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déjeuner d’amis au restaurant Pages jeudi, 6 novembre 2025

Un ami amateur de Vega Sicilia Unico que je voyais du temps des Casual Friday me dit qu’il aimerait que nous déjeunions ensemble, car il a un Haut-Brion 1943 qu’il aimerait partager avec moi. Peu de temps après un ami me propose de déjeuner ensemble, pour comparer deux Léoville Poyferré séparés de cinquante ans. Puis quelque temps plus tard un autre ami aimerait déjeuner avec moi accompagné d’un autre ami. Je propose de fusionner ces désirs et j’appelle un autre ami qui viendra avec un autre ami.

Une date est choisie et nous serons sept à déjeuner au restaurant Pages. J’ai demandé que les vins soient livrés la veille chez Pages pour que je puisse ouvrir les vins vers 10 heures et deux amis proposent gentiment d’aider aux ouvertures.

J’avais annoncé un Krug Private Cuvée, un chablis Grand Cru, un Château Chalon et un Rivesaltes ouvert il y a peu de temps pour mes enfants dont il restait les trois quarts. Et ce matin, je vois dans ma cave une bouteille de sauternes dont la couleur m’attire. Il n’y a aucune indication, le niveau est bas mais ce vin me tente. Sa couleur m’évoque les années 20

L’ouverture avec deux amis se passe normalement. Une surépaisseur dans le goulot du sauternes fait que des morceaux se déchirent, ce qui empêche de voir sur le bouchon de quel sauternes il s’agit. Le Chambolle-Musigny 1947 a une vilaine odeur, presque chimique qui me laisse à penser qu’elle ne disparaîtra pas. C’est la seule odeur désagréable.

Comme les vins peuvent être des mystères, ce sera ce vin qui gagnera dans les votes en fin de repas. Boire des vins anciens offre souvent des surprises.

Le menu construit avec le chef Ken est : carpaccio de barbue / carpaccio de daurade / carpaccio de wagyu / poisson maigre sauce vin rouge / canard de Challans sauce vin rouge, champignons / deux versions du wagyu / comté / financier.

Nous commençons par le Champagne Krug Clos du Mesnil 2009 qui vient juste d’être mis sur le marché. Je suis ébloui par sa finesse, sa subtilité et son charme équilibré. C’est un champagne brillant dès à présent et qui sera probablement emblématique. Je suis absolument conquis. Les poissons crus sont idéaux pour mettre en valeur les champagnes.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 50-60 a offert un pschitt à l’ouverture, discret mais présent. Sa couleur fraîche est d’une rare beauté. Le champagne est d’un accomplissement convainquant. On voit que par rapport au 2009 il est plus large, complexe et épanoui. C’est un pur plaisir, c’est le sommet de la hiérarchie du champagne. Logiquement, j’aurais dû voter pour ce champagne devant le Clos du Mesnil, mais j’ai été tellement séduit par ce jeune Krug que je j’ai classé devant son ancien.

Sur le carpaccio de wagyu nous avons deux vins blancs. Le Chablis Grand Cru Les Clos Laroche 1988 fait un peu timide alors que le Meursault 1er cru les Charmes Comtes Lafon 1999 est beaucoup plus joyeux, généreux et opulent. Mais il va se passer quelque chose d’étonnant, c’est qu’au bout de plusieurs minutes le chablis s’élargit, s’étoffe et justifie son statut de Grand Cru. Je l’adore car il est vivant, charmant et complexe. Je pense que le wagyu cru que nous avons eu aurait mieux été mis en valeur par des vins rouges.

L’accord du Château Léoville Poyferré 1953 et du Château Léoville Poyferré 2003 avec le poisson sauce vin rouge est le plus brillant de ce repas, même si nous avons eu par la suite des wagyus de haute qualité. Alors que je suis un amoureux des vins anciens, c’est le 2003 qui m’a le plus touché par la richesse de son goût conquérant, large et dynamique.

C’est probablement à cause de la présence du Château Haut-Brion 1943 que le Léoville Poyferré 1953 m’a moins enthousiasmé. Le Haut-Brion 1943 que l’ami qui l’a apporté avait acheté en pensant à le partager avec moi est l’archétype du grand Haut-Brion. Quand Haut-Brion est grand, il est grand. Il a de l’aisance, du calme et une justesse de ton qui m’émeut. Sa longueur est quasi infinie.

C’est dur pour le Pommard « Cuvée Roland » Domaine Thévenin 1943 de passer après son conscrit. Il est plaisant mais l’émotion est limitée. Dans un autre contexte on l’aurait apprécié.

La grande surprise, c’est que le Chambolle Musigny Domaine Cabet Frères 1947 a totalement effacé ses mauvaises odeurs, ce dont je doutais. Il est agréable, de belle intensité. Je l’ai classé quatrième de mon vote alors que l’ensemble de la table l’a mis premier.

L’ami qui a apporté le Vega Sicilia Reserva Especial fait de 1962, 1964 et 1968 est un fan de Vega Sicilia. Je le suis aussi. Ce Vega mis en bouteille en 1979 est grand mais je lui ai trouvé un léger manque de longueur ce qui ne diminue pas le plaisir de le boire. Les deux wagyus que nous avons mangés sont très différents. Le premier n’est pas persillé. La chair est pure, sans graisse. Alors que l’autre regorge de nervures de gras. Comparer les deux est passionnant et les vins lourds s’en régalent. J’ai une préférence malgré tout pour le wagyu traditionnel, car le gras fait décupler le goût des vins.

A mon grand étonnement le Château Chalon Fruitière Viticole de Voiteur 1969 se distingue par sa légèreté fluide et non pas par sa puissance et c’est une prestation originale et agréable.

Le Sauternes inconnu années 20 a une couleur très sombre mais quand on le sert il a des notes d’un or jaune brillant. Le nez est intense. En bouche, on sent un peu de fatigue, mais les financiers lui donnent une belle longueur et une belle énergie. Il fallait laisser sa chance à ce sauternes qui restera inconnu. Par son style je dirais volontiers Lafaurie-Peyraguey.

Le Rivesaltes Gérard Bertrand 1974 m’avait plu il y a quelques jours car je l’avais trouvé beaucoup plus complexe que ce que j’attendais. Il a gardé sa belle présence et les financiers le propulsent dans des plaisirs sucrés.

L’ambiance de notre groupe est particulièrement joyeuse. Il est temps de classer les vins comme lors de mes dîners. Cinq vins ont été classés premiers, ce qui pour une table de sept convives montre une belle diversité. Le Chambolle Musigny Domaine Cabet Frères 1947 et le Château Haut-Brion 1943 ont eu chacun deux votes de premier et ceux qui ont eu un vote de premier sont le Champagne Krug Clos du Mesnil 2009, le Champagne Krug Private Cuvée années 50-60 et le Meursault 1er cru les Charmes Comtes Lafon 1999.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Chambolle Musigny Domaine Cabet Frères 1947, 2 – Champagne Krug Private Cuvée années 50-60, 3 – Vega Sicilia Reserva Especial fait de 1962, 1964 et 1968, 4 – Château Haut-Brion 1943, 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 2009, 6 – Meursault 1er cru les Charmes Comtes Lafon 1999.

Mon vote est : 1 – Château Haut-Brion 1943, 2 – Champagne Krug Clos du Mesnil 2009, 3 – Champagne Krug Private Cuvée années 50-60, 4 – Chambolle Musigny Domaine Cabet Frères 1947, 5 – Vega Sicilia Reserva Especial fait de 1962, 1964 et 1968.

Le directeur du restaurant Pages Pierre-Alexandre a accompagné notre repas avec talent. Le Chef Ken a créé des plats d’une pureté idéale avec des cuissons parfaites comme celle du canard et surtout du poisson maigre, le plus brillant des plats. Nous nous sommes quittés joyeux, heureux de ce grand moment d’amitié.

L’un des amis est venu avec une Eau de Vie de Chartreuse de 1932. On ressent beaucoup plus l’aspect eau de vie que l’aspect Chartreuse, mais c’est une plaisir très grand. Que de folies !

