Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner à l’Ecu de France samedi, 10 mai 2025

Il fait beau et l’on annonce une belle chaleur. C’est l’occasion d’aller avec ma femme au restaurant l’Ecu de France où nous pourrons déjeuner sur une magnifique terrasse donnant directement sur la Marne. Des bernaches et des cygnes glissent lentement sur le fleuve. Les bernaches sont bruyantes avec des sons rocailleux assez désagréables.

Le choix des vins est un moment de rêve, tant la carte des vins est aguichante. Je choisis un Substance de Selosse et un Rayas blanc 2010. Je sais que je ne boirai pas tout, mais nous irons le lendemain déjeuner chez ma fille aînée. Nous ferons des heureux.

Mon menu sera : carpaccio de thon / coquilles Saint-Jacques / comté / clafoutis aux pommes.

Le Champagne Substance de Selosse n’a pas comme précédemment la date de dégorgement qui est une donnée précieuse puisque ce champagne est fait selon la méthode de la solera. Il faut maintenant utiliser un code pour avoir les données sur ce vin. Comme je n’aime pas cela, je saurai seulement que ce champagne n’est pas très ancien.

La bulle est belle, la couleur est d’un bel or clair. Le premier contact montre un champagne droit, très cohérent et agréable, mais un peu trop facile à lire. C’est un peu le sous-préfet au champ, qui se laisse vivre. On est loin des saveurs sauvages et d’une vivacité infinie des premiers Substance.

Je l’ai fait goûter à Hervé Brousse, le directeur du restaurant, qui confirme mon analyse. C’est un grand champagne mais un peu trop consensuel.

Le Châteauneuf-du-Pape Château Rayas Blanc 2010 est d’une richesse incroyable. Et il délivre de grandes complexités qui iodlent dans la bouche. C’est un vin parfait, élégant et gourmand. Ma femme avait choisi un ris de veau. C’est sur cette chair que le Rayas est brillant, ainsi qu’avec le comté que d’obscurs fonctionnaires voudraient interdire. Quel crime ce serait.

Le spectacle sur la Marne était intéressant, avec des amateurs de kayaks de toutes formes, des paddles avec ou sans chien, des enfants qui approchaient les bernaches qui s’approchaient elles aussi et une belle péniche privée qui voulait accoster pour déjeuner au restaurant, mais le restaurant était complet.

Nous adorons ce restaurant pour l’atmosphère campagnarde mais aussi « du bon vieux temps ». Un moment de bonheur.

Déjeuner au restaurant Solstice vendredi, 9 mai 2025

Jonathan est un jeune ami qui a participé à plusieurs dîners avant de partir travailler en Australie. Il travaille maintenant en Angleterre ce qui nous a donné quelques occasions de nous revoir. Il m’invite à déjeuner au restaurant Solstice dans le 5ème arrondissement, où nous pourrons apporter nos vins.

Quand il m’annonce qu’il viendra avec un Champagne Krug Collection 1988, c’est une incitation à apporter de grands vins. J’ai pu arriver deux heures avant le déjeuner pour ouvrir mes vins. Guillaume, le propriétaire du restaurant, m’attendait, prévenu par Jonathan. Il a préparé ses outils pour ouvrir les vins mais j’ai voulu lui montrer comment je pratique. Par chance, les beaux bouchons de belle qualité sont sortis entiers et ont libéré de beaux parfums.

Le restaurant ferme normalement le mercredi mais fait aujourd’hui deux exceptions. Un couple d’allemands sont de fidèles clients et n’étaient disponibles qu’aujourd’hui et Jonathan est un ami de Guillaume ce qui a permis notre présence.

Pendant deux heures avant le repas nous avons eu le temps de bavarder. Guillaume connait bien les vins et sa carte des vins, même si elle comporte des vins très jeunes, est intelligente. Il m’a fait goûter d’une petite dame-jeanne un liquoreux très réduit de type Pedro Jimenez, qu’il estime de 50 ans, mais qui, pour moi, est plutôt centenaire.

Le chef Eric, qui est un MOF, est absent pour raison familiale. La cuisine est tenue par un jeune taïwanais. Nous aurons le menu « solstice d’hiver » avec plusieurs ajoutes : brocciu de Mireille Mameli, petits pois Centogiorni du Vésuve, ail des ours / turbot, asperges blanches et caviar osciètre, sauce chardonnay / homard bleu de Bretagne, la queue pochée au beurre de homard, les parties modestes en gyoza, sauce corail-kimchi / filet de bœuf jersiaise du domaine de Fosse-Sèche comme un Bulgogi / ris de veau aux morilles fourrées / agrumes, pomelos et bergamote, crème glacée citron.

