Deux jours à Bordeaux pendant la semaine des primeurs jeudi, 7 avril 2011

Le château d’Yquem fait goûter son dernier millésime, au début du mois d’avril, pendant la célèbre semaine des primeurs où tous les journalistes mondiaux du vin et les très grands acheteurs viennent découvrir le nouveau-né, encore dans ses langes. Ayant manqué l’invitation d’Yquem plusieurs années, je réponds que je viendrai. Pour que l’aller et retour de Paris à Bordeaux vaille la peine, je greffe deux ou trois événements, et me voilà parti.

1 – dégustation chez Jean-Luc Thunevin à Saint-Emilion

A peine ai-je garé la voiture de location dans Saint-Emilion qu’un policier municipal photographie la plaque minéralogique, et quand je lui dis que je m’en vais, il me menace de lourds procès-verbaux car je suis garé dans le sens opposé au sens unique improvisé pendant la période des primeurs. C’est qu’on ne rigole pas ici, tant les foules sont nombreuses.

Ma première visite est chez Jean-Luc Thunevin et son épouse, les propriétaires du célèbre château Valandraud, qui font goûter les vins de très nombreux vignerons de toutes régions. A peine ai-je franchi la porte du jardin, je vois François Mauss, président du Grand Jury Européen qui organise des dégustations comparatives qui font couler beaucoup d’encre, en discussion avec Hervé Bizeul, un truculent vigneron du Languedoc-Roussillon qui connaît un grand succès avec ses vins. Il se trouve que nous nous sommes assez souvent empoignés tous les trois sur un forum de vin, aussi décidons-nous d’immortaliser notre rencontre.

N’étant pas un spécialiste des vins jeunes, les commentaires qui vont suivre sont surtout des flashes, des impressions instantanées, sans prétention de donner un avis sur le devenir de vins si jeunes, ni de vouloir les hiérarchiser.

Ma première dégustation est celle des Meursault 2009 du domaine Buisson-Charles, Les Tessons, Les Cras, Bouches Chères, Les Charmes et Goutte d’Or. Très différents, ils sont tous prometteurs. Etant sur les vins blancs, je poursuis avec Château Pape Clément blanc 2010, au nez de Graves qui suggère le citron et les fleurs blanches, vin qui donne en bouche l’impression de sucer une feuille de cassis, et offre un très grand fruité. Le Château Fombrauge blanc 2010 est plus calme mais il évoque aussi le cassis en feuille.

C’est maintenant le tour des rouges. Le Rol Valentin 2010 me cueille par un uppercut, car c’est une bombe de cassis, mais cette fois en fruit. Par comparaison le Château Rollan de By 2010 bu juste après fait très élégant, même s’il a beaucoup de fruit. Le Château Haut-Condissas 2010 fait plus strict et moins élégant que le Rollan de By, alors que la hiérarchie entre les deux peut différer.

Le Château La Couspaude 2010 est dans le même style de vin que Rol-Valentin, bombe de fruits. J’ai toutefois l’impression que La Couspaude vieillira bien. Bu juste après celui-ci, le Château La Dominique 2010 fait beaucoup plus classique, calme, et je note que c’est du vin et pas du jus de fruit.

Le Château Destieu 2010 est très fermé et strict. Je pense qu’il sera beau, mais il est sévère aujourd’hui. Le Château Petit Gravet Aîné 2010 est très élégant et je l’adore, parce que ça, c’est du vin ! Le Clos Saint-Julien 2010 est très bon mais très actuel, plus moderne que le Petit Gravet.

Le Château Haut-Carles Fronsac 2010 est très gourmand et bien fait. Le Château Mauriane, Puisseguin Saint-Emilion 2010 est vraiment très riche. Il est surpuissant pour son appellation. Le Château Faugères 2010 est très élégant. C’est un de ceux que je préfère.

Je suis maintenant "happé" par Hervé Bizeul qui me fait goûter tous ses vins présents. Les Sorcières du Clos des Fées, Côtes du Roussillon 2010 montre après les bordeaux une élégance toute particulière. Il a du charme et il est très bien fait. Le Clos des Fées Vieilles Vignes Côtes du Roussillon Villages 2010 est plus structuré avec un beau fruit. Il est plus noble, mais moins charmeur que les sorcières. Le Clos des Fées Hervé Bizeul 2010 est beau, mais il ne s’est pas encore orienté dans une direction gustative affirmée. En le goûtant à nouveau, je trouve qu’il est gourmand. La Petite Sibérie 2010, le vin phare du vigneron est plus rêche, plus en retenue, plus vert. Il râpe en bouche, mais il promet sacrément. Viennent ensuite des exercices de style du vigneron, avec des noms qui ne manquent pas de poésie, même si je ne suis pas très favorable aux noms qui sont des professions de foi. "Images Dérisoires" 2010 est un tempranillo. Le vin est curieux, très créatif. Il est riche et il faudra attendre encore plusieurs mois avant qu’il ne se découvre. "Un faune avec son fifre" 2010 est beaucoup plus plaisant et joyeux. Je l’aime comme il est en ce moment. Le "de battre mon cœur s’est arrêté" 2010 est très original et non conventionnel. On sent qu’Hervé s’est fait plaisir.

Arrive maintenant le temps du déjeuner sous un soleil de plomb. Le thermomètre dépassera les 30° pendant mon séjour, alors que ce matin, selon un collaborateur de Cheval Blanc, il y avait eu de la gelée blanche ! Du jambon espagnol délicieux et une terrine superbe sont très bien accompagnés par le Meursaut Goutte d’Or Buisson-Charles 2009. Avec un club sandwich au homard, je tente le Château Pape Clément blanc 2010 et je constate à quel point il est gastronomique. Il a tout ce que j’aime dans les Graves blancs.