Vincroyable realised a brilliant dinner in Brussels samedi, 1 novembre 2025

A wine lover living in Brussels had participated in one of my dinners at the Apartment Moët Hennessy two and a half years ago. He had undoubtedly appreciated the form of my dinners to the point that he created a company that organizes dinners in the spirit of my dinners.

Recently, he sent me the schedule for one of his future dinners, explained to me that he was inspired by my dinners and would like me to register. The program is extremely attractive and I will enjoy a «friend price» that helps to persuade me. I tell him that I am very happy that he makes meals like mine because the most important thing is that great wines are drunk. He had announced that we would be eight but the reality will be quite different.

It had been fifteen years since I had gone to the Gare du Nord, and I notice a certain change in the population that walks the aisles of this large station. All the populations of the world are represented. The station is much cleaner than I remembered.

The train I travel on is more spacious than the trains I take from Paris to Toulon. I arrive in Brussels in a very short time. I am staying in a large hotel in an area whose shops indicate that it is rather luxurious.

I arrive shortly after 7pm at the restaurant Comme Chez Soi that I knew in the 80s when the boards of directors of the company I chaired were held in Brussels. Lionel Rigolet, son-in-law of previous chef Pierre Wynants is the restaurant’s chef. Throughout the evening we will see how much we feel a family atmosphere and it is extremely pleasant.

I am greeted by Wouter, whom I had received at one of my dinners, and by Pieter, his partner in the company Vincroyable that they founded to offer fine wine dinners.

We go down to the restaurant’s cellar where a Champagne Dom Pérignon 2015 is served to the dinner participants who are all already there.  We introduce ourselves and chat among the participants. The appetizers that accompany the champagne are very sophisticated. The champagne is extremely soft and pleasurable. While the Dom Pérignon is not excessively dosed, it gives an ideal and silky comfort.

We will then take a photo in the kitchen and go up one floor to go into the private dining room very nicely decorated.

I had remembered that we would be eight but we will be twelve, with four wines that will be added over the meal. The menu is presented as follows: terrine-brioche foie gras / scallop – Shiitake ravioli – autumn truffle / veal sweetbreads, mushroom emulsion – butter rubbed/ saddle of hare – creamy Pomerol sauce, potato/ three cheeses blue paste/ numerous and diverse desserts.

The first wine service includes Champagne Jacques Selosse Original Version without year and Champagne Jacques Selosse Ambonnay, Le Bout du Clos without year. The juxtaposition is interesting because we see how much Ambonnay’s white of blacks has a masculine personality, when the Original Version has a more romantic expression. The two wines, very precise, have beautiful expressions. The pairing with foie gras is ideal.

Three white wines will appear now, the third being served without us knowing what it is. The Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1996 surprises me because it is all smooth, wonderfully subtle while most often it is conquering. I really like this different expression.

The 2006 Corton Charlemagne Domaine Coche-Dury is a marvel. I love this expression of incredible power and elegant energy so much. I am conquered when drinking this wine.

The Domaine Leflaive Puligny Montrachet Les Pucelles 2007 is the most charming of the three wines but I measure that it does not have the complexity of a Grand Cru unlike the other two. The agreement of the three with the scallops is perfect.

The next step is with three red wines of which the third is not known. Everyone is obviously excited by the presence of the Cros Parantoux Domaine Henri Jayer 1993 of extreme subtlety. This wine just speaks with a certain talent. What a great archetypal wine.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1998 is very expressive and has the soul of Romanée Conti. It is very characteristic of the very square side of La Tâche.

The Richebourg Domaine Méo Camuzet 1998 is also a subtle and well-balanced wine. I was looking for which wine and I did not recognize the Richebourg which plays in the same category as the other two great wines.

The two organizers wanted us to return to younger wines before moving on to Bordeaux. The Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2000 and the Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2000 are a bit young for me but they present themselves as they should be. I was very pleasantly surprised by the extent of the Grands Echézeaux.

It is now that two large Bordeaux wines from 1945 appear. While traditionally I serve the Bordeaux before the Bourgognes, I found that the arrival of these two wines was very relevant.

The Château Cos d’Estournel 1945 is a great wine absolutely balanced and has no age as it is full of energy. But I have such a love for Château Lafite-Rothschild 1945 that Alexandre de Lur Saluces had made me discover during a private dinner at the Château de Fargues that I adore his rich, solid and at the same time seductive expression. It’s a deep wine.

The sweetbreads seemed too strong to accompany these two splendid wines.

For the Château d’Yquem 1983 three blue cheeses are presented. It is absolutely obvious that stilton is the most suitable cheese. This 1983 is perfect, with a beautiful coherent and charming expression, without excessive power.

I brought a Rancio domain of Volontat which must be one year between 1880 and 1920. I am very surprised that it is so powerful but above all complex, more complex than the Yquem.

We are then overwhelmed with desserts, each more greedy than the other. In Brussels, we feel that the greed is limitless.

I suggested that we vote as in my dinners and it was accepted. Five wines were named first, which is little for 14 wines, but it’s because of the wine by Henri Jayer who had six first-prize votes, followed by the Montrachet from Romanée Conti and the Lafite 1945 with two first-prize votes each, then from Corton Charlemagne Coche Dury and from Cos d’Estournel 1945 with a first-place vote.

The vote of the entire table is: 1 – Domaine Henri Jayer Cros Parantoux 1993, 2 – Château Lafite-Rothschild 1945, 3 – Domaine de la Romanée Conti Montrachet 1996, 4 – Domaine de la Romanée Conti La Tâche 1998, 5 – Domaine Coche-Dury Corton Charlemagne 2006, 6 – Château Cos d’Estournel 1945.

My vote was: 1 – Domaine Coche-Dury Corton Charlemagne 2006, 2 – Château Lafite-Rothschild 1945, 3 – Domaine Henri Jayer Cros Parantoux 1993, 4 – Domaine de la Romanée Conti Montrachet 1996, 5 – Domaine de la Romanée Conti La Tâche 1998.

All the participants are passionate. The Chef made a high quality meal and what seduced me is the family character of this restaurant that gives extra pleasure. Some drank alcohol and at one o’clock in the morning we were still at the table.

It was the son of chef Lionel Rigolet who escorted me back to my hotel by car. In which restaurant would I find such attention? Vincroyable has a bright future ahead of him. So much the better.

Déjeuner au siège des champagnes Salon et Delamotte mardi, 21 octobre 2025

Après le dîner à l’Assiette Champenoise le groupe de chevaliers du Tastevin poursuit son voyage en Champagne en se rendant au siège des champagnes Salon et Delamotte.

Nous sommes reçus par Didier Depond président de ces champagnes qui a gentiment invité ce groupe à déjeuner à ma demande.

Après une visite des vignes, Audrey Campos rappelle l’histoire du champagne Salon et nous nous rendons dans la salle de dégustation, accueillis par un Champagne Blanc de Blancs sans année en magnum sur des petits amuse-bouches. Ce champagne est brillant, énergique et de belle intensité. C’est un beau début de parcours.

Nous nous rendons dans la belle salle à manger où nous sommes une vingtaine de convives. Il y a les participants du dîner de la veille à l’Assiette Champenoise, d’autres chevaliers du Tastevin et quelques amis de Didier Depond.

Didier fait appel à un chef parisien qui se déplace volontiers. Le menu se présente ainsi : velouté de pommes de terre crémeux au Chaource / Cannellonis aux cèpes et foie gras, céleri émincé / gambas poêlées aux aubergines, citronnelle et coriandre / blanquette de veau traditionnelle au vin jaune, riz pilaf et légumes / Brie / tarte aux pommes croustillante au miel, glace vanille.

En lisant le menu on mesure à quel point nous allons être gâtés car il y aura douze vins qui seront servis. Il y a d’abord un groupe de trois Champagne Blanc de Blancs Delamotte en magnum 2012, 2014 et 2018. Les trois sont très épanouis. J’ai un faible pour le 2014 qui est le plus frêle et délicat des trois. Ils sont tous de grande qualité.

