Archives de catégorie : vins et vignerons

Dîner de champagnes à l’Assiette Champenoise dimanche, 28 novembre 2021

Un ami vigneron en Champagne, Jérôme, et un négociant en vin, Pierre, organisent de temps à autre un dîner de champagnes. On m’annonce ce dîner qui se tiendra à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement, le chef trois étoiles de Reims, pour lequel j’ai une forte amitié. A cause du Covid, cela fait de l’ordre de deux ans que je n’ai pas vu Arnaud aussi, sans demander le moindre renseignement, je m’inscris.

Chacun doit apporter un champagne et rien ne m’est indiqué. J’avais livré mon vin il y a presque une semaine avant le dîner chez Veuve Clicquot. Lorsque j’arrive je suis accueilli par la maman d’Arnaud et je me sens comme en famille, ce que j’apprécie beaucoup.

Je n’avais aucune idée ni des vins ni des participants. Nous serons neuf, dont Jérôme accompagné de son maître de chai, Pierre, un couple de suédois, un couple de belges, un ami de l’académie des vins anciens toujours généreux et moi. Ils ont tous une passion pour les champagnes.

Nous commençons par le Champagne Legras & Haas cuvée Π (pi) magnum, qui est un assemblage de tous les millésimes de 1995 à 2014. Je le trouve absolument élégant et racé. Très belle découverte et très belle réussite. Les amuse-bouches sont raffinés, mais je trouve qu’il y a trop d’acidité dans certains pour coopérer avec le champagne.

Le menu composé par Arnaud Lallement est : ruche de notre parc / Saint-Jacques de Bretagne, chou vert d’A. Deloffre / betterave, épices cari noir, sauce Tio Pepe / homard bleu, hommage à mon papa / barbue des côtes bretonnes, murex, Shiso saké / pigeonneau fermier en tourte, épinard d’A. Deloffre / fromages de Philippe Olivier / noisette du Piémont, beurre salé du vieux bourg.

Le Champagne Dom Pérignon 1980 me plait beaucoup car il est très agréable. Il a la sérénité des champagnes tranquilles et bien faits.

Le contraste est grand avec le Champagne Dom Pérignon 1978 qui est plus large et plus complexe. On a bien fait de les mettre dans cet ordre, car le 1980 n’aurait pas brillé en étant placé derrière ce vif et long 1978.

Le Champagne Bollinger 1970 est d’une belle construction mais je trouve qu’il est dans une phase un peu incertaine de sa vie, n’ayant pas encore trouvé sa maturité. Ayant eu hier une betterave faite par Alain Passard et aujourd’hui par Arnaud Lallement, je serais embarrassé de désigner la meilleure version car les deux, si différentes, sont parfaites. La betterave est un légume de grande personnalité. Arnaud comme Alain l’ont bien traitée.

Le homard est un plat sublime et tellement abouti qu’on ne le concevrait pas autrement. Il est accompagné d’un Champagne Dom Pérignon rosé 1982 qui est dans un état de maturité absolument abouti et d’un Champagne Taittinger Comtes de Champagne rosé 1969 moins orthodoxe mais qui me plait énormément car l’âge n’a pas adouci son côté canaille. C’est un grand rosé. Les deux champagnes se marient bien avec le homard goûteux.

Sur la barbue est servi mon apport, le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial magnum 1964. Le champagne généreux est d’une année que j’adore. Il est rond, large, gourmand et son âge le rend brillant. J’aurais sans doute choisi un plat plus généreux et opulent pour le mettre en valeur, même si le poisson est magnifiquement traité. Il n’y a pas eu la complicité qu’on aurait trouvée avec un plat solaire.

Le pigeon est comme le homard un plat emblématique de la cuisine d’Arnaud. C’est un bon choix d’avoir prévu un Chambertin Clos de Bèze Pierre Gelin 2012 car même s’il est jeune, il a une belle personnalité et un grain de vin riche. Je suis évidemment jaloux, car je pense que le Moët 1964 aurait été idéal avec ce plat, mais je suis heureux de cette association avec le bourgogne.

Sur les fromages, nous avons deux vins de 1959, le Champagne Louis Roederer 1959 et le Champagne Bollinger 1959. C’est un millésime parfait de belle maturité. A ce stade du repas et sans notes, ma mémoire n’a conservé que la satisfaction de boire ces deux 1959, sans franchement les différencier.

Mais je retrouve ma mémoire sur le vin qui a accompagné le dessert, le Champagne Dom Pérignon 1947. Un seul mot le définit, superbe. Ce champagne est l’expression aboutie de Dom Pérignon. Nous l’avions déjà bu lors d’un des dîners organisés par les deux mêmes personnes qu’aujourd’hui en 2017. Je l’avais classé premier lors de ce dîner des « Antiquaires du Champagne », et je ferai de même de ce sublime champagne d’un bel accomplissement.

Mon classement serait : 1 – Dom Pérignon 1947, 2 – Comtes de Champagne rosé 1969, 3 – Dom Pérignon 1978, 4 – Champagne Legras & Haas cuvée Π (pi) magnum, 5 – Moët & Chandon magnum 1964.

Nous avons poursuivi nos discussions en dégustant une Chartreuse jaune délicieuse. C’est un plaisir de partager avec des amoureux passionnés. L’ambiance familiale de l’Assiette Champenoise, et le talent d’Arnaud Lallement font de ce dîner un souvenir précieux. Merci les « Antiquaires ».

Présentation des vins du groupe Tempos Vega Sicilia jeudi, 11 novembre 2021

La société Vins du Monde est l’agent en France de nombreux vins prestigieux dont les vins du groupe espagnol Vega Sicilia. Chaque année cette société organise une dégustation des nouveaux millésimes des vins de ce groupe. Ceux que nous boirons seront disponibles à la vente en 2022. Nous avons la chance que le propriétaire du groupe Vega Sicilia, Pablo Alvarez, dont la famille a acheté ce domaine prestigieux en 1982, anime la dégustation. Il est accompagné du nouveau directeur général du domaine, Antonio Menendez, dont j’avais fait la connaissance lors d’un dîner cosmopolite au restaurant Pages. Il y a dans la salle beaucoup de sommeliers de restaurants prestigieux et des journalistes.

Nous commençons la dégustation par un Oremus Dry Mandolas Hongrie 2019 qui est le vin blanc sec de la propriété de Tokaji que le groupe Vega Sicilia a acheté en 1993. Le vin a une belle robe d’un or clair. Le nez est très jeune. En bouche l’attaque est douce et le finale est rêche et plus acide. Ce vin jeune est un peu dur et devrait attendre quelques années avant d’être bu. Le finale est très poivré. Le vin fluide mêle un peu de gras avec des accents de bonbon acidulé. Ce vin 100% furmint ressemble à des vins secs autrichiens. On peut imaginer de le boire sur un poisson dont la sauce est crémée.

Le Pintia Toro Tempos Vega Sicilia 2017 est de l’appellation Toro et grandit sur des sols en galets comme à Châteauneuf-du-Pape. Il est d’un millésime particulièrement chaud et titre 15° ce qui se sent. La couleur est presque violette, le nez très riche est doux. L’attaque est rêche et m’évoque l’artichaut. Le finale a une douceur mentholée qui me plait, aidée par le fort alcool. C’est un vin solide, massif et doux, charmeur, surtout dans le finale. C’est un vin à boire jeune, sur une pièce de bœuf.

Le Macan Clasico 2018 est servi en même temps que le Macan 2017. Il est de la région de Rioja. Il a une couleur plus claire que le 2017. Le nez un peu abrupt devient plus doux au bout de quelques minutes. La bouche est suave, superbe, accueillante. Il a un beau finale, très agréable même si le vin est un peu rêche. On sent du chocolat dans le finale.

Le Macan 2017 de la région de Rioja Alta, a un nez noble et fin. L’attaque est fluide et claire. Le vin est très bien construit. Son finale est moins brillant que celui du 2018. Le chocolat dans le finale est fort. Je préfère le Clasico 2018 car le finale du 2017 est un peu trop dur à mon goût.

Le Alion Ribeira del Duero 2018 a une couleur très noire. Le nez est superbe et puissant. Le vin titre 15°. L’attaque est toute en velours, douce et fraîche. On sent la puissance. Le finale est gourmand, légèrement chocolaté avec des notes de cassis, très beau. C’est un vin confortable, agréable et puissant mais très civilisé et fort.

