La Paulée de Meursault, débauche et générosité lundi, 16 novembre 2009

La 77ème édition de la Paulée de Meursault se tient au château de Meursault. Dans deux salles immenses, pas moins de 765 personnes serrées comme des sardines vont participer à un déjeuner pantagruélique placé sous le double signe de la générosité et de la démesure. Nous nous sommes mis à table à 12h30, et quand je suis parti à 18h20, j’étais l’un des premiers à quitter les lieux. Jusqu’à quand dura cette spectaculaire profusion de vins, je ne le sais pas.

J’étais invité par la maison Bouchard Père & Fils, et l’on m’avait suggéré d’apporter une ou deux bouteilles. J’en avais pris sept avec moi, pensant choisir sur place ce que j’ouvrirais. Mais dans la chaleur communicative de ce banquet, emporté par l’élan, j’ai ouvert mes sept bouteilles. Et je n’étais pas le seul, car à notre table, un groupe de huit anglais invités par une gazette locale n’arrêtaient pas de puiser dans des sacs sans fond des vins de haute qualité que nous avons échangés avec eux, puisque c’est le principe de la Paulée. Nous sommes assaillis de vins. Je vais en citer, donner parfois un commentaire, sachant que je vais sans doute en oublier la moitié.

A tout seigneur tout honneur, voici les vins de mon hôte, la maison Bouchard Père & Fils. Le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1997 qui montre déjà des signes de maturité et un beau fumé. Le Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2005 d’une magnifique jeunesse. Le Volnay Caillerets Bouchard Père & Fils 1989 et le Beaune Grèves Vignes de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1999, et enfin en magnum, le sublime « Le Corton » Bouchard Père et Fils 1959, un infini régal. Mes vins : un Chambertin Charles Viénot 1934 qui comme plusieurs de mes vins a souffert du voyage puisque son bouchon est tombé. Il m’a fait peur, mais ce fut un vin d’une rare élégance, apprécié de tout notre petit groupe et ailleurs, puisque j’allais offrir mes vins à d’autres tables. Un Chambolle-Musigny Louis Grivot 1949 absolument extraordinaire de vivacité et de charme. Un Corton Charlemagne Louis Affre daté entre 1959 et 1964 par Jean-François Coche Dury qui l’a beaucoup aimé. Un Chambolle-Musigny Domaine Grivelet 1949 affreusement mort, un Bourgogne Louis Max 1949 absolument charmant, terriblement simple mais très charmant, un Volnay Les Caillerets Félix Clerget 1971 délicieux et merveilleusement bourguignon et le plus beau de tous, un Chambertin Clos de Bèze d’un propriétaire au nom illisible installé à Barsac en Gironde de 1945, vin éblouissant de sérénité et d’équilibre. Je n’imaginais pas ouvrir autant, mais la générosité était à toutes les tables.

Voici en outre ce que j’ai goûté, venant de gauche, de droite, arrivant dans le désordre le plus absolu, mais on s’y habitue. Champagne demi-sec Grumier- Andry sans doute des années 50, délicieux à l’attaque mais trop pruneau au final, un Chevalier-Montrachet Louis Jadot les Demoiselles 2004, très beau, Meursault les Meix Chavaux Roulot 2002, Meursault Charmes en magnum Roulot 2006, Volnay Fremiet Clos de la Rougeotte Bouchard Père & Fils 1934 au niveau très bas qui, au-delà de belles évocations, souffrait d’un aspect torréfié lié à la baisse de niveau. Un Beaune Clos des Mouches en double magnum Joseph Drouhin 2006 très bon, très pur, très très bon. Un Bourgogne Coche Dury 2004 d’une puissance incroyable, un Meursault Charmes Comtes Lafon 1992 au sommet de son art, superbe vin riche, opulent. Un Meursault Bouchères Roulot 2007 très beau dans sa jeunesse. Un Corton Charlemagne Coche-Dury 1992 dont Jean-François Coche-Dury conviendra avec moi qu’il est dans une phase de repli, un Meursault Chevalières Coche-Dury 1996 absolument énorme, un Clos de la Roche Coquard-Loison-Fleurot 1989 très fruité mais court, un Meursault Genévrières Comtes Lafon 1996 très bon que j’ai aimé.

