An idea on my cellar mercredi, 6 décembre 2006

This gives an indication on the type of cellaring that I have used.

It allows to put in each box the length of two bottles, and in width, to store two cases of 12 bottles.

The upper part of the storage is higher, in order to store vertically the alcohols.

On the top, there are all the empty bottles that were drunk during lunches and dinners.

Many bottles are still wrapped, to protect the wines from light.

un collectionneur de grande envergure mardi, 5 décembre 2006

Rudy Kurniawan est un collectioneur aux moyens quasi illimités. Or il est tout jeune ! Jusqu’où va-t-il aller

L’article que lui consacre le "Los Angeles Times" est très éclairant. Lire ici

Il est très intéressant qu’il existe des gens capables de pousser leur passion à ce niveau là.

Vivement qu’on ouvre ensemble une belle bouteille, c’est tout ce que je souhaite.

the pre-phylloxera wines mardi, 5 décembre 2006

Here is a comment made by Robert Parker on his forum : here

I have some difficulties to understand some reactions of Robert Parker in recent periods.

This man is the most respected wine critic in the World. His fame is based on his unparalleled talent to judge wines.

So, he should stay out of any quarrel. Why did he say that the DRC 2002 wines are at best mediocre (see my message dated October 31st 2006 on this blog) ?

If we remember that Robert Parker has organised a dinner named "dinner of the century",  a few years ago, with Joël Robuchon, where very old wines were drunk, why does he say that very old wines are either fakes or vinegar ?

He should never say so, and stay in a neutral position.

champagnes et vins du Rhône en bord de mer samedi, 2 décembre 2006

Dans le Sud, qui commençait à me manquer, il est « indispensable » d’aller dîner chez Yvan Roux avec des amis. Ils arrivent à la maison et un champagne « R » de Ruinart qui a environ huit à dix ans est particulièrement délicieux. L’âge va décidément bien aux champagnes non millésimés. Le dosage un peu appuyé convient parfaitement aux petits toasts aux anchois, olives, saumon à l’aneth et foie gras. Arrivant à la table d’hôte qui devient presque une halte obligatoire, une montagne d’oursins bien pleins requiert un champagne Laurent Perrier Grand Siècle. Ce champagne a une structure d’une élégance rare, et convient parfaitement aux oursins ainsi qu’aux anémones de mer panées. Sur des crevettes roses à profusion, certaines poêlées d’autres frites, un Côtes du Rhône Cuvée du Président, Rochegude 1976 vin  qui a obtenu une médaille d’or dans je ne sais quel concours me surprend totalement. Comment est-il possible que ce vin très ordinaire puisse être aussi bon. Il possède un équilibre, une rondeur et une cohérence que l’on comprendrait d’un grand vin. Je suis ravi, car ce vin que j’avais acheté d’une cave approximative s’ajoute à une série de bonnes surprises. En revanche, le vin dont j’attendais plus de pétulance, un Châteauneuf-du-Pape Les Olivets Domaine Roger Sabon 1971, me déçoit au premier contact. Mais le temps fait son office et progressivement le charme du Châteauneuf-du-Pape s’installe sur des supions cuits à l’encre, tandis que des œufs brouillés aux oursins échappent à sa sphère de compétence. Un carpaccio de dorade coryphène à la coriandre et au gingembre et un filet de Saint-pierre finissent d’assembler les pièces manquantes de cet agréable et puissant Châteauneuf-du-Pape. Sachant l’amour que l’épouse d’Yvan voue au Maury, j’ai apporté un Mas Amiel Cuvée Charles Dupuy 1998 qui conclut ce repas sur un accord diabolique avec un moelleux au chocolat. La griotte, le pruneau, l’impression de bois exotique donnent au chocolat fondant une personnalité rare. Ah, que le Sud est beau même par temps gris.

TOUCHER DE BOUCHE samedi, 2 décembre 2006

J’ai entendu cette expression de la bouche (justement) de Michel Bettane, et aussi d’un ami proche, ce cuisinier amateur de génie, Jean-Philippe Durand.

J’avoue que j’ai énormément de mal avec cette expression. Je pense immédiatement à "toucher de balle", pour indiquer qu’un joueur de tennis est capable de faire des balles amorties bien ajustées.

