121ème dîner de wine-dinners avec un Constantia 1791 jeudi, 10 septembre 2009

Le 121ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Alors que j’envisageais de profiter des beaux jours de septembre dans le sud, Bipin Desai, célèbre collectionneur américain avec lequel je partage de grandes dégustations m’avait appelé en disant : « je souhaiterais assister à l’un de vos dîners, si possible le 10 septembre, et si possible avec une majorité de vins de Bourgogne ». Dit comme cela, je n’ai pas beaucoup d’options. Alors que je ne fais quasiment jamais de dîners à thèmes, j’ai composé un programme qui a reçu un accueil impressionnant. La demande m’aurait permis de faire plusieurs tables.

J’arrive au restaurant vers 17h30 pour ouvrir les vins. Aucun incident n’est à signaler sauf un petit bout de bouchon tombé dans la bouteille du 1952 que j’avais annoncée basse et qui joue avec moi comme les lots que l’on doit pêcher avec un hameçon impossible à fixer dans les stands de fête foraine. La partie de cache-cache dure de longues minutes. Pendant ce temps, un expert en vins et ami venu livrer quelques achats compulsifs que je lui avais faits regarde mon manège avec intérêt et nous confortions nos analyses des odeurs des vins à la tenue exemplaire. Alors que je m’activais, Alain Solivèrès entre dans la magnifique salle lambrissée du premier étage où se tiendra le dîner. Nous passons en revue le menu et je lui demande comment il envisage le foie gras que j’avais fait ajouter en fin des viandes, position dans le repas qu’aimait particulièrement Jean Hugel. Alain me dit qu’il l’a prévu poêlé avec une figue de Solliès sur un jus de banyuls. Ma grimace est expressive. Après discussion, il est convenu que je demanderai à chaque convive s’il veut une figue, servie sur une assiette séparée.

Après les ouvertures, je me change, mets une belle cravate flashy et les premiers convives arrivent. Le premier est Etienne Hugel, tout excité de me montrer son trésor. Il me laisse le soin d’opérer et j’ouvre la bouteille très caractéristique du Constantia du 18ème siècle. Le bouchon est protégé par une cire noire de poussière mais rouge et bleue à cœur, tendre comme de la pâte à modeler. La cire colle au couteau et sent mauvais. Le goulot est très étroit, de la taille d’un petit auriculaire. Je tire le bouchon qui se casse. Il est de forme tronconique, très resserré à l’endroit de la cassure, ressemblant comme deux gouttes d’eau au bouchon minuscule du Chambertin 1811 qu’un ami avait ouvert, au liège d’une pureté extrême. J’extirpe le reste du bouchon avec une curette sans qu’un morceau ne tombe. Je me rends compte que le goulot est étranglé à la hauteur de la moitié du bouchon ce qui explique qu’il était impossible de tirer le bouchon sans le déchirer. La première odeur est prometteuse. Je verse avec l’accord d’Etienne quelques gouttes dans un verre. Nous sommes trois à sentir et nous partager ces gouttes. Ce liquide, libéré après 218 ans d’emprisonnement dans son flacon est tout simplement divin.

Tout le monde est à l’heure. Nous sommes douze. Le jeune habitué des dîners qui était venu me retrouver dans le sud participe à son 9ème. Un couple de japonais vient pour la troisième fois, ce qui est aussi le cas de Michel Bettane, tandis que Bipin Desai les précède d’au moins cinq ou six dîners. Une jeune femme que j’ai interrogée suite à la défection le jour même d’un convive a réagi quasi instantanément et participera à son deuxième dîner. Un couple de français dont la femme est d’origine chinoise et un ami d’amis partagent avec Etienne Hugel la situation de « nouveaux ». Les femmes sont ravissantes. La chinoise d’origine porte une robe de soie chinoise et la japonaise est vêtue d’un kimono. Ces robes d’une extrême beauté ont illuminé le repas. Chaque repas débute par les consignes pour bien profiter du repas. J’ai innové en les envoyant par mail, pour gagner du temps. Bipin Desai me dit que de telles instructions « dictatoriales » seraient refusées par des amateurs américains. Heureusement, nous sommes en France !

Nous prenons l’apéritif debout, avec des petites gougères. J’explique l’hommage que je veux rendre à Jean Hugel et nous portons un toast avec le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1971. Le champagne a une couleur d’un acajou teinté de thé. La bulle est quasi inexistante. On sent que les évocations de fruits d’automne sont rêches. Un petit défaut, une infime trace métallique, limite le plaisir de ce champagne fait de raisins nobles.

