Archives de catégorie : vins et vignerons

Lancement du livre 1855 jeudi, 20 novembre 2025

Nicolas Kenedi et Jean-Maurice Sacré ont créé un beau livre appelé « 1855 » Culte et Cultures, dont le sujet est la classification des grands vins du Médoc en 1855 faite à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris de 1855 pour vanter les vins de Bordeaux. Le livre raconte cette classification en publiant des menus historiques qui ont jalonné la vie de cette classification.

Le dernier repas montré dans ce livre est celui que j’ai fait au restaurant Plénitude de l’hôtel Cheval Blanc Paris, le 296ème de mes repas.

J’arrive dans les locaux de la maison de vente Christie’s à Paris où Nicolas a invité plus de trois cents personnes pour la présentation du livre par Jean-Maurice Sacré. Je rencontre en ce lieu des vignerons qui ont apporté leurs vins à déguster dans des années autour du millésime 2015. Je bavarde avec des amateurs de vins nombreux et je montre bien sûr le menu que j’ai créé pour la classification de 1855. C’est de la relation publique que je fais bien volontiers pour mes amis créateurs du livre.  

Deux jours plus tard un grand dîner est organisé par Nicolas au restaurant Le Grand Véfour, où je suis accueilli par le chef Guy Martin très souriant. Le thème expliqué sur le menu est « le grand dîner bordelais & les six légendes de Médoc et Sauternes – Célébration de la sortie de l’ouvrage 1855 Culte et Cultures ». Nous sommes au ‘salon des Artistes’ du premier étage où j’ai eu l’occasion de faire quelques dîners avec Guy Martin.

Il y a deux tables d’une douzaine de convives chacune, avec des grands amateurs de gastronomie dont plusieurs avocats, des vignerons et des personnalités publiques. L’accueil est accompagné d’un Rare Champagne 2012. Ce champagne a été créé par Piper-Heidsieck en 1976 et vit maintenant sa propre vie avec ce seul nom et ne produit des champagnes que dans les années jugées exceptionnelles. Je découvre ce champagne qui est une vraie réussite. Noble et fin, très raffiné, ce champagne subtil est grand. Il accompagne magnifiquement de délicieuses gougères.

Nous passons à table où l’on nous sert un Rare Champagne Rosé 2014 sur une langoustine, souvenir d’Antonin Carême. Le champagne rosé est très fermé et manque d’ampleur. La bisque qui accompagne la langoustine est à se damner tant elle est gourmande. J’en boirais des litres ! La langoustine un peu trop cuite a un goût aimable.

L’un des convives parle anglais et s’est installé à Mesnil-sur-Oger pour faire un champagne exclusif qui ne sera vendu qu’à des abonnés à sa production. Il nous fait goûter son champagne qui ne sera mis en vente qu’en 2029. Je ne sais pas si je peux en parler puisqu’il n’a pas été nommé dans le menu que nous avons reçu. Je serai donc discret mais j’ai trouvé que ce champagne se distingue par une grande énergie très plaisante, une acidité bien contrôlée et une noblesse avenante. Il promet.  

On nous sert des vins de Pauillac, le Château Mouton Rothschild 2015 et le Château Lafite Rothschild 2015 sur un filet de canette à la rouennaise (plat servi lors d’un repas de 1896 dont le menu est présent dans le livre). Quel contraste entre ces deux vins ! Le Lafite est d’une précision extrême et d’un accomplissement absolu. Alors que Lafite met toujours de longues années avant de s’exprimer, voici un Lafite parfait aussi grand que les grands millésimes du passé.

A côté de lui, le Mouton n’est pas encore assemblé. On sent qu’il se cherche et qu’il lui faudra quelques années avant qu’il n’exprime sa personnalité joyeuse. Je suis étonné que certains convives aient pu préférer le Mouton Rothschild.

Trois vins vont accompagner le Parmentier Napoléon III, sauce Second Empire aux truffes melanosporum. Il y a Château Haut-Brion 2014 seul grand cru classé qui n’est pas médocain mais de Pessac-Léognan, Château Latour 2015 et Château Margaux 2016. Le plat est d’une générosité en truffes comme je n’en ai jamais vues ce qui est un bonheur pur, mais la truffe anesthésie tout autre goût du plat. Elle accapare notre palais.

Le Haut-Brion est aussi exceptionnel que le Lafite. Tout en lui est précis, structuré et parfait. C’est un très grand vin. Le Margaux est élégant, délicat et féminin comme il l’est souvent et, alors que je suis un amoureux de Château Latour, je trouve que ce 2015 se cherche comme le Mouton et n’a pas encore trouvé son envol. Il était compréhensif qu’on puisse choisir entre Margaux et Haut-Brion, mais pour moi, des cinq vins rouges deux émergeaient nettement, Lafite et Haut-Brion. Gabrielle Vizzavona, experte en vins et rédactrice du livre 1855 pense exactement comme moi, émerveillée par ces deux vins exceptionnels pour leur jeune âge.

Nicolas est un grand gastronome et il a eu une idée de génie en associant à ce moment du repas le Château d’Yquem 2015 avec une raviole de foie gras « Palais Royal ». Quel bel accord alors qu’il ne faut surtout pas associer Yquem et foie gras quand le foie gras est froid et servi en début de repas.

Il a cédé quand même à l’appel des pâtes bleues en annonçant : ‘Puis une lichette de bleu, quand même…’ en prenant un roquefort, alors que la vérité est avec le stilton. Mais il est pardonné.

Nicolas m’avait annoncé un vin qu’il chérit, un Vino Alchemico G. Mercandelli Spumante Golem 2020 sur un entremets au citron du Royaume des Deux-Siciles et j’avoue que je n’ai rien compris. Ce vin présente une forte bulle envahissante, qui empêche de sentir le goût s’il y en a un. Je suis peut-être passé à côté du message, mais je n’ai rien ressenti du tout.

Nous avons eu l’honneur de goûter un Cognac Camus Collection Privée Légion d’honneur sur des chocolats et mignardises, servi par Cyril Camus, le propriétaire de ce merveilleux cognac très fin et précis.

Nicolas aime surprendre et un détail m’a fait approuver son aimable folie : au lieu d’avoir un verre d’eau rempli d’eau, chacun a un verre de Château du Moulin-à-Vent ‘Champ de Cour’ 2014. C’est amusant et rebelle. Je l’ai goûté sur la bisque de la langoustine puisque le rosé ne me plaisait pas et j’ai trouvé ce vin simple très pertinent sur ce plat.

