Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

286ème dîner au restaurant Pages jeudi, 17 octobre 2024

Le 286ème dîner se tient au restaurant Pages. Des amateurs américains de l’Idaho avaient participé au 240ème dîner et viennent de se marier hier en France, dans la Loire. Accompagnés d’amis de l’Idaho, ils m’avaient demandé d’organiser pour leur groupe de cinq un dîner qui se tiendrait le lendemain du mariage. Je leur ai proposé de compléter la table avec d’autres convives pour avoir un programme de vins beaucoup plus large. Nous serons donc dix ce soir avec une parité parfaite Idaho / France. Il y aura autour de la table un vigneron de la Napa Valley, des commerçants du monde du vin et des amateurs éclairés.

Un peu avant 16 heures je commence l’ouverture des vins. Je serai rejoint plus tard par un ami commerçant en vins et journaliste et par un journaliste. Nous aurons ainsi le temps d’échanger sur le vin et mes dîners.

Alors que le Domaine de Chevalier 1952 a un niveau mi-épaule et le Clos Fourtet 1960 a un niveau superbe, c’est le 1952 qui offre le plus beau parfum, le saint-émilion ayant un nez poussiéreux qui pourrait ne pas se dissiper. Le Clos de Vougeot 1961 a un beau bouchon et un parfum idéal.

Je bataille avec le bouchon du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956 dont le sommet est couvert d’une pâte graisseuse et se retire en morceaux gras et noirs. Mes mains sont toutes noires. Fort heureusement le parfum est salin et typique des vins du domaine.

Le Châteauneuf du Pape La Bernardine Chapoutier 1949 a un bouchon parfait et des senteurs riches de garrigue. Les trois liquoreux de 1929 ont des bouchons qui ne posent pas de problème et des parfums riches très différents. Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 offre un gentil pschitt qui signe une belle jeunesse et le Moët & Chandon Brut Impérial 1964 a un bouchon qui se brise puisque le bas du bouchon ne veut pas suivre la torsion du haut du bouchon. Il s’annonce impérial comme son nom.

Les convives sont tous à l’heure. Le menu a été conçu lors d’une conversation téléphonique entre Pierre-Alexandre le directeur, Ken le chef et moi. Nous nous connaissons si bien que ce fut facile. Un point d’interrogation existait sur le lièvre à la royale puisque Ken n’était pas sûr de pouvoir le faire à temps. Fort heureusement ce plat mythique sera servi ce soir.

Le menu est ainsi libellé : amuse-bouche : carotte, brocolis, jambon / anguille fumée, amanite des Césars / carpaccio de poisson blanc / noix de Saint-Jacques poêlées / daurade royale poêlée, sauce vin rouge / pigeon rôti, sauce salmis, pommes des terres poêlées / lièvre à la royale / tarte Tatin / chocolat.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 est d’une belle couleur claire et la bulle est encore présente. Ce champagne est vif et tranchant, prenant de la largeur avec le jambon ibérique. Sa noblesse est certaine. C’est le vin phare de la maison Mumm dans un millésime qui n’a pas la renommée qu’il devrait avoir. C’est le 21ème que je bois tant j’ai de sympathie pour ce grand Mumm.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964 est une belle surprise pour beaucoup tant il est joyeux et généreux. Il est même fruité et si la bulle n’est plus visible, le pétillant est entraînant. C’est un champagne gourmand. Alors que Dom Pérignon est d’une hiérarchie supérieure j’ai parfois plus de plaisir franc avec les Brut Impérial anciens qu’avec les Dom Pérignon des mêmes années.

Je suis un peu gêné par l’Y d’Yquem Graves blanc 1979 qui a un léger goût de bouchon, qui ne rebute aucun des convives. Ce vin a des traces de botrytis comme très souvent pour les Y. Il est ensoleillé. A l’inverse le Château Laville Haut Brion blanc 1978 est strict et tranchant, d’un caractère guerrier. Le Laville est le compagnon du carpaccio de poisson alors que l’Y est confortable avec les noix de Saint-Jacques. Les deux blancs de Bordeaux ont des styles différents et sont excellents.

Le Clos Fourtet Saint-Emilion 1960 n’a plus aucun défaut olfactif mais je ne le trouve pas aussi brillant qu’il pourrait l’être. On est loin du sublime 1947 qui fait partie de l’élite des bordeaux de 1947. En revanche le Domaine de Chevalier Léognan 1952 dont je n’étais pas sûr, du fait de son niveau, est riche et bien construit. Avec la daurade, il forme un très bel accord. Ce Chevalier est une agréable redécouverte.