Ce fut d’un raffinement certain et d’une exécution parfaite.

L’entrée ayant un fromage corse, j’ai envie que l’on essaie le vin rouge que j’ai apporté. Comme cela bouscule l’ordre normal des vins, il me paraît opportun que l’on serve les trois vins, et chacun choisira celui qu’il veut associer au plat qui est servi.

Le Champagne Krug Collection 1988 est impressionnant car c’est la « force tranquille » mais non mitterrandienne. La bulle est gentiment active, le champagne a beaucoup de douceur et de noblesse. Il est confortable et très long. Il s’accorde très bien avec une sorte de sashimi délicieux.

Le Montrachet Grand Cru Roland Thévenin 1947 que j’ai déjà bu de nombreuses fois me paraît particulièrement délicieux. Il est moins puissant que certains montrachets, mais je le trouve rond et plein. Avec le ris de veau et la morille, l’accord est idéal. C’est avec la sauce au caviar qu’il fait éclater sa gourmandise.

Le Château Longueville, Baron de Pichon Longueville 1959 avait à l’ouverture un nez pointu et élégant. Il donne l’image du grand bordeaux. Lorsqu’il est servi, le parfum est immense, d’une complexité raffinée. Quel grand vin. Nous avons l’impression d’être face à un vin magistral, un grand bordeaux très long et sophistiqué.

Les trois vins sont brillants, mais à mon goût, le Pichon Baron est à un étage supérieur.

La femme de Guillaume est venue au restaurant et s’est assise au comptoir. A mon invitation elle s’est assise à notre table et les discussions ont été riches et souriantes.

Voilà un restaurant qui me donne envie d’y essayer un de mes dîners. Avec Jonathan bien sûr.

Un pommard divin au restaurant Le Sergent Recruteur mercredi, 30 avril 2025

L’ami d’un ami possède au sud de Paris une grande propriété transformée en un restaurant avec quelques chambres. Un immense jardin potager permet une cuisine fondée sur les plantes mais qui couvre beaucoup d’autres domaines. La carte des vins est étonnante car elle explore une myriade de régions. Nous allons parler de l’idée de faire un dîner dans ce lieu.

Comme d’habitude, j’arrive longtemps en avance, quand toute l’équipe du restaurant Le Sergent Recruteur s’affaire pour préparer le déjeuner. J’ouvre le Clos de la Commaraine Pommard Grand Cru Jaboulet-Vercherre 1943. La bouteille est soufflée main et elle est cabossée comme si la main d’un colosse avait pressé le verre comme pour le broyer. Le bouchon vient entier et le parfum est d’une délicatesse rare. Cela laisse pressentir un vin raffiné.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 a un bouchon qui vient en deux morceaux car la lunule du bas reste collée au verre quand on tourne le bouchon. Tout s’annonce parfait comme toujours avec ce millésime réussi de cette belle cuvée.

Après l’ouverture des vins, quand il fait beau, j’adore me promener sur l’île Saint-Louis et sur les trottoirs qui longent Notre-Dame toujours en chantier. Il y a une atmosphère spéciale qui me rappelle des souvenirs, quand il y a environ soixante ans, j’habitais dans l’île Saint-Louis avec ma jeune épouse.

L’ami arrive et nous nous mettons d’accord sur ce menu : Morilles et asperges paysannes sur une royale corsée, ail des ours, fleurette au vin d’Arbois / noix ce ris de veau dorée au basilic, tétragones et girolles en salade, poivrade frit.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 a une jolie bulle et une couleur d’un or clair. Le vin est serein, solide, excité par les rillettes de poisson et l’amuse-bouche à la sauce crémée fort agréable. C’est surtout sur les morilles et les asperges que le champagne va s’épanouir et offrir une richesse d’un bel équilibre. Ce 1979 que j’ai bu 20 fois s’améliore de sa maturité.

Le Clos de la Commaraine Pommard Grand Cru Jaboulet-Vercherre 1943 est une immense surprise. C’est surtout son parfum qui est envoûtant. Il est délicieusement féminin, raffiné et on se contenterait de seulement sentir le vin. En bouche il est subtil et charmeur. Quel plaisir que ce vin délicat à la belle longueur. Le ris de veau est idéal pour mettre en valeur ses subtilités.

La cuisine est toujours aussi intelligente. Aurélien accompagne nos dégustations de commentaires pertinents. Nous avons mis les bases d’un futur dîner qui s’annonce comme une belle aventure.

