishment to see that a 56-year-old champagne can be so lively and brilliant.

The pairing of the turbot with the two whites is spectacular. The Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992 is a marvel of white, complex, noble racy. This white is at the top of its game. It is the most subtle of the wines of this meal logically crowned with the place of first.

If the Ramonet is Louis XV, the Château Rayas Châteauneuf du Pape white 1985 is Usain Bolt, because this wine is a bomb of energy, but of subtle energy. This Rayas is joyful and lively and it goes best with turbot. Rayas knows how to combine power and complexity.

The lobster is truffled which will create a bridge with the Château Ausone Saint-Emilion 1937 whose nose and mouth exude truffles. This wine which cannot hide that it is old is of a rare subtlety. To many around the table, it’s a surprise that an 85-year-old wine can have this energy and refinement.

As soon as I raise the glass of Château Nénin Pomerol 1961 to my lips, I know that I am in front of a perfect wine. Its structure is so well assembled that it is in perfect condition. He will no doubt improve further with time, but he is already in ideal shape. It does not have the charm of Ausone, but it is large. The pairing of simple, cooked-to-the-second lobster is perfect with both wines.

The Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées General Gouachon 1945 Tasteviné 1950 is a wine full of subtlety and velvet. The year 1945 gave him a solid balance. It is the expression of a refined Burgundy. It’s Lamartine or Chateaubriand. He’s got everything.

While I had feasted on the promise of La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 when I smelled it more than five hours ago, I find this wine too discreet. It is subtle but it does not have the aura of La Tâche, such a noble and conquering wine. Should it have been opened several hours before, it is possible, because this wine has no faults, it is just a little too timid. The rich pigeon failed to tickle him as he found the right partner with the elegant 1945 Burgundy.

When I announced that we were going to drink Château Climens Barsac 1949 first with stilton and then with a mango dessert, I saw the astonishment of the guests that one could look for such opposite pairings. Their astonishment will be even greater when they have found that these agreements are of absolute relevance. The Climens is quite simply the perfect wine, dynamic, powerful but charming like the snake which knew how to push Eve to eat the apple. Everything about this Barsac is luxury, pleasure, refinement. It is drunk greedily.

The financier with the rose is one of my coquetries and it is remarkably executed. And this is the first time that I feel as strongly that the Vin de Chypre 1870 tastes of rose. This heavy, powerful, high-alcohol wine is both sweet and dry, with strong spice. It has an inextinguishable length.

We are all amazed because no wine was weak, even though La Tâche lacked its usual prestige, and all the pairings were brilliant.

I don’t think I’ve ever seen such diversity in the votes. It’s incredible. If some imagine that I influence the votes, they will see that they are wrong. Let us judge: we are ten to vote for the five best of ten wines. All the wines had at least two votes, which is very rare because very often there are one or two wines that do not receive any votes. Then six wines were named first, which is really rare. Rayas had three first votes, Ramonet and Climens each had two first votes and Ausone, Nuits-Saint-Georges and La Tâche each had one first vote. Such a diversity of votes is hard to imagine.

The classification of the whole table is: 1 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 2 – Château Climens 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1937, 4 – Château Rayas Châteauneuf du Pape white 1985, 5 – Champagne Moët et Chandon Brut Imperial 1966, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992.

My ranking is: 1 – Château Climens 1949, 2 – Cyprus wine 1870, 3 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 4 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1937.

The six new participants are of a certain enthusiasm and have promised to return to new dinners. As usual at Taillevent, the food and wine service was perfect. The chef gave a performance worthy of all praise because he put his talent at the service of the wine. This 260th was a particularly successful dinner.

260ème dîner au restaurant Taillevent samedi, 26 février 2022

Depuis le début de mes dîners, j’en ai fait 27 avec le restaurant Taillevent. J’ai envie d’en faire un nouveau en ce lieu que j’apprécie, mais je ne connais pas le nouveau chef, Giuliano Sperandio. Le directeur Baudoin Arnould crée le contact avec le chef pour que nous mettions au point le menu du 260ème dîner de wine-dinners. Immédiatement nous nous comprenons. Le chef comprend et approuve le fait que chaque plat doit être cohérent pour le vin. D’où une recherche de simplicité qui n’est pas une limitation de la créativité. Sur les plats que j’ai proposés, le chef a fait des ajoutes toutes pertinentes.

Les vins ont été apportés au restaurant une semaine à l’avance. Le jour venu, je viens ouvrir les vins à 16 heures. Par un hasard rare, tous les bouchons sortent entiers, sauf celui du Chypre 1870 car croyant que le bouchon est court, je n’ai pas utilisé la longue mèche, ce qui a entraîné que le bouchon se déchire. Les parfums des vins sont tous prometteurs, le Nénin 1961 ayant besoin de s’épanouir. Les parfums des liquoreux sont de loin les plus puissants et celui qui m’émeut le plus est celui de l’Ausone 1937 avec une profondeur de goût de truffe. Ayant fini à 5 heures, j’ai devant moi trois heures pour penser, méditer et me reposer, bavardant avec le sympathique responsable de la sommellerie Paul Robineau. Le chef vient me saluer et nous mettons au point les derniers ajustements. Ses suggestions me plaisent. A 18 heures j’ouvre le magnum de champagne et à 19 heures le champagne plus ancien.

Nous serons dix, dont dix mâles, ce qui devrait nous valoir une forte amende pour non-respect de la parité. Il y a six nouveaux, ce que j’apprécie beaucoup.