La table de douze est très longue aussi sera-t-il impossible aux convives placés aux extrémités de converser au travers de la table. Et ce d’autant plus que j’ai créé un « barrage » virtuel quasi infranchissable au centre puisqu’en face de moi, j’ai Bipin Desai et Michel Bettane et à mes côtés Etienne Hugel. La somme de connaissances qui ne demande qu’à s’exprimer monopolise le dialogue au centre. Tout un chacun s’émerveille de l’érudition de Michel Bettane.

Le menu conçu par Alain Solivérès est ainsi rédigé : Tartare de homard au yuzu et au gingembre / Saint-Pierre clouté au basilic / Risotto d’épeautre aux cèpes de châtaignier / Longe de veau de Corrèze aux girolles / Tourte de canard colvert / Foie gras de canard poêlé / Fourme d’Ambert glacée, marmelade d’oranges amères / Déclinaison d’ananas vanillé / Croustillant praliné.

Le homard est un plat délicat, la chair crue ayant des accents romantiques qui répondent à la grâce du Champagne Veuve Clicquot Brut 1966. Le champagne forme un contraste fort avec le Mumm tant son charme éclate. De belle couleur ambrée il est heureux de vivre, exprimant la plénitude du millésime 1966. L’accord est vibrant, plat et vin communiant dans des évocations de rose. Ce démarrage est d’une grande délicatesse.

Le poisson était prévu pour le Montrachet, mais Michel Bettane a tenu à nous faire goûter un Meursault Narvaux Leroy 1983. A l’ouverture, ce vin avait le parfum le plus intense qu’on puisse imaginer. A côté de lui, un Montrachet Bouchard Père & Fils 1989. On passe d’un vin à l’autre pour constater combien ils sont à la fois proches, car ils expriment une puissance peu commune et combien ils sont dissemblables dans toutes leurs composantes. Malgré l’intérêt d’un Meursault très pur et très ciselé, mon cœur balance et penche vers le Montrachet très serein, très maîtrisé, à la force tranquille. Contrairement au précédent cet accord est poli, sans créer d’émotion.

J’avais annoncé que l’Echézeaux Emile Chandesais 1952 est d’un niveau bas. Le vin allait-il être acceptable ? Ce qui nous a gênés, c’est beaucoup plus le fait que ce vin est tout sauf Echézeaux. Nous avons paraphrasé les Tontons Flingueurs : « de l’Echezeaux, il y en a, mais il n’y a pas que ça ». Le niveau bas n’a pas endommagé le vin, mais son voisin de verre est trop brillant. Le Gevrey-Chambertin Remoissenet Père et Fils 1937 est une merveille de précision. Ce vin que j’adore fait partie des messages bourguignons purs. Le risotto est une réussite absolue de dosage. Un tel plat vaut trois étoiles. Ce sont les cèpes qui propulsent le 1937 vers des sommets. L’accord est d’un dogmatisme réjouissant.

Avoir sur sa table un verre de Romanée Conti ne peut laisser personne indifférent. Pour plus de la moitié de la table, c’est une première. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983 est d’une belle couleur intense. Le nez est extrêmement sophistiqué et évoque la rose. Il signe de façon évidente une Romanée-Conti. A ses côtés, un vin que j’adore, le Pommard Grands Epenots Michel Gaunoux 1974. Michel nous raconte à quel point Michel Gaunoux réussit ses Pommard. Ce qui m’impressionne au plus haut point, c’est que la longe de veau est rose, et les deux vins explosent d’arômes de roses. L’accord est délicat, féminin, subtil au-delà de tout. La Romanée Conti 1983 est très Romanée Conti, mais ce n’est pas l’une des plus grandes, alors que le Pommard joue dans la cour des grands. Alors, qu’on le veuille ou non, le cœur penche vers le Pommard, même si la conjonction des deux vins mérite une mention spéciale, tant chacun fait briller l’autre sur le plat.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992 est lui aussi un mythe. Je l’ai associé à un Vosne Romanée Calvet 1947. Michel Bettane nous rappelle que c’est Emile Peynaud qui a aidé Calvet à vinifier ce millésime. On comprend pourquoi il nous plait tant, glorieuse et sereine expression du Vosne Romanée. Comme le vin d’Henri Jayer est un peu attentiste, une nouvelle fois nous avons l’occasion de voir le second rôle nous plaire plus que le jeune premier. La tourte est très riche et convient bien aux deux vins de belles longueurs. L’accord est très bourgeois.