Le Valbuena 5° Tempos Vega Sicilia 2017 a une couleur plus tuilée que l’Alion. Le nez est superbe, très pur. L’attaque est très fluide, montrant une élégance évidente. Le finale un peu épais n’a pas la fraîcheur de l’attaque. C’est un vin très agréable.

Le Vega Sicilia Unico 2012 a un nez superbe et une attaque d’une fraîcheur incroyable. Le finale est un peu rêche, signe de jeunesse. Entre Valbuena et Unico, je préfère l’attaque de l’Unico et le finale du Valbuena. De mémoire je pense que c’est la première fois que la qualité du Valbuena se rapproche autant de la grandeur de l’Unico. Comme les dates l’indiquent, le Valbuena est disponible sur le marché quand il a cinq ans et l’Unico quand il a dix ans.

Le Oremus Tokaji Aszu 5 Puttonyos 2014 a une jolie couleur d’or légèrement ambré. Le nez est énigmatique, hésitant entre le sec et le doux. J’aime ce parfum complexe. L’attaque est superbe de jeunesse et de fraîcheur. Comme il est jeune le sucre n’est pas encore intégré. Le finale est très long. Le vin est charmeur et magnifique dans cette folle jeunesse. Il est superbe et gourmand, de grande pureté. Il est sec et doux, bonbon anglais et sel. J’adore sa palette très large.

Pablo Alvarez nous a parlé de l’approche qu’il a pour faire ces différents vins, qui consiste à chercher des améliorations jusque dans les plus infimes détails. Tout est en question pour aller plus loin dans la précision. A l’entendre je ressens les mêmes recherches que celles d’Aubert de Villaine pour les vins de la Romanée Conti. Si je fais appel à ma mémoire je dirais que l’Oremus sec est moins charmant et joyeux que de précédents millésimes, que le Tokaji Oremus 2014 est brillantissime à cet âge précis. Le Valbuena est de plus en plus proche de la qualité de l’Unico. Et le superbe Unico m’a moins impressionné à cet âge que certains autres millésimes bus au même moment de vieillissement.

Pour rien au monde je ne raterais cette dégustation, surtout quand elle est conduite par Pablo Alvarez qui dirige son groupe avec talent.

Déjeuner au restaurant Pierre Gagnaire samedi, 30 octobre 2021

J’ai eu l’occasion d’acheter une bouteille très rare de Perrier Jouët, un Champagne Perrier Jouët Champagne de Cramant 1955 qui a donné lieu à une toute petite production avec des bouteilles numérotées, et que la maison Perrier-Jouët n’a pas en cave. J’appelle Alexander qui gère toutes les opérations prestigieuses de son groupe et l’idée que nous buvions ce vin avec d’autres personnes de son groupe est lancée.

Une table est réservée au restaurant Pierre Gagnaire de la rue Balzac à Paris et nous serons quatre, Alexander, Paul-Charles Ricard, le maître de chais Séverine Gomez-Frerson et moi. Le chef Pierre Gagnaire nous accueille et je remarque une belle complicité du chef avec Séverine, qui a discuté du menu avec lui.

Pour commencer nous prenons un Champagne G.H. Mumm Blanc de Blancs brut de Cramant fait avec une base de champagnes de 2013, mis en bouteilles en 2014 et dégorgé en 2017. Le clin d’œil est avec le 1955 qui est de Cramant.

Le champagne me paraît très court alors qu’il est large en entrée de bouche, mais il suffit de quelques-uns des amuse-bouches pour que sa longueur réapparaisse. C’est l’amuse-bouche à base de sardine qui repositionne le Mumm.

Le menu préparé pour nous est : thon rouge laqué, vernis, murex, brandade de rouget, celtus et sommités de chou-fleur, gelée de bœuf / perdreau gris bardé de lard de Bigorre, rôti à la chanson, choux rouges aus raisins blonds, eau de coing à l’eau-de-vie de houx, farce au gratin de Sologne. Nid de cracottes, kimchi / les desserts Pierre Gagnaire.

Les intitulés de ce menu sont bien modestes, car pour chaque plat on voyage dans les saveurs comme Alice au Pays des Merveilles. Autour de mon assiette il n’y a pas un centimètre carré qui soit libre car chaque plat est accompagné de coupelles de différentes formes où nous attendent des saveurs infinies. Avec Pierre Gagnaire, on voyage dans l’au-delà. Et toutes les saveurs sont des merveilles d’imagination. Et c’est ce qu’il faut pour les champagnes qui vont venir.

Le Champagne Perrier Jouët 1979 apporté par Séverine a un parfum époustouflant, large riche et dominateur. Et en bouche c’est un champagne d’une belle jeunesse et d’une belle plénitude. Je l’adore.

Pour le Champagne Perrier Jouët 1961 aussi apporté par Séverine, je ressens au nez un goût de bouchon. Séverine me dit que c’est impossible, puisque ce champagne a été dégorgé hier et n’a aucun dosage. Je l’ai aimé à plusieurs moments du repas mais cette insistance de bouchon, qui n’est sans doute pas liée au bouchon mais à un problème d’impureté, m’a suivi tout au long de sa dégustation.

Si l’on fait abstraction de ce défaut que je ressens, il y a une solidité extrême dans ce champagne.

Le Champagne Perrier Jouët Champagne de Cramant 1955 que j’ai déniché est la preuve évidente que les champagnes anciens sont l’apothéose du champagne. Celui-ci fait son âge mais le fait bien. Complexe, large, sensible, c’est un champagne majestueux qui va trouver avec le perdreau surmonté de grains de raisins marinés un accord exceptionnel.

Le soufflé du dessert est démoniaque. En fait, venir chez Pierre Gagnaire, c’est la route de la Soie. Non pas celle des chinois, mais un parcours où, à chaque pas, il y a de quoi s’émerveiller. Bien sûr, on garde sa liberté d’aimer ou de ne pas aimer, mais on est transporté. J’ai trouvé que le thon rouge était un peu bridé par les saveurs très iodées qui l’entouraient, mais pour le reste, notamment le perdreau, j’ai été émerveillé. Pierre Gagnaire est un grand chef, heureux, car on ne peut pas offrir cette foison de saveurs si l’on n’est pas heureux.

Le classement pour moi est facile, le 1955 d’une maturité flamboyante est le gagnant, puis le 1979 pour son parfum glorieux et sa jeunesse épanouie, le 1961 qui malgré l’impression que j’ai eue est d’une belle richesse et le Mumm à base de 2013 qui est encore dans les limbes de ce qu’il sera.

Nous avons échangé des idées sur des projets communs. Le 1955 méritait ce repas et la cuisine de Pierre Gagnaire est un bonheur absolu.

Dégustation féérique de Jasnières vendredi, 8 octobre 2021

Après un dîner et une nuit au Mans, je me dirige vers un domaine viticole situé dans l’appellation Jasnières. La visite a été organisée par un ami écrivain, journaliste et vendeur de vins au parcours éclectique. Il a convié plusieurs sommeliers de grands restaurants parisiens, le nouveau meilleur sommelier français et un amateur de vin. Ce qui a alléché les membres de notre groupe est l’éventualité de goûter des vins plus que centenaires du Domaine de l’Etre André.

Arrivé le premier, j’ai l’occasion de constater que Jean-Bernard Métais est plus que vigneron. C’est un artiste sculpteur qui travaille beaucoup l’acier pour faire des œuvres, sortes de moucharabiehs dont l’expression change avec l’angle de vision. On sent que ce jeune sexagénaire est un homme heureux.

Le petit groupe nous rejoint. Nous visitons une cave creusée dans une colline de tuffeau qui permet une conservation éternelle des vins de ce domaine. Cette cave s’agrandit au fil des générations nouvelles. Nous commençons la dégustation dans la salle des fûts de vins jeunes. Tous les vins blancs sont de chenin blanc et sont soit secs soit passerillés, avec des degrés divers de sucrosité que Jean-Bernard classe en leur donnant des noms charmants.