2 – visite au château Cheval Blanc

Je veux quitter cette belle assemblée sans attendre la suite du repas, dont une jolie viande et Mireille me conduit en cuisine pour que je chaparde de belles tranches avant de partir. C’est que j’ai un rendez-vous secret avec une personne dont je dévalise la cave à chaque visite. Aujourd’hui j’achète deux 1900, deux 1921 et quatre 1929. Je n’en dis pas plus car c’est ma source secrète. De retour à ma voiture, je constate qu’en plein soleil, elle est devenue une fournaise. Or j’ai deux vins prévus pour le dîner. J’ai bien peur qu’ils ne soient cuits. Après men rendez-vous d’emplettes il me reste un peu de temps avant le cocktail d’Yquem, aussi vais-je vers Pomerol avec l’envie de déguster des vins de Michel Rolland. Mais sur la route je vois Cheval Blanc. Il n’est pas question de passer sans s’arrêter. Il y a d’immenses travaux en cours et Pierre Lurton me dira plus tard qu’il prépare de nouveaux chais.

Dans la salle de dégustation on peut goûter plusieurs vins, mais je veux m’en tenir au plus grand. Le Château Cheval Blanc 2010 est absolument superbe, magnifique d’élégance et de mesure. C’est un très grand vin. Suis-je influencé par l’étiquette ? Peu importe car il est vraiment très grand. La jeune femme qui me fait goûter insiste pour que je boive le Petit Cheval 2010. Elle a raison, c’est un vin qui est beau et bien fait. Mais le Cheval Blanc est nettement trop grand à côté de lui. Un ami présent me dit: "il faut absolument que tu ailles goûter Vieux Château Certan". Compte tenu de son expérience, on peut penser que c’est une indication sérieuse de la qualité de ce vin. Il n’y a plus assez de temps pour aller à Pomerol aussi vais-je à Bordeaux, au Grand Théâtre où sera présenté Yquem 2010.

3 – dégustation d’Yquem au Grand Théâtre à Bordeaux

La circulation dans la région bordelaise est complètement surréaliste. Tout est ligué pour dissuader les automobilistes. Quand on est dans une rue large dont la moitié est affectée à trois vélos pendant qu’on poireaute à un feu qui ne laisse passer que trois voitures toutes les deux minutes, on se prend à avoir des idées de meurtre contre les empêcheurs de circuler. Arrivé malgré tout en avance, je prends une eau minérale à la terrasse de l’hôtel qui fait face au Grand Théâtre. Il fait beau, ce qui raccourcit les jupes et fait sortir les shorts. Un vigneron allemand que je connais vient s’asseoir à ma table avec un coréen écrivain du vin. Quand l’heure d’aller au cocktail est arrivée nous entrons dans le magnifique bâtiment décoré de bouquets d’orchidées sertis sur des branches dorées plantées dans des vases marqués de la célèbre couronne dessinée sur les étiquettes d’Yquem. De jolies hôtesses ont de larges ceintures elles aussi dorées et certaines ont dans les cheveux des fleurs d’orchidées. Cet accueil est pour le moins spectaculaire.

Dans la salle d’apparat du théâtre, elle aussi dorée à l’extrême, on peut goûter Château d’Yquem 2010. Pour moi, c’est un solide Yquem très classique et grand vin. Il est très bien dessiné et Francis Mayeur aussi bien que Sandrine Garbay sont fiers de ce bébé pour lequel les soins qualitatifs les plus attentionnés ont été donnés. L’idée de faire goûter en même temps le Château d’Yquem 1988 est une excellente idée, car ils ont beaucoup de similitudes, le 1988 étant d’une solidité à toute épreuve. C’est le leader de la trilogie 88 89 90, triplette de grands millésimes. Les gens importants du monde du vin sont venus saluer Pierre Lurton et son équipe, Michel Bettane est en pleine forme et je remarque la forte proportion d’invités asiatiques de tous pays sauf le Japon qui est le grand absent. Bérénice Lurton est venue goûter le vin de son cousin. Des canapés très pertinents conçus par le chef Yannick Alléno triplement étoilé sont délicieux avec Yquem. Pour la première fois, j’ai l’occasion de tester un accord dont m’avait souvent parlé Alexandre de Lur Saluces, qui est huître et Yquem. Je n’avais jamais essayé car j’avais l’intuition que ça ne marche pas. Et en fait, même si ce n’est pas incohérent, c’est un accord où l’Yquem est trop dominant pour qu’un effet se crée.

4 – Dîner à Grand Puy Ducasse

Quittant ce lieu magnifique qui a servi d’écrin à l’éclosion de l’Yquem, je repars dans l’affreuse circulation bordelaise, subjugué par l’incohérence de la programmation des espaces et du temps de passage des croisements, pour me rendre à Pauillac, au siège du château Grand Puy Ducasse.

Thierry Budin préside aux destinées des vins qui appartiennent au Crédit Agricole. Cela faisait plusieurs années que nous voulions nous rencontrer en bordelais. Ce sera ce soir, dans la magnifique demeure située sur les quais à Pauillac, avec le soleil couchant qui fait briller la coque d’un bateau qui remonte la Gironde. Je passe vite dans ma chambre dont les fenêtres donnent sur la Gironde et je rejoins un groupe très cosmopolite d’invités de Thierry. Angleterre, Etats-Unis, Danemark et Croatie sont représentés. Tous sont des professionnels du vin. Nous commençons par un Champagne Taittinger sans année qui fait du bien après les dégustations de la journée. C’est un agréable champagne de soif. Le menu préparé au château est : quiche lorraine, rôti de veau et légumes de printemps, assiette de fromages, salade de fraises et framboises. Cette cuisine familiale simple se mange avec plaisir.

J’avais prévenu Thierry que je viendrais avec deux vins. Invité à Pauillac, il était exclu que j’apporte un vin de cette appellation aussi ai-je voulu faire un petit clin d’œil en apportant un vin qui a sur son étiquette deux appellations. Il s’agit du Château Saint-Julien, Saint-Emilion 1945. Il est amusant que Catherine, la propriétaire du Clos Saint-Julien, à qui je parlais de ce vin m’affirma que le "château" n’existe pas et que seul le Clos existe. Et mon pourvoyeur secret à qui j’en ai parlé aussi ne connaissait que "Jardin" Saint-Julien, mais pas "château". Il a fallu que j’aille chercher la bouteille dans la voiture pour qu’il le croie.