Dîner avec mon fils avec des vins inhabituels samedi, 26 avril 2025

Mon fils annonce sa venue à la maison pour ce soir. Il faut vite préparer un menu et des vins. Mon fils apporte diverses victuailles surtout pour l’apéritif. Il y aura ensuite du cœur de saumon et des fromages de toutes origines.

Avec mon fils, on peut ouvrir tout ce qui est hors des sentiers battus. Nous commençons par un Tavel rosé 1992 des vignerons de Tavel. Sa robe est riche et c’est une très belle surprise. Il n’a pas beaucoup de complexité, mais il est intense et procure du plaisir. Il accompagne aussi bien rillette que saumon.

Le Charlemagne Jacques Bouchard & Cie, concessionnaire exclusif du Château de Poncié à Fleurie 1943 est un vin qui m’interpelle. Le Château de Poncié appartenait au XIXe siècle à Bouchard P&F. Ils le vendirent au début du XXe siècle, puis le rachetèrent dans les années 90 et ils l’ont revendu depuis. Le fait que Jacques Bouchard intervienne dans cette histoire mérite que je cherche plus d’informations. Ce vin blanc est très intéressant et d’une grande noblesse comparativement au vin de Tavel. Il est un peu fatigué, mais frais et expressif. Il est émotionnel, plutôt que formidable, car il a perdu un peu de sa noblesse. C’est de toute façon un vin qui mérite d’être bu.

Le Chambolle Musigny les Amoureuses Leroy Négociant 1966 apparaît maintenant. Il est comme un animal sauvage qui change de goût à chaque instant. Impossible de donner une définition précise de ce vin, car il change à chaque gorgée. Intriguant, curieux, très intéressant, offrant des saveurs inconnues. J’adore cette expérience énigmatique. Elle fait partie d’un voyage à la recherche de saveurs introuvables.

C’est pour mon fils que j’aime ouvrir et partager de tels vins inhabituels.

Déjeuner avec Salon 1955 et des amis proches vendredi, 25 avril 2025

Ayant dans ma cave deux bouteilles mythiques, j’ai eu envie de faire un déjeuner d’amis autour de ces vins : Champagne Salon 1955 et Champagne Clos du Mesnil Julien Tarin 1955. Le champagne Tarin a été créé en 1698. Il est entré dans le patrimoine de Krug en 1971 et le premier millésime du Krug Clos du Mesnil est 1979. Les vins de Julien Tarin sont très rares et l’association des deux champagnes de Mesnil-su-Oger, Salon 1955 et Tarin 1955 est absolument unique.

J’ai demandé à Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte de venir à ce repas. Il a accepté avec plaisir. Un ami de Singapour, un autre ami italien, un jeune champenois qui vend du vin se joignent à moi, ainsi que mon fils qui remplace au pied levé un amateur de vin empêché par un événement exceptionnel et inattendu.

L’ami de Singapour apporte un Nuits-Meurgers Henri Jayer 1987, l’ami italien apporte trois Barolos, le jeune marchand de vin apporte les deux plus anciens vins de sa cave, de 1805 et 1835. Didier Depond apporte Salon 1973, d’une année que je souhaitais déguster et Salon 2015 qui n’est pas encore mis sur le marché et qui va précéder Salon 2014 qui ne sera disponible que dans un an.

Les trois amis viendront assister à l’ouverture des vins au restaurant Pages, l’ami de Singapour étant arrivé avant moi, car des pluies en trombe ont figé la circulation dans Paris, faisant de mon trajet en taxi un lent et long pèlerinage.

Du fait des conditions atmosphériques, les bouchons résistent fortement et sont même impossibles pour moi, comme les Barolos dont les bouchons sont plus de bois que de liège. C’est Marcello qui les ouvrira. Le bouchon du Tarin 1955 est assez sale et le parfum n’est pas idéal. Nous verrons.

J’ai eu le temps de bâtir le menu avec le chef Ken et l’occasion était belle d’explorer des pistes inhabituelles. Nous le verrons.

Lorsque Didier Depond arrive, il me montre un Champagne Delamotte Collection 2002 et je lui demande ce qu’il veut en faire, car nous avons beaucoup trop de vins ouverts. Il me répond : « c’est pour boire bien sûr ». Nous commencerons par ce champagne dégorgé il y a quinze jours. Il est d’une solide structure et d’un grand charme. C’est un champagne d’une belle maturité qui peut jouer dans la cour des grands blancs de blancs

Nous passons à table. J’ai demandé un poisson cru et ce sera une sériole à la texture fondante et au goût délicat. Ce poisson accompagne deux vins que tout oppose. Le Champagne Salon 2015 est le champagne qui va être sur le marché incessamment. Quelle belle surprise. Il est déjà gourmand, bien structuré et m’impressionne. J’ai dit à Didier qu’il me fait penser à 1990 ce que Didier approuve.