On nous sert ensuite le Champagne Salon 2015 dans trois verres différents pour sentir quelle est l’influence du verre sur le goût. J’avais hier eu une discussion avec un ami qui vit au Portugal et au Brésil sur l’importance des verres dans la dégustation. Je ne suis pas un fanatique de la recherche du verre parfait, car je pense ressentir l’âme d’un vin même si le verre n’est pas parfait alors que mon ami est très strict sur le sujet. Dans cet exercice aujourd’hui, je commence à ne voir que des écarts insignifiants car je suis un tel admirateur du 2015 de Salon que j’en jouis sans m’arrêter aux détails.

Puis, il apparaît nettement qu’un verre s’élimine de lui-même, celui qui a une forme bourguignonne. Les deux verres restants sont encore ex-aequo pour mon palais et tout d’un coup je constate qu’un verre rend le Salon 2015 vertical et l’autre horizontal dans le parcours en bouche. Ces deux expressions sont différentes mais d’égal plaisir. Il est clair que lorsque je bois du vin, je ne vais pas aussi loin dans le détail car ce que j’aime, c’est de comprendre l’âme du vin et son message.

Nous buvons ensuite les Salon 2007 et Salon 1997. Le Champagne Salon 2007 est d’une grande fraîcheur. C’est un vin généreux, facile à vivre, de belle expression. Le Champagne Salon 1997 est un de mes préférés. C’est un guerrier, puissant et dominateur. Sur le plat de gambas, l’association est belle. L’aubergine fait briller le 1997. J’ai dit à Didier Depond que son 2007 est meilleur que ceux que je bois chez moi.

C’est à l’aveugle que nous goûtons le vin suivant, glorieux et épanoui. Sa couleur est claire et sa bulle active, deux signes de jeunesse, mais il y a tellement de grandeur que je ne vois que 1996 comme possibilité. J’avais oublié de penser au Champagne Salon 2008 en magnum qui est immense.

Le vin qui accompagne la blanquette est un rouge : Tiano Nareno magnum Argentine 2017. C’est un vin que j’ai déjà bu en ce lieu car Didier Depond en est l’un des propriétaires. Il est jeune, de très belle personnalité, puissant mais de grande fraîcheur.

Le fromage de Brie est accompagné par un Champagne Blanc de blancs Collection 2008 qui est impressionnant de cohésion. Il est brillant et le fromage l’y aide. Didier a eu une remarque qui m’a impressionné. Il a dit que ce jour, les Delamotte paraissent plus épanouis que les Salon. Cette remarque décontractée montre une spontanéité que j’apprécie.

Il restait au programme un Delamotte rosé sur le dessert, mais j’ai quitté cette noble assistance car je devais rentrer à Paris.

La générosité de Didier Depond est extrême. Les chevaliers du tastevin m’ont applaudi pour avoir organisé le dîner à l’Assiette Champenoise et ce déjeuner en ce lieu mythique. Je suis rentré fatigué mais heureux d’avoir rencontré ces amateurs américains sympathiques. Deux belle journées.

304ème dîner à l’Assiette Champenoise lundi, 20 octobre 2025

Une amie américaine, Sarah, est la plus assidue de mes dîners. Elle doit avoir fait plus de 25 dîners. Elle est chevalier du Tastevin depuis quelques années et vient en France avec une quinzaine de chevaliers du Tastevin pour un des chapitres de la confrérie. Leur voyage en France comprend un passage en Champagne. Sarah m’a demandé si son groupe pourrait être reçu à déjeuner chez un vigneron champenois.

J’ai proposé de faire un de mes dîners à l’Assiette Champenoise pour un groupe limité à dix personnes et le lendemain un déjeuner au siège des champagnes Salon et Delamotte, le président Didier Depond m’ayant donné son accord.

Il y a trois semaines, j’étais venu à l’Assiette Champenoise pour mettre au point le menu du dîner et cela s’était passé dans une ambiance agréable de compréhension mutuelle entre Arnaud Lallement et moi. J’avais laissé les vins du dîner sur place. Avant de partir aujourd’hui, je rajoute un vin qui sera servi avant le début du repas et un alcool pour finir le repas.

J’arrive à l’hôtel Assiette Champenoise vers 15h30 et les vins avaient été mis debout la veille. Le chef sommelier Frédéric Bouché reste avec moi pour les ouvertures et m’aide à en ouvrir certains. Tous les parfums sont engageants, le plus prometteur étant celui du Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1970. Les parfums des vins de Rousseau et Trapet sont très élégants. Ceux du Château Chalon Bourdy 1937 et du Chateau Coutet 1969 sont délicieux. Le seul vin qui n’est pas totalement parfait est le Brane-Cantenac 1947. Aurait-il une trace de goût de bouchon, nous le verrons.

Il me reste du temps avant le dîner aussi je vais dans la piscine de l’hôtel pour me reposer un peu. Alors que le dîner est prévu à 20 heures, on m’annonce à 19h10 que les participants du dîner sont arrivés et tous installés au bar. Je les rejoins et je présente la philosophie de mes dîners. Il apparait rapidement que le champagne de bienvenue que j’avais prévu de boire dans la salle du premier étage où aura lieu le dîner doit être servi maintenant. Il n’était pas annoncé dans le programme et à titre de clin d’œil pour évoquer le lieu où nous irons demain, j’ai choisi un Champagne Delamotte millésimé 1985.

Arnaud Lallement venu nous saluer avait prévu des amuse-bouches à l’étage. Il décide d’en ajouter quelques-uns au bar tant il est généreux. Le Champagne Delamotte millésimé 1985 est impressionnant de largeur, cohérence et force de caractère. C’est un très grand champagne.

Nous montons à l’étage où dans une jolie salle est installée une table très longue ce qui a permis de mettre les onze verres en ligne, comme un arc-en-ciel.

Le menu créé par Arnaud Lallement est : amuse-bouches / langoustine royale rôtie à l’huile d’olive, tartare / homard bleu, hommage à mon Papa / lièvre à la royale, pomme de terre, sauce royale / ris de veau fermier, céleri P. Richard, vin jaune / mangue G. Adam, condiment mangue / financier.

Le Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1969 est accompagné des amuse-bouches dont les subtilités raffinées sont gourmandes. Le champagne est d’une maturité accomplie. Ce champagne est très agréable à boire, plus vif mais moins rond que le Delamotte.

Deux vins sont associés à la langoustine qui est, très probablement, la meilleure langoustine que j’aie jamais mangée. Le Champagne Krug Grande Cuvée (étiquette crème) 2ème édition # 1980 est royal comme la langoustine, très noble, mais si je pense aux trois champagnes que nous venons de boire, il n’est pas sûr que le Krug soit le premier car il est un peu trop consensuel.

A côté du Krug, pour la langoustine, nous buvons un Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret 1988 dont la fraîcheur m’émerveille. Il est au sommet de son art, subtil et plaisant. Je trouve que le chablis crée un meilleur accord sur la langoustine, alors que mon voisin de table pense le contraire. « de natura rerum » … disait Lucrèce.

J’avais eu peur à l’ouverture des vins, mais le Château Brane-Cantenac Margaux 1947 pouvait s’épanouir. Etant servi du premier verre, qui est le premier à se frotter au goulot, j’ai encore un petit doute. Mais en fait ce vin va se montrer brillant au point que deux convives le mettront premier de leurs votes, malgré la forte concurrence. Ce vin est riche, lourd, fort, puissant. C’est un conquérant, ce qui n’est pas toujours la marque des margaux.

Il est associé au Gevrey-Chambertin Armand Rousseau 1976 et je m’aperçois de plus en plus que ces accouplements de vins qui n’ont rien de commun sont passionnants. Car le vin de Rousseau est d’une élégance fragile si délicate que le homard exceptionnel délivre aux deux vins des messages différents et enrichissants.