Pour le vin, je comprends : "présence en bouche", "placement en bouche", "passage en bouche". Mais "toucher de bouche", je ne peux pas ni conceptualiser, ni accepter le vocable.

Ce n’est pas un problème planétaire, mais dès que j’entends "toucher de bouche", j’ai une immédiate réaction de recul.

galerie 1815 jeudi, 30 novembre 2006

Contrairement à ce qui constitue la galerie de photos, cette bouteille ne fait pas partie des bouteilles de ma cave ou des bouteilles que j’ai bues. Elle est mise ici compte tenu de son intérêt.

Vin de paille Bourdy 1815.

Quelle année symbolique, l’année de Waterloo !

Ce vin sera sûrement un grand succès pour ceux qui le boiront.

Conférence à l’institut supérieur du marketing et du goût jeudi, 30 novembre 2006

J’avais, avec Alain Senderens, fait partie d’un jury de thèse d’une élève de l’institut supérieur du marketing et du goût. On me demande si je veux parler de vins anciens à la nouvelle promotion de cette école. Je m’y rends, avec dans ma musette un Maury 1959 des vignerons de Maury. Il est assez facile de conquérir son auditoire avec un Maury ancien et quelques carrés de chocolat. Des jeunes gens studieux, attentifs, posant de bonnes questions m’ont permis d’évoquer avec joie le fond de ma passion.

Soirée amicale avec les vins de Sancerre d’Alphonse Mellot dimanche, 26 novembre 2006

Les caves Legrand filles et fils organisent de sympathiques soirées autour du vin. L’organisateur de la partie spectacle de ces soirées est un comédien avec lequel une sympathie est immédiatement apparue. Pourquoi ? Je ne sais pas. Il m’annonce qu’il fait un dîner en tout petit comité chez lui, dont le repas est conçu par Michel Orth, cuisinier à Brumath et auteur de livres sur la cuisine ancienne, et les vins seront de Sancerre du non moins célèbre Alphonse Mellot qui fait atteindre aux vins de sa région des sommets de qualité. Alors que nous nous connaissons à peine, j’accepte l’invitation. Dans un charmant appartement sous des combles aux plafonds supportés par des poutres anciennes, un sympathique feu de cheminée crée une ambiance chaleureuse. Le chef est affairé dans la petite cuisine, ayant occupé tout l’espace, et j’ai à peine le temps de serrer des mains qu’un verre m’est donné. C’est un vin de pays des coteaux Charitois (les Pénitents blancs) Alphonse Mellot 2005. Fort direct et engageant, ce vin annonce la couleur de la soirée.

Il y a autour de la table des gens que je ne connais pas, à la culture impressionnante, avec lesquels les discussions seront passionnées. La moitié de la table est alsacienne, parlant d’un accent qui a un vrai ton de Riesling, avec cette pierre à fusil dans le rythme vocal. Le menu composé par Michel Orth est pensé pour les vins d’Alphonse Mellot : croustillant de tête de veau et presskopf de la forêt / cassolette de coquillages au massalé (mélange d’épices qui se présente sous forme de poudre) / filet d’empereur à la Fine Champagne / canard aigre-doux au chou rouge et épices de Noël, coing glacé, knepfle (pâtes alsaciennes) / foie gras de canard et d’oie « Michel Orth », purée de gavage romaine, hutzelbrot / munster truffé sauce à la bière / île flottante à la crème de citron, salade d’agrumes / infusion de safran.

Ce fut assez spectaculaire. Voici maintenant les vins d’Alphonse Mellot, en profusion inimaginable pour la taille de la table : Sancerre blanc génération XIX Alphonse Mellot 2005, Sancerre blanc « Edmond » Alphonse Mellot 2001, ce qui est sympathique, c’est d’avoir ajouté un vin qui pourrait être en compétition avec les vins d’Alphonse Mellot : Chablis Grand Cru les Clos William Fèvre 2000, Sancerre rouge « en grands champs » Alphonse Mellot 2002, encore un vin « étranger » : Gevrey-Chambertin 1er cru Poissenot Geantet Pansiot 2001,  Sancerre blanc « Edmond » Alphonse Mellot 2002, Sancerre blanc « la Moussière » Alphonse Mellot 1999, champagne rosé Jacques Selosse, Yquem 1981 qui est ma contribution, et Vin de Constance Klein Constanzia 2000 (Afrique du Sud).