A côté, nous buvons le Jerez de la Frontera Nelson 1805 qui a ‘seulement’ 210 ans d’écart. Je pensais que les deux se féconderaient et c’est ce qui se passe. Le Xérès a un côté sec et salin qui est très agréable et il est un peu plus rond que ce que j’imaginais. Les deux vins cohabitent bien et le délicieux poisson s’adapte aux deux vins. C’est une belle expérience.

Nous allons en faire une encore plus osée. J’ai demandé au chef Ken de faire un lieu jaune à la sauce légère au vin rouge pour accompagner deux vins que tout sépare. Le Champagne Salon 1973 est généreux et joliment équilibré. C’est un vin souriant et noble. Didier n’en revient pas que ce champagne accepte une sauce vin rouge. Elle avait été pensée pour aller avec le Nuits-Meurgers Henri Jayer 1987 et nous constatons que l’accord se trouve aussi avec le champagne. Ce vin rouge est un trésor de raffinement discret. Tout est fin et suggéré. La chair délicieuse du poisson crée un accord précieux avec le bourgogne rouge.

On peut passer du champagne au vin rouge à condition de passer par la case poisson qui recalibre le palais. Je suis aux anges, car qui aurait osé un tel mariage à trois ?

Nous allons maintenant avoir les trois Barolos de Marcello : Barolo Conterno Monfortino 1937, Barolo Giacomo Conterno Riserva 1937 et le Barolo Giacomo Conterno Picasso 1964. Ces vins sont très rares dont notamment le 1964 dont l’étiquette est un dessin bachique de Pablo Picasso.

Les vins italiens sont riches et puissants et vont accompagner un canard de Challans et des morilles puis du wagyu très pur. Les avis sur les vins ont été très variés entre les participants. J’ai préféré le Riserva 1937 que j’ai trouvé élégant alors que l’autre 1937 a souvent été choisi.

Lors d’un repas avec Arnaud Donckele, nous avions décidé de bousculer l’ordre des plats en mettant une truite après du bœuf d’Aubrac ce qui est hors norme. J’ai eu envie de faire de même en plaçant un turbot après le wagyu pour accompagner les deux champagnes de 1955.

Le Champagne Salon 1955 a une couleur dorée éclatante et offre quelques bulles et un joli pétillant. Ce vin est éblouissant. Quelle présence, quelle maturité. Il est royal et Didier l’apprécie au plus haut point. Sa longueur est infinie.

A côté, le Champagne Clos du Mesnil Julien Tarin 1955, qui avait un niveau assez bas du fait d’un bouchon trop resserré qui avait laissé l’évaporation se développer, est assez fade et manque un peu d’énergie. Mais l’important était que ce vin côtoie le Salon 1995, son conscrit.

Les deux vins les plus anciens vont être servis avec un dessert à la noix puis des financiers à la rose. Le gâteau est sur une assiette sur laquelle on a marqué « joyeux anniversaire ». Une bougie a été plantée pour que je la souffle avec les applaudissements de mes amis.

Le Jerez de la Frontera Nelson 1805 est incroyablement salé et d’une puissance estrême, mais le dessert le rend velouté et incisif.

Le Brown Madeira Madère Impérial 1835 est délicieux et expressif, charmeur et profond comme les grands madères. Un bonheur. Je suis un admirateur des madères.

Nous votons. Le Salon 1955 reçoit quatre places de premier sur six possibles.

Le classement des six est ; 1 – Champagne Salon 1955, 2 – Nuits-Meurgers Henri Jayer 1987, 3 – Champagne Salon 1973, 4 – Jerez de la Frontera Nelson 1805, 5 – Brown Madeira Madère Impérial 1835.

Mon classement est : 1 – Champagne Salon 1955, 2 – Nuits-Meurgers Henri Jayer 1987, 3 – Brown Madeira Madère Impérial 1835, 4 – Champagne Salon 1973, 5 – Barolo Giacomo Conterno Riserva 1937.

C’est à ce moment qu’arrive Naoko Oishi, la propriétaire du restaurant Pages, accompagnée de mon ami Tomo qui est venu avec un Champagne Salon 2013 qui sera un joli point final de notre repas amical. Le Salon 2013 est de belle personnalité, mais mon cœur balance en faveur du Salon 2015, un futur prodige.

Marqué par la générosité et l’amitié, ce repas est un moment exceptionnel de ma vie.