Nicolas et Jean-Maurice ont réussi le lancement de leur livre 1855 qui est le quatrième de leur collection qui comprend : Menus de Légende – de Gaulle à table – Versailles, The Gastronomic Revolution – et maintenant 1855 dans lequel un de mes repas a eu l’honneur de figurer.

Longue vie à ce livre et merci à nos hôtes généreux. Une petite remarque significative. Lorsque j’ai quitté le salon des artistes, je suis passé par la grande salle si célèbre du Grand Véfour. Vers 23h15 cette salle est vide. Où est le temps où l’on festoyait dans les grands restaurants ? 

Déjeuner au siège des champagnes Salon et Delamotte mardi, 21 octobre 2025

Après le dîner à l’Assiette Champenoise le groupe de chevaliers du Tastevin poursuit son voyage en Champagne en se rendant au siège des champagnes Salon et Delamotte.

Nous sommes reçus par Didier Depond président de ces champagnes qui a gentiment invité ce groupe à déjeuner à ma demande.

Après une visite des vignes, Audrey Campos rappelle l’histoire du champagne Salon et nous nous rendons dans la salle de dégustation, accueillis par un Champagne Blanc de Blancs sans année en magnum sur des petits amuse-bouches. Ce champagne est brillant, énergique et de belle intensité. C’est un beau début de parcours.

Nous nous rendons dans la belle salle à manger où nous sommes une vingtaine de convives. Il y a les participants du dîner de la veille à l’Assiette Champenoise, d’autres chevaliers du Tastevin et quelques amis de Didier Depond.

Didier fait appel à un chef parisien qui se déplace volontiers. Le menu se présente ainsi : velouté de pommes de terre crémeux au Chaource / Cannellonis aux cèpes et foie gras, céleri émincé / gambas poêlées aux aubergines, citronnelle et coriandre / blanquette de veau traditionnelle au vin jaune, riz pilaf et légumes / Brie / tarte aux pommes croustillante au miel, glace vanille.

En lisant le menu on mesure à quel point nous allons être gâtés car il y aura douze vins qui seront servis. Il y a d’abord un groupe de trois Champagne Blanc de Blancs Delamotte en magnum 2012, 2014 et 2018. Les trois sont très épanouis. J’ai un faible pour le 2014 qui est le plus frêle et délicat des trois. Ils sont tous de grande qualité.

On nous sert ensuite le Champagne Salon 2015 dans trois verres différents pour sentir quelle est l’influence du verre sur le goût. J’avais hier eu une discussion avec un ami qui vit au Portugal et au Brésil sur l’importance des verres dans la dégustation. Je ne suis pas un fanatique de la recherche du verre parfait, car je pense ressentir l’âme d’un vin même si le verre n’est pas parfait alors que mon ami est très strict sur le sujet. Dans cet exercice aujourd’hui, je commence à ne voir que des écarts insignifiants car je suis un tel admirateur du 2015 de Salon que j’en jouis sans m’arrêter aux détails.

Puis, il apparaît nettement qu’un verre s’élimine de lui-même, celui qui a une forme bourguignonne. Les deux verres restants sont encore ex-aequo pour mon palais et tout d’un coup je constate qu’un verre rend le Salon 2015 vertical et l’autre horizontal dans le parcours en bouche. Ces deux expressions sont différentes mais d’égal plaisir. Il est clair que lorsque je bois du vin, je ne vais pas aussi loin dans le détail car ce que j’aime, c’est de comprendre l’âme du vin et son message.

Nous buvons ensuite les Salon 2007 et Salon 1997. Le Champagne Salon 2007 est d’une grande fraîcheur. C’est un vin généreux, facile à vivre, de belle expression. Le Champagne Salon 1997 est un de mes préférés. C’est un guerrier, puissant et dominateur. Sur le plat de gambas, l’association est belle. L’aubergine fait briller le 1997. J’ai dit à Didier Depond que son 2007 est meilleur que ceux que je bois chez moi.

C’est à l’aveugle que nous goûtons le vin suivant, glorieux et épanoui. Sa couleur est claire et sa bulle active, deux signes de jeunesse, mais il y a tellement de grandeur que je ne vois que 1996 comme possibilité. J’avais oublié de penser au Champagne Salon 2008 en magnum qui est immense.

Le vin qui accompagne la blanquette est un rouge : Tiano Nareno magnum Argentine 2017. C’est un vin que j’ai déjà bu en ce lieu car Didier Depond en est l’un des propriétaires. Il est jeune, de très belle personnalité, puissant mais de grande fraîcheur.

Le fromage de Brie est accompagné par un Champagne Blanc de blancs Collection 2008 qui est impressionnant de cohésion. Il est brillant et le fromage l’y aide. Didier a eu une remarque qui m’a impressionné. Il a dit que ce jour, les Delamotte paraissent plus épanouis que les Salon. Cette remarque décontractée montre une spontanéité que j’apprécie.

Il restait au programme un Delamotte rosé sur le dessert, mais j’ai quitté cette noble assistance car je devais rentrer à Paris.

La générosité de Didier Depond est extrême. Les chevaliers du tastevin m’ont applaudi pour avoir organisé le dîner à l’Assiette Champenoise et ce déjeuner en ce lieu mythique. Je suis rentré fatigué mais heureux d’avoir rencontré ces amateurs américains sympathiques. Deux belle journées.

Compétition de dégustation à l’aveugle chez Bollinger mardi, 27 mai 2025

Deux jours après le déjeuner à Plénitude avec tous les premiers grands crus de Bordeaux, je pars de bon matin vers le pressoir de la maison Bollinger à Mareuil-sur-Aÿ, car je serai membre du jury de la quinzième édition de la compétition de dégustation à l’aveugle créée par Sciences Po Paris et réservée à 14 grandes écoles françaises, mais aussi à une fidèle école, celle d’Oxford.

Chaque école est représentée par trois élèves. Il y a deux écoles par table. Les épreuves comportent quatre séries de quatre vins. Pour chaque série les élèves disposent d’un temps limité. Ils doivent donner pour chaque vin le cépage, l’année, la région, l’appellation et le viticulteur. Inutile de dire que jamais je ne serais admis à concourir pour de tels exercices.