Alphonse Mellot, truculent, agile, conquérant dans l’échange, n’a pas cherché à faire l’article. Il préférait la joute intellectuelle à l’explication de ses vins qu’il nous a laissé découvrir. Je les avais déjà appréciés – mais pas autant – aux caves Legrand et en d’autres occasions. J’ai été frappé par la pureté, l’authenticité et la légitimité de ces vins. Paradoxalement, le Chablis, pourtant un Grand Cru, faisait timide à côté de ces vins pour lesquels notre palais était prêt. Le Gevrey-Chambertin m’a particulièrement séduit. Si Alphonse Mellot était discret dans la promotion de ses vins, Michel Orth nous fit un véritable numéro de camelot pour son « élixir des dieux », fait de vin blanc, de sucre, de miel, de gingembre frais et d’épices, agréable pause au milieu du repas, pour équilibrer l’impressionnante série de vins.

plat de coquillages qui "appelait" Yquem

Une anecdote chatouilla aimablement mon ego. Nous étions en train de goûter la cassolette de coquillages, où les coques abondaient, au jus très épicé, et je fis remarquer à Michel Orth que le plat et le blanc que nous goûtions, trop semblables, n’additionnaient pas leur forces mais au contraire se neutralisaient. Et j’eus l’intuition que la sauce des coques réclamait Yquem. Nous l’essayâmes, et ce fut un accord divin. Michel Orth n’en revenait pas. Il eut la gentillesse de me féliciter en disant : « jamais je n’aurais osé un tel accord, alors qu’il marche remarquablement bien ». Sur les autres compartiments du dîner, Michel Orth fit merveille et nous expliqua comment il fait renaître des recettes oubliées, ancestrales, comme cette purée de gavage romaine assez étonnante, très adaptée au foie gras.

Le chef étant à table et engagé dans les discussions, la montre tournait et tournait, et le vin se buvait et se buvait, notre hôte ne cessant d’user de son tirebouchon. Ayant dans ma musette le fond de Bourbon 1900 d’un américain rencontré à l’Astrance, je fis découvrir ce breuvage extraordinaire qui reçut une agréable réplique des truffes en chocolat d’un chocolatier célèbre de Paris. L’ami qui invitait avait prévu pour chacun, sur des cartes anciennes, des phrases de René Char qu’il a lues avant chaque plat. Tout respirait l’envie de satisfaire les convives dans les plus infimes détails. Une soirée d’une grande amitié.

féeriques dégustations au Grand Tasting samedi, 25 novembre 2006

« le Grand Tasting ». Le franglais sera-t-il suffisant pour attirer une clientèle étrangère ? La veille de l’ouverture, plus de quatre cents professionnels du vin sont réunis en un dîner au salon Opéra, salon classé de l’hôtel Intercontinental. Avant de passer à table, dans une coursive, on peut goûter de prestigieux champagnes. Fatigué du dîner de l’académie des vins anciens, je trempe mes lèvres dans un expressif champagne Veuve Cliquot 1988, très joliment fait, et un prometteur champagne Gosset 1998. D’autres beaux champagnes auraient pu me tenter.

salon Opéra de l’hôtel Intercontinental

Le Salon des Grands Vins s’est rebaptisé

Nous passons à table sous les ors, les stucs, les colonnades et les lourdes tentures. L’acoustique du lieu est épouvantable, et l’annonce des prix décernés par un jury placé sous l’autorité de Michel Bettane et Thierry Desseauve sera presque inaudible à la table où nous nous trouvons. Le menu est assez spectaculaire pour autant de personnes : cœur de saumon mariné au sel de Guérande et quenelle de choux fleurs à la réglisse / foie gras de canard cuit entier, craquant de pain au mendiant, chutney aux coings / filet de pintade fermière, pastilla de légumes, jus de volaille / filet d’agneau cuit sauté, tartiné d’une fine croûte au basilic, tonnelet de pommes Charlotte et fleurs de courgette. Je ne cite pas le dessert au chocolat car j’ai quitté la table tel Cendrillon.