Déjeuner de Pâques et déjeuner d’anniversaire mardi, 22 avril 2025

Le mercredi 23 avril est mon anniversaire, mais nous le fêterons le 21 avril, lundi de Pâques, afin d’avoir avec nous le plus grand nombre de nos enfants et de nos petits-enfants.

Hier, je suis allé au marché acheter du fromage, et dans une autre boutique, j’ai vu de magnifiques asperges et je me suis dit : il me les faut absolument. Et j’ai pensé à un vin rouge.

Mon fils est arrivé ce matin de Miami et m’a proposé des truffes noires sous vide. À l’ouverture, l’odeur des truffes était si intense que je me suis dit : c’est ce qu’il faut avec les asperges pour accompagner le vin rouge de Pâques.

Pour le déjeuner de Pâques avec ma femme et mon fils, nous commençons par le Champagne Réserve Grand Trianon Rothschild 1964 à la très jolie bouteille, qui sera associé à un caviar Baeri de Kaviari. C’est un très joli champagne rond, serein, savoureux, typique des vieux champagnes. Il a une belle présence mais manque – à peine – d’un peu d’émotion.

C’est maintenant l’apparition du Château Ausone 1937 avec des asperges et des truffes noires. C’est l’occasion d’un des meilleurs accords que je n’aie jamais créés. Lorsque j’ai ouvert l’Ausone 1937 à 10 heures du matin, l’odeur était si forte que j’ai décidé de protéger ce goût impérial avec un bouchon en verre. Et au moment du service, c’est un miracle. Si frais, si long, si raffiné, il crée un accord merveilleux.

J’avais acheté cette bouteille il y a probablement 40 ans. Parfaite, sans défaut, pure et glorieuse. Je suis si heureux d’avoir eu cette idée. Nous avons ensuite goûté un Brillat-Savarin et truffe avec l’Ausone, et c’est également un miracle.

La suite se fait avec une bouteille de 50 cl de Tokaji 3 Puttonyos 1972, délicat, doux mais sans excès, parfait sur un flan. C’est un accord calme et délicat. La robe du Tokaji est intense, et le goût est très doux et de belle longueur. Comme j’adore le flan, je suis aux anges.

Pour le repas du soir, j’ouvre un Champagne Ayala 1961. Il s’est passé quelque chose d’incroyable. J’ai voulu ouvrir la bouteille, mais le bouchon a résisté. J’ai pris une serviette pour le dévisser, mais il n’a pas beaucoup bougé. J’ai donc utilisé un outil qui est comme une fourche et s’utilise pour les bouchons de champagne récalcitrants. Tout à coup, le bouchon a sauté d’un mètre en hauteur, produisant un pschitt dynamique. Qui aurait pu imaginer qu’un champagne de 63 ans puisse exploser avec une telle énergie ? Je n’aurais jamais cru que ce soit possible. Cela me rappelle le magnum de Dom Pérignon 1988 de jeudi dernier, dont le bouchon a explosé encore plus fort, touchant le plafond et le blessant. L’Ayala 1961 est extrêmement agréable, paraissant largement plus jeune que le champagne Rothschild Réserve Grand Trianon 1964. Cet Ayala est un grand champagne émotionnel.

Le succès n’est pas toujours au rendez-vous. J’avais en cave un Champagne Krug Private Cuvée des années 50, avec un faible niveau et une couleur terne. Je l’ai ouvert et le parfum était insupportable. Il était sûrement mort. Je l’ai laissé ouvert toute la nuit et le lendemain, j’ai été étonné de constater que la mauvaise odeur avait disparu, ce à quoi je ne m’attendais pas. Quand je l’ai goûté, c’était un champagne endormi, plat, mort. Je n’ai pas insisté. Mais l’attitude que j’ai adoptée devrait être la règle : toujours donner sa chance à chaque vin.

Nous sommes le lundi de Pâques pour fêter en famille mon anniversaire. De grand matin, lorsque j’ouvre le Vosne-Romanée Henri Jayer 1980, je vois que le vin avait été mis en bouteille par un négociant belge, ce qu’on lit sur l’étiquette. Je me suis demandé de quoi il s’agissait, mais à l’odorat, aucune question ne se posait, car un parfum aussi élégant, subtil et romantique ne peut pas provenir d’un vin qui n’est pas d’Henri Jayer. J’ai appris plus tard que le négociant belge avait eu le privilège de mettre en bouteille son allocation d’Henri Jayer.

J’ai aussi ouvert l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, qui dégageait un parfum merveilleux. Les vins seront servis quatre heures plus tard sur du wagyu.