J’aurais pu mettre le Chambertin Trapet 1979 avec le Rousseau, mais ce n’aurait pas été aussi excitant. Le Trapet est d’une réussite certaine. Très équilibré et subtil il est un Chambertin idéal. Mon voisin préfère le Rousseau et je préfère le Trapet qui est associé au Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1970 pour goûter un lièvre à la royale excitant dans lequel Arnaud Lallement a fait cohabiter les deux versions du lièvre, celle du sénateur Couteaux et celle d’Antonin Carême. Sur ce plat, le Grands-Echézeaux est totalement à son aise, car le plat semble fait pour lui avec ce côté terrien, paysan, qui vante les plus beaux moments de la gastronomie bourguignonne. J’avais senti à l’ouverture que ce 1970 serait éblouissant. Il l’est avec une douceur infinie dans le finale.

Je suis un peu lassé que l’on associe trop souvent les vins jaunes avec du comté. C’est évidemment excellent, mais je voulais autre chose. Avec Arnaud Lallement, nous avons pensé qu’un ris de veau serait un bon partenaire. Ce fut exceptionnel. Le Château Chalon Bourdy Jura 1937 est d’une année magique. Il a un équilibre et une douceur extrême, avec une longueur en bouche incroyable. Quel grand vin, tout joyeux.

Le Château Coutet Barsac 1969 a un parfum d’un bel équilibre. Tout en ce vin est pur et équilibré. Sa douceur nous enchante sur un dessert qui lui convient.

Le Maury Domaine La Coume du Roy Agnès de Volontat 1925 vient fort opportunément accompagner l’une de mes coquetteries, un financier gourmand. Le vin de cent ans à une douceur charmante ?

Le Marc de Champagne Oudinot & Fils à Avize # années 40 est d’une grande force et a un parfum démoniaque que l’on devrait interdire tant il est addictif. Les marcs, c’est viril. J’adore.

C’est le temps des votes. Nous votons en excluant le marc des votes. Tous les vins ont eu au moins un vote ce qui est plaisant. Cinq vins ont été nommés premiers, La Tâche 1970 quatre fois, le Brane-Cantenac 1947 et le Gevrey-Chambertin Armand Rousseau 1976 deux fois, le Chambertin Trapet 1979 et le Champagne Delamotte 1985 une fois chacun.

Le vote de la table est : 1 – Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1970, 2 – Gevrey-Chambertin Armand Rousseau 1976, 3 – Chambertin Trapet 1979, 4 – Château Brane-Cantenac Margaux 1947, 5 – Champagne Delamotte 1985, 6 – Château Chalon Bourdy Jura 1937.

Mon vote est : 1 – Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1970, 2 – Chambertin Trapet 1979, 3 – Gevrey-Chambertin Armand Rousseau 1976, 4 – Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret 1988, 5 – Château Chalon Bourdy Jura 1937.

La cuisine d’Arnaud Lallement est exceptionnelle. Dès la première bouchée des amuse-bouches, on sait que l’on entre dans le monde de l’excellence. Tous les goûts sont d’une finesse extrême et d’une belle joie de vivre. La langoustine est hors concours, le ris de veau est remarquable et tout est grand.

Le service des vins et des plats a été parfait. Je suis évidemment content que tous mes vins aient brillé. Mes convives tous chevaliers du Tastevin ont été éblouis, car ils ont vécu un repas qu’ils n’attendaient pas à ce niveau. Ce fut un très grand 304ème de mes dîners.

déjeuner ENIGMA, 303ème repas vendredi, 17 octobre 2025

En mars 2025, j’avais proposé une énigme sur Instagram. Je l’appelle Enigma. Les réponses furent nombreuses et quinze jours plus tard, j’ai pu désigner les cinq gagnants que j’inviterais à déjeuner pour célébrer leur victoire. Parmi les vainqueurs, il y a deux canadiens de deux régions différentes, un anglais et deux français de régions différentes. L’ajustement des agendas n’a pas été chose facile mais nous nous sommes mis d’accord.

Le repas sera un déjeuner au restaurant Pages. Les convives ne savent pas quel sera le programme des vins. Il faut donc qu’ils aient confiance en moi pour venir de si loin. Comme j’ai prévu ce repas selon les règles de mes dîners, il sera nommé 303ème déjeuner de wine-dinners.

Avant 10 heures je me présente au restaurant Pages pour ouvrir mes vins. Le chef Teshi, créateur du restaurant, est présent. Cela fait près de trois ans que je ne l’avais pas vu ici. Il prépare des plats mais ne restera pas très longtemps.

Je commence les ouvertures par le vin le plus ancien, le Château Léoville Las Cases 1929 au beau niveau, dont le bouchon viendra entier. Son parfum est parfait ce qui me fait un grand plaisir. Le Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1972 a un niveau exceptionnel. Son parfum est aussi parfait.

Le haut de la capsule du Champagne Bollinger 1959 est très sale et je passe beaucoup de temps à nettoyer le haut du goulot. Le col du goulot a une boursouflure mais le bouchon vient entier. Sa forme qui a épousé la forme du goulot est très pincée. L’odeur du champagne est affreusement déplaisante. Le futur de ce champagne est incertain. Lorsque j’aurai fini l’ouverture de tous les vins, j’ai pris un éventail pour aérer le Bollinger. Le chef Ken a fait une vidéo pour immortaliser cette façon originale d’aérer les vins. 

Curieusement, le bouchon du Champagne Billecart Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1971 viendra en deux morceaux alors que le goulot est beaucoup plus régulier. Le parfum est engageant.

Les autres vins sont ouverts sans histoire et le Champagne Comtes de Champagne Taittinger rosé 1995 a un pschitt tonitruant de jeunesse alors qu’il a trente ans.

Le convive anglais a pris un train dont l’arrivée était trop proche du repas aussi, du fait d’un retard, nous allons l’attendre plus d’une heure et quart. Par chance, un des convives vivant en Champagne a apporté un champagne de 2005 qui nous accompagnera pendant l’attente.  

Le menu mis au point par le chef Ken et le directeur Pierre-Alexandre est : amuse-bouches / carpaccio de daurade royale / cabillaud sauce vin rouge / wagyu de Gunma maturé six semaines / lièvre à la royale / financier.

Le repas commence. J’avais prévenu que le sort du Champagne Bollinger 1959 était incertain. De fait le nez est devenu beaucoup plus acceptable et en bouche le champagne est très attachant. On sent qu’il n’est pas parfait, mais son côté énigmatique est très plaisant. Ce qui rend le champagne intéressant c’est son incroyable longueur, en contraste total avec le champagne 2005 et sa complexité.

Le carpaccio de daurade royale a été servi avec le Bollinger au lieu d’être associé aux deux vins qui suivent, aussi se présente maintenant le cabillaud. On a raté une marche du programme, mais il faut revenir au programme. Je demande donc qu’on ne boive pas le Champagne Billecart Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1971 et le Bâtard-Montrachet Henri Moroni 1992 pour que le cabillaud soit associé au 1929. Les deux vins décalés seront associés plus tard à un Comté.

Le Château Léoville Las Cases 1929 est totalement sublime. Il est d’une perfection absolue et je pense qu’il fait partie des plus grands bordeaux 1929 rouges que j’aie eu la chance de boire. J’en ai bu 62. L’équilibre, la précision et la générosité de ce vin sont remarquables. Et l’accord avec la sauce du cabillaud est absolument magique. Quel bonheur.

Le Nuits Saint Georges Clos de la Maréchale Faiveley 1978 a un joli parfum et une belle prestance, mais pour le délicieux wagyu, il aurait fallu un vin plus puissant, ce qui n’est pas une critique car la subtilité du vin est réelle.

Le lièvre à la royale est parfait, presque aérien malgré sa puissance. Le Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1972 est, pour son âge, tout aussi parfait et émouvant que le 1929. Voici deux vins parfaits qui obtiendront des votes de vainqueurs.

Nous reprenons les deux vins qui auraient dû accompagner le carpaccio avec un Comté idéalement maturé. Le Champagne Billecart Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1971 est d’une grande année et d’un équilibre brillant. Il est généreux et très long en bouche. C’est un grand champagne.

Le Bâtard-Montrachet Henri Moroni 1992 est lui aussi d’une grande année pour les blancs, de bel équilibre et fluide en bouche. L’accord avec le comté est idéal.

Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger rosé 1995 devait être associé au wagyu, mais j’ai senti que cela ne lui conviendrait pas. Il est servi maintenant et ne va jamais cesser de s’améliorer en bouche, très sensuel et imprégnant. Nous n’en avons pas profité autant qu’il le mérite car c’est un grand rosé.

C’est ce matin que j’avais décidé d’ajouter un alcool pour les financiers. C’est un Marc de rosé du Domaine d’Ott 1929 dont la bouteille avait été ouverte il y a quelques mois, et dont il restait un tiers. Je pense n’avoir jamais goûté un parfum aussi envoûtant. Imaginez une ferme au sol terreux humide sur lequel on marche sur de la paille. L’odeur sauvage est celle-là. Je suis tétanisé par cette odeur que je pourrais sentir pendant des heures. L’alcool ne montre aucun signe de fatigue. Sa couleur rosée est très belle. C’est un alcool fascinant.

Lorsque mes convives en début de repas ont lu le menu, ils ont été très impressionnés par les vins choisis et surtout les années. Ils allaient entrer dans un monde de vins anciens qu’ils n’avaient jamais approché. Leur étonnement en buvant les vins de 1929 et de 1972 fut extrême : comment est-il possible que ces vins soient si grands, si bons et si jeunes ? Je suis heureux qu’ils aient fait ces découvertes.

Nous avons voté. Le Léoville Las Cases 1929 a eu quatre votes de premier, le Vega-Sicilia Unico a eu un vote de premier comme le Marc de rosé du Domaine d’Ott 1929.

Le vote de notre groupe de six est : 1 – Château Léoville Las Cases 1929, 2 – Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1972, 3 – Champagne Billecart Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1971, 4 – Marc de rosé du Domaine d’Ott 1929, 5 – Bâtard-Montrachet Henri Moroni 1992, 6 – Nuits Saint Georges Clos de la Maréchale Faiveley 1978.

Mon vote est : 1 – Château Léoville Las Cases 1929, 2 – Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1972, 3 – Champagne Billecart Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 1971, 4 – Bâtard-Montrachet Henri Moroni 1992, 5 – Marc de rosé du Domaine d’Ott 1929.

Deux vins rouges sublimes, un alcool à se damner, des accords mets et vins parfaits et bousculant les codes comme un cabillaud avec le Léoville, l’accord le plus fascinant, tout cela a composé un repas du plus grand plaisir possible. Vive Enigma car j’ai ‘fait’ des heureux !

302ème dîner au restaurant Maison Rostang mercredi, 1 octobre 2025

Le 302ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Maison Rostang Nicolas Beaumann. C’est un participant à mes dîners qui a invité six de ses amis ou partenaires pour un dîner à huit. La présence féminine sera nulle, semblant indiquer qu’il s’agirait d’un privilège masculin que veut pourfendre l’une des égéries de la France Insoumise.

Je suis arrivé au restaurant à 15h45 pour ouvrir les vins. J’ouvre en premier le Carbonnieux blanc 1952 et le parfum de ce vin est incroyablement brillant. Une merveille. Tous les autres parfums se montreront agréables. Aucun doute n’apparait pour l’ensemble des vins du repas.

Des bouchons sont très difficiles à tirer à cause de boursoufflures et je suis aidé par Eliot puis par le sommelier Jeremy pour ces difficiles opérations. Le nez de l’Yquem 1934 est impérial et le parfum du Meursault & Santenots 1947 est très engageant.

Les ouvertures sont terminées à 17h30 aussi comme il fait beau, je me promène dans les alentours et le nombre de boutiques fermées est assez impressionnant.

J’avais demandé une arrivée précise des convives à 19h45 et à cette heure, personne ne s’est présenté. Dix minutes plus tard, l’invitant m’appelle. Il a convoqué ses amis à un autre restaurant ! Le repas ne démarrera qu’à 20h20.

Le menu préparé par le chef Nicolas Beaumann est : amuse-bouches / lotte maturée, coques et coco de Paimpol, crème aux coquillages / cèpes en fricassée au gel de mûres / suprême de canard sauvage au sang, céleri rôti et radis noir acidulé, jus de canard,  / stilton / coing, confit dans son jus safrané, jus réduit au vin jaune / figue de Solliès, délicate crème au miel de sarrasin, jus de figue à la verveine / financier.

Nous commençons par des amuse-bouches très originaux avec le Magnum de Champagne Heidsieck Monopole Diamant Bleu 1985. La couleur est très claire, la bulle est active et ce champagne est rond, joyeux, de belle longueur. C’est un vrai plaisir à boire.

Sur la très gourmande lotte il y a deux vins. Dans la présentation de mes dîners, j’ai dit : on ne juge pas un vin, on essaie de le comprendre. Et j’avais ajouté : ne buvez un vin que lorsque vous avez pris une bouchée du plat qui lui est associé. Les deux vins étant servis avant le plat chacun a pu les sentir et ce fut un festival de jugements uniquement sur le nez. Plusieurs fois au cours du repas je dirai : attendez donc d’avoir bu le vin sur le plat avant de porter des jugements. Ce fut assez amusant de constater que les jugements hâtifs se voyaient le plus souvent corrigés une fois qu’on eut porté le vin a ses lèvres.

Le Château Carbonnieux blanc 1952 a un parfum éblouissant. Il est d’une belle personnalité et jamais on ne penserait qu’un bordeaux blanc de 73 ans puisse avoir cette vivacité.

Le Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990 apparaît sur les premières gorgées plus large et plus séduisant, mais au fil de la dégustation, c’est le Carbonnieux qui apparaîtra le plus brillant des deux.

Sur les cèpes nous aurons aussi deux vins. Lorsque j’avais choisi sur mes fichiers de cave le Meursault & Santenots Hospices de Beaune Cuvée Jéhan de Massol Albert Bichot 1947, j’imaginais qu’il s’agissait d’un blanc, puisqu’il y a le mot Meursault, et lorsque j’ai fait plus tard les photos des vins, j’ai constaté que l’appellation Meursault & Santenots est celle d’un rouge. Lorsqu’on a travaillé sur le menu, Jérémy a eu la même vision que moi, vite corrigée. Le vin d’Albert Bichot a un parfum extrêmement expressif et ce vin s’épanouit en bouche, se montrant d’une belle complexité de grand vin. Je ne l’aurais pas imaginé à ce niveau.

A l’inverse, le Beaune Grèves Charles Viénot 1985 d’un très grand vigneron, laisse une opinion assez limitée. Au sein des vins rouges et blancs, ce sera le seul vin qui n’aura aucun vote.

J’avais annoncé à l’invitant que je mettrais deux Beaune Grèves dans ce repas, mais comme je n’aime pas les confrontations directes, les deux ont été placés avec deux plats différents.

De ce fait c’est avec le canard sauvage qu’apparaît le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962. Je suis un amoureux de ce vin dont le 1865 est légendaire. Son goût est une des mes amours. Subtil, complexe, charmeur, c’est un grand vin.

Servi en même temps que lui, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963 offre un parfum d’une séduction rare. Le prestation de ce grand vin est très au-dessus de ce qu’on peut attendre de ce millésime. Tout au long du parcours, pour tous les convives le cœur balancera entre le Beaune Grèves et La Tâche. Grand plat et deux grands vins, La Tâche ayant la typicité de la grâce des vins du domaine.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas suggéré, lorsque l’on mange du stilton avec un liquoreux de « mâcher, mâcher, mâcher » pour que la salive apparaisse en bouche pour un accord idéal. Le Château d’Yquem 1934 est extrêmement foncé. So parfum intense est charmeur et diabolique et cet Yquem fait partie des plus grands. Sa longueur est extrême. Il est associé ensuite au dessert au coing très pertinent.

Le Maury La Coume du Roy 1925 que j’ai associé souvent à un financier est en fait servi avec un dessert à la figue parfait, car j’avais une surprise en tête qui n’apparaîtra qu’après les votes. Ce Maury de cent ans est d’une belle fluidité. Il est si agréable à boire. Comme nous avons commencé les votes presque en même temps, ce vin est le seul que n’aura pas de vote, avec le vin de Charles Viénot.