Les copies sont traitées par des experts qui ne sont pas le jury dont je fais partie. On détermine les cinq meilleures écoles qui vont avoir à passer de nouvelles épreuves de dégustation puis un questionnaire de culture générale sur le vin. C’est beaucoup plus difficile.

Les correcteurs classent les cinq premières équipes qui font la deuxième partie des épreuves et après correction donnent le résultat : les deux premiers sont HEC et Normale Sup.

Ces deux équipes candidates à la victoire dégustent des vins et répondent aux questions générales et c’est maintenant au jury de jouer son rôle en jugeant l’épreuve orale. Chaque élève d’une équipe va décrire un des vins, donner ses caractéristiques et l’identifier. Il doit aussi, au moins pour un vin, proposer un accord mets et vins.

Nous allons juger ces prestations comme le font les jurys des concours de sommellerie et je suis impressionné par les connaissances et l’aisance de ces jeunes élèves.

Après la prestation des six élèves nous nous réunissons en petit comité avec les membres du jury dont le directeur de Bollinger, le secrétaire général et l’œnologue, un expert de Bettane & Desseauve et moi. Un détail mérite d’être signalé. Pour le jury, l’un des vins est un bordeaux. La seule femme des six élèves, de l’équipe HEC, dit aussi bordeaux et sa présentation est une des plus réussies. Mais manque de chance, il s’agit d’une Côte Rôtie La Landonne de Guigal. Il est assez difficile d’en vouloir à la jeune élève quand le jury a fait la même erreur.

Après de longues délibérations car les deux équipes d’étudiants ont été brillantes, nous avons déclaré vainqueur le groupe d’élèves d’HEC.

J’ai demandé aux organisateurs de Science Po que les deux équipes gagnantes soient à la même table avec moi et avec les organisateurs de Science Po, afin qu’ils puissent goûter les vins du déjeuner à Plénitude d’il y a deux jours, dont j’avais gardé les fonds de bouteilles. Les seuls vins qui avaient été bus entièrement étaient l’Yquem 1935, le Lafite 1955 et le champagne Heidsieck 1955.

Les élèves ont été émerveillés de goûter ces vins qui sont d’un monde qui leur est inconnu. Les voir aussi joyeux est un immense plaisir pour moi. Ils ont été impressionnés par la jeunesse de ces grands vins qui ne montrent aucun signe de faiblesse, sauf le Château Margaux 1905 qui a quasiment rendu l’âme. La plus belle surprise pour eux est la Malvoisie 1875 tellement puissante et expressive, avec une longueur infinie.

Je me suis rendu compte que je serais incapable de faire ces concours. Ma consolation est d’avoir émerveillé ces jeunes amateurs de vin si sympathiques.

Merci à la maison Bollinger qui a permis que se tienne cette belle compétition et merci aux organisateurs de Science Po qui m’ont fait l’honneur de m’inviter au jury.

Conférence dégustation pour des étudiants d’HEC dimanche, 18 mai 2025

Un cercle d’élèves d’HEC réunis dans l’Association Grands Crus HEC m’a invité à venir faire une conférence dégustation pour trente élèves.

La réunion se tient dans un hôtel particulier très chic du 8ème arrondissement, où l’étudiant qui m’accueille n’était jamais venu. J’arrive à 16 heures alors que la conférence démarre à 19h30, pour que les vins aient le temps de s’épanouir.

J’ouvre les vins dont les bouchons résistent, surtout ceux des Moulin à Vent dont les goulots n’ont rien de cylindrique. La partie pincée du goulot empêche le bouchon de remonter entier. J’ai donc utilisé le tirebouchon Durand et non mes outils habituels. Les ouvertures se sont bien passées.

Je présente aux élèves ma vision de l’intérêt des vins anciens et je n’avais pas conscience à quel point ils n’avaient jamais approché ce monde. En effet ce club reçoit des vignerons parmi les plus célèbres, mais jamais les vins qu’ils boivent n’ont plus de dix ans. Aussi la dégustation que nous allons faire les entraîne dans un monde inconnu.

Alors que les vignerons commentent les vins qu’ils présentent, je laisse chacun être attentif aux émotions qu’ils ressentent. C’est inhabituel pour eux.

Nous commençons par le Pomerol Bourgneuf-Vayron 1961 qui est d’une grande année et représente un pomerol typique, riche et dense. Il a des accents de truffe et ce qui impressionne, c’est sa densité, son équilibre et sa longueur. Je le trouve particulièrement bon. Je ressens que les élèves sont assez troublés par des goûts inconnus.

J’avais envie d’oser en choisissant un Moulin à Vent Union des Viticulteurs de Romanèche-Thorins et Chénas 1969 dont la couleur est plutôt claire. Je suis moi-même troublé, car il y a des notes sucrées en ce vin complexe et doucereux. S’agit-il vraiment d’un rosé ? Pourquoi pas. Ce qu’on peut noter, c’est le goût cohérent et un aspect gourmand marqué. J’avais choisi un vin inhabituel. J’aurais peut-être dû être plus conventionnel.

Nous allons maintenant comparer deux Vouvray moelleux, un jeune et un ancien. Le Vouvray moelleux Réserve Clos Naudin Philippe Foreau 1997 est beaucoup plus foncé que le Clos Du Bourg Vouvray Moelleux Huet 1959. La démonstration est édifiante, car le 1959 est parfait, charmeur, cohérent et agréable à boire alors que le 1997, plus sombre est plus rigide.

J’avais prévu une surprise pour les élèves qui est de boire un Maury la Coume du Roy domaine de Volontat 1925. Ce vin de grande douceur, au parfum envoûtant et à la longueur infinie est un miracle. Montrer à ces jeunes amateurs qu’un vin de cent ans peut avoir des subtilités et une jeunesse infinie est une surprise très grande. A lui tout seul, ce vin validait mes théories sur le fait que le vin a un appel vers l’éternité.

Je ne m’en suis pas rendu compte mais nous avons bavardé pendant quatre heures avec des amateurs avides de connaissances nouvelles.

Ce fut une très agréable soirée avec ces étudiants sympathiques. J’ai senti qu’ils ont été heureux de cette expérience très différente de celles qu’ils vivent dans le monde du vin.