L’apéritif se prend debout dans le beau salon Saturne lambrissé et élégant. Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989 a une forte bulle. C’est à mon sens un champagne archétypal car il a tout ce que l’on aime dans un champagne équilibré et expressif. Si l’on devait définir le champagne que l’on aimerait boire, ce serait celui-ci. Il est consensuel et agréable. Les gougères à la truffe sont puissantes et le jambon relativement doux met en valeur ce beau champagne.

Pour montrer que le chef a voulu cuisiner pour le vin, voici comment il a libellé son menu : mise en bouche / Saint-Jacques / turbot / homard / pigeon / stilton / mangue / financier à la rose. J’adore les intentions qui s’expriment dans cette présentation épurée.

Le Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966 a une jolie couleur d’un ambre rose. La bouche est ronde, cohérente, toute en douceur. Les évocations d’agrumes roses sont d’un charme certain. C’est un grand champagne d’une année que je considère comme l’une des plus grandes du siècle. Je lis sur les visages de mes convives l’étonnement de constater qu’un champagne de 56 ans peut être aussi vif et brillant.

L’accord du turbot avec les deux blancs est spectaculaire. Le Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992 est une merveille de blanc, complexe, noble, racé. Ce blanc est au sommet de son art. C’est le plus subtil des vins de ce repas couronné logiquement de la place de premier.

Si le Ramonet est Louis XV, le Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985 est Usain Bolt, car ce vin est une bombe d’énergie, mais d’énergie subtile. Ce Rayas est joyeux et entraînant et c’est lui qui s’accorde le mieux au turbot. Le Rayas sait combiner puissance et complexité.

Le homard est truffé ce qui va créer un pont avec le Château Ausone Saint-Emilion 1937 dont le nez et la bouche exsudent la truffe. Ce vin qui ne peut pas cacher qu’il est ancien est d’une subtilité rare. Pour beaucoup autour de la table, c’est une surprise qu’un vin de 85 ans puisse avoir cette énergie et ce raffinement.

Dès que je porte le verre du Château Nénin Pomerol 1961 à mes lèvres, je sais que je suis en face d’un vin parfait. Sa structure est tellement bien assemblée qu’il est dans un état parfait. Il va sans doute s’améliorer encore avec le temps, mais il est déjà dans une forme idéale. Il n’a pas le charme de l’Ausone, mais il est grand. L’accord du homard simple et cuit à la seconde près est parfait avec les deux vins.

Le Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945 Tasteviné 1950 est un vin tout en subtilité et en velours. L’année 1945 lui donne un équilibre solide. Il est l’expression d’un Bourgogne raffiné. C’est Lamartine ou Chateaubriand. Il est tout en mesure.

Alors que je m’étais régalé des promesses de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 au moment où je l’ai senti il y a plus de cinq heures, je trouve ce vin trop discret. Il est subtil mais il n’a pas l’aura de La Tâche vin si noble et si conquérant. Aurait-il fallu l’ouvrir plusieurs heures avant, c’est possible, car ce vin n’a pas de défaut, il est juste un peu trop timide. Le pigeon riche n’a pas réussi à le titiller alors qu’il a trouvé le bon partenaire avec l’élégant bourgogne de 1945.

Lorsque j’ai annoncé que nous allions boire le Château Climens Barsac 1949 d’abord avec du stilton puis avec un dessert à la mangue, j’ai vu l’étonnement des convives que l’on puisse chercher des accords aussi opposés. Leur étonnement sera encore plus grand quand ils auront constaté que ces accords sont d’une pertinence absolue. Le Climens est tout simplement le vin parfait, dynamique, puissant mais charmeur comme le serpent qui a su pousser Ève à manger la pomme. Tout dans ce Barsac est luxure, plaisir, raffinement. Il se boit goulûment.

Le financier à la rose est une de mes coquetteries et il est remarquablement exécuté. Et c’est la première fois que je ressens aussi fort que le Vin de Chypre 1870 a un goût de rose. Ce vin lourd, puissant et fort en alcool est à la fois doux et sec, avec de fortes épices. Il a une longueur inextinguible.

Nous sommes tous émerveillés car aucun vin n’a été faible, même si La Tâche n’avait pas son prestige habituel, et tous les accords ont été brillants.

Je crois n’avoir jamais vu une telle diversité dans les votes. C’est incroyable. Si certains imaginent que j’influence les votes, ils verront qu’ils sont dans l’erreur. Qu’on en juge : nous sommes dix à voter pour les cinq meilleurs de dix vins. Tous les vins ont eu au moins deux votes, ce qui est très rare car il y a très souvent un ou deux vins qui ne recueillent aucun vote. Ensuite, six vins ont été nommés premiers, ce qui est vraiment rare. Le Rayas a eu trois votes de premier, le Ramonet et le Climens ont eu chacun deux votes de premier et l’Ausone, le Nuits-Saint-Georges et La Tâche ont eu chacun un vote de premier. Une telle diversité de votes est difficile à imaginer.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 2 – Château Climens 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1937, 4 – Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985, 5 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992.

Mon classement est : 1 – Château Climens 1949, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 4 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1937.

Les six nouveaux participants sont d’un enthousiasme certain et se sont promis de revenir à de nouveaux dîners. Comme à l’accoutumée au Taillevent le service des plats et des vins a été parfait. Le chef a fait une prestation digne de tous les éloges car il a mis son talent au service du vin. Ce 260ème fut un dîner particulièrement réussi.

Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989

Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966

Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992

Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985

Château Ausone Saint-Emilion 1937

Château Nénin Pomerol 1961

Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945

La Tâche Domaine de la Romanée Conti   1992

Château Climens 1949

Vin de Chypre 1870

je n’ai jamais vu des verres aussi vides en fin de repas !