Il est intéressant de constater que pour huit personnes qui votent pour leurs cinq vins préférés, il y aura cinq vins qui seront choisis premier. C’est assez rare. Trois vins ont eu deux votes de premier, le Meursault & Santenots 1947, La Tâche 1963 et l’Yquem 1934. Deux vins ont eu un vote de premier, le champagne Heidsieck Diamant Bleu 1985 et le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1962.

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – Château d’Yquem 1934, 2 – Meursault & Santenots Hospices de Beaune Cuvée Jéhan de Massol Albert Bichot 1947, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963, 4 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962, 5 – Magnum de Champagne Heidsieck Diamant Bleu 1985, 6 – Château Carbonnieux blanc 1952.

Mon vote est : 1 – Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963, 3 – Château d’Yquem 1934, 4 – Meursault & Santenots Hospices de Beaune Cuvée Jéhan de Massol Albert Bichot 1947, 5 – Château Carbonnieux blanc 1952.

L’idée que j’avais en tête est de faire goûter à ce groupe si sympathique le Massandra Muscat Rose Livadia et la Malvoisie des Canaries 1828 que j’avais bu précédemment avec des amis. Et les financiers les ont accompagnés. Brillants et déroutants, ils ont été appréciés.

L’ambiance du repas à été joyeuse car ce groupe d’amis dynamiques et pleins d’humour l’ont créée. Les plats ont tous été pertinents, créés par un grand chef. Jeremy a fait un service des vins appréciable qui contribue à la réussite du repas. Tous les vins ont brillé. L’accord du canard avec le Beaune Grèves 1962 m’a ravi et la surprise la plus grande, pour moi, est celle d’un vin que je ne connaissais pas, le Meursault & Santenots Hospices de Beaune Cuvée Jéhan de Massol Albert Bichot 1947.

Ce fut un grand 302ème dîner.

Le 301ème de mes dîners au restaurant Astrance jeudi, 25 septembre 2025

Le 301ème de mes dîners se tient au restaurant Astrance. Le menu a été mis au point avec le chef Pascal Barbot en tenant compte des produits disponibles en cette saison.

A 16 heures je commence l’ouverture des vins. Le Château Poujeaux 1928 a une grosse boursouflure dans le goulot qui a rendu la levée du bouchon très difficile. Les autres ouvertures se sont passées normalement et j’ai été très heureusement surpris que les champagnes de 1979 et de 1982 aient des pschitt aussi forts.

Les parfums ont été extrêmement prometteurs à l’exception d’un seul, celui de l’Echézeaux 1974 qui a une odeur lactée très désagréable. Le risque est grand du fait de ce parfum, mais j’ai déjà été témoin de résurrections spectaculaires avec les vins de la Romanée Conti. Le sommelier Lucas Hubert m’a beaucoup aidé pour l’ouverture des vins et fera, tout au long du repas, un service parfait.

Tous les convives sont à l’heure. Nous sommes treize dont seulement deux femmes. Il n’y a pourtant aucun ostracisme de ma part ! Cinq participants sont des nouveaux.

Le menu préparé par Pascal Barbot que nous avons mis au point ensemble est : amuse-bouches : gougères au comté, tuiles gribiche aux algues, jambon Pata Negra / quelques coquillages crus et cuisinés (bulot, huître et praire) / rouget beurre blanc et sauce soja / homard vapeur, essence de crustacés / riz Koshihikari fraichement poli / filet de grouse cuit au sautoir, fondue d’oignon / cèpes des Vosges cuisinés à la braise / salade d’agrumes, crémeux citron / financier à la rose.

La présentation de la philosophie de mes dîners est faite en buvant le Champagne Mumm Cordon Rouge 1979. Ce champagne est solide, carré et serein. Il n’est pas extrêmement complexe mais il se montre particulièrement plaisant. Il montre son talent sur les amuse-bouches.

Le Champagne Dom Pérignon 1982 est une pure merveille, rond, doux, complexe et extrêmement bon. L’accord avec le bulot, travaillé par Pascal Barbot est magistral. Ce 1982 est magique. A la table il y a des convives qui n’ont jamais bu de champagnes anciens. Ils sont étonnés que ces champagnes puissent être aussi plaisants.

Plus je fais de dîners, plus j’ai envie de casser les codes. Récemment, j’avais mis ensemble un Pétrus 1976 avec un Clos de Tart 2009 sur le même plat et l’association était passionnante. Aujourd’hui, je mets ensemble un Hermitage blanc Chave 1993 et un Château Poujeaux 1928. Sur le rouget absolument délicieux, le mariage à trois est parfait, à condition de repasser toujours par la case poisson, c’est-à-dire de ne pas boire les deux vins à la suite.

L’Hermitage blanc Chave 1993 est très délicat. Alors qu’il peut être puissant, ce 1993 joue sur la complexité. L’accord avec le rouget est d’une évidence claire.

Le Château Poujeaux 1928 est un de mes chouchous, depuis que j’ai découvert il y a bien longtemps à quel point il est magique. C’est un Moulis en Médoc, mais il joue dans la cour des grands. Et à 97 ans il est d’une jeunesse qui surprend mes convives. On sent une truffe profonde et une longueur précise. Le rouget le met en valeur et ce mariage à trois est un de mes plaisirs.

Alors que le duo précédent mettait ensemble des extrêmes, j’ai commis l’erreur d’associer deux vins trop proches sur le homard. Le Chambertin Grand Cru Trapet 1990 est un vin élégant et subtil. Mais le Bonnes Mares Vieilles Vignes domaine Roumier 1988 est tellement riche et puissant, avec une gamme aromatique si grande, qu’il prend le dessus et met dans l’ombre le chambertin alors qu’il eût brillé s’il avait été seul.

Quand Julien Launois s’est inscrit à ce dîner, je lui ai proposé de venir avec un de ses champagnes et je crois que c’est la première fois qu’un vin ne vient pas de ma cave. Le Champagne Paul Launois Single Barrel N°1602 est à base de vins de 2016, vieillis en fût neuf. Il est d’une grande personnalité, long et précis, fait pour la gastronomie. Je suis tellement fier d’avoir choisi le riz dont Pascal Barbot fait une expression magique. C’est exactement le goût qu’il fallait pour ce champagne précieux.

Nous allons maintenant avoir deux vins de la Romanée Conti sur la grouse, qui est probablement la meilleure grouse que j’aie eu le plaisir de goûter. Par un de ces miracles dont le vin est capable, le nez de l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 est beaucoup plus dans l’esprit de la Romanée Conti que le nez de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986. C’est fou. Mais en bouche il est clair que La Tâche est d’un autre calibre. Ce vin est riche et magistral, immédiatement compréhensible avec l’âme de la Romanée Conti faite de rose et de sel. L’accord avec l’oiseau est idéal.

Ayant trop souvent associé les vins jaunes avec du comté, j’essaie de varier et l’association du Château L’Etoile Vandelle & Fils Jura 1982 avec des cèpes est pertinente. Ce vin du Jura est élégant et ne joue pas sur sa puissance.

Un Champagne Veuve Clicquot Cave Privée Rosé 1978 est présenté avec ce plat, mais c’est plus une respiration avant les vins liquoreux qu’une volonté d’accord, car ce champagne ne cohabite pas avec les cèpes. C’est un rosé extrêmement raffiné. Un très grand rosé qui vieillira remarquablement.

Certains convives sont déconcertés par le fait que le Château d’Yquem 1942 est quasiment noir, couleur de terre sombre. Nous ne serons que deux à le nommer premier, ma voisine de table et moi, alors que je considère que c’est un Yquem immense, absolument parfait et au parfum diabolique. Ce vin riche et très caramel est exceptionnel. Nous sommes suffisamment complices avec Pascal pour que je lui dise qu’il eût fallu un peu moins d’acidité.

Le Maury Rancio très vieux Vin Doux Naturel La Coume du Roy # 1880 est d’une douceur infinie, simple, direct et sans chichi. L’accord avec le financier est naturel. Il conclut ce beau repas.