Un Vosne-Romanée les Suchots Charles Noëllat 1972 de nos amis anglais absolument splendide, un Meursault Goutte d’or Bouzereau 1998 très fruité, un Echézeaux Méo-Camuzet 2007 très beau même dans l’infanticide, un Volnay Villages Bouchard Père & Fils 1964 ne venant pas de la cave de Bouchard, une Côte Rôtie Côte Brune Jamet 1991 magnifique, un Vosne Romanée les Charmes Méo Camuzet 2000 prometteur.

Un Château-Chalon Denis Bury 1990 plaisant comme ce vin oxydatif sait l’être, un Monbazillac 1957 joliment fruité et ayant mangé son sucre, apporté, comme le champagne du début, par Sébastien, le magicien amateur de vieux vins avec qui j’avais partagé un dîner de vins anciens au château de Beaune. Une femme nous apporte une bouteille de verre blanc de forme champenoise, qu’elle retourne, et dans le liquide rose pétillant, des confettis d’or envahissent l’espace. Il s’agit d’un Crémant « Côte Or » rosé, au goût plaisant.

C’est lorsque la charmante fille d’Andrée Médeville m’a versé Château Gilette 1983 puis Château Gilette 1975 sublime que j’ai décidé que tout pouvait s’arrêter sur ce point d’orgue.

Je suis allé papillonner ici et là avec mes vieux flacons, tentant de convaincre Dominique Lafon, Alix de Montille épouse Roulot ou Pierre Arditi. J’étais en terrain plus conquis avec Philippe Bourguignon, Eric Beaumard ou Jean-François Coche-Dury qui me confia que son grand-père n’avait jamais raté une seule Paulée et que lui-même les avait quasiment toutes faites, tant cet événement bourguignon compte entre les vignerons. Le pauvre Jean-François, si l’on peut dire, connu de tous, assailli de toutes parts, à qui chacun voulait faire apprécier son vin par ce sage de la Bourgogne a dû avaler des quantités infinies de vins de toutes couleurs à un rythme insoutenable.

Comme à la Confrérie du Tastevin au château de Clos-Vougeot le service à table est impeccable. Le menu copieux est fort bon. Le repas a été ponctué de discours, dont celui un peu bizarre du président de la Paulée, Gérard Oberlé, qui vanta ses excès alors qu’il est un rescapé médical. Les chansons bourguignonnes ajoutent au brouhaha sympathique.

Cette Paulée est un événement de pure générosité, où chacun ouvre les flacons qu’il aime et tient à les partager. Tout le monde discute avec tout le monde dans une ambiance d’amitié. On comprend en y participant pourquoi les bourguignons y sont autant attachés.

La Paulée de Meursault – photos lundi, 16 novembre 2009

Les salles où 765 personnes vont partager des vins

Volnay Fremiets Clos de la Rougeotte Bouchard Père & Fils 1934

Chambertin Charles Viénot 1934

Bourgogne Coche Dury 2004

Chambolle-Musigny Louis Grivot 1949 (le millésime est connu par les autres bouteilles que j’ai de ce vin)