Le Clos de Vougeot Bouchard Père & Fils 1961 est pour mon goût une gigantesque surprise. Il représente le bourgogne archétypal mais surtout il est absolument parfait, d’une construction idéale. C’est le bourgogne tel qu’on le rêverait. Alors que je chéris les vins du domaine de la Romanée Conti, c’est ce vin que je mettrai premier dans mon vote tant il est grand. L’accord avec le pigeon est classique mais si efficace.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956 a une couleur un peu terreuse, mais il a tous les marqueurs des vins du domaines, le sel et la rose auxquels s’ajoute un style parcheminé. Le millésime 1956 était faible et s’est révélé quelques années plus tard. Il y a des complexités impressionnantes. Il convaincra mes convives.

Le Châteauneuf du Pape La Bernardine Chapoutier 1949, c’est l’ami de toujours, celui en qui on a une confiance totale. Il est tellement solide, construit et rassurant. Il est fait pour le lièvre à la royale dont il calme les ardeurs. Le vin est long, riche et d’un charme enthousiasmant.

J’ai voulu mettre dans ce repas trois liquoreux d’une année mythique, très différents. Le Château du Peyrat 1er cru Capian Langoiran 1929 est un Premières Côtes de Bordeaux qui m’avait surpris par la richesse de son parfum. Il n’a pas la puissance des sauternes mais sa vivacité est supérieure à ce que j’attendais.

Château Fihot est généralement un sauternes plus doux et discret qu’Yquem aussi suis-je surpris par l’intensité de ce Château Filhot Sauternes 1929. Quel vin riche et complexe. Un miracle de plaisir sur une tarte Tatin gourmande faite par Lucas, le pâtissier du restaurant.

Le Banyuls Grand Cru SIVIR 1929 a été embouteillé en l’an 2000. Il s’agit d’un Banyuls de coopérative qui a passé 71 ans en fût de chêne. Le parfum est d’une densité incroyable et malgré cela, le vin paraît plus léger et frais que ce que suggère sa pesanteur alcoolique.

Je suis content que l’on ait exploré ces trois liquoreux d’un même millésime. Chacun offre une grâce particulière que seuls les liquoreux anciens peuvent donner. J’aurais été tenté d’essayer le lièvre à la royale avec le Banyuls, mais mon assiette était vide. C’eût été plus original que le classique chocolat.

Mes convives ont été impressionnés par la cuisine épurée, simplifiée mais si efficace du chef Ken et de son équipe. Cette pureté et cette précision mettent en valeur les vins idéalement.

Les votes sont extrêmement intéressants. Les 12 vins présents ont tous reçu au moins un vote d’un des convives, ce qui est gratifiant pour mes vins. Encore plus plaisant est le fait que six vins ont été nommés premiers : le Richebourg trois fois, le Clos de Vougeot et le Moët deux fois et le Châteauneuf du Pape, le Domaine de Chevalier et le Laville Haut-Brion chacun une fois premier.

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 ex-aequo – Clos de Vougeot Bouchard Père & Fils 1961 et Châteauneuf du Pape La Bernardine Chapoutier 1949, 4 – Château Filhot Sauternes 1929, 5 – Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964, 6 – Domaine de Chevalier Léognan 1952.

Mon classement est : 1 – Clos de Vougeot Bouchard Père & Fils 1961, 2 – Château Filhot Sauternes 1929, 3 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 4 – Châteauneuf du Pape La Bernardine Chapoutier 1949, 5 – Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964.

J’ai gardé la plus belle surprise pour la fin de ce récit. Les cinq américains me suivent sur Instagram. On voit peu de photos de moi mais quand je suis pris en photo c’est souvent au restaurant et on me voit avec un pullover qui a la couleur bleu foncé qui est celle des mots que l’on voit ci-dessus. Les trois hommes sont venus au dîner avec des pullovers de cette couleur bleue. Quelle gentillesse folle !

Déjeuner au restaurant Marsan Hélène Darroze mercredi, 16 octobre 2024

Il y a quatre ans, un ami m’avait demandé de faire un dîner de vingt personnes au restaurant Marsan Hélène Darroze. Leur grande table au rez-de-chaussée se prête idéalement à réaliser un tel repas. L’ambiance avait été chaleureuse et enjouée, ce qui explique sans doute que l’ami me demande de faire un nouveau dîner pour ses amis au même endroit.