Nous sommes 13 à voter pour nos six vins préférés parmi 13 vins. Ce qui est intéressant c’est que chacun des treize vins a eu au moins un vote, ce qui me fait particulièrement plaisir. Il y a eu « seulement » quatre vins qui ont été nommés premiers, La Tâche 1986 six fois, le Bonnes Mares Roumier 1988 trois fois, l’Yquem 1942 deux fois comme l’Hermitage blanc Chave 1993.

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 2 – Château d’Yquem 1942, 3 – Bonnes Mares Vieilles Vignes domaine Roumier 1988, 4 – Champagne Dom Pérignon 1982, 5 – Hermitage blanc Chave 1993, 6 – Château L’Etoile Vandelle & Fils Jura 1982.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1942, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 3 – Château Poujeaux 1928, 4 – Bonnes Mares Vieilles Vignes domaine Roumier 1988, 5 – Champagne Dom Pérignon 1982, 6 – Champagne Paul Launois Single Barrel N°1602.

La cuisine de Pascal Barbot a été exceptionnelle. Le sommet du repas a été la grouse avec les deux vins de la Romanée Conti. Tout le monde a senti que c’était un grand moment. Le bulot si bien travaillé pour le Dom Pérignon m’a impressionné. La perfection de l’Yquem m’a fortement touché. Le riz avec le champagne Launois m’a réjoui. Tout a été réussi. Ce fut un grand dîner.

à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement samedi, 13 septembre 2025

Dans un peu plus d’un mois, je vais faire un de mes dîners à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement. Je me rends à son restaurant pour préparer le menu de ce dîner.

Nous nous connaissons depuis des décennies et nous avons souvent ensemble mis au point des dîners ou déjeuners mais jamais selon le format de mes dîners, ce qui justifie que je vienne sur place pour mettre au point le menu.

J’ai apporté avec moi un vin qui est une curiosité. La bouteille est magnifique, avec des textes très longs sur une étiquette très belle avec des dorures. Il s’agit d’un Vin Nature Laurent Perrier qui au goût est très difficile à situer. Je le verrais dans une plage de temps assez large, des années 20 jusqu’aux années 50.

Lorsque je suis arrivé au restaurant, j’ai fait ouvrir cette bouteille qu’aucun sommelier ne connait, comme moi, et nous le buvons. Aucun de nous n’a de repère. Ce vin qui s’appelle aujourd’hui « Coteaux champenois » a une forte personnalité. Très précis, intense, sec, il est d’une belle longueur. Il est vraiment gastronomique et c’est surtout sur des fromages qu’il montre sa générosité et sa complexité.

Au repas, j’ai pris la langoustine royale rôtie, huile d’olive Vale Douro et émulsion des carapaces puis le homard bleu, « hommage à mon papa », jus des têtes. Ces deux plats sont au sommet de ce que font les chefs trois étoiles.

Après le repas, j’ai eu une discussion avec Arnaud Lallement et son fils Brice et nous avons mis au point le menu du futur repas, avec une compréhension mutuelle exemplaire.

Ce repas fut superbe et le vin s’est montré inattendu et enrichissant.

déjeuner dans ma cave vendredi, 12 septembre 2025

Un jeune ami, grand dégustateur et normalien a obtenu un poste très important dans l’administration. Je lui avais dit que s’il l’obtenait, j’ouvrirais pour lui un grand vin.

Nous déjeunerons dans ma cave. Je cherche dans ma cave et je vois une bouteille qui conviendrait car c’est probablement mon vin « fétiche ».

Le Nuits-Saint-Georges Les Cailles 1915 est un vin que j’ai bu 14 fois dont 9 fois dans des dîners. Dans les neuf diners, le vote du consensus a été : 3 fois premier, 4 fois second et seulement 2 fois non classé dans les 5 premiers. Quant à mes votes, j’ai nommé ce vin 4 fois premier, 2 fois deuxième, 2 fois troisième, et une seule fois non classé dans les cinq premiers. C’est donc un vin en qui j’ai une confiance absolue.

Comme il s’agit d’un vin cher à mon cœur, j’ai invité aussi un ami qui est le plus fidèle actuel de mes dîners.

Il se trouve que souvent lorsque je reçois des amis dans ma cave, j’ouvre des liquoreux, mais tous ne sont pas finis sur le moment et je les garde. L’idée d’en ajouter à ce repas me paraît appropriée.

A côté de ce vin je choisis un vin blanc de bel aspect, de bon niveau et de belle couleur mais que je ne peux situer. La capsule indique nettement J. Faiveley et l’étiquette est quasiment illisible. J’ajoute une Veuve Clicquot 1904 qui a perdu deux tiers de son volume, un Bâtard Montrachet Bouchard Aîné 1955 de niveau bas et de couleur peu sympathique. J’aligne donc 15 bouteilles, espérant qu’il y ait suffisamment de belles choses pour trois personnes.

Mes amis arrivent. Tous les trois nous avons des emplettes : rillettes, jambons divers, pâtés de poissons divers, fromages et autres mets. Nous ne mourrons pas de faim.

Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1904 a une couleur acceptable qui va foncer de plus en plus puisque les sédiments en suspension sont plus denses dans le bas de la bouteille. Quelle surprise ! Ce champagne est non seulement buvable, mais il est expressif et intense. Avec la rillette, c’est un régal.

J’avais déjà remarqué que les champagnes qui perdent du volume sont moins affectés que les vins non pétillants. Nous en avons la preuve avec ce beau 1904.

Le Bâtard-Montrachet Bouchard Aîné et Fils 1955 a une vilaine couleur et un goût déstructuré. Inutile d’insister.

J’avais bon espoir pour le Vin blanc inconnu Faiveley qui pourrait être un Meursault de belle couleur et de beau niveau. L’attaque est très plaisante et on se prépare à l’aimer, mais le finale est trop imprécis. Nous n’allons pas insister.

J’ouvre un Champagne Salon 1999 qui fait un beau pschitt. J’aime ce champagne très minéral, solide, puissant qui nous permet de profiter des jambons espagnols, des crèmes à base de poissons et d’autres finesses marines.

C’est maintenant le moment de l’entrée en piste du Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin P&F 1915. J’étais venu ce matin à 8 heures pour l’ouvrir et son parfum méritait du temps pour s’épanouir. Et là, c’est le grand choc. Ce vin est d’une pureté d’une précision, d’une richesse, qui en font un vin que j’adore, que je vénère. Quelle beauté, quel fruit expressif. C’est incroyable qu’un vin de cent dix ans soit aussi parfait. Je sens que mes amis sont aussi émus que je le suis. Ce vin est un miracle et il est éternel, car j’ai l’impression qu’il est meilleur que les quatorze précédents.

Nous allons boire maintenant les vins doux et liquoreux qui sont de très bas niveaux, restes d’agapes antérieures. En premier un Monbazillac années 40 avec une étiquette générique qui n’indique aucun domaine. Je suis surpris qu’il soit si bon et si riche. J’avais acheté du Stilton et du Shropshire. Les deux se marient au vin avec un avantage pour le Shropshire.

Le Château Rayne-Vigneau est probablement un 1923 que j’avais ouvert plusieurs mois auparavant. Quelle surprise ! Car je pensais que le Monbazillac jouait dans la cour des grands, mais en fait le Rayne Vigneau le transcende. Quelle complexité. Il s’accorde mieux au Stilton.

Nous buvons maintenant deux Vins de Chypre. J’en ai de deux millésimes, 1869 et 1870. Le fait qu’ils soient si différents indique donc que les deux années sont représentées. L’un est doux, l’autre est brutal, intense et percutant. Je préfère le plus pointu des deux, qui est immense avec le stilton.

Une bouteille très ancienne, peut-être du 18ème siècle offre un vin qui est assez neutre. Il est bon, mais pas excitant.

En revanche, le Malaga 1872 est une merveille absolu. J’ai l’impression de goûter le côté blanc de la peau d’un citron. Le vin est vif, percutant, d’une complexité qui m’émeut. Quel moment ! Avec un fondant au chocolat Baulois, une perfection.