Déjeuner avec Richard Geoffroy dimanche, 4 mai 2025

Richard Geoffroy a été pendant une longue période le renommé maître de chais de la maison Dom Pérignon. C’est vers l’an 2000 que nous sommes devenus amis après avoir bavardé à la fin d’une présentation de Dom Pérignon aux caves Legrand. Nos visions du vin se mariaient tellement bien. Nous nous sommes revus lorsque nos agendas le permettaient. Nous nous rejoignons au restaurant Pages.

Quoi de plus excitant que de choisir des vins pour quelqu’un que l’on apprécie. J’ai pris trois vins, un champagne, un blanc et un rouge.

J’arrive avant 11 heures pour un déjeuner à 12h30, ce qui me permettra après ouverture et composition du menu avec le chef Ken, de profiter de Paris en plein soleil et de boire une bière japonaise, en grignotant des edamames.

Le menu sera : carpaccio de barbue / asperges blanches / lotte à la sauce umami / agneau / wagyu / dessert à la fraise / financiers.

Lorsque Richard Geoffroy arrive, il annonce ce qu’il a apporté. Il vient de créer un vin effervescent de Corse. Ce vin est fait avec des cépages locaux et Richard regrette que les instances officielles aient interdit d’appeler son effervescent : vin de Corse, malgré l’origine des vins. Il est obligé de se contenter de « vin de table ». Il a aussi apporté un saké Iwa, le saké qu’il a créé juste après avoir passé le flambeau de Dom Pérignon à Vincent Chaperon.

Nous commençons donc le repas avec le Vin de table effervescent de Corse d’environ 2 ans. Le pétillant est très bien dosé, d’une puissance contrôlée et ce que l’on remarque, c’est la belle richesse en bouche. Ce vin est agréable, confortable et gastronomique. Il n’est pas handicapé par sa jeunesse.

Le Champagne Lanson 1975 avait eu un petit pschitt sympathique à son ouverture. La bulle est présente. La couleur est d’un or joyeux. En bouche, quel équilibre ! Ce champagne est noble, large et équilibré. Ce n’est que du bonheur. Ce Lanson a une bouteille en forme de quille, forme qui a été utilisée dans les années 60 et 70, période bénie pour la maison Lanson.

Le saké Iwa a des notes marines sensibles et un équilibre confortable et doux en milieu de bouche. Ce qui est amusant, c’est que l’on peut passer de l’un de ces trois vins à l’autre sans que le palais ne montre le moindre rejet. Le vin Corse est agréable mais en devenir, le saké est aussi agréable et confortable et le Lanson est glorieux et éblouissant. Je suis content d’avoir ouvert ce Lanson que Richard ne connaissait pas et a apprécié.

Le carpaccio de barbue avait des tranches que j’ai trouvées épaisses. J’ai demandé des tranches fines beaucoup plus agréables sur les trois vins. Les asperges blanches ont fait vibrer divinement le saké.

Pour la lotte j’ai fait goûter à l’aveugle le vin blanc à Richard, étant sans illusion car ce vin est introuvable. Le Muscadet Sèvre & Maine tiré sur lie, André Vinet-Vallet 1962 est déroutant car jamais on n’attendrait une telle richesse et une telle longueur d’un muscadet. Il est puissant, rond, aimable et n’a pas d’âge. L’accord avec la sauce umami est appréciable. Il est évident que je voulais pour Richard un vin qu’il n’a jamais côtoyé.

Je ne résiste pas au plaisir de recopier le texte écrit sur une languette de papier collée à la capsule et en forme de tonneau : « ce muscadet a été bouché suivant la méthode de nos grands-pères, tiré sur sa lie, de la barrique où il est né, il n’a subi aucun soutirage préalable. Fruité, pétillant, plein de vie et de gaieté, il charme les fins palais. Comme un enfant, il peut subir l’influence des saisons, c’est sa nature même ». C’est un texte d’André Vinet-Vallet. Je ne pense pas qu’il aurait imaginé que son vin serait bu 63 ans plus tard. Tout est vrai dans son texte, sauf le pétillant qui n’existe pas.

Lorsqu’en 2013 nous avions partagé un Dom Pérignon 1929 de ma cave, j’avais apporté une Romanée Conti 1956 et Richard m’avait dit que c’était la première Romanée Conti de sa vie. Aussi mon troisième vin de ce déjeuner est La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992. Le bouchon était sorti entier et avec facilité montrant un calibrage idéal du bouchon. Ce vin est totalement idéal. Il est riche, joyeux, puissant, noble mais extrêmement accueillant. C’est du plaisir pur. Il aura deux attitudes très différentes. Sur l’agneau, c’est d’Artagnan, prêt à croiser le fer avec nos papilles. Sur le wagyu, c’est Frank Sinatra ou Bing Crosby, montrant qu’au-delà de la puissance il y a un charme fou.

Le Champagne Lanson s’est marié élégamment avec le dessert aux fraises très léger. Nos papilles ont retrouvé le calme avec des financiers.

Richard Geoffroy est insatiable car il a mille nouvelles idées qui vont secouer le monde du vin. Quel bonheur de partager des vins avec ce créateur.

Vers la fin du repas, deux jeunes qui déjeunaient dans la salle avaient vu les vins que nous buvions. L’un des deux dit : peut-être jamais dans ma vie je n’aurai la chance de boire un vin de la Romanée Conti. Je lui ai dit que nous allions arranger ça et j’ai versé un verre de La Tâche pour les deux. Le jeune se montrait insatiable. Je lui ai suggéré de se recueillir pour profiter au mieux de ce vin divin.

Visite et déjeuner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot jeudi, 17 avril 2025

La maison Moët Hennessy organise des voyages pour ses clients importants. La proposition était de déjeuner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot Ponsardin puis quelques jours plus tard une journée et un dîner au château de Bagnolet à Cognac pour goûter les cognacs Hennessy.

N’étant pas libre pour le voyage vers Cognac j’ai joint le groupe pour une visite des caves de Veuve Clicquot Ponsardin avec dégustation puis un déjeuner à l’Hôtel du Marc.

La visite des caves est impressionnante. Il y a 24 kilomètres d’allées dans les crayères. Une hôtesse nous raconte la volonté de la veuve née Ponsardin de faire des champagnes exceptionnels. Le fait d’avoir une cuvée « la Grande Dame » est parfaitement justifié par le dynamisme et la clairvoyance de madame Clicquot.