En début de repas, j’ai demandé qui voudrait de la figue au banyuls avec son foie gras. La façon de poser la question impliquait la réponse. Personne n’en voulut. Sur un foie gras délicieux dans sa nudité, le Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1989 était mon chevalier, celui qui devait porter mes couleurs. Beau vin de Bourgogne dans sa belle jeunesse, il est classiquement bon, mais n’entraîne pas l’émotion que j’attendais. En retenue, un peu scolaire, il n’atteint pas son but. Il eût mérité un foie gras poché plutôt que poêlé.

Nous quittons ce voyage en Bourgogne avec des myriades d’étincelles dans les yeux, car nous avons croisé des saveurs authentiquement bourguignonnes, de celles qui prennent aux tripes. La Romanée Conti m’a fait vibrer, car je connais son chant, le Pommard est sublime, le Remoissenet exceptionnel. Nous avons été gâtés.

Qui pourrait trouver un vin que Michel Bettane ne connaît pas ? Je l’ai fait. Le Château Bousclas Barsac 1945 est un bel inconnu. Je lui soupçonnais un léger goût de bouchon mais Michel et Etienne ne l’ont pas confirmé. C’est un très agréable Barsac qui trouve dans la marmelade d’oranges amères un écho magistral. Le Château Climens Barsac 1943 est un beau Climens, avec une belle race. Un vin d’un or pur qui s’est exprimé sur le dessert délicat où l’ananas n’a pas imposé une trace trop prégnante.

Le Riesling Vendanges Tardives, Sélection de Grains Nobles Hugel 1976 était très attendu. C’est effectivement une réussite extrême de la maison Hugel où la douceur le dispute à la fraîcheur. Sa longueur quasi infinie signe un très grand vin. Lorsqu’on nous sert le Constantia Afrique du Sud 1791 le silence se fait. Porter à ses lèvres un vin de 218 ans ne peut pas laisser indifférent. Ce vin n’a pas d’âge, il est intemporel, vivant, sans signe de vieillissement. On me dirait qu’il a cinquante ans, je ne le refuserais pas. C’est le raisin qui est le plus évocateur des fruits qui composent le goût. Le vin est naturellement sucré, équilibré, profond et de belle longueur. Ce témoignage de grande pureté est l’un des moments qui marquent la vie d’un amateur. Les convives s’attendaient à boire un 1937 comme plus vieux vin ce soir. Ce coup de curseur de 146 ans donne le tournis.

C’est l’heure des votes de onze votants (la jolie japonaise ne boit pas mais aime voir son mari apprécier) pour quatorze vins. Savoir que dans un repas un Cros Parantoux d’Henri Jayer et un Clos de la Roche d’Armand Rousseau n’obtiennent pas un seul vote indique la hauteur de la compétition. Sept vins ont eu les honneurs d’être nommés premiers, ce qui montre la qualité des vins de ce soir. Le Constantia a eu cinq votes de premier, Le Veuve Clicquot, le Montrachet, la Romanée Conti, le Pommard, le Vosne Romanée 1947 et le Riesling recueillant chacun un vote de premier.

Le vote du consensus est : 1 – Constantia Afrique du Sud 1791, 2 – Pommard Grands Epenots Michel Gaunoux 1974, 3 – Vosne Romanée Calvet 1947, 4 – Gevrey-Chambertin Remoissenet Père et Fils 1937.

Mon vote est : 1 – Constantia Afrique du Sud 1791, 2 – Vosne Romanée Calvet 1947, 3 – Pommard Grands Epenots Michel Gaunoux 1974, 4 – Riesling Vendanges Tardives, Sélection de Grains Nobles Hugel 1976.

Alain Solivérès venu nous saluer avec son équipe nous a apporté une grande assiette de figues, petit clin d’œil amical qui montre qu’il a le sens de l’humour. Il fut applaudi, car les accords de ce soir ont été dosés de façon exemplaire. Ce repas où l’émotion, la tendresse et l’affection étaient au rendez-vous, auquel un vin de 1791 a donné un lustre particulier, fut l’un des plus émouvants que j’aie pu vivre.