Le Sherry du Cap 1862 a perdu un peu de son énergie, mais il est très grand, original et complexe.

Le Cognac Navarre 1925 que j’avais servi au 300ème dîner mais qui avait déjà été ouvert avant est d’une puissance extrême. Je suis impressionné par sa précision préservée.

Le Rhum Nady probablement années 20 ou 30 n’a plus de personnalité excitante.

En revanche le Black Head RUM Cazanove probablement années 1890 a gardé toute sa puissance. C’est un grand rhum totalement plaisant.

Que dire de cette folie ? Elle démontre que les vins liquoreux anciens offrent de grands plaisirs même plusieurs mois après leur ouverture, elle montre que les champagnes de bas niveaux méritent qu’on les déguste et elle montre que le Nuits Cailles 1915 est pour moi, toutes proportions gardées, comme la Venus de Milo ou la Victoire de Samothrace, un marqueur de la perfection.

Mon classement a été : 1 – Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin P&F 1915 pour sa perfection éternelle, 2 – le Malaga 1872 pour sa fraîcheur, sa jeunesse et l’émotion qu’il offre et 3 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1904 étonnant champagne au plaisir certain.

Il faut donner à chaque vin l’opportunité de nous éblouir.

le 300ème de mes dîners vendredi, 15 août 2025

Il se trouve que le dîner qui a clôturé le premier semestre est le 299ème. Le prochain dîner sera fin septembre. Il est intéressant, mais il n’est pas au niveau des dîners comme le 100ème ou le 200ème. Une solution était possible, de créer plusieurs 300ème dîners (des A, B ou C), pour satisfaire les fidèles participants de mes dîners.

Comment résoudre ce dilemme ? J’ai décidé que ce serait le déjeuner du 15 août qui serait le 300ème repas. De ce fait j’ai préparé avant de partir dans le sud, donc tout au début du mois de juin, ce qui conviendrait à ce grand événement. Et je dois dire je suis très excité par le choix que j’ai fait. La veille du 15 août, donc juste après notre retour du repas chez Alexandre Mazzia à Marseille, j’ai ouvert un magnum de Champagne Salon 2008 pour qu’il ait pris de l’ampleur au moment du déjeuner.

De tôt matin, j’ai ouvert les autres vins. Le ciel devait être avec moi car les ouvertures se sont faites avec une grande facilité et sans risque de mauvaise odeur. J’ai eu un petit doute sur le parfum du Chevalier Montrachet, mais ce doute a très vite disparu.

La gestation du menu avec mon épouse a occupé de longues heures de discussions. Il est parfois plus facile de créer un menu avec un chef trois étoiles qu’avec la femme qui partage ma vie depuis 59 ans. Mais nous y sommes arrivés et voici le menu.

Le menu de Silke Audouze : rillette, saucisson mou, jambon Paleta de Pata Negra, pâté en croûte de canard aux abricots / anchois Cantabrique sur brioche toastée / caviar osciètre / filet de bar sur sa peau avec caviar baeri / magret de canard polenta truffée / Wagyu en deux services sel fleuri ou avec purée Robuchon / deux fromages Jort de divers affinages / tarte au citron meringué de Matyasy.

Le Champagne Salon Magnum 2008 est une singularité dans le monde du champagne, car ce 2008 n’a été proposé qu’en magnum et vendu dans des coffrets avec six autres champagnes Salon de trois autres millésimes. De ce fait ce champagne est devenu rare et difficilement accessible. C’est un champagne de ce calibre qu’il fallait pour un 300ème repas. Il mérite sa légende. Il est solide et majestueux. Mais il y a tellement de vins étonnants que ce champagne ne figurera même pas dans les six premiers du classement global.

C’est la rillette qui, de loin, met en valeur le beau champagne, suivie du saucisson dit ‘mou’. Et l’anchois crée l’accord le plus raffiné et subtil.

Le Champagne Heidsieck DRY Monopole 1955 est une pure merveille à la richesse infinie. L’indication DRY me laissait présager que ce champagne serait très doux, contrairement à l’acception habituelle de ce mot, mais en fait il est vif, opulent et délicieusement charmeur. C’est la plus belle surprise gustative.

Le champagne a cohabité avec le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1994 et c’est agréable de constater que l’on peut passer de l’un à l’autre sans problème, chacun mettant en valeur son partenaire. Le filet de bar avec le caviar a fait briller les deux, le Chevalier Montrachet prenant une longueur que l’on n’attendrait pas de son millésime. Il est un Leflaive de grande pureté. J’ai pu constater aussi que le champagne était pour moi l’accompagnant naturel du caviar et qu’en fait le riche blanc de Bourgogne convenait très bien au caviar.

L’idée de mettre ensemble un Pétrus 1976 avec un Clos de Tart Grand Cru Monopole 2009 est quelque chose qui m’excite au plus haut point et comme pour le couple précédent, chaque vin respecte l’autre. Et l’on analyse beaucoup mieux leurs singularités. Le Pétrus est d’une rigueur profonde, assis sur une structure impressionnante. Le Clos de Tart est le jeune tonitruant, fier de sa jeunesse et éclatant de joie. Je suis si heureux de les avoir mariés.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970 est d’une année difficile aussi étais-je prudent en le mettant dans ce repas. Mais il a montré une subtilité qui confirme que c’est dans les années incertaines que la Romanée Conti expose le mieux la subtilité de ses vins. L’avantage du wagyu est qu’il met en valeur tous les vins qui l’accompagnent. Une Tâche émouvante, complexe aura enthousiasmé mes amis.

Un 300ème repas m’imposait d’ouvrir les bras aux vins étrangers. Le Harlan Estate Californie 2010 est un vin riche et puissant, influencé bien sûr par les orientations de Robert Parker, mais de façon intelligente.

A côté de lui, le Vega Sicilia Unico 1961 combine la puissance et le subtilité, avec un finale charmant. Je ne sais pas pourquoi, mais les camemberts Jort ont l’air d’avoir été créés spécialement pour le champagne Salon et pour le Vega Sicilia Unico, car les accords sont particulièrement réussis.

Il fallait un intermède avant le dessert et j’ai choisi un Champagne Salon 2015 que je trouve d’un romantisme charmant. Ce champagne me fascine.

Il est suivi du Château d’Yquem 1970 au parfum envoûtant qui se montre plus gourmand que ce que j’attendais. Dans ma vision des vins c’est un sauternes ‘jeune’, mais il a quand même 55 ans et montre une sérénité joyeuse sur la tarte au citron.

J’avais dans le sud une bouteille de Cognac Grande Fine Champagne Navarre 1925. Je ne sais pas comment elle est arrivée ici et quand nous l’avons ouverte car il en reste peu. Mais pour un repas comme celui-ci un alcool de cent ans s’imposait. Contrairement à ce que je pensais, ce cognac a gardé une belle énergie et une grande noblesse.

Le classement des vins dont le cognac est exclu puisque nous le buvons en votant, n’est pas facile. Ma femme n’a pas voté puisqu’elle ne boit pas. Nous sommes sept qui désignent leurs cinq vins préférés. Tous les vins ont eu au moins un vote, ce qui est plaisant. Seuls deux vins ont trusté les votes de premier. La Tâche a eu cinq votes de premier et le Champagne Heidsieck deux votes de premier.

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970, 2 – Champagne Heidsieck DRY Monopole 1955, 3 – Pétrus 1976, 4 – Vega Sicilia Unico 1961, 5 – Champagne Salon 2015, 6 – Château d’Yquem 1970.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970, 2 – Pétrus 1976, 3 – Champagne Salon 2015, 4 – Champagne Heidsieck DRY Monopole 1955, 5 – Magnum Champagne Salon 2008.

Je suis content d’avoir associé des vins que rien ne rapproche logiquement. L’anchois, le filet de bar et le Wagyu ont été les plus belles saveurs.

Dans une ambiance de grande amitié nous avons vécu un moment merveilleux avec des vins excellents. Vive le 300ème.