Dans l’une des salles de la cave nous goûtons trois vins. Le Veuve Clicquot Ponsardin la Grande Dame 2018 est celui qui vient d’être mis sur le marché. Il a des arômes d’huître, il est charmeur, délicat et élégant. Je le trouve excellent à ce jeune âge.

Le Veuve Clicquot Ponsardin Back Vintage la Grande Dame 1996 a, pour moi, un parfum de P2 de Dom pérignon, c’est-à-dire un vin de dégorgement récent, aussi il ne me procure qu’une émotion limitée.

A l’inverse, le Veuve Clicquot Ponsardin Back Vintage la Grande Dame 1993 est charmant et gastronomique. C’est un vrai plaisir. 1993 est un millésime ignoré à sa mise sur le marché et brillant aujourd’hui.

Nous nous rendons ensuite vers l’hôtel du Marc. Il fait tellement beau que nous bavardons dans le jardin en buvant pour l’apéritif Veuve Clicquot Ponsardin Carte Jaune Brut, sans année. Il n’est pas très complexe, mais très agréable à boire.

Nous passons à table dans la très jolie salle à manger aux couleurs noires élégantes. Le menu est ainsi écrit : les asperges vertes, crème Gaslonde citronnée / l’artichaut carabinero et sauce crustacé / les fromages affinés par Philippe Olivier / caramel et chocolat, cacahuètes, crème brûlée vanille.

Le Veuve Clicquot Ponsardin Carte Privée 1995 a un parfum superbe. Le champagne est long et profond en bouche. Il a une énorme puissance et une bulle dynamique.

Le Veuve Clicquot Ponsardin Rosé Réserve 1988 est un joli rosé de belle personnalité. Il est parfait avec les fromages.

La maison Veuve Clicquot fait ses rosés par assemblage avec du vin rouge, vin qui n’est jamais vendu en tant que tel. Aussi est-ce intéressant de goûter le Bouzy Clos Colin 2012. J’adore ce vin timide et subtil, presque fragile et émouvant. J’aime les vins de ce style qui vivent dans un autre monde.

Le Veuve Clicquot Ponsardin Rich Réserve 2008 accompagne le délicieux dessert au chocolat. Ce champagne doux est bien fait et suffisamment délicat.

En souriant, j’ai dit qu’une maison de Champagne aussi prestigieuse avait certainement des trésors en cave. Et l’ambiance était si conviviale que nous avons été invités à descendre en cave, et j’ai eu l’honneur de pouvoir choisir des vins.

J’ai choisi une bouteille qui avait perdu 90 % de son vin. Je l’ai ouverte, mais elle était morte. C’était sûr, mais tout vin mérite d’être goûté.

J’ai ensuite choisi un magnum de Veuve Clicquot Ponsardin 1962 qui avait perdu 15 % de son vin. Avec son étiquette déchirée il ne pourrait jamais être servi à table. Et l’on m’a permis d’en prendre un autre. J’ai choisi un magnum de 1990.

Nous sommes montés en quittant la cave.

Le Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1962 est une leçon. Si complexe, si bien construit, c’est un vin à respecter. Un vin de méditation. Je suis impressionné.

Et puis, on passe au Veuve Clicquot Ponsardin Vintage Reserve Magnum 1990. Ce vin est extraordinaire, magique, tellement accompli. Un miracle. Il est au-delà de toute attente. J’en suis tombé amoureux.

Ce qui m’a le plus surpris lors de ce repas, cité dans l’ordre de service : le 2018, le 1993, le Bouzy, le 1962 et le légendaire 1990.

Quelle générosité !

Brillant Climens 1953 lundi, 17 février 2025

Par un de ces hasards qui jalonnent la vie, je dîne au restaurant le Sergent Recruteur avec le propriétaire de Château Climens, Jérôme Moitry, juste après avoir déjeuné avec le président du Château d’Yquem, Pierre Lurton. J’avais rencontré Jérôme Moitry au Grand Tasting de novembre 2024 et il savait que mon amour pour les vins anciens avait été propulsé par le choc physique créé par un Climens 1923 bu à l’aveugle vers 1975. Nous nous étions promis de nous revoir.

Pour accompagner notre dîner j’ai apporté deux vins que j’ai ouverts une heure avant l’arrivée de Jérôme Moitry.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964 a un beau bouchon indiquant un vieillissement dans de bonnes conditions. La couleur du champagne est d’un or léger. La bulle est quasiment inexistante mais le pétillant est bien là. Le champagne est rond et chaleureux, de belle longueur. Avec les traditionnelles rillettes, le 1964 est glorieux et gourmand.

Le menu que nous choisissons est : mousseline d’œuf et truffe noire, comme une meurette, sauce Périgueux / noix de ris de veau dorée aux noisettes, purée de châtaignes torréfiées, céleri grillé à la ‘bourgeoise’, chanterelles en vinaigrette, jus corsé.

Avant le premier plat nous avons eu une entrée surprise très crémée, qui se mariait idéalement avec le champagne.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1984 qui avait un niveau idéal avait offert à l’ouverture un parfum très engageant. La première gorgée est édifiante. On comprend que l’on est en face d’un vin de très haute qualité. Ce vin est riche, d’un équilibre parfait avec une amertume idéale. C’est un « la Chapelle » proche de l’idéal, percutant et fort. Un immense vin d’une année qui n’est pas retenue parmi les plus grandes.

Comme l’entrée était une mousseline d’œuf avec de la truffe noire, il était opportun de servir le Château Climens Barsac 1953 apporté par Jérôme Moitry, que j’ai ouvert à son arrivée. Il est intéressant de noter que Jérôme a eu un accueil restrictif pour son vin, le jugeant fatigué et imprécis, alors que je lui disais qu’il est parfait, un léger défaut étant à oublier, ce qui fut très vite fait.

Le Climens 1953 a une couleur d’or orangé très proche de celle de l’Yquem 1945 bu au déjeuner. Le vin est subtil et délicat, plus féminin que ce qu’est Yquem et qui nous a enchantés tout au long du repas, car il était possible de passer d’un vin à l’autre en prenant la précaution d’une bouchée du plat avant de boire un autre vin.

Nous avons longuement parlé de l’avenir des sauternes, de l’évolution des goûts et de la compréhension des vins anciens par les amateurs de vins. J’ai bu ce Climens 1953 avec beaucoup d’émotion car c’est un vin subtil que j’apprécie particulièrement.