121ème dîner – les vins jeudi, 10 septembre 2009

Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1971 (la bouteille est magnifique)

Champagne Veuve Clicquot Brut 1966 (c’est amusant de constater que c’est une bouteille d’un importateur italien)

Meursault Leroy 1983 (cadeau Michel Bettane). C’est la cave de Michel qui rend les étiquettes illisibles. L’année est impossible à voir

Montrachet Bouchard Père & Fils 1989

Echézeaux Emile Chandesais 1952 (c’est amusant de lire "vin spécialement recommandé")

Gevrey Chambertin Remoissenet Père et Fils 1937 (le niveau est particulièrement beau)

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983

Pommard Grands Epenots Michel Gaunoux 1974

Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1992

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Vosne Romanée Calvet 1947 (très belle)

Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1989

Château Bousclas Barsac 1945 (c’est amusant de constater que ce château a fait imprimer des étiquettes sans années, avec seulement "19 ". Seul le bouchon indique le millésime)

Château Climens Barsac 1943

Riesling Vendanges Tardives, Sélection de Grains Nobles Hugel 1976 (cadeau Etienne Hugel)

Constantia Afrique du Sud 1791 (cadeau Etienne Hugel)

(photos sur un autre message)

Je suis l’homme le plus heureux du monde. jeudi, 10 septembre 2009

Je suis l’homme le plus heureux du monde.

Il se trouve qu’une amitié très forte était née entre Jean Hugel et moi.

Il adhérait aux objectifs de l’académie des vins anciens, et à sa dernière réunion, puisqu’il était un fidèle académicien, il avait dit en parlant de moi : « s’il n’existait pas, il aurait fallu l’inventer », car il appréciait la mise en valeur du patrimoine des vins anciens telle que je la conduis.

Jean est mort et j’ai tenu à inviter Etienne Hugel son neveu au premier dîner qui suit son décès.

C’est ce soir.

Etienne vient avec un vin de Hugel que j’ai déjà dégusté avec Jean et que j’ai adoré, un Riesling Vendanges Tardives, Sélection de Grains Nobles Hugel 1976, une des plus grandes réussites de la maison Hugel.

Ce jour Etienne m’appelle.

Il m’avait déjà signalé qu’il était – évidemment gentiment – "jaloux" que Jean ait ouvert un Riesling SGN 1915 avec moi, alors que les neveux n’en ont jamais bu.

Aussi, en accord avec Simone, l’épouse de Jean, il apporte ce soir le plus grand vin du monde, que Jean m’avait montré dans sa cave secrète, un Constantia Afrique du Sud 1791.

Je suis tout excité, et bien sûr très honoré de cette marque d’amitié.

121ème dîner – les participants jeudi, 10 septembre 2009

Je ne mets sur le blog pratiquement jamais les photos des participants, pour préserver leur vie privée. Ce dîner fut tellement grand qu’on me pardonnera de mettre ces photos.

Etienne Hugel m’a pris en photo avec la Remoissenet 1937

des convives

une autre vue, au moment où l’on boit le Constantia 1791

les verres en fin de repas

dîner impromptu chez des amis mardi, 1 septembre 2009

Nous rendons visite à nos voisins qui nous accueillent avec un champagne Moët & Chandon non millésimé qui me plait plus que d’habitude. Il a dû se bonifier de quelques mois de plus. Sur un veau très tendre, le Quintessence de Rimauresq 2005 me plait lui aussi beaucoup plus qu’un récent 2004. Ce vin des Côtes de Provence est tout à son aise sur la viande et aussi sur le fromage.

Le dessert est un melon au basilic et mon ami apporte une bouteille que j’avais offerte il y a bien un an, un Tokaji Eszencia Aszu 1988. L’accord du melon avec le Tokaji est absolument saisissant. Le vin se place en continuité parfaite avec la chair orange du fruit marquée par la feuille verte. Avec un peu d’imagination, ce sont les couleurs du drapeau hongrois qui créent cet accord absolument syncrétique, dans son sens fusionnel. La diète restera, comme souvent, un acte manqué.

café chez Yvan Roux mardi, 1 septembre 2009

Les enfants, petits-enfants et cousins sont partis. Il reste une semaine de diète et de sport pour se préparer à affronter une reprise fertile en événements. L’ami fidèle qui était venu me trouver pour partager des vins chez Yvan Roux et chez Mathias Dandine m’annonce qu’il va venir déjeuner avec des amis chez Yvan Roux. « J’aurais mauvaise grâce à y aller sans t’inviter », me dit-il. Je refuse, pour des raisons diététiques.