Nous commençons par goûter des rouges sur fût. Le rouge 2019 a un joli nez poivré très aromatique. Il est un peu mentholé dans le finale, mais le poivre domine. Il a une légère amertume. Il provient de vignes de plus de cent ans. Un des sommeliers dit que c’est un vin distingué.

Le rouge 2018 est très clairet. Son nez est intense. C’est un vin frais et fluide avec un beau fruit. Le vin est souple. Il est fait de pineau d’Aunis appelé chenin noir. Marqué d’un beau fruit et d’un beau finale, ce vin laisse une belle mémoire en bouche.

Le Silex blanc 2019 a un joli nez et une belle attaque joyeuse. Il est solaire. Sa minéralité est forte et j’aime beaucoup car il est plaisant, fluide, salin et très grand. Son finale est marqué d’une belle amertume.

Le 2020 blanc a un nez timide. Il a une belle attaque fruitée. Le finale a des accents de fruits jaunes. Avec ce vin agréable je verrais bien du brochet à la crème.

Le 2020 passerillé a un nez sec. La bouche un peu perlante est d’une douceur extrême. Le vin est délicat et je l’associerais à un ris de veau. Il y a un peu de fleurs blanches. Le vin n’est pas encore formé et sera doux et grand.

Nous quittons la salle des fûts pour aller dans une salle de dégustation où tous les murs sont recouverts de bouteilles stockées. Au sol il y a d’innombrables vins ouverts que nous allons goûter. Nous commençons par un Chenin effervescent 2013 très vert et sec.

Le 2015 passerillé a un nez fermé et sec. Le vin est très beau et de beau finale gourmand. Il a un bel équilibre salin.

Un deuxième 2015 passerillé est plus riche, au finale très doux et sucré montrant du sel et du pétrole. Jean-Bernard dit que ce vin vivra plus de cent ans.

Le 2005 passerillé a un nez élégant et une bouche élégante. On sent les épices et la cannelle. Le finale est superbe. C’est un vin vif et charmeur. Quelqu’un suggère ris de veau et morilles.

Le 1997 passerillé est très élégant et frais. Il est plus fluide que le précédent avec un peu de poivre et de tabac. Je le trouve très subtil.

Le 1990 passerillé a un nez très jeune et une attaque sucrée. Il a un grand futur devant lui. On sent l’iode. Le finale n’est pas très long où le sucre remonte. Mais il est aussi frais et salé. C’est un vin à attendre.

Le 1976 passerillé est de la première année faite par Jean-Bernard. Il a un nez très élégant. Tout dans ce vin est élégant et assemblé. Il est fluide. On sent comme un caramel de fruit. Certains amis citent des champignons séchés. J’adore ce vin.

Le 1961 passerillé a un nez discret et une bouche superbe. Des amis évoquent son caractère racinaire. Le finale a une rémanence rare. Je dis que ce vin est kaléidoscopique car quel que soit le fruit que l’on évoquerait, on le trouverait dans ce vin riche. Il a une puissance concentrée.

Le 1954 passerillé est de l’année de naissance de Jean-Bernard. Il est plus discret mais j’aime son côté retenu. C’est un vin sévère mais que j’aime, de très belle acidité.

Le 1953 passerillé a un nez salin et évoque le champignon séché. Il est un peu plus serré avec des notes de citron et de pain d’épices.

Le 1949 passerillé est différent et un peu dévié.

Le 1948 passerillé est doux et fluide, légèrement oxydatif. Il est plus simple et encore fermé. Des amis évoquent les noix et fruits à coque.

Le 1945 passerillé est d’un équilibre absolu. C’est un très grand vin. Il a un petit côté marc, mais il a du fruit. L’aspect marc marque le finale.

Le 1947 passerillé est fluide et superbe. Il est magnifique et aérien dans sa complexité. Le finale est superbe. C’est un vin très grand.

Le 1934 passerillé a un nez explosif de truffe blanche. Il est de grande complexité. C’est un vin très grand. Il ressemble à un demi-sec car il est moins doux, et en dessous des passerillés. Il est superbe dans cette expression de vin sec mais qu’il n’est pas. Il est iodé. Jean-Bernard nous dit qu’il a été ouvert il y a huit jours.

Le 1921 passerillé en magnum est superbe et très en retenue.

Le 1921 passerillé en bouteille est plus large que celui en magnum. Il combine iode, cardamome et pain d’épices. Il est très noble.

Le 1916 passerillé est superbe, complètement naturel. C’est peut-être le meilleur à mon goût de tout ce que nous avons bu jusqu’ici.

Un 1893 passerillé est perlant !

Un deuxième 1893 passerillé est sublime. Devant de tels vins, je ne prends plus de notes. Je me recueille.

Le 1870 passerillé est aussi sublime, d’un bel équilibre et fort en alcool.

Nous allons maintenant sauter de presque un siècle car Jean-Bernard nous sert une bouteille qui vient d’une cave de rangement où tout est d’avant 1800. Le regretté Jacques Puisais avait daté ce vin de 1783. Disons qu’il s’agit d’un passerillé d’environ 1780 #. Il est étonnant de voir à quel point il est jeune. Mais il y a des saveurs lactées et giboyeuses qui pour mon palais ont certainement plus de 200 ans. Il y a aussi des notes de café. Ce vin est exceptionnel.

Nous irons au domicile de Jean-Bernard pour déjeuner et il nous suggère de garder un verre d’un des vins que nous avons goutés. Presque tous les sommeliers ont choisi de prendre 1961. Je suis le seul à avoir pris un verre du 1780 # tant je suis ému par celui-ci.

Il est temps de passer à table.

Au Domaine de la Gildonnière nous avions jusqu’à présent fait une dégustation impressionnante des rouges, des blancs secs et des passerillés en remontant le temps sur environ 240 ans. La femme de Jean-Bernard Métais nous avait rejoints en cours de dégustation. Sa capacité à juger les vins et à en reconnaître le millésime est impressionnante. Et elle défend bec et ongles les vins de son mari. Comparant deux des vins je dis : « celui-ci est plus simple ». Comme en un passing-shot de Serena Williams, j’entends la réplique qui claque : « ce vin n’est pas simple ». Je me suis fait tout petit.

La maison familiale est très au-dessus de la salle de dégustation, accessible par des chemins pentus. La table est dressée dans cette belle maison. Après avoir bu ces trésors, une rillette s’impose dont un des sommeliers présents dit que c’est la meilleure du monde sarthois. Elle est grasse et fluide et appelle le chenin blanc.

Nous avons chacun monté avec nous un verre d’un des vins goûtés, mes amis ayant choisi surtout le 1961. J’ai gardé le # 1780. Nous nous régalons d’une terrine de canard et d’une tarte aux tomates. Quand arrive une joue de porc absolument superbe, Jean-Bernard nous sert un vin à l’aveugle et nous demande de trouver l’année. Je goûte, je réfléchis et je dis 1934. Et c’est 1934. La chance sourit aux audacieux. Le 1934 sera servi en deux versions, celui du lieudit Saint-Jacques et celui de La Gildonnière. Le Saint-Jacques est magique et sublime.

Ce qui est fascinant, c’est que sur la joue de porc, les traces anciennes du # 1780 passerillé ont disparu et le vin se montre d’une jeunesse et d’un équilibre spectaculaires. Ce vin est merveilleux. Si quelqu’un à l’aveugle le disait de 1960, réponse fort logique, il se tromperait de 180 ans, ce qui est incroyable. Ce vin est éternel. Il est plus que probable que les descendants de Jean-Bernard dans quatre ou cinq générations le trouveraient dans le même état qu’aujourd’hui. Les chenins blancs sont éternels.

Le dessert de pommes au four, très acide, a bien répondu au 1934. Le chenin blanc est éternel, mais aussi gastronomique. Vive Jasnières.


l’atelier de l’artiste où mon œil est attiré par une curieuse étiquette de vin, « joie de France »

dégustation dans les chais

dégustation en salle avec les bouchons des vins ouverts et une exposition de vieilles bouteilles vides.

un bouchon dur comme du bois

rare étiquette d’un passerillé 1921 et sa couleur superbe

le vin probable 1780 et sa couleur et le haut du goulot découpé au ciseau de souffleur de verre

le déjeuner au domicile du vigneron

couleurs de vins : en bas à gauche le 1780, à sa droite le 1934 et en haut un autre vin. Lequel ?