Mon classement est : l’Hermitage 1984 du fait de sa structure parfaite, Climens 1953 pour son émotion et Moët 1964 d’une grande solidité et cohérence.

Boire Yquem 1945 et Climens 1953, de mes deux liquoreux préférés, cela fait une belle journée.

Présentation à la presse d’Yquem 2022 mercredi, 12 février 2025

Le Château d’Yquem organise une dégustation et un déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier, pour le lancement du Château d’Yquem 2022. Cette réunion est destinée aux journalistes spécialistes des vins et spiritueux.

Lorenzo Pasquini, directeur d’exploitation de Château d’Yquem, fait une présentation extrêmement intéressante sur les particularités géologiques des appellations qui font des vins doux dans la région de Bordeaux. Il évoque les complexités géologiques des terres et des parcelles du Château d’Yquem. Et c’est passionnant. Il nous propose un exercice qui n’a pas déjà été fait, de goûter six échantillons de vins qui entrent dans la composition de l’Yquem 2022. Les variantes sont soit les parcelles du vignoble, soit les vins qui composent le vin, sémillon ou sauvignon blanc, et le premier échantillon est passerillé et non botrytisé.

La particularité de 2022 est que ce millésime est le plus chaud et le plus sec de tous les millésimes d’Yquem. Pour illustrer cela Lorenzo nous dit que le 18 octobre il faisait encore 34 degrés dans les vignes.

L’Y est aussi particulier car aucun millésime d’Y n’a été aussi précoce, la récolte commençant le 9 août 2022.

Je prenais mes notes sur un carnet mais comme c’était difficile, j’ai écrit sur mon téléphone qui hélas a effacé mes notes. J’avais écrit : Vin 1 : nez vert, mais en arrière-plan il y a une délicate douceur. Bouche saline et belle douceur. Vin puissant. Costaud. Pas de pourriture mais passerillage. Devient frais / Vin 2 : nez délicat plus raffiné. Sauvignon. Bouche plus fluide. Salin. Très Yquem. Un Vin puissant… les notes suivantes se sont évaporées.

Ce qui est intéressant, c’est que le septième vin est le vin final qui paraît beaucoup plus frais et élégant que les composantes. Lorenzo m’a demandé mon avis sur ce 2022. Je l’ai trouvé solide, carré, puissant mais élégant et un peu trop « scolaire » à mon goût. C’est le bon élève qui n’est pas canaille pour deux sous. Cela veut dire que cet excellent 2022 ne prendra son envol que dans quelques années.

Lorenzo nous dit que la trilogie de 2021, 2022 et 2023 devrait être aussi intéressante que la trilogie 1988, 1989, 1990.

L’apéritif se prend avec l’Y d’Yquem 2022 frais, agréable et bien construit. On est à l’aise avec ce jeune vin qui promet. Il y a du saumon gravlax, des blinis au tarama et un carpaccio de poulpe grillé. C’est l’huître et citron caviar qui propulse l’Y à de belles hauteurs.

Le menu a été conçu par Pierre Vila Palleja propriétaire des lieux et aussi sommelier et dégustateur renommé : tartare de veau à l’anguille fumée et sarrasin torréfié / pithiviers de pigeon au foie gras / tomme aux fleurs et Stilton, agrémentés d’un chutney à l’orange / tarte aux pommes caramélisées, crème montée vanillée.

Le Château d’Yquem 2022 prend une hauteur significative avec le tartare de veau. Il avait été bu à la suite de six vins parcellaires. Là, il s’exprime avec enthousiasme et montre qu’il jouera dans la cour des grands.

L’effet de l’âge se sent immédiatement avec le Château d’Yquem 2005. Il a des beaux agrumes dont un citron qui se marie bien au Pithiviers. Par rapport au 2022, la fusée gustative du 2005 est lancée. Le 2022 la rattrapera.

Le Château d’Yquem 1985 est curieux car il n’est pas large. Il est pointu et va de l’avant et fort heureusement le Stilton ouvre l’éventail de ses complexités. Je n’ai pas touché au chutney pour rester sur le stilton pur et la tomme est beaucoup moins apte à propulser le 1985.

Maintenant, c’est ‘trompettes de la renommée’. Le Château d’Yquem 1945 est un monstre sacré. Sa couleur est noire. Dans le verre, le noir côtoie des robes orangées. Et le finale de ce vin est une explosion de complexités. On citerait n’importe quel agrume, n’importe quel fruit exotique, il est là, il est dans le magique bouquet de saveurs infinies. Quel monstre de bonheur. Quelle longueur infinie.

J’avais parlé avec mes convives journalistes de vieux Yquem. On voit qu’un 1945 est stratosphérique et qu’il n’y a aucune raison que le 2022 ne le rattrape pas dans 80 ans. Ce 1945 est un Yquem parfait.

Pierre Lurton nous avait rejoint au début du repas. Il a toujours un sens de l’humour acéré et affûté. Il est amoureux d’Yquem. Nous le sommes aussi. La dégustation de six parcelles ou composantes est très didactique. Lorenzo est très ému d’avoir créé ce vin. Longue vie à Yquem 2022.

Dégustation des 2021 du domaine de la Romanée Conti mercredi, 11 décembre 2024

Comme chaque année la société Grains Nobles reçoit des amateurs pour goûter un millésime récent. Cette dégustation est présentée par Aubert de Villaine depuis le début et cette année Bertrand de Villaine qui gère le domaine depuis 2022 accompagne Aubert. Michel Bettane et Bernard Burtschy sont présents et feront des commentaires.

Le rythme de la dégustation est géré par Pascal Marquet, gérant de Grains Nobles et l’on regrettera cette année qu’il n’y ait pas comme d’habitude, des étudiants qui apportent les verres à chacun. Le service a été lent et comme j’étais parmi les plus tard servis, j’entendais des commentaires sur un vin que je n’avais toujours pas. Cela n’a pas empêché malgré tout une belle dégustation du millésime 2021.

Aubert de Villaine évoque l’année 2021. L’hiver fut clément et les travaux d’hiver se sont faits facilement. Le début d’année était marqué par du « confort » jusqu’à ce qu’arrivent les journées des 5, 6 et 7 avril avec de la gelée. Ce furent trois nuits de combat car le gel a détruit une bonne partie de la récolte. Ces nuits ont été marquées de terribles et incroyables luttes.