Il insiste : « viens au moins pour l’apéritif ». Il est sûr que si j’accepte, je resterai à table, aussi ma réponse est : « je viens pour le café ». J’arrive avec dans ma musette un Champagne Perrier-Jouët rosé 1969. Le bouchon resserré a fait disparaître la bulle, le champagne est d’un rose isabelle, le nez est délicat. En bouche, si l’on admet que ce que l’on boit est éloigné du goût du champagne, on profite de saveurs qui sont celles d’un champagne rosé qui aurait fauté avec un muscat. C’est doux, délicat, et extrêmement plaisant. C’est nettement meilleur que le 1966 de la même maison que j’avais ouvert récemment. Les trois jeunes compères sont encore sur une glace vanille qui ne paraît pas adaptée, aussi, fort opportunément, Babette nous apporte des biscuits roses de Reims qui apaisent le goût du champagne. Jonathan me fait goûter l’Ermitage Ex Voto Guigal 2005 qui fait partie des vins qu’ils viennent de partager et je suis très impressionné par la finesse, l’élégance et l’équilibre de ce vin très chaleureux et expressif. Un grand plaisir.

Yvan Roux est fier du Pata Negra qu’il vient de recevoir, d’une qualité très remarquable, Un champagne blanc irait mieux que le champagne rosé, trop faible pour l’amadouer. Aussi est-ce sur l’Ermitage que je me délecte de quelques tranches de cet excellent jambon.

Some considerations about wines drunk this summer samedi, 29 août 2009

I was with my wife in the South of France, and we received our three children and our six grand children by successive or coordinated waves. We received some distant cousins too, who needed a place to live, as they wanted to visit a cousin heavily burnt and recovering near my house.

To analyse what has been drunk is interesting for me, as I can check my tastes and the tendencies of my taste at this moment of my life. I hope it can be of interest for other wine lovers.

We have opened 61 bottles representing 74 times 75 cl, as I opened 13 magnums uniquely Champagne.

Champagne has been the favourite drink with 27 bottles representing 40 times 75 cl. It means that more than half of what was drunk was champagne.

I see for that three reasons :

  1. in summer time, champagne is highly refreshing, and is opened for any reason (and the recent birth of a new grandson has been used many times as an excuse)
  2. for my own person, champagne is largely more digestible. When the weather is very warm, I bear largely more champagne
  3. but the main reason is that I am more and more interested in champagne, for its taste and for its ability to create imaginative gastronomic combinations

Two regions have got my preference after champagne :

Rhone with 14 wines

Provence with 12 wines.

By comparison, other regions are very poorly represented : Bordeaux 3, Burgundy 2, Roussillon 1, Italy 1, USA 1.

The reasons for giving such an importance to Rhone and Provence are :

  1. when I am in Provence during summer, the regional wines shine at their best. What I smell in nature is found in the glass. The performance or these local wines is spectacular
  2. the Rhone wines represent for me today what I adore when it concerns young wines. As it is a heresy to drink old wines (old for my scale) during a hot summer, I am fond of young Rhone wines.

Of course, I would be able to say my preferences without analysing, but it becomes more obvious when analysing.

Among the 61 wines I selected 22 which were wines of special pleasure that I tried to rank according to my pleasure :