Champagne demi-sec Grumier- Andry sans doute des années 50

Pendant ce temps, se déroulait le repas

Beaune Clos des Mouches en double magnum Joseph Drouhin 2006

Corton Charlemagne Louis Affre daté entre 1959 et 1964

Meursault Charmes Comtes Lafon 1992

Meursault les Meix Chavaux Roulot 2002

Château-Chalon Denis Bury 1990

Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 2005

Chambolle-Musigny Domaine Grivelet 1949

Meursault Chevalières Coche-Dury 1996

Volnay Clos de la Barre Louis Jadot 1997

Vosne-Romanée les Suchots Charles Noëllat 1972

« Le Corton » Bouchard Père et Fils 1959

Clos de Vougeot Marc Rougeot-Dupin 2005

Volnay Caillerets Félix Clerget 1971

Bourgogne Louis Max 1949

déjeuner de famille à la maison dimanche, 15 novembre 2009

La salle à manger attend les enfants

Champagne Dom Pérignon 1964

Hermitage Chevalier de Sterimberg Jaboulet Aîné 2005

Chateauneuf-du-pape Vieux Télégraphe 1999

Gevrey-Chambertin Clair Daü 1961

Champagne Dom Ruinart rosé 1990

les vins alignés

coquilles Saint-Jacques

la viande fondante

les diaboliques madeleines de ma femme, selon la recette de l’Astrance

repas de famille avec de beaux vins dimanche, 15 novembre 2009

Cela faisait longtemps qu’enfants et petits-enfants n’avaient pas envahi notre maison de leurs rires et de leurs cris de joie. Après mes escapades américaines, il fallait combler ce vide. Ma femme a prévu de nous servir une rillette de thon, des coquilles Saint-Jacques juste poêlées, un gigot de sept heures avec une purée de patate douce, des dés de coings et une petite compote de coing, deux camemberts et un dessert aux pommes poêlées au caramel léger. J’avais pris l’habitude de profiter des repas de famille pour ouvrir des bouteilles en danger et depuis quelques mois, il m’était apparu que mes enfants méritaient des bouteilles ingambes. Aussi mon choix inclut-il les deux.

Dans une vente aux enchères récente, j’avais acquis deux bouteilles de Dom Pérignon 1964 sans les avoir vues. L’une d’elle est très basse ce qui m’a contrarié. Cette bouteille est donc le premier vin du repas, sachant qu’il y a bien sûr une solution de secours. Le muselet n’est pas fermé comme il le devrait et la fine feuille de métal qui entoure le haut de la bouteille a complètement disparu du pourtour du bouchon. Je peux aisément imaginer que quelqu’un a voulu ouvrir cette bouteille dans le passé et a stoppé son geste avant de toucher au bouchon. Il n’y a heureusement aucune conséquence néfaste si l’on excepte la baisse de niveau, et le bouchon que j’extrais provoque un pschitt léger mais rassurant. La bulle du Champagne Dom Pérignon 1964 est faible mais existe. La couleur est d’un rose isabelle, plutôt sympathique. Le nez est joyeux et évoque les fruits jaunes et blancs comme les pêches. En bouche l’attaque est d’une amertume sympathique, puis la complexité prend le dessus, et nous sommes de plain-pied dans les champagnes anciens, aux plaisirs secrets. Mon fils, mon gendre et moi sommes tout à fait sur la longueur d’onde de ces goûts exotiques, étranges et non conventionnels. Nous en jouissons avec un contentement raffiné. La rillette de thon réagit bien sur ce champagne, exhaussant son fruité.

Nous passons à table et mon gendre a préparé lorsqu’il est arrivé une cassolette de cèpes fraîchement cueillis par un de ses voisins. L’ail est juste suggéré, laissant profiter de la tendreté du la chair goûteuse de l’épais bolet. L’ Hermitage blanc Chevalier de Sterimberg Paul Jaboulet Aîné 2005 est exactement ce qu’il faut pour assurer une continuité gustative parfaite. J’adore ce vin. D’un délicat fumé, il est d’une structure forte, d’une juteuse sérénité. Plus le temps avance et plus le charme de ce vin simple mais direct m’enchante. La combinaison est parfaite. Avec les coquilles Saint-Jacques cuites à la perfection, le vin se sent bien, mais la vibration n’est pas la même, plus convenue que celle des champignons. Je ne boude pas mon plaisir avec ce vin au naturel charmant.

Sur le gigot qui se sert à la cuiller, les Ginette ont leur vin. Les hommes se partagent un Gevrey-Chambertin Clos-Saint-Jacques Domaine Clair-Daü 1961. Peut-on imaginer plus bourguignon que ce vin généreux, servi par une immense année. D’un niveau parfait dans la bouteille, d’un parfum le plus pur, ce vin a la râpe bourguignonne, la légère amertume que j’adore, une force alcoolique certain, et offre un plaisir qui ne se divise pas. La chair du gigot accompagne très bien, l’âpreté du coing excite celle du vin, mais c’est paradoxalement sur la patate douce que le vin se trouve propulsé encore plus haut dans l’échelle du plaisir. Nous n’allions ignorer le Ginette’s club plus longtemps. Le Chateauneuf-du-Pape Vieux Télégraphe 1999 est un vin joyeux, rassurant, au beau fruité plein de jeunesse. Mais il vit mal le retour au Gevrey-Chambertin dont la complexité est trop supérieure. On profite cependant du vin du Rhône sans restriction, car il faut le prendre comme il est, naturel, joyeux et sans complexe.