De merveilleux vins de nombreux producteurs étaient distribués au hasard de table en table, sauf aux tables des producteurs présents. C’est ainsi qu’après un Chablis Vieilles Vignes Domaine Brocard 1995 agréable, sans toutefois créer d’émotion, nous goûtons avec ses créateurs le Clos Haut Peyraguey 2003 à la réussite certaine, déjà charmeur, bouquet d’abricots qui deviendra un jour un immense sauternes.

Avec son propriétaire nous buvons Château La Couspaude Saint-émilion 2002, un vin qui manque un peu de complexité. Le Château Mouton-Rothschild 1985 est distribué à toutes les tables. Ayant sans doute connu ici ou là un problème de froid, il est fort désagréable à plusieurs tables (car je me renseigne du fait de la décevante impression initiale), mais va connaître un spectaculaire redressement qui nous fait reconnaître enfin l’un des charmes de Mouton. Je m’éclipse de cette belle soirée avant un Porto Taylor’s Tawny 20 ans d’âge. Il fallait vraiment que je sois fatigué !

Le Grand Tasting 2006 démarre à dix heures, et j’assiste pour quelques minutes à une présentation des vins du Château Hostens-Picant. Stéphane Derenoncourt au langage truculent et imagé explique des choix très clairs pour la fabrication des blancs 2004 et 2005. Le Château Hostens-Picant blanc 2004 est encore bordelais mais léger. Le 2005 se rapproche du goût du consommateur actuel.

Je me rends à la conférence sur les blancs de Louis Jadot, avec les exposés toujours aussi brillants de Jacques Lardière. Sous le lyrisme poétique, il y a une profondeur de raisonnement impressionnante. Le Chassagne-Montrachet 1er cru Morgeot Clos de la chapelle Louis Jadot 2002 a un nez assez joli. En bouche, c’est fort, assez animal. Le Chassagne-Montrachet 1er cru Morgeot Clos de la chapelle Louis Jadot 1992 a un nez plus minéral. En bouche il est minéral. Plus léger mais plus arrondi. Goût de grillé, de beurre. Le final est magnifique, poivré. Jacques dit que ce sont deux années pléthoriques. Je sens un peu d’amertume, de noisette en final. Le Chassagne-Montrachet 1er cru Morgeot Clos de la chapelle Louis Jadot 1986 est encore plus minéral, au nez envahissant. En bouche, c’est beaucoup plus rond, plus expressif. La jeunesse est impressionnante. Evocation de caramel, fraîcheur en fin de bouche. Il n’y a pas du tout d’amertume. C’est un joli vin au beau final.

Philippe Guigal, Nicolas de Rabaudy et Michel Bettane (la photo est assez trouble, mais pas le vin de Guigal).

Philippe Guigal présente les vins de son domaine. Le Condrieu La Doriane Guigal 2005 a été élevé en bois neuf. Il n’est pas encore mis en bouteille. Il a un nez de pêche, de fruit jaune, doucereux. La robe est jaune à peine rose. En bouche, c’est incroyablement fruité : coing et pêche au sirop. Le final est salin. Ce côté très fruit blanc salé poivré me dérange un peu. Il y a des évocations de muscat. Un vin à revoir dans au moins deux ans.

La Côte-Rôtie Château d’Ampuis Guigal 2003 est faite de syrah avec 7% de viognier. Il a vécu 38 mois en fût neuf, non collé et non filtré. Le nez est très poivré mais joli. Le cassis poivre qui m’agace souvent est ici élégant. Il est mis en bouteille depuis seulement une semaine. La bouche est bien opulente. Assez strict car il est jeune, ce vin a un potentiel d’évolution et je pense qu’il sera très grand dans dix ans. C’est un vin joyeux au travail rigoureux. Le collectionneur que je suis s’intéresse surtout aux trois grandes Côte-Rôtie de la maison. Il serait bon d’aller vers celle-ci qui n’a rien d’un second vin.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 2000 a, comme chacune des trois légendaires « La La », passé 42 mois en fût neuf. Nous sommes ici sur le Côte blonde, en vignes terrassées dont les soutènements de pierres datent de 24 siècles. Le vin comporte 11% de viognier. Le nez est très discret. Ce vin est très équilibré. C’est un grand vin très souple. Il ne fait pas du tout boisé, il est parfaitement lisible. C’est le plus féminin des trois.