 

Débauche de vins au restaurant Pages vendredi, 3 septembre 2021

Un ami m’envoie un message me demandant si je voulais participer à un dîner qui se tiendra au restaurant Pages. Il annonce quelques convives dont Olivier Krug, Charles Philipponnat, Frédéric Panaïotis, les dirigeants de Drappier, le dirigeant de Chartogne, et le directeur général de Vega Sicilia Unico. Un seul de ces grands personnages du vin aurait suffi pour que je dise oui. Je propose d’apporter du vin et mon ami me dit qu’il y en aura beaucoup car une influenceuse du vin vivant à New York veut fêter les 60 ans de son mari né en 1960 dont l’anniversaire n’avait pu être organisé en 2020 du fait du Covid. Nous serons environ seize ce qui rend difficile d’apporter des bouteilles de vins anciens. J’opte pour deux magnums, un Montrachet Guichard Potteret magnum 1988 et un Pommard Grands Epenots Domaine Hubert de Montille magnum 1999. Comme il y aura des vins anciens je propose à mon ami de venir à 16 heures au restaurant Pages pour ouvrir les vins qui seront présents.

Comme convenu je commence à ouvrir les rares vins présents ce qui me laissera un temps mort très long. Le Grands Epenots de Montille a un nez superbe alors que le Montrachet 1988 a un bouchon qui sent le bouchon et hélas le vin sent le bouchon aussi. Quel dommage. J’ouvre deux Château Petit Faurie de Soutard 1960 l’un superbe, l’autre au bouchon que je dois sortir au tirebouchon Durand, nettement moins accueillant. Il en est de même de deux Château Margaux 1934 dont l’un est sublime et l’autre résolument fatigué.

Après les ouvertures, je vais prendre une bière à la brasserie 116 et je grignote des édamamés. Juste avant que l’équipe de cuisine ne prenne leur dîner, je leur offre de goûter le Champagne Dom Pérignon 1983 que j’avais apporté au Pavyllon et dont il restait une belle moitié. Ils ont apprécié la noblesse de ce champagne.

Les invités arrivent et nous sommes submergés par les vins. Sans calcul, en comptant deux bouteilles pour un magnum, nous dépassons les quarante bouteilles pour seize. C’est de la débauche mais surtout c’est assez anarchique car il y a toujours un convive qui vient remplir un verre pour qu’on goûte son vin. De ce fait, ma mémoire me fait défaut pour raconter certains vins de ce programme de folie :

Champagne Krug magnum 2003 : succulent et racé comme il doit être – Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2012 dégorgé en avril 2021 et pas encore commercialisé : très prometteur et imposant – Champagne Dom Ruinart Magnum 1990 : l’un des plus grands Dom Ruinart, une merveille – Champagne Dry Monopole Heidsieck & Co magnum 1955 : un peu fatigué mais beau témoignage d’une grande année – Champagne Drappier Grande Sendrée magnum 2002 : superbe – Pommard Grands Epenots Domaine Hubert de Montille magnum 1999 : d’une subtilité infinie, je l’adore – Château Calon-Ségur 1961 : la bouteille que j’ai bue est grande et riche – Château Margaux 1934 : j’ai eu le bonheur de boire la bonne bouteille, un rêve – Vega Sicilia Unico 1964 : un très grand Véga au sommet de sa maturité – Château Petit Faurie de Soutard 1960 : très beau saint-émilion.

Et il y a les vins que je n’ai pas bus ou dont je ne me souviens pas : Chevalier Montrachet domaine Leflaive magnum 2008 – Champagne Chartogne-Taillet Heurtebise 2016 – Vega Sicilia Unico magnum 2006 – Champagne Dom Ruinart rosé 1985 – Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1959 – Corton renardes Paul André 1979 – Champagne Drappier Brut Nature André Michel (fin des années 90) – Champagne Krug Grande Cuvée étiquette bordeaux – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1981 – Corton Charlemagne Louis Latour 1934 – Montrachet Guichard Potteret magnum 1988 qui n’a même pas été servi, mon apport oublié dans une cave de refroidissement – Champagne Dom Pérignon 1969. J’ai certainement raté des merveilles.

Le menu a été une fois de plus parfait : brioche feuilletée, tapenade à l’ail noir / tartelette confits d’oignons, anchois / carpaccio de Joshu Wagyu / salade de homard bleu, burrata, émulsion pastis fenouil, radis mirabelles, caviar Baeri Baïka Royal / anguille fumée, frite ‘Nduja, gel de citron au piment d’Espelette / daurade royale sauce « umami », nectarine confite au sel / dégustation de bœuf de maturation, girolles et gaufre de pomme de terre / pastèque et thym citron / crème brûlée au chocolat, glace à la cardamome.

Le talent du restaurant Pages s’affirme de plus en plus. Ce qui fait la valeur de ce dîner c’est la cuisine, les convives tous intéressants et enjoués et la générosité de participants qui veulent faire plaisir à tous. Ce fut un grand moment de partage. J’ai cru comprendre que les 60 ans allaient se fêter encore chez de nombreux vignerons.

les vins que j’ai apportés

les vins que j’ai ouverts

quelques vins qui arrivent avec les invités

le sommelier regarde si l’alignement des verres est parfait

le repas

les vins

les convives

Dégustation de vins du Rhône au restaurant La Cabro d’or lundi, 28 juin 2021

Ceci se passe il y a deux ans et demi. Frédéric est dans un TGV. Il est amateur de vin, il en vend et organise des événements sous le nom de « Grand Cru Wine Consult ». Il lit la revue Vigneron où j’écris une page, parfois deux, depuis des années et en bas de mon article il y a mon adresse mail. Dans le train il m’écrit un mail et nous commençons à converser par mails.

Récemment, il m’annonce qu’au restaurant La Cabro d’Or il y aura un déjeuner avec dégustation de vins de la galaxie Rayas / Reynaud en présence d’Emmanuel Reynaud. L’idée de rencontrer ce vigneron qui fait des vins de grand renom me plait, aussi, après avoir payé ma participation, j’annonce à Frédéric que j’apporterai un vin de ma cave. Dans mon idée, si nous sommes répartis en deux tables, j’offrirais à ma table le Salon 1997 que j’ai prévu de prendre. Mais Frédéric, songeant à mettre ses convives à égalité, téléphona à Didier Depond président de Salon qui lui mit à disposition un autre Salon 1997.

Lorsque j’arrive au restaurant, il y a déjà des membres du club. L’idée qui vient à l’esprit est de comparer les deux Salon. L’un est de ma cave, reçu au moment où le champagne a été commercialisé. Le champagne a été livré dans mon ancienne cave, a été transféré dans ma nouvelle cave parisienne, puis transporté dans ma première cave du sud, puis dans ma deuxième cave du sud. La bouteille de Frédéric vient directement des caves de Salon et c’est certainement un dégorgement récent.

Comme je m’y attendais je n’arrive pas à déboucher ma bouteille car le bouchon est trop serré dans le goulot. Chez moi j’utilise un casse-noix mais ici il n’y en a pas. C’est Gilles Ozzello, le sommelier historique de l’Oustau de Baumanière qui arrive à le tirer. L’ouverture fait un beau pschitt.

Le Champagne Salon 1997 de ma cave a un nez absolument superbe et en bouche, ce qui frappe, c’est l’épanouissement merveilleux de ce champagne. Il est puissant mais agréable, cohérent, noble, d’un raffinement enthousiasmant.

J’arrive à ouvrir le Champagne Salon 1997 ajouté par Frédéric ce qui montre bien que l’embouteillage n’a pas été fait à la même période. Le pschitt est beau et le bouchon est très jeune. C’est un beau 1997 mais sur tous les compartiments du jeu, il joue moins bien que le premier. Il y a une cohérence dans le premier qu’on ne retrouve pas dans le second. On ne peut pas tirer des leçons de cette expérience qui auraient valeur de loi, mais j’en retiens une qui est que les champagnes sont des vins solides que les transports n’usent pas autant que certains l’imaginent.

J’ai une passion certaine pour Salon 1997 et celui que j’ai apporté fait partie – de mémoire – des plus grands que j’ai bus.