Pendant que nous prenons l’apéritif, je montre aux convives ma méthode d’ouverture des vins, pour aérer au plus vite les deux vins que j’ai apportés. Heureusement les bouchons viennent avec facilité, les deux étant d’une belle souplesse.

Nous commençons le repas par le "Sec" de Rayne Vigneau 2009, bordeaux blanc sec. Je le trouve très typé Graves et Anne, la directrice technique des vins du Crédit Agricole me confirme que c’est le choix qui a été fait. Le vin est très plaisant mais un peu court. C’est un bel essai.

Le Château Grand-Puy Ducasse 2004 est une agréable surprise car, si l’attaque est classique, en milieu de bouche, il y a une fraîcheur mentholée remarquable. L’impression est très positive. Le Château Grand-Puy Ducasse 1996 appelle un mot : pullman. Car ce vin est "le" Pauillac confortable. Tout en lui est un appel au plaisir. Avec le Château Meyney magnum 1947 nous franchissons une étape. Tout en lui est fraîcheur, consistance et tenue. C’est un très grand vin qui ne peut venir que d’un grand terroir. Meyney m’a toujours réservé de belles surprises, mais ici c’est la plus belle. La démonstration que voulait faire Thierry est réussie.

C’est avec force précautions que je fais servir le Château Saint-Julien, Saint-Emilion 1945 en indiquant qu’il a été chahuté et cuit dans la voiture. Mais à ma grande surprise, même si la fatigue est là, il y a un joli fruit et une belle structure. Bien sûr, le vin est loin d’être parfait, mais il arrive à être gentiment et élégamment évocateur.

Le vrai bonheur, c’est le Château Bastor Lamontagne 1929. Très foncé dans la bouteille culottée par l’âge, il est d’un acajou doré et foncé dans le verre. Le nez est d’une rare richesse qui m’évoque les agrumes poivrés alors que d’autres convives y sentiront du curry ou du fumé. En bouche, il est joyeux, plein, glorieux. C’est un très grand sauternes d’une très belle année. Je suis content de l’avoir fait goûter à des personnes particulièrement pointues dans la dégustation mais qui fréquentent peu ces vins canoniques. Thierry qui avait prévu que nous boirions Rayne Vigneau 2008 a préféré ne pas ajouter encore à la profusion de ce dîner.

Nous allons nous coucher très tard dans les chambres du château. Un soleil percutant réchauffe ma chambre tôt le matin, laissant une trace rouge sur la surface miroitante de la Gironde au bleu argenté. Un petit-déjeuner cordial a des saveurs d’après-match. Thierry voulait me conduire au château Meyney mais je n’ai pas le courage. Il me montre des nouveaux conditionnements de Rayne-Vigneau en bouteilles de 25 cl et avec capsule à vis, pour qu’on puisse en ouvrir en toute circonstance. C’est astucieux.

5 – Déjeuner au Domaine de Chevalier

Ma voiture me Gépééssise jusqu’au Domaine de Chevalier. Olivier Bernard tout souriant accueille des dizaines de visiteurs pour une dégustation des primeurs et un déjeuner mémorable.

Dans une grande salle on peut goûter des 2010, mais aussi des vins antérieurs, aussi, par esprit de contradiction, je vais surtout goûter des 2009.

Le Domaine de la Solitude blanc 2009 a un joli nez expressif. En bouche il y a un joli citron et un peu de caramel. J’aime assez, ce qui est souvent le cas du premier vin que l’on boit. L’Esprit de Chevalier blanc 2009 a un nez plus profond, très vin de Graves. Il est plus fin, plus ciselé, au final frais. Le Domaine de Chevalier blanc 2009 a un nez doucereux. C’est un vin plus ample, plus doux que les deux autres. Le final est très élégant de menthe et de réglisse. C’est un grand vin.

Le début des rouges se fait sur une nouvelle acquisition du Domaine de Chevalier, le Château Lespault Martillac 2009, très jeune, rêche mais très prometteur. C’est un joli vin assez simple au beau fruit balancé.

Le Domaine de la Solitude rouge 2009 est moins expressif. Il y a un joli poivre, un final agréable, mais c’est un vin un peu limité. L’Esprit de Chevalier rouge 2009 est assez flatteur. J’aime sa râpe et son beau final. C’est un beau Pessac-Léognan. Le Domaine de Chevalier rouge 2009 est encore plus riche et bien construit. De grande pureté il a un beau final velouté. C’est manifestement un grand vin.

Olivier a prévu que je déjeune avec trois représentants de la famille Johnston qui sont venus en un groupe d’une quinzaine de personnes de plusieurs horizons, Suisse, Allemagne et Etats-Unis et peut-être d’autres pays. En attendant le groupe qui viendra fort tard, je picore au buffet prévu par Marc Demund, le traiteur qui m’accompagne dans les dîners que j’ai la chance de faire au château d’Yquem. Je vais le saluer en cuisine où il prépare un redoutable brie à la truffe et à l’huile de truffe.

A l’apéritif, il y a un champagne William Deutz 1998 très agréable à boire qui crée avec des huîtres creuses un accord divin.

Alors que l’essentiel des invités déjeunent dans le jardin sous des pins parasol, notre groupe déjeune dans la salle à manger privée d’Olivier. Nous commençons par un vin fou. Un collectionneur italien particulièrement exigeant a fait confectionner par une verrerie des bouteilles de 17 litres de Domaine de Chevalier blanc 2000. Recevant depuis lundi alors que nous sommes jeudi, Olivier a ouvert ce grand format lundi et a confectionné des magnums vite bouchés qui sont utilisés au fur et à mesure. Le vin est extrêmement doux, rond et charmeur. C’est un vin frais, léger, et Olivier nous dit qu’il deviendra immense.

Nous avons devant nous sur la table trois carafes de magnums qui nous goûterons successivement. Le Domaine de Chevalier rouge 1970 a un parfum merveilleux. C’est un très grand vin, un peu léger mais d’un équilibre rare. Le Domaine de Chevalier rouge 1990 est encore meilleur. Quel vin ! Il est absolument excellent et au faîte de sa jeunesse. Et c’est un mauvais choix que d’avoir mis le Domaine de Chevalier rouge 2000 après le 1990. Car le 2000, pour mon palais, est encore beaucoup trop jeune. Il promet, mais à côté du 1990 il fait fermé, coincé, en attente de se révéler.