La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1998 est un 100% syrah pure et dure de la Côte brune. Il y a de l’oxyde de fer dans le sol qui va marquer ce vin de puissance. Le nez est intense, irréel de perfection mais encore serré. Il y a des notes noires dans ce nez. En bouche, c’est inimitable. Terriblement astringent, le vin a un final de poivre et de bois marin. Le vin arrache la bouche et le fait qu’il ne soit pas éraflé explique cette astringence. Il sera impérial dans quelques années car sa charpente est puissante et ses tannins parfaits.

La salle se vide et l’idée vient de déjeuner ensemble avec Philippe Guigal. Je lui suggère de prendre un reste de Mouline et nous voilà partis tous les deux à la brasserie Le Dauphin où les patrons sont des gens adorables. Nous devisons fort aimablement pendant qu’à la table voisine on lorgne avec insistance sur notre bouteille. Les deux voisins n’en reviendront pas quand nous leur offrirons à chacun un verre de ce précieux breuvage à l’élégance rare.

De retour au Grand Tasting, présentation de Gilette et Les Justices par Christian Médeville. Le Château Les Justices 2003 m’impressionne. On croque un abricot. Il y a une légèreté rare, pas d’acidité, un bel équilibre. Je ne sais qui cite cette phrase à ce moment là : « un vin qui à la gueule de l’endroit et la tripe de l’homme ». Ce vin est réussi. Le  Château Les Justices 1997 a une belle trace fumée de pâte de fruit. C’est la même signature que le 2003, mais l’abricot est remplacé par la pâte de fruit.

Le Château Gilette 1983 a un nez d’une profondeur extrême. C’est magnifique. Le vin est léger, frais, sans lourdeur aucune. Une belle longueur. Il n’y a pas eu d’élevage en bois. Seul le botrytis a donné cette expression très Gilette. Le Château Gilette 1976 est plus avancé en maturité. Il a une belle profondeur mais il est moins parfait. Il n’a pas la densité et l’équilibre du 1983. Il est un peu amer et salin mettant ainsi encore plus en valeur le 1983.

Entre deux « master class », je vais saluer quelques vignerons amis, sans forcément goûter leurs vins, car il faut que je me ménage.

Jean-René Matignon présente les vins de Pichon-Longueville Baron. Les Tourelles de Longueville 2003 est le second vin du château. Le nez est très pur, chaleureux. En bouche l’attaque est à la fois forte et légère. Il y a du fruit généreux mais le bois est fort. C’est assez strict au sein de cette exubérance, Le final est très boisé. C’est un peu simplifié avec un certain manque de générosité. Le Château Pichon-Longueville Baron 2003 a aussi un nez subtil. La bouche est plus pleine. Il y a une élégance qui est très supérieure. Je trouve toutefois un côté fruit cuit. La différence est très forte avec les Tourelles. Ce vin va bien vieillir et prendre des tons de cigare. Le Château Pichon-Longueville Baron 2002 a un nez plus discret et strict. Il est un peu amer, avec moins de fruit mais j’aime assez. Il est très charpenté pour un 2002. Il y a du poivre en fin de bouche avec un joli bois. Jean-René Matignon estime qu’il est dans une phase plus amère et fermée. Le Château Pichon-Longueville Baron 2001 a un nez convenable mais sans charme particulier. Mais en bouche, quel charme. Il s’est arrondi, épicé. Il est chaleureux quand le 2002 est strict. Lequel des deux vieillira le mieux ? Ce n’est pas si évident. Le Château Pichon-Longueville Baron 2000 a un nez très beau et bien structuré. La bouche est noble. Le vin est rond, construit, d’un très beau poivre. Ce vin bien défini est d’une grande pureté.

Au hasard d’une dégustation privée, on me sert un verre de Château Pichon- Longueville Comtesse de Lalande 1990 dont je connais l’extrême perfection et un verre de Montrachet Prosper Maufoux 1992 dont j’ai envie de montrer l’imposante perfection à tout mon voisinage. C’est un grand Montrachet.