  1. Champagne Krug 1982 : Krug is in 1982, exactly as Salon, at the best possible form of its wealth, before becoming what is named a mature champagne
  2. Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 : this is a fantastic wine whose complexity is very rare. Highly adorable
  3. Chateauneuf-du-Pape Rayas 1995 : this wine is a gift. Because it has the smoothness of a Burgundy in the skeleton of a Chateauneuf. A unique subtlety
  4. Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 1989 : this is the academic perfection of what a Chateauneuf would dream to become
  5. Côte Rôtie La Turque Guigal 2005 : it is nearly impossible to find more sensuality than in this wine, highly promising, but terribly sexy today
  6. Champagne Dom Ruinart rosé magnum 1990 : elegance, perfection, this champagne is a dandy
  7. Côte-Rôtie La Mouline Guigal 1996 : a perfect form of the Guigal’s wines, perfect in its youth
  8. Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995 : I would say that this wine, which is not the greatest possible, has a magic touch. One feels that it has been touched by the hand of God
  9. Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill en magnum 1998 : unique, great, full of charm, but, for my personal taste, not the natural charm of a gigolo. There is something intellectual in the approach towards this wine
  10. Champagne Bollinger Grande Année 1989 : a world in itself, the world of Bollinger. This is the student who gets every time the best notes, and puts on the nerves of the rest of the class
  11. Château Laville Haut-Brion 1979 : the excellent race of a noble wine, convincing by its complexity, probably not well at ease on warm days of summer
  12. Rimauresq Côtes-de-Provence 1989 : to drink Côtes de Provence in Provence adds definitely to its charm. And age goes so well, putting these wines at levels that no one would be able to predict if he has never tasted Côtes de Provence of more than 15 years
  13. Rimauresq Côtes-de-Provence 1990 : same comment. I preferred the 1989
  14. Château Pibarnon Bandol 1990 : same comment. A glorious wine
  15. Champagne Salon magnum 1995 : Salon is Salon, magnum is magnum, and 1995 is 1995. It was good, but not so impressive
  16. Domaine de Terrebrune Bandol rouge 1995 : among « young » Bandols, this one, with a refreshing menthol taste is wonderful
  17. Côte Rôtie La Landonne Guigal 2005 : very great wine, but La Turque is largely greater
  18. Ermitage « le Pavillon », Chapoutier 1989 : the first time I tried this wine. This encourages me to try again. Extremely interesting, but lacking some opulence
  19. Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum : during our stay, I opened 7 magnums, and there are reasons. The first is that in the south, my cellar has not a complete diversity, the second is that it is a champagne which is not difficult to approach, a real champagne for thirst, whose bottle is empty as soon as it is opened, which justifies to have magnums ready to be opened. I am aware that it is certainly not the best QPR, but I am used to its friendly taste
  20. Champagne Dom Pérignon 1995 : high class. This champagne is a real success, driving to Heaven
  21. Champagne Henriot 1996 : this champagne gives me a total pleasure. It is not the greatest, not the most complex, but I am happy when I drink it, due to its very special taste, full of genuineness.
  22. Champagne Clos des Goisses Philipponnat magnum 1990 : I wanted to try this year that I had not tasted and to do it with a magnum. The rarity created the pleasure, but I expected a little more. A bottle of 1999 drunk two days after gave me more pleasure.

Many other wines were highly interesting, but these 22 represent a real sun shine, lightening our holidays.

Réflexions sur les vins de l’été samedi, 29 août 2009

Avec ma femme, nous avons passé deux mois dans le sud, pour recevoir essentiellement la famille directement proche, enfants et petits-enfants, et la famille lointaine que nous avons hébergée car elle a subi un grave accident, et parfois des amis.

Analyser ce qui a été ouvert m’intéresse, car cela renseigne sur mes goûts et leurs tendances à ce moment de ma vie.

Nous avons ouvert 61 flacons sur les deux mois correspondant à 74 bouteilles, du fait de 13 magnums, uniquement en champagne.

Le champagne a été de loin le privilégié de cet été, avec 27 flacons correspondant à 40 bouteilles. Plus de la moitié de ce qui a été bu est du champagne. Ce n’est pas un hasard, pour trois raisons :

en été, le champagne désaltère

le champagne est, du moins pour moi, beaucoup plus digeste

c’est une région du vin que j’explore de plus en plus pour ses qualités gastronomiques.

Hors champagne, deux régions monopolisent les vins de l’été :

le Rhône avec 14 vins

la Provence avec 12 vins

Les autres régions sont les parents pauvres, avec 3 bordeaux, 2 bourgognes, et 3 vins divers.

Le choix peut s’expliquer ainsi :

la Provence, car c’est dans leur région que ces vins sont nettement meilleurs à boire, avec des arômes naturellement en beauté dans leur habitat

le Rhône, car aujourd’hui, c’est, pour les vins actuels, ma région préférée.

Je pressens évidemment ces tendances, mais l’analyse permet de mieux situer les hiérarchies qui se créent de façon inconsciente.