Le repas commence avec le Champagne Ayala 1961 qui a gardé une grande élégance et qui est plus fringant que le reste du Champagne Réserve Grand Trianon Rothschild 1964.

L’Hermitage La Tourette Delas blanc 1987 accompagne un cœur de saumon absolument délicieux. Le vin est gentiment gourmand et d’un beau fruit. C’est un Hermitage très agréable à boire avec un aimable goût de ‘revenez-y’.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958 a un nez et un goût de rose. Il est plutôt puissant. Sa personnalité est belle et sereine. C’est un grand vin.

Le Vosne-Romanée Henri Jayer 1980 est très différent, élégant, précis, raffiné. Les deux sont merveilleux à boire. Il est très difficile de dire lequel est le meilleur. Le wagyu est naturellement fait pour élargir la puissance de l’Echézeaux et l’on pouvait craindre qu’il fasse peur au sensible Vosne-Romanée, mais en fait le 1987 trouve lui aussi un tremplin avec la si gourmande viande.

Nous avons dégusté ensuite les deux vins sur du Brillat-Savarin et de l’Époisses, ce qui était un accord aussi passionnant, le Jayer éclatant sur le Brillat-Savarin et le Conti éblouissant sur l’Epoisses. Au final, j’ai eu une préférence pour l’Echézeaux, plus riche, plus complexe, plus en adéquation avec mon tempérament. Mais le Jayer était si fin et délicat que je l’ai adoré aussi. Un grand moment.

Le champagne a accompagné un fraisier de grande élégance.

Les deux repas ont formé un ensemble et mon classement est : 1 – Ausone 1937, 2 – Echézeaux 1958 3 – Vosne-Romanée 1980, 4 – Tokaji 1972, 5 – Ayala 1961, 6 – Hermitage 1987, 7 – Trianon Rothschild 1964.

Les vins du 4ème au 7ème étaient très agréables et pourraient être presque ex æquo dans le classement tant ils sont d’un intérêt similaire.

Les meilleures combinaisons vins et plats ont été : 1 – Asperges + truffe avec Ausone 1937. 2 – Epoisses et Echézeaux. 3 – Wagyu et Vosne-Romanée.

J’étais vraiment heureux de ma sélection de vins très différents.

Trois vins superbes au restaurant Pages jeudi, 17 avril 2025

Ma femme est partie dans le sud avec notre fille cadette. Elle ne sera pas avec moi pour fêter nos 59 ans de mariage. Je vais déjeuner avec deux personnes du monde du vin au restaurant Pages. Pour honorer notre mariage, j’ai pris avec moi deux vins de l’année 1966, celle de notre mariage. Le troisième vin n’a pas un millésime qui serait relié à un événement.

Arrivant en avance, je mets au point le menu avec le chef Ken et Pierre Alexandre, le directeur du restaurant. Ce sera : amuse-bouche / poisson cru / asperges blanches servies froides / lotte / canard aux carottes / dessert aux premières fraises proposé par le pâtissier Lucas.

Le bouchon du Cheval Blanc 1966 est magnifique, le niveau du vin est dans le goulot et le parfum indique que le vin sera grand. Le Veuve Clicquot 1966 a aussi un joli bouchon et son parfum est curieux, fait de fruits rouges, ce qui est étonnant.

Je n’ouvre pas l’Y d’Yquem 1977 car je ne sais pas si mes convives envisagent que nous goûtions trois vins.

Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1966 m’a semblé largement meilleur que le 1962 et le 1990 dégustés vendredi dernier à l’hôtel du Marc. Ma cave est peut-être meilleure, je ne sais pas. Ce champagne est glorieux, intense et complexe. Une merveille. A noter que les amuse-bouches dont nous n’avions pas parlé avec Ken n’ont créé aucun accord pertinent avec le champagne qui s’est mis à briller sur le poisson cru divin.

L’Y d’Yquem 1977 présente un botrytis important. Il rend ce vin rond et très agréable. Avec des asperges blanches, l’accord est magique. Je ne m’attendais pas à un 1977 de ce niveau. Je pense que ce vin d’une année plutôt légère fait ressortir le botrytis. Le vin blanc à la couleur très claire au brillé aussi sur la lotte.

Le Château Cheval Blanc 1966 est la plus grande surprise. Ce vin est la perfection pure. Incroyable. Tout est parfait. Puissance, longueur, subtilité, intensité. Ce vin est un mystère, tant il est grand. Il est superbe à boire avec du canard simplement cuisiné.

Le pâtissier Lucas nous avait proposé un dessert à la fraise dont la saison commence. Ce dessert léger et délicat a été accompagné par un champagne brut non dosé, formant un bel accord.