A toutes les conférences un groupe de jeunes étudiants déjouent tous les barrages, car je les retrouve à chaque fois, attentifs et passionnés. La salle est remplie d’amateurs qui veulent connaître des vins qui le plus souvent leur sont inaccessibles. Il y a donc grâce à ce salon une pédagogie mais aussi une ouverture vers des consommateurs passionnés et pas toujours fortunés. Ce sera le cas pour la conférence qui clôt cette première journée, la présentation par Jean Berchon de trois Dom Pérignon. Il y a dans toute présentation du groupe LVMH une image de premier de la classe. Tout exsude la recherche de la perfection. Et nos papilles éblouies vont entrer dans ce monde d’irréalité. Le champagne Dom Pérignon 1998, je le connais par cœur, car j’ai abondamment profité de sa première plage d’excellence, celle des sept à huit ans, avant que ne survienne celle des 14 ans et celle des 28/30 ans, car ce champagne merveilleux connaît des pics de perfection. Tout en ce champagne respire l’élégance. Je vais plutôt me concentrer sur le champagne Dom Pérignon rosé 1996 que je ne connais pas, ayant, fortement ancrée en ma mémoire, la perfection absolue du rosé 1990. La couleur est d’un rose de cerise jaune d’une élégance inégalable. Le nez est assez discret. La longueur en bouche est exceptionnelle. Jean Berchon parle de fumé et de cerises noires que je ne retrouve pas mais peux imaginer. Ce champagne installé dans le verre devient excitant et grandiose. Le champagne Dom Pérignon Oenothèque en magnum 1992 a un nez incroyablement fort et minéral. Là, il y a du fumé et un accomplissement total. Il a un côté crémeux et l’une des longueurs en bouche les plus belles que je connaisse. Ce champagne mis sur le marché lors du deuxième pic d’excellence est notoirement meilleur que les 1992 en bouteilles que j’ai récemment ouverts de ma cave.

Le deuxième jour commence pour moi par du champagne. Matthieu Kauffmann, directeur des caves de la maison Bollinger présente ses champagnes. Le Bollinger Spécial Cuvée a un nez très fumé, une bulle forte. La couleur dorée vient du Pinot noir. Le goût est un peu faible à l’attaque et donne une forte trace de caramel en fin de bouche. Ce champagne est fait de vins de 2001 et 2002 à plus de 50% et de vins conservés en magnums des années 90. Pour construire ce vin, il faut ouvrir chaque année cent mille magnums de réserve. Quel travail ! C’est un bon champagne qui gagnera beaucoup si on le laisse vieillir.

Le champagne Bollinger Grande Année 1999 a un nez plus discret et plus fin. Il vieillit à 100% en tonneaux qui ne sont jamais neufs. Je sens du poivre. En bouche, c’est aérien. C’est beaucoup plus subtil tout en gardant ce fumé caramel. C’est un vin de gastronomie. Son aspect floral me plait. On peut y trouver de la menthe de la groseille à maquereau, des fruits secs, des épices douces. Sa trace en bouche est forte. Le Champagne Bollinger RD 1996 a un nez très floral. Il est très distingué, très équilibré. Tout est encore plus fin que le précédent. Je vois des fleurs et des fruits roses. La longueur est extrême et la persistance aromatique infinie. L’iode, la craie, les épices le levain, le sous-bois, la trace de safran, tout cela se trouve dans cet onctueux champagne. A la fin de la présentation un visiteur me demande si je préfère le Dom Pérignon 1992 de la veille ou le RD 1996. Il est impossible de comparer. Il faut aimer les deux.

Après cette conférence, je fais école buissonnière, allant goûter ici ou là quelques bons vins, comme le champagne Egly-Ouriet qui présente de belles cuvées, comme le champagne Mailly, le Joseph Perrier, le Pannier. En Bourgogne, je salue Clos de Tart et la maison Bichot, sachant que chez Bouchard Père & Fils je n’ai besoin de rien goûter tant je les connais. Les vins italiens font recette, car ce sont de grands qui sont venus. Jean-Luc Thunevin est tout sourire et présente les vins de son écurie. Je salue les propriétaires de Poujeaux, Malartic Lagravière, Brane-Cantenac, et beaucoup d’autres domaines. Je rappelle à Séverine Sclumberger le 1945 que nous avions récemment partagé. Je serre la main à des vignerons qui étaient venus à la dernière séance de l’académie des vins anciens. Il y a ici la crème des vignobles français.