Une sélection de 22 vins parmi les plus intéressants bus cet été. Le classement est approximativement celui du plaisir. Mais tous ont été passionnants :

Champagne Krug 1982

Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998

Chateauneuf-du-Pape Rayas 1995

Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 1989

Côte Rôtie La Turque Guigal 2005

Champagne Dom Ruinart rosé magnum 1990

Côte-Rôtie La Mouline Guigal 1996

Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995

Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill en magnum 1998

Champagne Bollinger Grande Année 1989

Château Laville Haut-Brion 1979

Rimauresq Côtes-de-Provence 1989

Rimauresq Côtes-de-Provence 1990

Château Pibarnon Bandol 1990

Champagne Salon magnum 1995

Domaine de Terrebrune Bandol rouge 1995

Côte Rôtie La Landonne Guigal 2005

Ermitage « le Pavillon », Chapoutier 1989

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum

Champagne Dom Pérignon 1995

Champagne Henriot 1996

Champagne Clos des Goisses Philipponnat en magnum 1990

Il y a eu beaucoup d’autres vins intéressants, mais ceux-ci représentent des plaisirs qui ont ensoleillé notre été.

dernier (?) repas de vins dans le sud jeudi, 27 août 2009

Ce sera ce soir, sauf contrordre, le dernier dîner vineux de notre long séjour dans le sud. Nous recevons des amis qui aiment et apprécient le vin, sans en avoir la frénésie encyclopédique des passionnés. Le Champagne Dom Pérignon 1995 a quelque chose de magique. Gracieux, typé, présent, il se montre d’une grande personnalité tout en restant gracile. Nous somme bien sûr dans un registre de fruits blancs, avec un caractère aérien très délié. La poutargue tranchée en lamelles est particulièrement moelleuse, et s’accorde bien au champagne. Mais ce sont les toasts au foie gras qui montrent l’absolue pertinence de l’accord champagne et foie gras. Il faut au plus vite bannir tout mariage sauternes et foie gras, car l’on doit définitivement le pacser au champagne.

Le Champagne Salon 1983 a un bouchon qui me résiste. L’idée de sabrer vient à l’esprit. Lançant le dos d’un grand couteau le long de l’arête du goulot, je tape contre le tête, mais rien ne semble se passer. Je veux reprendre le bouchon à la main pour ouvrir. Par un heureux hasard la cassure n’était pas biseautée, car j’eus été gravement coupé. Je sortis le bouchon collé à un anneau de verre. Le Salon 1983 était sabré.

La couleur est foncée, le nez évoque les champagnes évolués. En bouche l’impression de fumé est certaine. Le vin est notoirement évolué, mais avec une délicatesse rare. Le vin est profond, mais demande une adaptation à ce style nouveau. Ma femme a prévu deux assiettes. Dans l’une, une crème de chou fleur surmontée de dés de foie gras poêlé. Dans l’autre, une crème de céleri surmontée de dés de foie gras poêlé. C’est le céleri qui emporte la mise, car le fumé du champagne et le fumé du céleri sont d’une continuité assez exceptionnelle. C’est un magnifique accord. Le champagne a une longueur appréciable et au moment où j’écris ces lignes, j’ai encore sa pesanteur de très typée en bouche. Il évoque des légumes jaunes fumés, des fruits jaunes aux saveurs calmes. L’accord est très brillant. Il se trouve que 1983 est le millésime qui m’a fait connaître Salon, j’en ai bu beaucoup en y trouvant un grand plaisir jusqu’à ce que d’autres millésimes me ravissent plus encore. Le 1983 entre maintenant dans le monde des champagnes anciens. Ce sera intéressant de vérifier comment il évolue.

Le gigot avec un gratin de pommes de terre caressé virilement par de l’ail accueille un Domaine de Terrebrune Bandol rouge 1995. Ce vin apparemment facile est d’une grande délicatesse. C’est l’archétype du vin d’été, avec ses évocations d’olives et de barbes d’artichauts. L’accord se fait bien. Sa fraîcheur est réconfortante.