Le printemps fut pluvieux mais assez chaud et les maladies se sont développées, surtout l’oïdium. Le temps s’est amélioré et la pousse était de grande vigueur. On n’arrivait pas à suivre cette vigueur.

L’été a été meilleur et début septembre les choses se sont améliorées. Le 23 septembre a marqué le début des vendanges qui se sont déroulées avec du beau temps permanent. Face à une telle situation on se demandait quoi faire. Aubert nous propose de le vérifier en goûtant. Les récoltes ont été très inférieures aux moyennes.

Le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2001 a une couleur clairette, d’un léger violet, d’un mordoré délicat. Le vin a un joli parfum, d’un nez délicat.

L’attaque est gourmande, et il y a de l’astringence dans le final. Le vin est un peu serré. Le vin est élégant et subtil, mais j’ai un peu de mal avec son côté serré. Il faudra du temps pour qu’il s’épanouisse, mais il deviendra grand. C’est assez curieux de voir qu’il est à la fois serré et gourmand. Il y a plus de vin de jeunes vignes, car les vieilles vignes ont été plus attaquées par le gel. Plus le temps passe et plus le vin devient aérien.

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2021. A l’œil le vin a plus de couleur framboise que le précédent. Le nez est intense et percutant. L’attaque est douce et pleine de charme. Le final est gourmand. Il a une belle mâche. J’aime son élégance. Il est très intéressant et j’adore son côté sauvage. J’aime le côté ‘blessé’ que l’on ressent dans ce vin. Il est émouvant. Il y a une fraîcheur végétale en fin de bouche.

Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2021. Les couleurs sont proches entre les vins, les plus grands crus étant plus sombres, aussi je ne les commente plus.

Le nez est puissant et je ressens une verdeur végétale. Le nez est intense.

En bouche, l’attaque est généreuse et gourmande. On sent le grand vin, très prometteur. La finale est vigoureuse. Ce vin deviendra grand et subtil. J’ai beaucoup de plaisir à le boire et je ressens sa belle pureté.

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2021. Le nez très végétal est encore fermé. La bouche est riche. C’est un vin noble, qui combine gourmandise et retenue car il est noble. Le final est riche et rêche du fait de la vendange entière. Il est conquérant et fonceur. Alors que le Grands-Echézeaux est très agréable à boire, celui-ci est une bombe à retardement. Malgré sa vivacité, il est difficile pour l’instant car il est austère.

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2021. Le nez est très végétal. L’attaque est élégante et légère mais elle masque ce vin qui en milieu de bouche est puissant et conquérant. Il y a beaucoup de promesses car il est grand et puissant mais il n’est pas encore réellement prêt à boire. Il a des petites notes poivrées. Il faut attendre car il sera grand.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2021 a un nez délicat, soyeux et charmant. L’attaque est soyeuse et tellement séduisante. Le final est plus rêche, moins joyeux. Le vin ne joue pas sur la puissance. Il joue sur le charme de La Tâche. Il est gourmand car riche. Avec le temps il devient de plus en plus séduisant. Je ressens les notes de roses de ce vin très charmeur.

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2021. C’est le seul nez qui a un tel fruit rouge si délicat. Le nez est élégant et plein de charme. Ce parfum est unique.

Le vin est soyeux, magique, élégant et tellement agréable. C’est le seul vin où l’on ne sent pas la force de la rafle. C’est un vin de méditation, d’élégance et de douceur. Il est magique.

Michel Bettane dit qu’il a un « corps parfumé ». Il est velouté, aérien, tout en douceur. Quel plaisir. J’ai dit aux participants mon sentiment que cette année pour la Romanée Conti est celle où l’écart entre la Romanée Conti et les autres vins du domaine est le plus grand. Ce vin est totalement magique.

Le Corton-Charlemagne Domaine de la Romanée Conti 2021 a un nez étonnamment accueillant, superbe, riche et puissant. Le vin est gourmand et immédiatement buvable. Le final est un peu discret mais c’est un grand vin. Il est agréable à boire, très sec mais charmant. Il ne joue pas sur la puissance. Il a une très belle longueur. C’est un vin profond très agréable, plus riche quand il est plus aéré.

Contrairement aux vins rouges, ce ne serait pas un crime de le boire à table maintenant !

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2021. Sa couleur est très claire. Le nez est d’une intensité incroyable. Il est profond, noble, immense mais aussi en retenue. Ce parfum est magique.

En bouche, l’attaque est très rude, complexe. Ce vin puissant est déjà génial. C’est vin immense qu’on pourrait considérer comme totalement accompli. Il combine fraîcheur et grandeur. Il n’a pas encore l’opulence qu’il aura, mais sera grand. Il n’y a pas la moindre trace de botrytis. Ce vin n’est que du bonheur, avec une persistance extrême.

Michel Bettane a vanté la qualité des raisins, qui ne cesse de s’améliorer depuis des décennies.

Il est clair que deux vins émergent de tout ce brillant aréopage de vins d’exception. Ce sont la sublime Romanée Conti et le Montrachet. Les quantités produites sont tellement faibles que bienheureux seront ceux qui les boiront.

Selon la tradition quelques personnes sont retenues à dîner au restaurant de Grains Nobles qui comme la Romanée Conti a une qualité de cuisine qui ne cesse de s’améliorer. Aubert et Bertrand de Villaine, Michel Bettane et Bernard Burtschy sont les invités de marque et Pascal Marquet a invité un vigneron d’Uruguay qui présente ses vins et ses procédures.

Si je m’imagine vigneron, raconter mes méthodes devant le plus grand vigneron du monde et devant le plus grand connaisseur du vin au monde, je resterais muet ! Ce jeune vigneron nous a fait goûter des vins très intéressants et bien faits. Un autre convive a apporté des vins italiens eux aussi bien faits dont un Barolo Sandrone Le Vigne 2004 très gourmand et vif et un vin blanc Mario Schiopetto bianco 2004 avec une curieuse mention sur l’étiquette : « échantillon qui ne peut être vendu ». Vin très agréable aussi et d’une grande profondeur et puissance.