Mon gendre qui avait quelque chose à fêter a apporté un Champagne Dom Ruinart rosé 1990. D’une couleur de pêche jaune rose, ce champagne est un vrai bonheur, qui combine la complexité et la facilité. D’une bulle très active, il trouve un joli partenaire dans les tranches d’une pomme à peine acide, cuites à l’extérieur mais crues à l’intérieur.

De ce repas joyeux je retiendrai deux vins, le Gevrey-Chambertin d’un équilibre bourguignon idéal et l’Hermitage blanc, gorgé de vie, de saveurs irisées, joyeux d’être jeune. Mais la palme est évidemment décernée à la chaleur de l’affection familiale.

photos vendredi, 13 novembre 2009

Un lecteur fidèle du blog me reproche l’absence de photos sur maintenant plus d’un mois.

Je suis extrêmement en retard, et ce n’est pas le voyage à Los Angeles qui me fera rattraper ce déficit.

Le jour venu, il vous faudra lire plusieurs pages en arrière pour retrouver les photos qui agrémentent les textes.

Désolé pour ce retard et mille excuses.

prix Edmond de Rothschild, prix Nadine de Rothschild jeudi, 12 novembre 2009

Ce 12 novembre sont décernés le 12ème prix Edmond de Rothschild et le 2ème prix Nadine de Rothschild couronnant des ouvrages qui mettent en valeur le vin. J’ai l’honneur d’être membre du jury qui décerne les deux prix.

Au très beau domicile de Nadine de Rothschild se pressent ses amis, la presse et des personnes qui comptent dans le monde du vin. C’est bien sûr pour la maîtresse de maison, pour la qualité du buffet, mais c’est aussi pour honorer trois femmes, lauréates de ces deux prix.

Le prix Edmond est remis à Sophie Brissaud pour son livre "Grands Crus Classés, grands chefs étoilés" aux éditions La Martinière.

Le prix Nadine est remis à Corinne Lefort et Karine Valentin pour un petit livre tout frais et mignon : "Grands Palais, 2500 ans de passion du vin" aux éditions Idées Claires.

Les ouvrages qui avaient été choisis pour concourir étaient particulièrement brillants cette année. Le vin reste une matière qui inspire de beaux livres. Le plus documenté de tous est celui de Jean-Robert Pitte aux éditions Fayard : "Le désir du vin à la conquête du monde".

déjeuner avec une coréenne Master of Wine aux Caves Legrand jeudi, 12 novembre 2009

Un des plus grands cavistes de Paris m’appelle. Une jeune coréenne vivant à Hong-Kong, première femme d’origine asiatique ayant obtenu le prestigieux diplôme de « Master of Wine », cherche à rencontrer « le » collectionneur français spécialisé dans les vins anciens dont elle a entendu parler à Hong-Kong. Le caviste me propose de déjeuner avec elle. Je dis oui. Jeannie a écrit un livre sur les vins « Asian Palate » et se spécialise sur les accords des vins avec la cuisine asiatique. Elle voudrait explorer les vins anciens avec les cuisines de l’Orient. C’est un sujet qui ne peut que m’intéresser car j’ai en mémoire que lorsque Joël Robuchon a fait une pause sabbatique en abandonnant ses trois étoiles d’alors, il avait passé son nouveau temps libre à explorer les infinies possibilités de la cuisine chinoise où il a puisé de nouvelles sources d’inspiration. Trouver de nouveaux champs d’expérimentation pour les vins anciens ne peut que m’exciter.

Dans la salle de la cave où l’on grignote, nous prenons un persillé aux lentilles et un mini plateau de fromages. C’est amplement suffisant. L’ami caviste nous fait boire trois vins à l’aveugle. Le premier est doux d’approche, agréable et juteux, et ce qui me plait, c’est qu’il n’en fait pas trop. C’est un Coteaux du Languedoc Domaine de la Marfée, les champs murmurés Thierry Hasard 2005. Disons-le tout net, j’ai beaucoup aimé, car c’est franc, facile à boire, sans chichi et sans fausse note.