Pendant l’apéritif et en attente de tous les convives qui arrivent en chapelet, je raconte des anecdotes en répondant aux questions qui me sont posées. L’ambiance est particulièrement amicale.

Comme il faisait soif en attendant les derniers arrivant, on déboucha le Champagne Baumanière blanc de blancs Grand Cru, cuvée Jean-André Charial, direct, franc et bien agréable à boire.

Nous passons à table et contrairement à ce que j’imaginais nous sommes répartis en six ou sept tables de quatre ou cinq et non pas en deux tables comme je le supposais. Les participants sont de tous âges, de toutes occupations mais sont tous sympathiques, souriants et amoureux des vins.

Le menu réalisé par le chef Michel Hulin est : langoustines mi- cuites dans leurs carapaces, huile d’olive vanillée, mangue verte er betterave, vinaigrette safranée / dos de loup cuit lentement, fenouil au confit de citron et tomates séchées, crumble au vieux parmesan / agneau confit et caramélisé à la broche, feuille à feuille de pomme de terre à l’ail noir, pain soufflé à l’anchoïade / assiette de fromages / zéphyr de pamplemousse au gin, écume aux éclats de meringue et coriandre / meringue croustillante, crème légère vanille, confit de fraises, fraises fraîches et sorbet aux herbes.

Le Domaine des Tours, Vin de pays de Vaucluse blanc Clairette 2016 est tout jeune, tout frêle et je le trouve très sympathique. Il porte en lui une belle émotion liée à sa jeunesse et à sa vivacité. L’accord avec les délicieuses langoustines est idéal.

Les Tours Grenache blanc, Indication géographique protégée Vaucluse 2016 est un vin totalement opposé au précédent. L’un était gracieux, celui-ci est guerrier, offensif, voire trop. Sur le loup, il aurait fallu beaucoup moins d’énergie. Le vin se calmera sans doute dans quelques années mais pour l’instant, je n’en profite pas.

Nous allons nous livrer à une dégustation à l’aveugle mais limitée puisque nous savons de quels vins il s’agit. Les verres sont numérotés 1 et 2 et les vins sont : Pignan et Rayas du même millésime, 2006. Je connais Rayas et je n’ai pas eu l’occasion de goûter Pignan.

Le premier vin a un parfum à se damner. Quelle magnifique évocation. En bouche, il est délicieux, extrêmement bourguignon. J’adore ce vin. Je ne me prononce pas encore mais on sait que Rayas a la réputation d’être le plus bourguignon des Châteauneuf-du-Pape.

Le deuxième vin a un nez très faible, fermé. En bouche ce qui frappe c’est la grande richesse de vin, mais d’un vin fermé. On sent le potentiel que le vin refuse de délivrer. Alors, il me semble que le deuxième est Rayas et cela est confirmé.

Le Pignan Châteauneuf-du-Pape 2006 est merveilleux en ce moment. Dans quelques années le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2006 lui passera devant. C’est un grand vin mais qui ne s’exprime pas assez. Emmanuel Reynaud qui n’est pas venu avait prévu un Rayas 2007 et avait changé pour 2006, croyant qu’il s’exprimerait mieux. Ce ne fut pas le cas.

Vient maintenant une expérience amusante. On met sur table des verres déjà remplis. Les verres sont opaques et l’on ne peut pas voir la couleur. Je sais qu’on peut facilement se tromper dans cet exercice, mais pour moi, le nez exclut un rouge. Je réponds donc blanc. En fait c’est un rosé. Il est extrêmement simple mais ne laisse pas indifférent. Et sur le dessert, l’acidité des fruits a joué le jeu avec cet étonnant Parisy Vin de table rosé 2013 qui titre quand même 14°. Original il a sa place sur les tables d’été.

L’un des sponsors du club met à disposition de ces dégustations des verres dont, comme il se doit, il vante les qualités, et il présente un autre de ses cadeaux, un Champagne Rémi Leroy jéroboam dégorgé en 2019, fait de 45% de chardonnay et le reste en pinot noir (si j’ai bien lu), et qui comporte des champagnes de 2014 et 20% de champagnes de réserve. Le terroir est de la Côte des Bar. On sent tout de suite que l’effet jéroboam joue à plein, car le champagne a une rondeur qu’il n’aurait pas naturellement. J’aime beaucoup sa fluidité. Il n’est pas très complexe, mais il se boit avec plaisir.

Que dire de cette dégustation ? Frédéric est extrêmement sympathique et les membres de tous âges de Grand Cru Wine Consult sont tous souriants, accueillants et amoureux des vins. J’aurais évidemment préféré qu’Emmanuel Reynaud tienne son engagement, mais Gilles Ozzello, si compétent sommelier et puits de sciences a su captiver chacun. J’ai rencontré des vignerons amis, ce qui fait que je suis ravi de ce déjeuner et de cet après-midi.

Il est de tradition que mon vote couronne un vin que j’ai apporté. Je sais, c’est mon côté mère poule qui adore ses petits, mais c’est comme cela. Donc mon vote sera : 1 – Champagne Salon 1997, 2 – Pignan Châteauneuf-du-Pape 2006, 3 – Domaine des Tours, Vin de pays de Vaucluse blanc Clairette 2016, 4 – Parisy Vin de table rosé 2013, et j’ajouterai quand même car c’est un grand vin : Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2006.

Longue vie à ce sympathique club de dégustation.

contact : gc.wineconsult@gmail.com

dégustation verticale du Château Corbin-Michotte de 2010 à 2018 dimanche, 20 juin 2021

Après le repas du 251ème repas de wine-dinners, nous nous rendons dans ma cave car le déjeuner était initialement prévu dans ma cave puisqu’on ne savait pas à quelle date les restaurants ouvriraient. Les vins méritaient la cuisine d’un chef de talent. Mes convives ne voulaient pas rater l’opportunité de visiter ma cave. Je leur ai fait une surprise, qui est une dégustation verticale du Château Corbin-Michotte, Saint-Emilion pour les neuf millésimes de 2010 à 2018. La genèse de cette dégustation commence par un mail d’Emmanuel Boidron que je connais ainsi que son père depuis près de vingt ans. Il apprécie mes écrits sur le vin et aimerait que je donne mon avis sur ses vins. Je lui réponds que si je peux exprimer des avis personnels sur des vins anciens, je n’ai aucune compétence pour juger des vins très jeunes. Cela ne rebute pas le vigneron qui va m’envoyer ses vins. Je lui dis qu’ayant horreur de gâcher, je ferai participer mes convives du 251ème repas à cet exercice. La femme de l’initiateur du déjeuner ayant rejoint son mari en fin de repas au Sergent Recruteur, nous serons donc six à goûter les vins.

Voici ce que j’ai écrit sachant que pour pouvoir classer j’extrémise les différences.

2018 : beau nez de griotte, vin fluide, agréable, équilibré au finale très vert tant il est jeune.

2017 : nez calme, vin sans aspérité, un peu trop calme, sauvé par un finale très construit. Va progresser.

2016 : nez expressif, bel équilibre, beau vin au finale qui promet un vin gastronomique. Il est fluide et beau.

2015 : nez de fenouil, un peu trop végétal. Le finale est rêche. Il sera grand mais il est fermé maintenant.

2014 : nez agréable, bouche calme et élégante, le finale est motivant.

2013 : superbe nez. La bouche est fluide, manquant un peu de matière. Beau finale mais vin trop calme.

2012 : nez que j’adore. Bouche agréable, fluide, beau finale. J’aime assez.

2011 : nez discret. Beau vin fluide au beau finale. Sera grand. J’aime sa fluidité.

2010 : bouche fluide, beau parcours en bouche. Vin solide et riche.

Dans l’envoi, deux vins plus anciens avaient été joints. J’ai préféré qu’on se concentre surtout sur les vins jeunes.

Mes amis ayant sérieusement travaillé, le vote du consensus serait : 2016 – 2018 – 2011 – 2010 – 2012 – 2015.

Mon vote est : 2018 – 2016 – 2010 – 2015 – 2011.

Ce qui apparait c’est que Corbin Michotte est un solide Saint-Emilion qui a toutes les belles caractéristiques d’un grand Saint-Emilion. Tout jeune il est brillant puisque 2018 et 2016 sont les deux premiers pour mon vote et pour celui du consensus. Il y a des variations entre les millésimes, mais je suis sûr qu’avec le temps les différences s’estomperont. Je suis surtout favorablement impressionné par la fluidité et la cohérence de ce vin.