Christophe Salin et Charles Chevallier présentent les vins de la galaxie Barons de Rothschild. Le Carruades de Lafite 2003 a un nez très pur. C’est un vin sans concession. En bouche, c’est très pur. Pas du tout exubérant, il est dense, complet, sans aucun besoin de séduire. Il est d’une grande justesse. Le Château Lafite-Rothschild 2003 à côté de lui a un nez explosif. La puissance olfactive est assez incroyable. Il est très réservé en bouche. On sent que c’est immense, et je donne l’image du moteur d’une voiture puissante qui tourne comme une horloge, mais on n’a pas encore engagé la première. Ce vin qui a une trame extraordinaire, des accents de cèdre, de graphite, d’une légère astringence et de tannins présents va devenir une référence unique. Le Château Lafite-Rothschild 1998 a un nez qui a mis une sourdine par rapport au 2003. En bouche c’est un grand vin où toutes les composantes sont remarquablement dosées. Le bois est très net, la densité est absolue. Ce vin est très astringent et d’une jeunesse folle. Il évoque la mûre, les fruits noirs, le poivre. Charles Chevallier le trouve dans une phase un peu fermée. Le Château Lafite-Rothschild 1988 a un nez superbe. Il est épanoui de bois pur. Il est magnifique, rond, grandiose, très supérieur aux versions précédentes que j’ai bues de ce millésime. Il y a aussi de l’astringence, du graphite, de la mine de crayon. Il est à la fois pur et complexe. Le fruit n’apparaît qu’en début de bouche. Ce vin va devenir grand. Le Château Rieussec 1997 qui appartient à la galaxie Rothschild a un nez de vin très dense. Du pur miel et caramel en bouche mariés à de l’abricot et de la mangue. Son final est époustouflant. D’un style complètement opposé à celui de Gilette, j’aime sa définition ciselée.

Hervé Berland, directeur général de Mouton-Rothschild nous présente une rare brochette de vins. L’Aile d’Argent 2003 a un nez très coloré de litchi, fruit confit, menthe. En bouche, c’est étonnant. On dirait un alcool. Très fumé, caramel, fruit confit. Il y a un beau final très typé, mais c’est très déroutant pour moi alors que Michel Bettane est à l’aise avec lui.

Le Petit Mouton 2004  a un nez assez simplifié, très bordelais. En bouche il est nettement plus chaleureux. J’aime beaucoup. L’astringence est contrôlée, le vin est rond. Il est séducteur, charmant. Le Château Mouton-Rothschild 2000 a un nez assez discret mais d’une grande noblesse. En bouche, c’est un bijou. Le nez est très vineux. Il y a du charme, de la mâche, c’est riche en bouche mais il est dans une phase où il se referme un peu. Le nez du Château Mouton-Rothschild 1996 est l’essence même du cabernet sauvignon (c’est Michel Bettane qui me le dit). Beaucoup plus intense que le 2000. En bouche, c’est déjà chaleureux. Les composants sont intenses : l’alcool, le bois, le fruit, l’astringence. Tout est poussé à l’extrême. C’est un vin explosif en bouche à l’acidité forte. Le Château Mouton-Rothschild 1989 a un nez de poivre. Il est déjà plus évolué, de façon marquée. Il y a en bouche des signes d’évolution. Il a moins de pétulance que le 1996 mais il est très expressif. La persistance aromatique est impressionnante. C’est un vin qui arrache ! Mais c’est le final du 1996 qui m’impressionne le plus.

Ce salon est inégalable pour proposer l’accès à des vins de prestige. Une foule d’amateurs désireux d’apprendre a été comblée. Des jeunes nombreux avaient les yeux qui brillaient. Pendant deux jours, j’ai dégusté, assis juste à côté de Michel Bettane, profitant de l’éclairage de l’homme qui connaît le mieux ces immenses vins. Tout pour moi ne fut que bonheur. Longue vie au Grand Tasting qui a réussi son 2006.