Le Château Guiraud 1998 est bon, agréable, d’un grand classicisme. Mais, trop classique, il ne dégage pas assez d’émotion. Les discussions ont été passionnantes avec ces grands professionnels. Parmi les participants à ce déjeuner, on pouvait noter une présence asiatique très importante, comme au cocktail donné par Yquem. Pékin, Shanghai, Hong-Kong, Singapour, Séoul sont très représentés. Seuls les japonais manquent à l’appel. Les asiatiques présents sont très concernés. On sent les acheteurs puissants, qui prendront une importance de plus en plus grande dans le paysage du vin.

Visite à Bordeaux photos jeudi, 7 avril 2011

1 – dégustation chez Jean-Luc Thunevin

beaucoup de vins à boire !

quelques uns au hasard des stands

le repas généreusement offert par nos hôtes

2 – Cheval Blanc

3 _ présentation d’Yquem 2010 au Grand Théâtre de Bordeaux

Pierre Lurton et sa cousine Bérénice Lurton de Chateau Climens et une femme écrivain du vin

4 – dîner au Chateau Grand Puy Ducasse

le Meyney 1947 est en magnum

Chateau Saint-Julien Saint Emilion 1945

Bastor lamontagne 1929 et les bouchons de mes deux vins

le chateau éclairé par le soleil du matin

la Gironde au petit matin

Thierry Budin m’explique les nouveaux conditionnements de Rayne Vigneau (on nous voit dans le miroir)

5 – déjeuner au domaine de Chevalier

l’incroyable bouteille de 17 litres du Domaine de Chevalier blanc 2000

Olivier Bernard et Marc Demund le traiteur ainsi que son épouse

Ils sont fiers de nous montrer le Brie à la truffe

le repas

J’adore ouvrir des curiosités parfois folles samedi, 2 avril 2011

Un ami danois vit à Las Vegas. Il est expert en vin. Un de ses amis danois est un pourvoyeur significatif de ma cave. Dans le périple qu’ils font ensemble auprès de vignerons français, il y a la place pour une visite de ma cave. J’apprends que mon fournisseur danois est un collectionneur, à titre personnel, aussi fou que moi. Je leur montre mes vins et ils peuvent sentir certaines bouteilles vides que j’ai gardées dont ces vins de Chypre qui ont encore un parfum entêtant, mêmes plusieurs années après avoir été bues et un whisky tourbé du 19ème siècle ouvert il y a cinq ans qui explose de tourbe comme un whisky nouveau-né.

Ma femme a préparé un foie gras, et sur l’excellente baguette de mon boulanger habituel, nous tartinons. Pendant la visite, j’avais pris en mains une demi-bouteille très ancienne au verre soufflé qui pourrait être du début du 19ème siècle. La bouteille est sans capsule et sans étiquette et le bouchon est noir, poussiéreux sur le dessus et hérissé comme la chevelure d’un punk. L’expert connaît beaucoup de choses, mais là, c’est impossible à trouver. Je lance : "on essaie ?" et sur une réponse positive j’ouvre la bouteille, pensant qu’il me faudrait sans doute ouvrir quelque autre vin par la suite du fait de l’incertitude. Le bouchon est court. Il est noir sur une toute petite partie et il est très souple sur le reste, confirmant un âge canonique dépassant vraisemblablement les 120 ans. Je porte mon nez sur le goulot de la bouteille ouverte et je pousse un "wow" avec un grand sourire. Le parfum de ce vin est tout simplement merveilleux. Je verse le vin dans les verres et l’or du liquide est profond. C’est un or flamboyant et noble.

Ceux qui goûtent avec moi ne sont pas des perdreaux de l’année. Ils ont un pédigrée solide. L’ami lance : "sauternes" et à l’évidence c’est un sauternes. Et il poursuit en disant qu’un tel vin ne peut provenir que d’une année de grande puissance, voire une année exceptionnelle. Puisant dans mes souvenirs, je pense à 1893 qui est une année que j’adore, mais ce pourrait être plus vieux et mon fournisseur évoque 1847 l’année mythique que je n’ai pas goûtée. Ce vin n’est sûrement pas Yquem et j’hésite entre Climens et Rayne-Vigneau. Lequel est-ce ? N’allons pas plus loin car notre divination n’aura pas de vérification possible. Ce qui compte, c’est l’absolue perfection du vin qui gardera son équilibre pendant tout le temps où nous grignotons le foie gras. J’ai bu le fond de la bouteille et il n’y avait que d’infimes parcelles de lie. Nommons-le pour mes archives : Sauternes (Climens ou Rayne Vigneau) # 1893.

Etre tombé sur une aussi bonne pioche m’étonne moi-même. Comme j’avais prévu une tarte aux pommes légère, je me suis promené dans les allées et je tombe (virtuellement seulement) sur une demi-bouteille de Clos des Meyssonniers Appellation Côtes du Rhône Contrôlée Jaboulet Vercherre 1945. La bouteille est magnifique, je n’ai jamais bu ce vin et je suis prêt à parier que ces deux danois n’ont jamais vu ou bu pareille bouteille. Je leur demande s’ils aimeraient boire ce vin et quand je sens que leur curiosité est éveillée, j’ouvre la bouteille. Le bouchon est impeccable, encore souple et sain. La couleur dans le verre est joyeuse. Il n’y a pas un gramme de tuilé dans ce rouge vif. Le nez est engageant et en bouche le vin est plus que plaisant. Il y a un peu d’acidité volatile et une légère poussière mais qui n’empêche pas de profiter d’un vin riche anobli par l’année 1945. Je dis qu’à l’aveugle j’aurais eu du mal à trouver qu’il s’agit d’un vin du Rhône et mon ami me dit : on sait immédiatement que ce n’est pas bordeaux et que ce n’est pas bourgogne. Donc le côté garigue du goût pousse naturellement vers le Rhône. J’aimerais bien avoir de ces déductions "naturelles". Le vin est très agréable et se marie bien à la délicieuse tarte aux pommes à la fine pâte d’amande. Nous constatons que le vin est en train de s’évanouir. La partie est-elle finie ? Eh bien non, car au lieu de glisser sur une pente descendante le vin se stabilise et redevient charmant.