Le 1966 qui était joint et avait un léger nez de bouchon m’est apparu comme très frais, agréable, fluide et qui se boit bien. La qualité des vins récents est à signaler.

Comme je voulais être sûr de répondre au souhait d’Emmanuel Boidron, je suis revenu le lendemain goûter les verres de la dégustation. La période est de forte chaleur mais j’ai trouvé que cela n’avait pas du tout affecté les vins.

Voici le nouveau compte-rendu, fait, bien sûr sans consulter les notes précédentes.

2018 : attaque superbe, beaucoup de fruit. Agréable et plaisant à boire.

2017 : moins chaleureux, plus tendu, un peu amer

2016 : frais, joyeux, large et souriant au finale un peu moins glorieux que celui du 2018.

2015 : belle attaque, plus court que 2016 et 2018, finale noble et riche

2014 : plus plat que les autres. Il manque de matière. Serait bon sur un plat.

2013 : vins frais qui n’a pas la puissance des meilleurs. Il est plus aérien. Il m’avait plu hier en fin de soirée. Il va devenir intéressant. Il a plus de personnalité dans son finale

2012 : attaque un peu saline. Il me plait moins qu’hier.

2011 : attaque chaleureuse. Il est plaisant mais manque un peu de longueur.

2010 : vin superbe, joyeux tout en étant construit. Un grand vin au finale convaincant.

Mon classement du lendemain sur des vins plus chauds qu’hier est 2018 – 2010 – 2016 – 2011 – 2015 – 2013 – 2012 – 2017 – 2014.

La solidité de ces vins est certaine. J’ai voulu jouer le jeu pour mon ami Emmanuel Boidron. J’ai accueilli ces vins non pas pour déterminer ce qu’ils deviendront mais pour ce qu’ils sont aujourd’hui. Le moins bien classé deviendra peut-être meilleur que le premier classé parce que son évolution l’y conduira. Si le 2018 est le meilleur c’est parce qu’il est bien fait mais aussi parce qu’il profite de sa belle jeunesse. Mais c’est ensuite le plus vieux (si l’on peut dire), le 2010, qui recueille mes faveurs. C’est une belle dégustation d’un grand vin.

Pour remercier mes amis d’avoir été si studieux, j’ai servi un Rhum Black Head Rum, West Indies Rums, distribué par Cazanove à Bordeaux. L’étiquette ferait exploser de fureur tous les antiracistes qui veulent reconstruire l’histoire à leur façon. Ce rhum est particulièrement doux et délicieusement piquant. Sa longueur est infinie. Il a dû être mis en bouteille dans les années 50 et provenir de fûts des années 30. C’est une merveille.

Quand ma femme m’a appelé vers 20h20 pour venir aux nouvelles, par malice je lui ai dit : « nous sommes encore en train de déjeuner ». J’ai rectifié ensuite bien sûr.

Ce repas, cette dégustation inopinée et ce rhum ont fait de cette journée une journée mémorable. Il est temps de baisser le rideau pour profiter de l’été dans ma thébaïde du sud.

Dégustation des 2017 du Domaine de la Romanée Conti mercredi, 2 juin 2021

La société Grains Nobles organise chaque année une dégustation des vins du domaine de la Romanée Conti du millésime qui va être mis sur le marché, après sa mise en bouteille. Nous aurions dû goûter le millésime 2017 à la fin de l’année 2020 mais du fait du Covid, c’est seulement maintenant que cette dégustation est organisée en un lieu au centre de Paris qui permet des tables de trois ou quatre convives, espacées comme il convient.

Pascal Marquet dirigeant de Grains Nobles nous accueille et sur l’estrade Aubert de Villaine, Michel Bettane et Bernard Burtschy vont commenter les vins.

Aubert de Villaine raconte l’histoire du climat de 2017 qui est détaillée dans la brochure qui nous est remise. Mars a été un mois chaud, la vigne a eu un printemps précoce et sans gel avec beaucoup d’énergie pour les fruits, donnant des grains résistants. Le sucre a monté très vite. La chaleur a créé des blocages mais heureusement des averses salvatrices ont permis un beau développement. Le Montrachet est très généreux après l’année 2016 quasiment perdue. Aubert de Villaine dit que ce qui est important, c’est la maîtrise naturelle des rendements, ce qui est lié notamment à l’âge des vignes.

Le millésime 2017 est le dernier fait par Bernard Noblet qui avait succédé à son père en 1985.

Le Corton GC Prince Florent de Mérode 2017 a une belle robe violette et un nez discret. En bouche il se signale immédiatement par sa fraîcheur. Il est distingué et son finale offre de beaux fruits noirs. C’est un vin magnifique qui deviendra grand et gourmand. Il est agréable à boire dans cette jeunesse. Michel Bettane dit que c’est un vin raffiné, très frais qui vieillira bien et Bernard Burtschy dit qu’il est très tanique.

L’Echézeaux GC Domaine de la Romanée Conti 2017 a une couleur d’un rouge plus soutenu. Le nez est aussi discret mais cela doit tenir de la forte chaleur qui règne sous la verrière. Il pétille à la prise en bouche. C’est un vin qui n’a pas encore trouvé son équilibre. Sa texture est soyeuse avec un peu d’amertume. On sent qu’il deviendra charmeur, mais pas aujourd’hui.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2017 a une robe identique à celle de l’Echézeaux. Il a le même perlant à l’attaque de la première gorgée. Il a de l’amertume dans le finale. Mais il a plus de maintien. C’est un vin dense qui sera grand avec un fort fruit. Il devient de plus en plus impressionnant car il est fort et puissant. Bernard Burtschy dit que la violette est sa signature. S’élargissant dans le verre il montre de plus en plus sa grandeur.

Pour une première fois, au lieu de la Romanée Saint Vivant, le vin qui suit est le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2017. Il a une belle couleur et un nez fermé par la chaleur. En bouche c’est un ravissement. Le saut par rapport aux trois premiers est immense. Il est superbe, de beau volume, gourmand. Tout en lui est équilibré, intégré et déjà brillant. C’est une belle réussite.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2017a une couleur plus violette que les trois vins précédents. Cette Romanée joue sur sa finesse. C’est un vin féminin et gracieux, jeune et frais, au finale très long et imprégnant. On sent un travail très pur vers la légèreté et la fraîcheur. J’entends que l’on dit qu’il a « une floralité très homogène ». Voilà qui est bien dit ! C’est un vin qui fait saliver et montre son charme.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2017 a une couleur plus rouge que celle de la Romanée Saint Vivant. C’est à ce stade le nez le plus expressif. La bouche est très douce, voire charmeuse, ce qui n’est pas le cas de toutes les La Tâche. Michel Bettane évoque le millésime 2000 qui lui ressemblerait. Aubert de Villaine signale un petit côté mentholé et dit que ce vin a moins de corps mais promet énormément. Ce sera un grand vin, généreux et joyeux.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2017 a une couleur magique (quand on aime …) Le nez est noble. Immédiatement je reconnais une Romanée Conti avec un charme fou. Le vin est noble, magique, du velours pur. Michel Bettane dit que ce vin a un toucher de bouche raffiné. C’est pour moi l’archétype de la Romanée Conti parfaite. Ce vin n’est que du bonheur et je suis ému.

A ce stade de leurs vies, car l’avenir ne sera peut-être pas le même pour tous, je classe en premier et de loin la Romanée Conti, puis La Tâche, puis le Richebourg et ensuite le Corton qui m’a impressionné par sa belle personnalité.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2017 a une couleur claire mais qui n’est pas blanche. Le nez est puissant et conquérant. Le vin n’a pas de botrytis. C’est un montrachet superbe qui combine force, fraîcheur et charme. Le finale est un peu plus dur et je trouve en lui un peu de perlant, signe de jeunesse. Il n’est pas encore totalement intégré mais il promet beaucoup. L’absence de botrytis lui donne de la tendresse. Il a une belle tension. C’est un blanc très pur qui ne joue pas dans le registre de la puissance comme en certains millésimes. Il aura un très grand charme fondé sur sa fraîcheur. La rémanence en bouche est forte et noble.