Ce n’est pas le cas du vin suivant : Marius, vin de pays des Côtes Catalanes 2005 qui titre 14,5°. Il a en lui tout ce modernisme auquel j’ai un mal fou à me faire. Jeannie dit : « cooked ». Ce vin a, pour elle, un fruit complètement brûlé, cuit, éteint. Elle non plus ne l’aime pas, ce qui doit venir d’un problème de bouteille, car le vigneron qui le fait n’est pas connu pour mal faire.

La belle surprise, c’est le vin Peyre Rose Oro, Coteaux du Languedoc blanc 1996 de Marlène Soria, une magicienne du vin. Ce vin d’une couleur inspirée par le nom, virant vers le rose, est assez fumé, avec des notes oxydatives qui évoquent le Jura ou un vin de Bourgogne ayant prématurément mûri. Mais ce vin bien sec, d’une forte personnalité se boit avec un plaisir certain. Je le trouve parfait, car il joue juste. Deux bonnes pioches, c’est un score excellent. Je suis ravi de ces découvertes. Nous avons bâti avec Jeannie des pistes de travail. Des pistes de goûts nouvelles, voilà qui excite le palais et le cortex.

Mes coups de cœur à Los Angeles mercredi, 11 novembre 2009

Essayant de mettre de l’ordre dans ma mémoire voici quelle pourrait être aujourd’hui la synthèse de mes coups de cœur de ce voyage à Los Angeles :

Les vins qui constituent une divine surprise et un divin plaisir :

Meursault Perrières Comtes Lafon 1989 / Veuve Clicquot 1949 / Montrachet Ramonet 1989

Les vins que je connaissais et qui sont d’une perfection absolue :

Yquem 1959 / Montrachet DRC 1999 / Latour 1959 / Pétrus 1989

Les vins qui m’ont donné un plaisir immense :

Lafite 1959 / Latour 1929 / Salon 1996 / Hermitage La Chapelle Jaboulet 1959 / La Tâche DRC 1989 / Bonnes-Mares Roumier 1959 / La Tâche DRC 1949 / La Romanée Liger Belair 1949

déjeuner au Spago Beverly Hills – photos dimanche, 8 novembre 2009

Le dernier repas à Los Angeles, un déjeuner, se tient au restaurant Spago.

Les verres préparés

Les verres se remplissent

Le champ de bataille

Champagne Laurent Perrier brut LP ss A

Clos Vougeot (Arnoux) 1929

Clos Vougeot (Boyer) 1929

Clos Vougeot (Faiveley) 1929

Chambertin (Leroy) 1949

Clos des Cortons (Faiveley) 1949

Corton Grancey (Latour) 1949

La Romanee (Liger-Belair) 1949

La Tache (DRC) 1949

Musigny (Liger-Belair) 1949

Musigny (Leroy) 1949

Musigny (Vogue) 1949

Bonnes Mares (Roumier) 1959

Chambertin (Leroy) 1959

Clos Vougeot (Bouchard) 1959

La Romanee (Leroy) 1959

La Tache (DRC) 1959

Musigny (Leroy) 1959

MUSIGNY (Vogue) 1959

La Grande Rue (Lamarche) 1959

Echezeaux (Jayer) 1989

La Tache (DRC) 1989

Le menu composé par Wolfgang Puck et son équipe est le suivant :

Wild Alaskan salmon, braised cabbage, confit bacon, pinot reduction and wild huckleberries

Risotto, first of the season white truffles

wood oven roasted breats of Scottish pheasant, duxelle of porcini mushrooms and black walnuts, shepherd’s pie with braised leg and parsnip puree

selection of artisanal cheeses, toasted walnut bread

sweet potato sticky bun, candied walnuts and bliss maple syrup sorbet.

Le chef et Bipin Desai

Quel contraste : je suis à l’aéroport, dans un café, et je prends un café insipide avec une tarte posées sur un papier !

23 bourgognes de légende au restaurant Spago dimanche, 8 novembre 2009

Le dernier repas, un déjeuner, se tient au restaurant Spago, comme le premier repas. Les hors d’œuvre se dégustent sur un champagne Laurent Perrier que j’apprécie plus que le premier jour, alors que c’est le même : hamachi ceviche with chili and yuzu citrus / duck liver mousse on pear and golden raisin tartelette / crouton with sturgeon mousse and Santa Barbara zea urchin / prosciutto di Parma pizza.