Comme je suis heureux que nous ayons eu de bonnes surprises, je fouine ici et là et je fais sentir des bouteilles vides de muscats mis en bouteille en 1889. Et je prends en main un madère dont l’étiquette dit : Madère vieux mis en bouteilles 1893. Il est donc âgé de pas loin d’un siècle et demi, si le madère a été embouteillé avec quelques décennies de fût. La bouteille sent encore bon, alors qu’elle a été ouverte il y a plusieurs années. Fou comme je suis, je veux goûter le fond de liquide. Mes amis n’osent refuser. Etonnamment c’est encore du madère avec une longueur extrême et une belle complexité. Mais il y a quand même un sale goût poussiéreux qui me suivra pendant plusieurs heures.

Mes amis lavent les verres et les couverts et je range les reliefs de cette petite dinette. J’adore ouvrir ainsi des bouteilles mystérieuses, pour découvrir des goûts et des sensations nouvelles et inconnues.

Photos des vins :

on note la belle capsule intacte du 1945

très joli bouchon et très jolie étiquette

anniversaire à Polytechnique – photos vendredi, 1 avril 2011

ci-dessous photos

Les élèves préparent les tables pour le dîner des « missaires » pour le 200ème anniversaire de la Khômiss

Voici le paquet cadeau. Comme nous sommes un 1er avril, il y a évidemment un poisson d’avril accroché au paquet !

cette grosse boîte est posée sur des roulettes et j’ai bien peur de la fragilité de la structure

voici la grand’ place où va se tenir la présentation de la promotion 2009 au drapeau. La statue de l’école Polytechnique à la défense de Paris en 1814 vient du siège de l’école sur la montagne Sainte Geneviève où j’ai fait mes études.

le monument aux morts de l’école est d’un minimalisme particulièrement triste

pendant que les élèves attendent avant d’entrer sur la place, les missaires distribuent les pétards aux autres missaires

Les élèves attendent avec le sourire, ce qui ne semble pas être le cas du chef de la fanfare

un des musiciens me vise avec sa trompette pendant que la distribution des pétards continue

nous rentrons nous cacher à l’intérieur du paquet cadeau

après un long trajet dans la boîte, nous arrivons au centre de la place, nous sortons calmement en jetant pétards et bonbons et des missaires détruisent la boîte et lancent des fumigènes dans la boîte. On voit à gauche une banderole qui indique : « bicentenaire de la Khômiss; goûter alternatif » puisque nous distribuons des bonbons !!!

ça fume !

oui, ça fume !

nous quittons le centre de l’arène calmement pendant que la structure se désagrège et sera retirée

la cérémonie officielle peut enfin commencer

l’encadrement militaire de l’école passe en revue les élèves. Le commandant nous jette un regard assassin

le drapeau de l’école arrive, porteur de toutes les valeurs militaires et patriotiques de notre école, et va se présenter aux officiels et à l’encadrement militaire

 

Les élèves des promotions, que j’estime à mille peut-être ont tous chanté la Marseillaise de façon remarquable et émouvante. Ils étaient dirigés du balcon supérieur par leur professeur de chant dont on m’a vanté les mérites (il est juste à côté du drapeau de droite)

j’ai réussi à photographier le mouvement de « reposez… armes ! » où les élèves prennent leur épée à deux mains. Ayant connu une école non mixte, cela fait tout drôle de voir autant de Xettes maniant l’épée !

le passage du flambeau porté par des élèves cavaliers est une tradition qui n’existait pas à mon époque

qui dit passation du flambeau impose une intervention de la Khômiss qui passe le flambeau sur le toit

A côté de nous, il y avait quatre polytechniciens qui allaient être les porteurs de flambeaux. Voici leur retour

porter le flambeau, c’est bien, mais avec le vent, c’est chaud !

 

pour défiler au pas en sortant de la cérémonie, il y a encore du boulot !

les vestiges du paquet cadeau de la Khômiss bicentenaire !

c’est l’heure du barbecue

les gendarmes font leur enquête pour connaître l’auteur d’un pétard beaucoup plus bruyant que tous les autres

les sourires des missaires montrent aux gendarmes qu’on ne touche pas à la Khômiss !

Ce fut une grande et belle réunion avec participation à un chahut, ce qui a fait ressurgir des milliers de beaux souvenirs.

 

Nota : si certains lecteurs qui se sentent concernés veulent des photos avec une plus grande définition, ils peuvent m’adresser un message via ce blog, en indiquant les références des photos souhaitées.

un 200ème anniversaire à l’Ecole Polytechnique vendredi, 1 avril 2011

Ce sujet n’a rien à voir avec le vin mais peu importe.

Plusieurs mails m’informent que la Khômiss de l’Ecole Polytechnique fête ses deux cents ans. La Khômiss, c’est une groupe d’une dizaine d’élèves choisis après un bizutage spécifique, qui organisent les chahuts, plaisanteries diverses qui ont la prétention de faire rire les élèves et aussi l’encadrement militaire s’il a le sens de l’humour, sans jamais être méchants. Mais la Khômiss est là pour oser et son imagination est sans limite. Un de ses rôles importants est d’organiser le bizutage de la promotion suivante.

Dans chaque promotion le leader de la Khômiss est appelé le Géné K et il s’entoure de plusieurs "pitaines", en fonction des talents de chacun. J’ai été le "pitaine magnan" de la Khômiss 1961, dont la fonction est d’organiser les repas et autres beuveries entre missaires, mais aussi avec leurs invités ou invitées. Donc bien avant wine-dinners, j’avais déjà la charge d’organiser des repas, clandestins à cette époque.