J’avais rendez-vous après le déjeuner avec Arnaud Donckele et son équipe de Plénitude, pour mettre au point un prochain dîner. J’ai apporté les trois vins dont il restait une quantité suffisante. Ils ont été surpris par la perfection du Cheval Blanc 1966. Je l’avais ouvert plus de cinq heures auparavant et c’est un vin que j’avais dans ma cave depuis plus de cinquante ans.

Les trois vins de ce déjeuner se sont montrés à leur plus haut niveau de perfection.

Déjeuner de famille jeudi, 17 avril 2025

Le lendemain de ma visite chez Veuve Clicquot, ma fille vient avec ses deux enfants et leur historique nounou déjeuner à la maison. J’avais gardé les deux magnums de Veuve Clicquot Ponsardin dont il restait encore un quart. Je voulais que ma fille les goûte.

Si on veut donner une image de la différence de ces deux champagnes, le Veuve Clicquot Ponsardin 1962 est un Anthony Hopkins, et le Veuve Clicquot Ponsardin 1990 un Cary Grant. Le 1962 a un talent extraordinaire et le 1990 a un charme absolu.

Nous avons mangé du cœur de saumon cru. J’ai eu l’idée de choisir un Bonnezeaux La Montagne moelleux Domaine de Terrebrune 1993. L’idée était qu’un Bonnezeaux serait doux ce qui conviendrait au gras du saumon. Et cela a très bien fonctionné. Un vin trop puissant n’aurait pas été à la hauteur. Ce vin est élégant, avec des nuances subtiles et intenses, sans aucune agressivité.

Un Vega Sicilia Unico 1961 a accompagné le poulet puis un Brillat-Savarin. Élégant, puissant, extrêmement long, avec une trace fraîche et mentholée. C’est un très grand Vega Sicilia Unico à un niveau de maturité parfait. Équilibré, sans aucun signe d’âge.

Le Bonnezeaux 1993 est un excellent vin avec du saumon cru, et le Vega Sicilia Unico 1961 est un véritable roi. Je classerais : 1 – Veuve Clicquot Ponsardin 1990, 2 – Vega Sicilia Unico 1961, 3 – Veuve Clicquot Ponsardin 1962, 4 – Bonnezeaux 1993.

Ce fut un bon déjeuner dominical.

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur jeudi, 17 avril 2025

Un ami allemand m’avait demandé d’organiser plusieurs dîners pour son entreprise. Il a vendu ses parts et investi dans un vignoble en Californie avec un jeune vigneron. Il voulait me voir et avoir mon avis sur les vins de son vignoble. Il m’a invité avec son fils et le vigneron de PIUS Paso Robles.

Il m’a dit : « J’apporterai des vins qui feraient pâlir vos vins français ». Bien sûr, c’était une blague, mais je l’ai pris comme un challenge. Nous nous retrouvons au restaurant le Sergent Recruteur. J’ai ouvert mes vins à 11 heures et comme le soleil inondaient l’île Saint-Louis je me suis promené le long de la Seine et pris un café crème sur une terrasse de café surplombant la Seine. Paris est magique quand il fait beau.

Nous commençons par un Champagne Dom Pérignon 2002 qui est à la fois riche, rond et extrêmement agréable. Il est vraiment agréable et se marie divinement à la célèbre rillette de maquereau.

J’ai récemment fait un tour dans ma cave pour trouver les bouteilles qui ont perdu trop de liquide. Certaines sont mortes, d’autres sont pleines de vie.

Le Rosé Kébir-Impérial d’Algérie des années 30 a perdu près de 60 % de son volume. Sûrement mort. Je l’ai ouvert 2 heures avant le déjeuner. Le premier nez était madérisé et je ne m’attendais à rien, mais en fait, avec les morilles qui accompagnaient les jeunes asperges, cela a créé une combinaison que le vigneron a adorée.

J’ai apporté La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1961 avec un niveau de 15 cm sous le bouchon. Le premier nez était parfait à l’ouverture ce qui est un signe fort. Maintenant, il n’a aucune déviation. Il n’y a absolument rien à redire. Le vin est si complexe, solide, un pur délice. Ce qui frappe c’est son équilibre et mes convives sont sous le charme. Le bœuf remarquablement cuit par Alain Pégouret est le compagnon idéal de ce vin emblématique.

Le Chardonnay PIUS Estate de Paso Robles 2022 m’a beaucoup plu. Il est très bien fait intense et montre déjà une belle longueur.

Le Cabernet Sauvignon PIUS Estate 2021 m’a également plu. Les deux vins américains sont très bien faits et agréables à boire dans leur jeune âge. On sent que le jeune vigneron travaille bien.