Il est amusant d’écouter les amicales joutes verbales entre Michel Bettane et Aubert de Villaine, Michel Bettane dans l’affirmation du sachant et Aubert de Villaine dans la réserve de celui qui est en recherche permanente de la perfection.

Les propos d’Aubert de Villaine montrent à quel point chaque élément, fût-il le plus petit, est examiné avec le souci de faire un vin conforme à l’expression désirée la plus aboutie de son terroir.

Tous les vins sont subtils, gracieux, en suggestions plus qu’en affirmation, et cette diabolique Romanée Conti, monstre de charme suggéré, va alimenter mes rêves, et me pousser à ouvrir ses sœurs plus âgées.

Cette dégustation annuelle est toujours un grand moment d’émotion.

Déjeuner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot dimanche, 23 mai 2021

Après le dîner au château de Saran et le déjeuner au siège du champagne Salon, événements dont j’étais l’organisateur ou l’instigateur, le troisième jour en Champagne est organisé par Stanislas, un ami du groupe Moët Hennessy que je connais depuis une vingtaine d’années. Il propose que notre petit groupe d’amis se retrouve à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot.

Une telle proposition ne se refuse pas, car j’ai en ce lieu des souvenirs intenses, lorsque j’avais organisé un dîner en ce lieu pour que l’on goûte un Champagne veuve Clicquot 1840 trouvé dans la mer Baltique. C’était le 196ème dîner, marqué par un sublime Veuve Clicquot 1947 en magnum.

Nous nous retrouvons donc, les amis des deux repas d’hier et avant-hier avec Stanislas et Didier Mariotti, le chef de caves, que je connaissais lorsqu’il était en poste chez Mumm.

La décoration de l’hôtel du Marc est enthousiasmante, mêlant le classicisme des lieux à un modernisme débridé de bon goût. C’est ce côté extravagant qui a conduit Veuve Clicquot à adopter une étiquette créée par l’artiste japonaise Yayoi Kusama pour son champagne La Grande Dame. L’artiste aux cheveux couleur rouge sang a fait une œuvre magnifique montrée dans le salon de l’hôtel du Marc. J’adore. Et je ne suis pas le seul car notre amie chinoise entre en pamoison devant sa sculpture.

L’apéritif se prend avec le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2012. Il a une belle énergie et se boit bien, indiquant une année très équilibrée.

Nous passons ensuite à la belle salle à manger aux murs noir et or. Le menu composé par le chef Christophe Pannetier est : les légumes de printemps, herbes potagères et poutargue / le bar de ligne, sauce ponzu et caviar / les fromages affinés selon Philippe Olivier / la rhubarbe, hibiscus et pain de Gênes.

Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Magnum 1990 est large et vif, montrant combien l’âge profite aux champagnes quand on pense au 2012 si accueillant mais encore pré pubère. Ce 1990 a un profil de gagnant.

Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée Magnum 1995 est d’une philosophie différente de La Grande Dame. Il s’agit de vins de réserve qui sont dégorgés et sélectionnés lorsque l’on estime que l’on a atteint un optimum. Et ce champagne montre un raffinement certain et une forte personnalité.

Alors qu’il n’avait pas été indiqué que l’on apporte nos propres vins, Tomo a eu la curieuse initiative d’apporter un Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1975. En anglais on disait « it is like bringing coal to Newcastle », c’est à dire apporter du charbon dans la capitale du charbon. Mais cette initiative a eu d’heureux effets puisque Didier Mariotti a décidé de comparer le vin de Tomo avec le même qui provient de la cave de l’hôtel du Marc et n’a jamais bougé.

La comparaison est intéressante car le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1975 (origine hôtel du Marc) a strictement le même ADN que celui de Tomo, et les différences sont infimes. Il y a toutefois un peu plus de fraîcheur dans celui de la cave de l’hôtel du Marc, qui sera mieux classé dans les votes, mais cela montre que les pérégrinations de celui de Tomo n’ont pas entamé ses qualités. Les deux vins sont sublimes, dans un état de grâce.

Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé Magnum 1996 est un rosé qui me plait énormément. Je ne suis pas toujours en accord avec les champagnes rosés, car je préfère nettement les blancs, mais ce rosé gourmand m’inspire particulièrement. Il est magistralement gastronomique. Et on en redemande, tant on a envie de le boire.

Tomo a aussi apporté un Morey Saint Denis Clos de la Bussière 1er Cru Georges Roumier 1993. C’est un agréable intermède dans cette succession si brillante de champagnes. Ce vin est élégant et subtil, qui trouve un écho avec les fromages.

Le Champagne Veuve Clicquot Demi-Sec sans année accompagne le dessert de belle façon. Il est très jeune et très vif. C’est assez déroutant, ces saveurs doucereuses, mais on s’habitue vite.

L’esprit étant à la générosité débridée, Didier Mariotti qui était obligé de nous quitter et n’a pas participé aux votes a fait chercher pour nous un Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1985 qui confirme que l’année 1985 est en ce moment une année exceptionnelle. C’est un champagne de sérénité et d’ouverture sur une palette de goûts exceptionnelle.

Nous sommes six à voter et nous avons voté pour les vins avant les deux derniers, le demi-sec et le 1985, qui aurait figuré en haute place s’il avait été inclus. Trois vins ont été nommés premiers. Le 1975 de la cave de l’hôtel du Marc a quatre votes de premier. Le 1990 et le 1975 de Tomo ont chacun un vote de premier.

Il est à noter qu’un des amis, fidèle de mes dîners, a strictement le même vote que moi ce qui est assez rare et que ce vote est aussi strictement le vote du consensus ce qui aussi assez rare.

Le vote du consensus est : 1 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1975 (origine hôtel du Marc), 2 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1975 (origine Tomo), 3 – Champagne Veuve Clicquot Cave Privée 1995 Magnum, 4 – Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé 1996 Magnum, 5 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 Magnum, 6 – Morey Saint Denis Clos de la Bussière Georges Roumier 1993.

Mon vote est : 1 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1975 (origine hôtel du Marc), 2 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1975 (origine Tomo), 3 – Champagne Veuve Clicquot Cave Privée 1995 Magnum, 4 – Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé 1996 Magnum, 5 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 Magnum.

Ce repas a été marqué par la générosité de la maison veuve Clicquot. Il a donné envie qu’on s’y retrouve pour un de mes dîners où j’ouvrirais (peut-être) un de mes champagnes de la Baltique.

Ces trois jours ont montré les effets de l’amitié avec des maisons de champagne que j’adore, et leur générosité incommensurable. Vive la Champagne et le champagne.

Déjeuner de Dom Pérignon au château de Saran jeudi, 8 octobre 2020

Cela fait des mois et des mois que nous cherchions une occasion de nous rencontrer, Vincent Chaperon et moi. Vincent est le successeur de Richard Geoffroy maître de chais de Dom Pérignon et j’avais été invité à la passation de pouvoir entre les deux à Hautvillers puis lors d’un dîner extraordinaire au Plaza Athénée. C’était il y a un peu plus de deux ans, à l’occasion de la sortie du Dom Pérignon 2008 qu’ils avaient créé en commun.

Au-delà du plaisir de se revoir nous avons un sujet de réflexion, le futur 250ème dîner. C’est grâce à Jean Berchon, l’un des cadres dirigeants du groupe Moët & Chandon que j’avais eu l’honneur et le plaisir d’organiser en 2008 le 100ème dîner de wine-dinners au château de Saran, demeure de réception du groupe Moët Hennessy. Ce fut un succès qui me poussa à organiser le 150ème dîner en ce beau château en 2011.

J’aurais volontiers poursuivi la séquence des chiffres en faisant le 200ème dîner au même endroit mais une massive restructuration du château qui a duré cinq ans rendait le château indisponible. Le 200ème dîner a été fait au Pavillon Ledoyen avec Yannick Alléno en cuisine et fut, lui aussi, un grand succès.

Nous allons nous retrouver Vincent Chaperon et moi au château de Saran que je découvre après sa transformation. Le chef actuel de la cuisine du château et des autres lieux de réception du groupe est Marco Fadiga que je dois rencontrer aussi. Comme il est italien j’ai pensé à apporter deux vins italiens que j’ai choisis avec l’espoir qu’il n’en connaisse aucun.