J’avais apporté avec moi un Château Gazin Pomerol 1959 que j’avais choisi pour son niveau dans le goulot. Quelle ne fut pas ma surprise en ouvrant la bouteille avant la dégustation des vins de la Romanée Conti, que de lire sur le bouchon : rebouché en 1998. Au moment de le boire, un léger goût de bouchon est apparu et il est évident pour moi que ce goût de bouchon est apparu au rebouchage et non à la mise en bouteille initiale. Cela me conforte dans l’idée qu’il ne faut jamais acheter de vins rebouchonnés, mais hélas aucune mention n’existait sur la bouteille.

Je n’avais pas pu assister à la dégustation Romanée Conti de l’année dernière. Il ne faut surtout pas que je rate celle de l’an prochain avec les vins sublimes de 2022, mais pour l’instant, je me réjouis d’avoir participé à cette dégustation de légende.

Magnifique dégustation chez Krug à Reims mercredi, 11 décembre 2024

Quelques amateurs de vins et moi-même sommes reçus dans le « maison de famille » de la maison Krug à Reims. Nous sommes un petit groupe de six ou sept personnes. Après un café matinal, nous allons visiter les caves de la maison Krug ainsi que l’œnothèque de vieux vins que l’on ne peut voir qu’à travers des grilles qui ne s’ouvriront pas pour nous, sécurité oblige.

Dans la belle salle de dégustation nous allons goûter huit années du Krug millésimé en même temps que le Krug Grande Cuvée qui est mis à disposition des amateurs lors de la même année. J’ai pris des notes à la volée et sans mise en récit. Je les retranscris telles quelles.

Champagne Krug Grande Cuvée 172ème édition : nez très agréable, finale un peu rêche liée à la jeunesse. Vin prometteur.

Les vins vont venir maintenant par paires, avec le millésimé en premier et le Grande Cuvée distribué la même année à sa suite.

Champagne Krug 2011 : nez très fin, belle finesse et vivacité, mais jeune. Assez gourmand.

Champagne Krug Grande Cuvée 167ème édition : nez plus riche. Le vin est plus riche et sympathique. Beau final. Il est à noter que ce champagne comporte des vins de réserve allant jusqu’à 1995, ce qui explique que dans chaque paire, le Grande Cuvée a plus de maturité.

Champagne Krug 2008 : couleur très claire. Belle attaque. Puissant et gourmand.

Champagne Krug Grande Cuvée 164ème édition : nez puissant et joyeux. Vin généreux et de belle fluidité.

Champagne Krug 2006 : un peu strict et réservé au moment où il est servi.

Champagne Krug Grande Cuvée 162ème édition : magnifique équilibre. Vin gourmand.

Champagne Krug 2004 : très joli nez et élégant. Vin direct et franc. Grand vin.

Champagne Krug Grande Cuvée 160ème édition : nez riche, vin généreux et bien construit. La gourmandise est là.

Champagne Krug 2003 : assez amer et devient plus civilisé. Devient plus élégant et subtil.

Champagne Krug Grande Cuvée 159ème édition : belle fraîcheur, élégant et subtil.

Champagne Krug 2002 : solide et puissant. N’a pas la longueur du 2004.

Champagne Krug Grande Cuvée 158ème édition : bien équilibré et gourmand.

Champagne Krug 2000 : beau et gourmand.

Champagne Krug Grande Cuvée 156ème édition : nez superbe. Vin généreux, puissant et long.

Champagne Krug 1998 : nez superbe, belle expression de chardonnay. Vin fluide, agréable, de belle fraîcheur. Grand vin très jeune, c’est mon préféré des millésimés.

Champagne Krug Grande Cuvée 154ème édition : fabuleux et gourmand. Alors qu’il est grand, je trouve le millésimé presque plus grand.

Les 17 vins que nous avons dégustés sont manifestement des vins racés et nobles. On est dans l’aristocratie du champagne. Les Grande Cuvée sont plus complexes et plus riches que les millésimés, et le temps joue un rôle crucial. Plus une Grande Cuvée est ancienne et plus elle est riche et délicieuse.

Les millésimés sont plus différents les uns des autres avec de belles personnalités, le 2003 étant très différent du 2008 par exemple.

Nous passons à table et le repas a été conçu par Arnault Lallement, le chef trois étoiles de l’Assiette Champenoise et grand ambassadeur de Krug. Le thème du moment est : un plat une saveur, pour accompagner les champagnes.

Justin, grand amateur, a apporté un Mesnil Nature Vin Nature de la Champagne, vin de raisins blancs Julien Tarin années 60. Ce vin tranquille de l’ancien propriétaire du Clos du Mesnil m’émeut au plus haut point car il est sauvage et fabuleux. Il est tellement hors norme que je suis ému. Il a un nez de framboise.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998 fait très jeune avec une bulle forte. Il est tranchant, pointu et il est très grand. Je l’aime beaucoup.

Mais le Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1998 est un géant. Il a la puissance du pinot noir dans une expression d’une noble infinie et un fruit totalement bluffant. Quel grand vin.

Le Champagne Krug rosé 22ème édition magnum est fait de vins de 2010 et de vins plus vieux. Il est élégant et fluide.

Mes notes s’arrêtent là car arrivent deux vins gigantesques. Le premier est le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette olive (qui est la première) que j’ai apporté. A l’ouverture, le vin a fait un joli pschitt. Le bouchon portant un numéro 38 la maison Krug a put retrouver qu’il s’agit de la 140ème édition issu de la vendange 1984 et qui a reçu son bouchon en 1988. Ce vin a une rondeur extrême et il montre à quel point le temps forge les grands vins.

En même temps est servi le Champagne Krug Collection 1981 d’une richesse gustative infinie. Comment est-il possible que ce vin soit aussi puissant. C’est une bombe de grandeur et de bonheur.

De ce repas je mets en premier le Collection 1981 pour une maturité exceptionnelle, en deuxième le Vin Nature de Julien Tarin car j’ai eu une émotion extrême devant un vin qui n’existera plus jamais, en troisième mon apport, le Grande Cuvée 140ème édition qui est la synthèse de tout ce que la Grande Cuvée peut offrir avec l’âge et en quatrième l’Ambonnay 1998.

Eric Lebel qui a été depuis 1998 le chef de cave a animé cette dégustation avec compétence et une grande générosité. La cuisine a été sublime et l’accueil de toute l’équipe de Krug a été chaleureux et « familial », même si Olivier Krug nous a manqué. Ce fut un grand moment qu’aurait aimé Joseph Krug fondateur génial de cette grande maison de champagne.