Lorsqu’après un chahut monstre la Khômiss 1961 a été punie de prison, j’organisais des parties de crêpes flambées dans la prison et j’invitais l’encadrement militaire (la mili) à se joindre à nos débauches, ce qu’ils faisaient car à l’époque il y avait une grande compréhension.

Ainsi nous sommes invités, tous les missaires de toutes les promotions, à nous retrouver à l’Ecole Polytechnique à Palaiseau pour fêter ces deux cents ans. La veille, on nous demande de venir un peu plus tôt, à 17h15, car un chahut est organisé pour cet anniversaire. Du fait de mon emploi du temps, j’arrive très en avance et je vois les missaires de la promotion 2008 qui préparent des tables pour un dîner sur une prairie au bord d’un immense étang. A près d’un kilomètre de là, des élèves ont bricolé une énorme boîte cubique de cinq mètres de côté. Cette boîte est posée sur roulettes et devra représenter un paquet cadeau.

Parallèlement va se dérouler à l’Ecole sur la grande place, la présentation au drapeau de la promotion 2009 qui va recevoir le drapeau de l’Ecole des mains de la promotion 2008. Comme il est de tradition depuis que l’Ecole existe, cette manifestation solennelle se déroule devant le ministre des Armées et devant le plus haut niveau de l’encadrement militaire. Mais il est d’usage que la Khômiss fasse un chahut avant que la cérémonie officielle ne commence.

Jamais je n’aurais imaginé que les missaires de la 2008 invitent des grands anciens à s’associer à leur chahut. C’est suffisamment exceptionnel pour qu’on le signale, car dans la boîte en forme de paquet cadeau, dans la petite troupe qui grouillait à l’intérieur, il y avait plusieurs octogénaires des promotions des années cinquante ! Nous voilà donc embrigadés pour nous tasser dans la boîte. Le chahut devait consister en ceci : dans la cour carrée, plus de mille polytechniciens en grande tenue sont alignés au cordeau. Ils attendent d’être présentés au drapeau. Une sono pirate se met à diffuser une musique qui n’a rien de militaire et lentement arrive au centre de l’immense cour le paquet cadeau.

A un signal, avec des haches de pompier, des missaires déchirent l’enveloppe du cadeau. Grimés, déguisés, nous courons tous en dehors de la boîte en jetant des pétards et des bonbons, puis un missaire dépose dans la boîte des fumigènes de couleur qui enfument la cour.

Une fois ce chahut réalisé, des missaires viennent dégager les débris de la boîte pour que la cérémonie commence. On aurait pu imaginer qu’un speaker signale à l’assistance, dont les parents émus des élèves que ce chahut correspondait au deux-centième anniversaire de la Khômiss. Ce ne fut pas fait.

Les jeunes missaires ont quitté le lieu pour aller préparer le repas et les anciens missaires sont restés assister à la cérémonie. Il s’agit d’un moment d’une rare émotion. Lorsqu’à 18 ans j’ai été présenté au drapeau, sous la devise de l’école : "Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire", j’avoue que j’avais les intestins qui se nouaient. Là, près de cinquante ans plus tard, j’ai ressenti le choc de cette émotion. Les élèves ont chanté en chorale de mille voix la Marseillaise à la perfection, stimulés par leur professeur de chant qui guidait les différents chœurs. Je dois avouer que j’ai eu la larme à l’œil.

Juste avant que le drapeau n’arrive, une stupide bombe plutôt qu’un gros pétard a éclaté sur la terrasse où se trouvaient les parents d’élèves. Les missaires que j’ai questionnés m’ont dit que jamais ils n’avaient prévu une telle erreur. C’est un geste stupide qui ne leur est pas imputable.

Lorsque la cérémonie se disperse après de beaux moments émouvants, nous rejoignons les missaires au lieu du repas. Quatre barbecues crépitent, des victuailles s’amoncèlent sur les tables, mais très peu d’entre nous s’assoient car nous voulons tous parler entre générations et évoquer de beaux souvenirs.

Le Géné K de la 2008 prend la parole pour signaler l’importance de cet anniversaire et on me demande de raconter un chahut de notre promotion qui nous a valu d’être punis d’un mois de corps de troupe pendant l’été qui a suivi l’année scolaire. Des discussions s’ensuivent et le dialogue entre jeunes et vieux est d’un naturel et d’une spontanéité que j’adore.

C’est alors qu’une voiture de gendarmerie s’arrête et deux gendarmes s’approchent de notre groupe de peut-être 70 personnes, pour essayer de savoir qui a laissé éclater la bombe, qui a obligé à faire évacuer à l’hôpital deux personnes pour traumatisme auditif. Les gendarmes sont un peu pressants et nous ne sommes pas prêts à dénoncer qui que ce soit. Les discussions se prolongent alors que nous savons qu’elles n’aboutiront à rien, mais le climat reste courtois.

J’ai félicité les missaires 2008 en leur disant que le numéro des gendarmes ajouté à leur scénario trahissait une imagination débordante.

Ce qui m’a fasciné dans cette manifestation tient en plusieurs points : la convivialité spontanée avec des jeunes qui ont presque cinquante ans de moins que moi, le caractère bon enfant du chahut qui a été organisé, le fait inouï d’associer des anciens à ce chahut, la charge émotionnelle considérable que représente pour moi la Marseillaise lorsqu’une promotion est présentée au drapeau français, la joie de vivre de missaires qui se retrouvent, chahuteurs dans l’âme mais presque tous d’une grande lucidité.

Ce fut un moment de grande joie et de fraternité de camarades d’école.

Pour voir les photos que j’ai prises, cliquez sur ce lien : PHOTOS

déjeuner au restaurant Hiramatsu vendredi, 1 avril 2011

Un déjeuner est prévu avec un ami expert en vins. Le lieu choisi est le restaurant Hiramatsu. Mon ami est arrivé avant moi et après m’avoir salué il s’écrie "oh, dans cette carte des vins intelligente, il y a de quoi boire !". Nous nous asseyons et il me dit : "c’est moi qui vous invite". Il est des démarrages plus tristes. Il relit la carte pour choisir un vin et me propose Salon 1988. Je sens la joie qu’il aurait de boire ce vin aussi serait-ce peu opportun de lui dire au moment du choix que j’étais hier au siège du champagne Salon. Le choix est fait.