J’arrive au château une heure avant le rendez-vous prévu, afin de pouvoir ouvrir mes vins. Je suis accueilli par Emmanuel Pérignon manager du château, dont le patronyme est un heureux hasard. Il me fait visiter les importantes modifications des espaces dont une me cause une grande perplexité. La structure extérieure du château n’a pas changé, mais les bâtiments annexes ont été détruits ou transformés. On y accède par la cour d’entrée ou bien par un tunnel souterrain et la salle à manger de réception se trouve au sous-sol de ce bâtiment annexe. Alors que le château de Saran jouit d’une vue imprenable sur des dizaines de kilomètres de vignobles champenois, la salle à manger, au lieu de profiter de cette vue, sera aveugle, en sous-sol. Bien sûr elle est magnifiquement décorée, mais malgré les explications techniques qui me sont données, je suis décontenancé.

Dès mon arrivée je rejoins Marco Fadiga en cuisine et j’ouvre devant lui deux de mes trois vins. J’ouvre d’abord le Vin de l’Etoile Vins Blancs Fins du Jura 1929 en une bouteille dont le volume doit être de 50cl ou peut-être de 62,5cl sans toutefois avoir la forme d’un clavelin, mais plutôt d’une petite bouteille de Bourgogne. Le bouchon vient avec quelques brisures mais entier et sent notoirement plus fort que le vin lui-même. Il est très prometteur.

J’ouvre le vin Ciclopi Vino Etna Bianco 1968, vin blanc que je souhaite confronter à des Dom Pérignon, et j’offre au chef l’autre vin italien, Vino Rosato Di Berchidda Vini di Sardegna 1968 que j’espère boire avec lui en une autre occasion, car j’imagine volontiers qu’il y aura beaucoup de champagnes à table ce midi. Le bouchon du vin blanc italien vient lui aussi entier malgré quelques brisures qui se produisent lorsque le goulot n’est pas un cylindre parfait. Le parfum du blanc italien est d’une intensité extrême et évoque un vin jaune puissant. Voilà qui promet. Inutile de préciser que Marco ne connaissait aucun de ces deux vins de 1968.

En attendant Vincent Chaperon, je rencontre Pierre-Louis Araud, responsable des relations avec la clientèle privée, qui sera le troisième convive de notre table. Il me propose un verre de Champagne Dom Pérignon Vintage 2008 que je trouve beaucoup plus vif que ceux que j’ai eu l’occasion de boire jusqu’ici. Est-ce dû à une température idéale ou à une évolution qui épanouit le 2008, je ne sais pas. Toujours est-il que je le trouve particulièrement brillant, large et ensoleillé.

Nous quittons le confortable salon de réception pour nous rendre dans une salle à manger proche de la grande salle à manger. Nous avons conservé nos verres du 2008 absolument délicieux et convivial.

Le menu préparé par le chef avec Vincent Chaperon est : carpaccio de gambas, Pitaya / risotto N’Duja Burrata / Abgoosht d’agneau / sélection de fromages (camembert de Normandie – Comté affiné 24 mois – Beaufort affiné 12 mois – Brie de Meaux) / tarte Tatin ananas.

Le premier plat de gambas crues est prévu pour le Champagne Dom Pérignon Vintage 2010 que je goûte pour la première fois. Il est très différent du 2008. Il est romantique, gracieux, très long et surtout lisible. C’est un champagne racé qui est déjà très agréable à boire. Si le 2008 est soleil, le 2010 est plutôt fleur blanche. L’accord est subtil, en suggestions. L’idée me vient de confronter ce 2010 avec le Vin de l’Etoile Vieux Vins du Jura 1929. Ce vin du Jura est un blanc et pas un jaune, frais et long en bouche, plus puissant que le champagne. Je propose à Vincent et à Pierre-Louis de boire le champagne, boire ensuite le vin blanc et de revenir au champagne. C’est fou comme le 2010 gagne en largeur et en opulence dans cette expérience. Cela me ravit car j’aime quand champagne et vin blanc se fécondent. Le 2010 me plait énormément et le vin du Jura est un seigneur, d’une année exceptionnelle. Sa complexité est infinie. L’accord avec les gambas est pertinent.

Le risotto à la Buratta est associé au Champagne Dom Pérignon Rosé Vintage 2006. Une première bouteille a un petit défaut. Elle est vite remplacée par une autre qui montre un rosé généreux, agréable mais qui, à mon goût, manque un peu d’âge. Dom Pérignon rosé mérite d’avoir plus de vingt ans. La mâche croquante du risotto gêne un peu l’accord, même si le plat est délicieux.

J’ai envie d’essayer le Ciclopi Vino Etna Bianco 1968 avec le rosé 2006. La juxtaposition est possible même si elle n’apporte pas grand-chose aux deux compères. Le vin blanc qui a fort curieusement tout d’un magnifique vin jaune trouvera des résonnances avec les autres champagnes blancs et surtout avec les plus anciens.

Sur la délicieuse viande d’agneau, le Champagne Dom Pérignon Plénitude 2 Vintage 1996 est brillant. J’ai normalement un palais qui est fait pour les éditions originales des champagnes, plus que pour les rééditions lors de plénitudes ultérieures, mais je suis conquis par la fraîcheur vive de ce 1996 exceptionnel. Il est grand, il est vif et il est hautement gastronomique. C’est un seigneur de la table. Il justifie pleinement la démarche de créer des rééditions lors de nouvelles plénitudes. Ce champagne est un solide guerrier capable de pratiquer l’amour courtois. Il a toutes les qualités.

Le Champagne Dom Pérignon Plénitude 3 Vintage 1982 est d’une année subtile que j’adore, mais je suis moins convaincu de l’apport de la plénitude 3. Il est grand, mais sa pertinence s’impose moins à mes yeux ou plutôt à mon palais.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque Vintage 1966 a une attaque qui m’impressionne mais le milieu de bouche me gêne un peu. Vincent me trouve un peu dur et il a en partie raison car le vin demandait à s’épanouir dans le verre. Il se trouve que 1966 est pour moi l’une des plus grandes réussites de Dom Pérignon et je suis heureux de l’apercevoir sur cette bouteille, même si ce n’est pas le meilleur 1966 que j’ai bu (j’ai bu 24 fois ce millésime).

Le Champagne Dom Pérignon Plénitude 3 Vintage 1990 dessine un large sourire sur mon visage. Voilà, je le tiens, c’est lui le Dom Pérignon parfait. Tout en lui est miraculeux. Il a tout pour lui. Quelle présence, quelle race, quelle joie de vivre. C’est une bénédiction. J’ai bien aimé les autres et ce n’est pas les critiquer que de dire que ce 1990 est transcendantal. C’est le Dom Pérignon parfait. Il a réussi à cohabiter avec grâce avec les deux blancs que j’ai apportés. La tarte à l’ananas est idéale pour mettre en valeur la sublime acidité de ce champagne qui m’a conquis.

Le chef est venu nous rejoindre pour que nous fassions quelques commentaires sur les orientations à donner pour un futur dîner. Sa cuisine conviendra aux exigences des vins anciens avec quelques adaptations, comme avec tous les chefs qui ont cuisiné pour mes dîners.

Classer les vins de ce repas serait difficile. Le 1990 s’impose en premier, suivi du 1996. Je mettrais ensuite à égalité le 2008, le 2010 et le vin du Jura de 1929. Ensuite je mettrais ensemble le vin de l’Etna de 1968 et le 1966.

Merci à Vincent Chaperon d’avoir choisi ces millésimes qui tous composaient un voyage dans le monde magique de Dom Pérignon. J’ai été obligé de repousser le 245ème dîner du fait des contraintes faites aux restaurants relatives à la taille maximale des tables en période de Coronavirus. Il reste à croiser les doigts pour que se tienne bientôt le 250ème dîner dans ce beau château, sans doute au printemps.

le salon d’entrée et de réception

une jolie salle à manger de petite taille

les vins que j’avais préparés dans ma cave. Celui de Sardaigne a été gardé au château par le chef, pour une prochaine rencontre. Les vins sont ouverts en cuisine

l’apéritif de bienvenue

les vins du repas

les couleurs dont celle du rosé

les vins

les vins rapportés dans ma cave et qui seront bus en famille