Le menu composé par Wolfgang Puck et son équipe est le suivant : Wild Alaskan salmon, braised cabbage, confit bacon, pinot reduction and wild huckleberries / Risotto, first of the season white truffles / wood oven roasted breats of Scottish pheasant, duxelle of porcini mushrooms and black walnuts, shepherd’s pie with braised leg and parsnip puree / selection of artisanal cheeses, toasted walnut bread / sweet potato sticky bun, candied walnuts and bliss maple syrup sorbet.

La première série démarre fort, car nous avons dix vins devant nous : Clos Vougeot Arnoux 1929, Clos Vougeot Boyer 1929, Clos Vougeot Faiveley 1929, Corton-Bressandes Yard 1929, Charmes-Chambertin Boyer 1929, Corton Grancey Latour 1949, Clos des Cortons Faiveley 1949, Clos de Vougeot Liger-Belair 1949, La Grande Rue Lamarche 1959, Clos Vougeot Bouchard 1959. Comme les vins ont – c’est une constante – été ouverts beaucoup trop tard, je vais progresser dans la connaissance de ces vins qui évoluent en permanence. Ces notes montrent mon cheminement.

Les nez des cinq vins de 1929 sont tous très engageants. Je goûte les vins sans plat. Le Clos Vougeot Arnoux 1929 est incroyablement fruité et délicat, très pêche de vigne. Le final est épicé. C’est un très grand vin qui parait fatigué mais ne l’est pas. Il vient juste d’être réveillé. Le Clos Vougeot Boyer 1929 a une attaque plus fatiguée et un final un peu amer tendant vers le thé. Le Clos Vougeot Faiveley 1929 fait âgé, mais il exprime quand même ce qu’est un grand vin. Le Corton-Bressandes Yard 1929 est très riche, plus plein. C’est un grand vin, pur, strict, très peu fruité, doté d’un beau final. Le Charmes-Chambertin Boyer 1929 est beaucoup plus doux que les autres. Il est charmant. Il a peu d’ampleur mais un final passionnant. C’est un très grand vin. Le Corton Grancey Latour 1949 a une attaque moyenne mais se place bien en bouche. On ne sent pas qu’il est de vingt ans plus jeune, ce qui est tout à l’honneur des 1929. Son final est poivré. Le Clos des Cortons Faiveley 1949 est bouchonné et déstructuré. Quelle ne sera pas ma surprise quand certains diront l’avoir aimé ! Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 a un nez superbe. En bouche il est acide, amer, ce qui masque le message du vin fatigué. Il faut évidemment que je me méfie, car ces vins sont en phase de retour à la vie. La Grande Rue Lamarche 1959 est très doucereux, au final amer. Le vin est assez simple, et assez plaisant à boire. Le Clos Vougeot Bouchard 1959 a la plus jeune des couleurs. Son attaque paraît un peu fatiguée, mais il a une très belle trame. C’est le plus vivace de tous.

Je refais un tour. Le Clos Vougeot Arnoux 1929 est adorable malgré ses signes d’âge. On sent la framboise, signe d’évolution, mais c’est un bon vin. Le Clos Vougeot Boyer 1929 est un très bon vin, riche, jeune, au-delà de ses traces d’âge. Le Clos Vougeot Faiveley 1929 est assez fatigué, vin moyen. Le Corton-Bressandes Yard 1929 est vivant et très agréable. Le Charmes-Chambertin Boyer 1929 est pur, clair, c’est un grand vin, peut-être le plus jeune des 1929. C’est alors que le plat arrive, qui va évidemment donner un coup de fouet aux vins. Le Corton Grancey Latour 1949 devient donc charmant. Le Clos des Cortons Faiveley 1949 est toujours mort. Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 n’est pas parfait, un peu fluide.

Les 1929 sont nettement meilleurs que les 1949. La Grande Rue Lamarche 1959 est nettement meilleur avec le temps et avec le plat. C’est un grand vin même s’il n’a pas une trame extrême. Il est très séducteur et velouté. Le Clos Vougeot Bouchard 1959 est meilleur que La Grande Rue Lamarche 1959. C’est le vin le plus fringant et joyeux.