Le Champagne Salon 1988 se présente avec une robe déjà légèrement ambrée. La bulle est très active, mais bien mesurée, et en bouche il y a un joli fumé. Il y a un peu de coings confits dans ce champagne, mais ce serait réducteur de s’en tenir à cela. Ce qui impressionne, c’est la précision et la longueur de ce vin noble. C’est vraiment un très grand champagne. Si je préfère le 1971 d’hier, c’est qu’il a été bu en magnum et qu’il avait le parfum de la rareté, car je connais le 1988 comme ma poche. Mon ami dira et il a probablement raison que c’est le plus beau 1988 qu’il ait bu.

On devrait dire et redire que le menu affaires d’Hiramatsu est "le" bon plan de la capitale. Le budget est plus que raisonnable, le service est impeccable et les cuissons sont idéales. On pourrait reprocher des portions qui sont plus calibrées pour des nymphettes japonaises que pour des sumos, mais en définitive, on s’en porte bien. Les asperges sont un peu complexes mais bonnes. La chair du turbot est exceptionnelle.

Mon conseil : surtout n’y allez pas, pour que je garde encore le secret de cette adresse.

visite aux champagnes Selosse jeudi, 31 mars 2011

Peu après avoir quitté Didier Depond, je rends visite à Anselme Selosse, des champagnes Jacques Selosse, sur le chantier d’un hôtel qu’il va ouvrir dans quelques mois. Il s’agit du château de Bricout, une ancienne maison de champagne où Anselme Selosse et son épouse recevront des amateurs de vins. Je visite les jolies chambres, la future cuisine aux raffinements les plus modernes. Anselme me montre le logement du chef qui va bientôt rejoindre l’établissement et nous allons dans les chais où la récolte 2010 vieillit en fûts de chêne neufs dans une magnifique cave voûtée. Anselme me fait goûter le Champagne V.O. Jacques Selosse sans année fait de 2002, 2001 et 2000. J’aime beaucoup sa personnalité virile.

Le Champagne rosé Jacques Selosse sans année est agréable mais d’une façon générale je ne suis pas un grand fan des rosés. Il est fait de vins de multiples communes. Nous goûtons ensuite un Champagne du Mesnil sur Oger Jacques Selosse 2003. Il a le dosage que j’avais aimé lors d’une dégustation à l’aveugle aux caves Legrand de plusieurs dosages du même vin. Il est très classique, alors que mon chouchou le Champagne Substance Jacques Selosse, fait avec des vins entre 1986 et 2003 et dégorgé en février 2010 a un goûté étrange et fumé que j’adore. C’est un très grand champagne, aux complexités extrêmes.

Anselme me fait goûter un vin inconnu, le "il était une fois" de Jacques Selosse qui est une sorte de vin doux fait avec des vins de 1995 à 1999. C’est étrange et diablement bon dans un registre doucereux élégant.

Anselme a de beaux projets en perspective avec cet hôtel à Avize où se prépareront de beaux accords mets et vins. Ses champagnes sont toujours un joli voyage dans des saveurs inhabituelles et typées.

Découverte du champagne Salon 1999 jeudi, 31 mars 2011

A chaque nouveau millésime prêt à être commercialisé, Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte invite quelques amis à Mesnil-sur-Oger pour découvrir le nouvel enfant. Aujourd’hui nous sommes une dizaine à nous retrouver pour célébrer le Champagne Salon 1999 qui est seulement le 37ème millésime du siècle, car la stratégie de Salon a été de ne millésimer que les grands millésimes, et c’est le dernier du 20ème siècle, puisqu’il n’y aura pas de Salon 2000. Dans la magnifique et moderne salle de dégustation, nous trinquons sur le Champagne Delamotte sans année, fait avec des vins de 2005 des trois communes Mesnil-sur-Oger, Cramant et Avize. Ce champagne est très agréable et je fais rire le sous-préfet invité en disant que c’est un champagne de soif. Car ce champagne se boit avec un grand plaisir et une grande facilité. Je le trouve très pur.

Nous passons à table et sur le menu il y a ce titre : "entre privilégiés" sous un dessin très "années vingt". Et cette réunion très informelle rassemble des amis de Didier de tous horizons ayant un point commun, l’amour du vin et l’amitié avec Didier Depond.

Le Champagne Delamotte 2002 est un agréable champagne qui joue dans la cour des grands, mais qui ne représente pas un saut gustatif majeur par rapport un non millésimé dont j’avais apprécié la personnalité. Celui-ci est très bon, et satisferait plus d’un amateur. Il accompagne un marbré de canard et foie gras aux fruits secs, puis un risotto virtuel de homard et Saint-Jacques au citron vert. Nous goûtons ce champagne sur trois verres différents qui montrent l’effet évident de la forme sur l’intensité gustative. Un verre à vin assez banal freine le champagne. Certains préféreront le verre à vin assez haut et resserré sur ses bords, alors que je préfère le verre tulipe. Mais pour le 1999, le verre à vin sera de loin celui qui rend le champagne le plus expressif.

Si l’emphase n’accueille pas le 2002 autant qu’il le mériterait, il faut dire que nous attendons avec impatience le Champagne Salon 1999. Une chose est à noter : quand un millésime n’est pas encore à son avantage, Didier fait un petit couplet destiné à l’expliquer. Aujourd’hui, l’absence de commentaire d’introduction est le signe qu’il s’agit d’un grand. Ce qui frappe, c’est l’équilibre de ce champagne. Il est assis, solide, bien planté sur ses jambes. Il est fruité, il a des accents de pâtisserie, et n’a pratiquement aucun aspect citronné.

Sur la poularde de Bresse aux morilles l’accord est spectaculairement bon. J’en suis tout retourné. Didier nous dit que ce 1999 lui évoque le 1982 que je trouve pourtant plus romantique. Il m’évoque plutôt le 1988. Mais Didier a sans doute raison.