Le dessert au cacao s’est parfaitement accommodé d’un Vin de paille Domaine de la Pinte Jura 2018, doux et charmant proposé par Aurélien, le très compétent et passionné Aurélien.

Je pense que le vigneron a produit des vins très prometteurs. Par boutade j’ai dit que pour surpasser La Tâche 1961, il faudra 2 ou 3 siècles aux vins californiens, mais je pense qu’ils vont bien évoluer. Ce fut un très bon déjeuner au restaurant Sergent Recruteur avec des convives sympathiques et entreprenants.

La lente résurrection d’un Vega Sicilia Unico 1983 jeudi, 3 avril 2025

Au port, près de ma maison du sud, il y a un restaurant de bord de mer, l’Aventure, où l’on mange de bons produits de la mer. Le patron est sympathique et l’équipe de service est très efficace. Je ne sais pas comment cela s’est passé, mais Julien, le patron, m’a autorisé de venir avec mes vins et il m’a dit avec fierté que je suis le seul à qui il octroie ce privilège. C’est un honneur qui me fait particulièrement plaisir.

Nous voulons avec ma femme aller déjeuner en ce lieu et je décide d’ouvrir une bouteille de vin avant d’aller au restaurant pour ne pas attirer l’attention si j’ouvre sur place un vin qui n’est pas sur la carte. Il est inutile d’attirer l’attention. J’ouvre un Vega Sicilia Unico 1983. Le bouchon se brise mais sans danger et quand je le sens puis quand je sens le vin, une forte odeur de bouchon attaque mes narines. Il n’est pas question de prendre ce vin et ce d’autant plus que j’offre toujours un verre au sommelier et à sa femme. Ce serait inopportun.

Je choisis donc un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème dont les vins sont de la deuxième moitié de la décennie 70 et de la première moitié de la décennie 80. J’ouvre la bouteille sur place car tourner un bouchon peut se faire discrètement. Le bouchon s’est rabougri ce qui fait qu’il s’extirpe sans la moindre difficulté. La couleur est d’un or joyeux et il n’y a ni pschitt ni bulle.

L’ouvrir au dernier moment n’est pas une bonne chose. Il y a une certaine amertume qui n’a disparu qu’à la fin du repas, et j’ai ensuite pu savourer la gloire du Krug. La prochaine fois, je l’ouvrirai à l’avance, car ce champagne mérite d’être bu comme il se doit.

Cette amertume n’a pas gâché notre joie car ce jour qui est le premier avec l’heure d’été a un fort parfum de vacances, le port débordant de personnes qui veulent profiter de la première journée chaude et estivale.

La chair du saint-pierre est divine et le champagne a la souplesse suffisante pour bien s’adapter à son goût. D’un passage de l’heure d’hiver à l’heure d’été, on bascule tout d’un coup de l’hiver triste et froid à l’été chaud, promesse de bonheur.

Il restait bien évidemment le Vega Sicilia. Que fallait-il en faire ? Je n’avais pas pu le prendre pour le déjeuner du dimanche. Dimanche soir, je le sens et l’odeur de bouchon est toujours présente. Lundi midi, l’odeur de bouchon a presque disparu et le fruit commence à apparaître. J’essaie. Il est buvable, mais toujours serré. Lundi soir : plus d’odeur ni de goût de bouchon. Le vin est fruité et ample, mais pas encore excellent à 100 %. Je n’ai rien bu mardi car je préférais attendre une amie qui viendra déjeuner chez nous le mercredi.

Lorsque notre amie est arrivée, j’ai ouvert un Champagne Dom Pérignon 1985. Le champagne a un bouchon un peu serré, ce qui le rend un peu plus âgé qu’il ne le devrait. Il se présente comme appartenant au monde des vieux champagnes, alors que d’autres 1985 appartiennent encore au monde des jeunes champagnes. Mais ce n’est pas un inconvénient. Il est simplement différent. Puissant, plein d’énergie, très rond et juteux, il se montre merveilleux avec le foie gras. C’est un grand champagne, mais objectivement, je préfère le 1985 qui a conservé sa jeunesse.

Ce mercredi midi, le parfum du Vega Sicilia Unico 1983 est parfait. En bouche, le vin est ample, fruité, généreux et ne montre aucun signe de fatigue. Donc trois jours après l’ouverture, ce vin n’a plus de goût de bouchon et se montre brillant et sans fatigue. Je pense que la structure solide du vin espagnol a contribué à cette reprise. On en revient à l’adage que je suis toujours avec conviction : ‘il faut toujours donner une chance au vin’.