Je commence à classer, mais je change tout le temps car les vins s’éveillent. Ça commence par Le Clos Vougeot Bouchard 1959, Le Charmes-Chambertin Boyer 1929, Le Corton-Bressandes Yard 1929, La Grande Rue Lamarche 1959, Le Corton Grancey Latour 1949, Le Clos Vougeot Boyer 1929 et Le Clos Vougeot Arnoux 1929. Puis je change les quatre premiers, mais j’y reviens. Le Corton Grancey Latour 1949 passe devant La Grande Rue Lamarche 1959. Au final j’intervertirai les deux premiers pour classer ainsi : 1 – Le Charmes-Chambertin Boyer 1929, 2 – Le Clos Vougeot Bouchard 1959, 3 – Le Corton-Bressandes Yard 1929, 4 – Le Corton Grancey Latour 1949, 5 – La Grande Rue Lamarche 1959, 6 – Le Clos Vougeot Boyer 1929, 7 – Le Clos de Vougeot Liger-Belair 1949 et 8 – Le Clos Vougeot Arnoux 1929. Ce classement est forcément indécis car les vins changent tout le temps. Le Corton Grancey 1949 ne cesse de s’améliorer. Pour cette session, les Boyer se comportent nettement mieux que les Liger-Belair. Mais on n’en fera pas une règle. Le Bouchard semble se fatiguer, le Yard s’améliore. Bipin m’indique que le Louis Latour a été pasteurisé et que le Bouchard a été reconditionné. Ce qu’il faut retenir, c’est la belle leçon que donnent les 1929, qui sont souvent apparus plus jeunes que les 1949 et les 1959. Quelle chance que d’avoir eu ces vins à déguster ! L’accord de tous les vins avec le saumon a été parfait.

La deuxième série contient du lourd. Il y a « seulement » cinq vins, tous de 1959, mais quels vins ! La Tâche DRC 1959, Musigny Leroy 1959, Musigny Voguë 1959, Bonnes-Mares Roumier 1959, Chambertin Leroy 1959. La couleur la plus jeune est celle du Voguë et la plus tuilée celle de La Tâche. Il est illusoire de juger des parfums des vins qui viennent d’être ouverts il y a moins de dix minutes. Les plus beaux nez sont à ce stade ceux du Roumier et du Musigny Leroy. L’examen commence sans plat.

Le Chambertin Leroy 1959 est un peu fatigué. L’alcool ressort. Il y a une belle épice. Le final est un peu coincé mais complexe. Le Bonnes-Mares Roumier 1959 est un vin qui me fait dire : « wow ». Quel vin ! Si l’on me disait qu’il est de 1990, je le croirais. Il est d’une pureté rare. Epicé, charnu, fruité, il a un final un peu serré et moins brillant que son attaque. Le Musigny Comte de Voguë 1959 est lui aussi un vin immense. C’est la pureté absolue. On est dans le grandiose. Son final est meilleur que celui du Roumier. C’est un bourgogne parfait.

La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1959 est le plus complexe de tous. Il est plus interlope, plus interpellant. Pour mon palais il a un côté canaille et salin que j’adore dans les vins de la Romanée-Conti. Le Musigny Leroy 1959 me fait penser que l’on va de mieux en mieux, car ce vin est d’une richesse et d’une perfection absolues. Comment différencier des vins aussi beaux ? Je classe en fait les vins dans l’ordre inverse de leur dégustation. Est-ce l’effet de l’épanouissement dans le verre de vins ouverts au dernier moment ? Pas seulement. Je reviens à chaque vin et Le Musigny Leroy confirme son équilibre, sa générosité et une perfection absolue. Le Musigny Voguë est d’une précision parfaite, un peu moins ample que le Leroy. La Tâche évolue vers un goût de Porto qui me déplait. Le Bonnes Marres a le plus beau fruité. J’hésite longtemps entre le 5ème dégusté et le 2ème pour finir ainsi : 1 – Bonnes-Mares Roumier 1959, 2 – Musigny Leroy 1959, 3 – Musigny Comte de Voguë 1959, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1959, 5 – Chambertin Leroy 1959. Mais les vins continuent à évoluer dans leurs verres. Quand j’ai entendu que certains mettaient le Chambertin Leroy en premier, je n’arrivais pas à y croire.