Une salade de pêches que l’on pousse en prenant de goûteux macarons est trop forte pour accueillir un vin. C’est donc à l’eau, sous une moiteur de nuit chaude que nous discutons à perte de vue, en reconstruisant le monde qui ne nous demande rien. Mon classement : Dom Pérignon 1995, puis Terrebrune 1995 et Salon 1983. Le rideau du sud se baisse sur ce repas amical.

un beau dîner à l’hôtel des Roches mercredi, 26 août 2009

Le lendemain du déjeuner chez Yvan Roux, le jeune ami fidèle m’invite avec mon épouse à dîner au restaurant de Mathias Dandine à l’hôtel des Roches, où il loge. Lorsque nous arrivons sur la belle terrasse en surplomb de la mer, un trio de musiciens interprète avec talent un folklore brésilien et des chants de Claude Nougaro. Jonathan, notre jeune ami, commande un Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1999 sur la suggestion de Mathias, venu bavarder à notre table. Le jaune de la couleur est beaucoup plus frais que celui prononcé du 1990 en magnum que nous avions bu la veille. Le nez est convenable, mais c’est en bouche que le spectacle se joue. Ce champagne est d’une forte personnalité, d’une longueur infiniment plus grande que celle du 1990 et le champagne frais se boit avec un plaisir sans mélange. Nous nous regardons avec Jonathan avec la même pensée : ce 1999 en bouteille est plus grand, tel que nous le buvons, que le 1990 en magnum d’hier. Cela me fend le cœur de l’avouer, tant je fantasmais sur ce rare magnum, mais c’est un fait, ce 1999 est brillant. Mathias nous fait servir des toasts huilés couverts de truffes d’été qui forment avec le champagne un accord que l’on sait brillant. C’est ensuite une cassolette de mozzarella à la truffe d’été qui tire des accents au Clos des Goisses encore plus vibrants que ceux du toast à la truffe. Le champagne est à son aise, beau champagne au grand équilibre.

Nous faisons réfléchir Mathias aux plats qui accompagneront le vin rouge de ce repas. Il suggère langouste puis une daurade « beaux yeux. ». Cela nous paraît justifié.

Nous descendons dans la salle à manger qui ouvre un panorama sur la mer et un ciel qui hésite à enfanter un orage et dont les rares étincelles ne transformeront pas sa colère en fureur aquifère. On nous apporte quatre petits amuse-bouche sur des suggestions de tomate, de céleri à la truffe (accord diabolique), de moule et de je ne sais plus quoi. Vient ensuite, en titre de clin d’œil, une brandade de morue à la truffe d’été qui nous permet d’essayer le vin prévu, un Ermitage « le Pavillon », Chapoutier 1989. Mathias ayant lu beaucoup de mes écrits, ce n’est pas un hasard si cette brandade se présente. Car je l’ai essayée maintes fois sur des vins rouges, pour des accords parfois étonnants. Mon jeune ami, qui a lui aussi lu ces récits, sourit, car l’accord est évident, impérieux et impératif. La brandade fait s’exprimer ce vin d’une rare élégance. J’avais eu peur que le froid dans lequel ce vin ouvert il y a plus de quatre heures a été gardé n’anesthésie son goût, mais le vin ouvre progressivement sa corolle, et force est de constater qu’il s’installe dans la cour des grands. C’est un vin que je n’ai jamais bu, que je découvre avec un grand enthousiasme car le mot qui me vient immédiatement, c’est « élégance ». Il a du charme, du velouté bourgeois, de la simplicité de discours, de la force mais aussi une grande convivialité avec les plats.

L’entrée est une langouste cuite divinement bien avec des tas de petits à-côtés d’une parfaite cohérence. Quand je prêche pour une cuisine « lisible », on est ici au cœur du sujet, car tous les ingrédients s’intègrent dans un goût unique. Les girolles sont diaboliques. Nous convenons tous les trois que ce plat mérite deux étoiles.

La daurade « beaux yeux » a été cuite en croûte de sel. Sur l’assiette, il n’y a que les filets. Pas le moindre petit gramme de persil ou de romarin. Rien. La chair est dans sa nudité totale. Jamais une telle assiette ne serait servie, n’était notre amitié. A côté, un risotto au homard est absolument raffiné, lourd partenaire du riche Rhône. Le plat est lui aussi plus proche de deux étoiles que d’une. Le vin continue d’être riche et joyeux. Un grand vin du Rhône au message très délié et très lisible, qui s’est révélé parfait sur chaque chair, de la langouste et du poisson, avec un naturel confondant.

Il reste quelques gouttes dans nos verres. Je fais un caprice en demandant des madeleines au miel. Elles arrivent toutes tièdes, pour conclure dans la douceur sucrée un magnifique dîner où la complicité avec Mathias a permis de créer des accords vibrants pour mettre en valeur un bien bel Ermitage.