Nous continuons sur la viande avec un Corton Grand Cru Clos des Cortons Faiveley Domaine Faiveley 2007 au nez incroyablement puissant et séducteur. Le vin a une couleur à la fois claire et grise, et en bouche il est remarquablement bon. Mais il ne trouve sa place ni avec la poularde ni avec le vieux comté. Il se boit avec plaisir et pour lui-même.

Pour la tarte tiède aux pamplemousses, Didier a prévu un vin surprise sans étiquette qui se boit en magnum. Il s’agit d’un Salon, cela ne pose pas trop de problème, et je n’ai pas le souvenir d’avoir bu cette année encore inconnue. Le suspense ne dure pas longtemps et j’ai bu ce millésime il y a moins d’un an. Il s’agit du Champagne Salon 1971. La couleur commence à s’ambrer un peu, la bulle est d’une force impressionnante et le goût est extrêmement envahissant. C’est un champagne de quarante ans qui n’en paraît même pas vingt. Il est particulièrement bon. Il a des notes d’agrumes, de fumé, et sa longueur est extrême. Un très grand champagne.

Nous sommes fiers d’avoir porté le 1999 sur les fonts baptismaux et heureux d’avoir bu un 1971 d’un accomplissement qui justifie la légende Salon.

Une théorie qui a du plomb dans l’aile ! lundi, 28 mars 2011

Les bouteilles de la guerre qui ont une couleur bleue

J’avais entendu dire, et je le croyais, que les bouteilles de vin au verre bleuté que l’on voit pour les années de guerre devaient leur couleur à l’absence de plomb, que la rumeur publique attribuait à la priorité donnée aux munitions plutôt qu’au verre de bouteille.

Or un lecteur fidèle de mes bulletins et grand expert en verres m’écrit ceci :

Cher ami,

Fervent lecteur de vos bulletins et de vos rencontres toujours nouvelles avec les vins anciens et aussi quelquefois des bouteilles anciennes, je me permets de vous contacter au sujet de la couleur légèrement bleue de la période de la guerre dont vous parlez au sujet de la Laville Haut-Brion 1943. Tout d’abord on n’a jamais mis dans les compositions de matières premières des bouteilles, du plomb. Cette couleur peut provenir de différentes causes, à cette époque:

-le manque de soude pendant la guerre faisait que la composition des matières premières étaient sous dosées en soude,

-une mauvaise recuisson de la bouteille avec ouverture intempestive des portes d’accès de l’arche pouvait aussi provoquer cet effet thermo-physique.

-enfin dans certaines circonstances passées, alors que les matières premières utilisées étaient en grande partie d’origine naturelle et non pas chimique, le potassium en surplus dans le sable de carrière pouvait aussi provoquer cette couleur.

A titre anecdotique je vous joins une lettre adressée par Mr de Colnet, Maître de la Verrerie de Quicquengrogne dans le Nord adressée à la Maison de Champagne Clicquot-Fourneaux en 1806.

Bien cordialement

Lettre du : 21/08/1806

M. de COLNET ,maitre de Verrerie de la Verrerie de QUIQUENGROGNE

à M.FOURNEAUX négociant à REIMS , Maison CLICQUOT-FOURNEAUX

Je réponds de suite à votre dernière :vous vous plaignez que les bout. que je vous envoye ont le col bleu et qu’elles sont peu cuites; je vous dis avec vérité Mr , et avec connaissance de cause que c’est la forte cuisson qui les bleuys ,c’est-à-dire qui leur donne la couleur GORGE DE PIGEON. Il faut un milieu à tout cela. il ne faut pas que cela domine trop,ce n’est pas que la bouteille en serait plus cassante au contraire , mais elle ne serait pas aussi belle ; je vais faire soigner pour que le bleu ne domine pas trop.

Quand au poids elles sont portées au plus haut degré, plus forte on ne pourrait pas les fabriquer, d’ailleurs elles ont de 27 28, les 3 quart de 28 , au lieu qu’avant , nous ne traitions que de 26 à 24 et peu de 28. Je compte bien que vous ne perdrez pas 4 par cent ds les tirages que vous ferez de ces bout. car il est impossible de mettre plus de précaution à la manutention des bout. qui se fabriquent pour vous , rien est épargné .

Anciennement Mr Ruinart père qui prenait à la Verrerie 100.000 b. par an et quelquefois plus s’est plaint aussi de trop de bleu, Mr d’Hennezel maître de cette Vie dans Cetius La Luy a proposé de venir voir par lui-même l’expérience et Mr Ruinart a reconnu que plus une bout. était cuite, plus elle était bleue au cou. Il est venu à Anor lui-même et a reconnu son erreur. Je désirerais bien Mr, que vous veniez vous-même sur les lieux , cela me procurerait le plaisir de vous recevoir , et je vous convainquerai que les bout. de ma Verrie sont recuites 36h ,à Anor elles ne le sont qu’à 24-28 et que ds toute autres verries qui fournissent à Reims elles ne le sont que 12h . C’est tout simple, cela suit la Fonte, à ma verrie 25h de fonte d’affinage+13h de travail, à Anor 18h et dans les autres verries 12h, .Cela est connu et la cuisson suit la longueur des travaux et affinage.

Voilà une légende qui tombe. La couleur bleue créée par l’absence ce plomb a du plomb dans l’aile !

146ème diner au Ledoyen – photos vendredi, 25 mars 2011

L’ensemble des vins du dîner

deux photos partielles (on note la belle couleur du Rieussec)

la table éclairée par le soleil de printemps

les bouchons (Pétrus, avec l’année visible, le beau bouchon du Rieussec, les deux bouchons des sauternes)

celui du Ducru Beaucaillou 1934 est venu en morceaux du fait du resserrement du haut du goulot. Au centre, celui du CdP Jaboulet 66 est magnifique (à sa gauche celui de RSV DRC et à sa droite celui du Volnay)

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les plats du dîner, avec des couleurs d’une rare beauté

on voit que la sauce verte à la riquette joue un rôle non négligeable dans le plat de pigeon

le semblant de couscous fut l’objet de controverses. ce ne sera pas la bataille d’Hernani !

la table avec une forêt de verres