La troisième série comprend six vins de 1949 : Chambertin Leroy 1949, La Romanée Liger-Belair 1949, La Tache DRC 1949, Musigny Liger-Belair 1949, Musigny Leroy 1949 et Musigny Voguë 1949.

Le nez de La Tâche est parfait. Va-t-il tenir ? Je commence par goûter ceux dont les nez sont difficiles. Le Chambertin Leroy 1949 a un léger parfum de gibier. En bouche, l’attaque est agréable, mais le final où se retrouve un goût de gibier limite le plaisir. C’est un vin moyen. Le Musigny Comte de Voguë 1949 a un nez fatigué. La bouche est agréable. Il n’a aucun fruit. C’est un vin simplifié mais dont le final est agréable. Je dirais que c’est un vin vieux, la limite de mes remarques étant liée à cette malheureuse ouverture tardive. Le Musigny Liger-Belair 1949 est riche et bien épanoui. Son final est intéressant, avec une amertume bourguignonne que j’adore. La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949 a un palais assez peu équilibré. Le vin n’est pas ouvert mais on sent sa promesse et sa grande race. Le Musigny Leroy 1949 a une bouche normale, sans réelle tendance marquée. On sent légèrement son alcool. Le final est très élégant de fruit et de rose fanée. La Romanée Liger-Belair 1949 est très riche. S’il y a un léger défaut, cela n’enlève rien à son plaisir et à son final bien solide. Malgré tout, il ne donne pas encore beaucoup d’émotion.

J’ai l’impression que le match va se jouer entre La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949 et le Musigny Liger-Belair 1949 qui ont des similitudes dans leurs amertumes bourguignonnes. La Tâche commençant à évoluer vers le Porto comme l’avait fait le 1959, c’est le Liger Belair qui va gagner. Mais le plat arrive et redistribue les cartes. Le Voguë s’épanouit, La Tâche développe des arômes de roses, la Romanée se structure de façon spectaculaire. Mon classement bouge encore pour se fixer à : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1949, 2 – La Romanée Liger-Belair 1949, 3 – Musigny Leroy 1949, 4 – Musigny Liger-Belair 1949, 5 – Musigny Voguë 1949, 6 – Chambertin Leroy 1949.

Je me suis amusé à comparer les deux Chambertin Leroy 1949 et 1959 et les deux La Tâche 1949 et 1959. Dans les deux cas, la typicité du domaine se retrouve quasiment à l’identique et les déviations, des Leroy vers le gibier et des La Tâche vers le porto se reproduisent d’une égale façon.

Nous finissons le repas sur deux vins de majesté : Echézeaux Henri Jayer 1989, La Tache DRC 1989. La couleur a plus belle est chez Jayer. Le plus beau nez est à La Tâche. L’Echézeaux Henri Jayer 1989 est d’une richesse de fruit spectaculaire. Sa pureté est incomparable. La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 1989 a la typicité du domaine. L’alcool est là, mais aussi la complexité, la virilité et la salinité. Les deux vins sont très différents, le Jayer très généreux et le DRC moins conventionnel, ce qui me plait plus. Le Jayer est la simplicité naturelle, La Tâche, c’est la complexité terrienne. C’est elle que je préfère est c’est pour moi le plus grand vin de ce jour merveilleux.

Une remarque me tient à cœur. Au repas des Bordeaux rouges, j’ai vu le sommelier vider les fonds de bouteilles dans un verre unique, où ils se mélangent, qui sera mis à l’évier. Une telle attitude me révolte. Aussi le lendemain, avec une diplomatie matoise, je suis allé lui dire que s’il y a des fonds de bouteilles, j’aimerais bien les boire, plutôt que de les voir jetés. Rien n’est venu jusqu’à moi. N’ayant aucune illusion sur la possibilité d’influencer le cours des choses, je regrette que pour beaucoup de vins, nous n’avons goûté, pour des vins sublimes, que la moitié de ce qu’ils ont à dire. Mais la moitié fut si belle que j’ai encore l’émerveillement d’un enfant gâté. En trois jours, tant de vins historiques, c’est fou.