Mes interlocuteurs du restaurant sont tous différents de ceux avec qui j’avais organisé le 240ème diner. Je réserve une table pour faire connaissance avec la cuisine du chef de cuisine Paul Genthon et rencontrer le directeur Dimitri Auriant. Un ami fin gourmet se joint à moi pour cette expérience.

Nous sommes accueillis par de larges sourires. Je salue le chef et le directeur et nous prenons place dans la salle à manger. Nous préférons que le chef choisisse lui-même ce qu’il veut nous faire goûter.

Le chef sommelier me montre la carte des vins et je ne dépasserai pas la première page de son beau livre car j’ai vu un Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires 2006 qui me fait envie. Ce champagne est un blanc de blancs d’une belle personnalité. Il est solide et vieillira bien.

Le champagne est bon, mais dès que le premier plat est servi, à base de poisson cru, il se propulse à un niveau de complexité et d’émotion très supérieur. Il a vraiment un très grand potentiel, pour atteindre un jour la divine perfection du millésime 1985.

Le chef sommelier s’appelle Avishek Bhugaloo. Il était heureux que je choisisse le Blanc de Blancs des millénaires et c’est lui qui a suggéré le 2006 avec des arguments convaincants.

Devant lui, j’ouvre le vin que j’ai apporté, trouvé en me promenant dans ma cave. Il s’agit d’un Château Brane-Cantenac 1978 qui a une particularité : il a une étiquette d’un importateur argentin qui a stocké ce vin à Buenos-Aires et n’ayant sans doute pas eu de succès l’a revendu aux enchères en France. J’en ai acquis une bonne vingtaine, et l’idée m’est venue de vérifier si les voyages de ce vin l’ont affecté.

Le parfum à l’ouverture est riche et engageant. Le plat qui suit le poisson cru est à base de betteraves, or la betterave n’est pas l’amie des vins. On nous sert ensuite un plat de de champignons et dès la première bouchée, on sait que l’on est en face d’un plat parfait. On a la même impression qu’avec les plats légendaires de Guy Savoy. Ce plat peut devenir lui aussi une légende. Il n’y a pas un bouton de guêtre à changer. Il est parfait avec le champagne.

D’instinct, le homard doit accompagner le vin de Bordeaux et leur accord est sublime. Le Bordeaux est transcendant et cette perfection est due à l’âge. Le vin a 46 ans. Il est à l’idéal de sa maturité et je peux constater que les pérégrinations du vin n’ont en rien entamé sa prestance.

Les plats qui suivent sont tous intéressants. J’ai versé des verres du bordeaux pour que le chef et le sommelier ainsi que le directeur puissent ressentir l’intérêt des vins anciens.

Ce repas a été manifestement copieux et très épicé. Le champignon et le homard sont des plats exceptionnels. Le menu m’a été envoyé plus tard. Il est extrêmement détaillé et en voici un résumé : daurade royale marinée aux baies roses / mikado de betteraves rouges et crapaudine poudrée de roses de Damas / cèpe de Bordeaux, carpaccio au foie gras / homard bleu aux épices tandoori / pintade jaune des Landes / chocolat et cèpes de Bordeaux / le véritable baba, à l’armagnac Darroze. C’est une belle imprégnation dans le monde d’Hélène Darooze avec Paul Genthon.

Nous sommes descendus dans la salle où se tiendra le repas pour composer le menu. Juliette Le Floc’h, la pâtissière, s’est jointe à Paul Genthon et Dimitri Auriant. Nous sommes tous motivés pour réussir le dîner du mois prochain.

285ème dîner au restaurant Astrance samedi, 28 septembre 2024

Le 285ème dîner se tient au restaurant Astrance de Pascal Barbot et Christophe Rohat. J’étais venu avec un ami mettre au point le menu avec Pascal et Christophe, mais la veille du dîner on m’informe qu’il a été impossible de trouver du turbot. La séquence turbot / lieu jaune sera remplacée par la séquence lieu jaune / rouget.

Nous serons onze dont un seul convive a déjà participé à des dîners et les neuf autres viennent pour la première fois. C’est je crois une des premières fois où il y a un tel nombre de nouveaux. Il y a deux norvégiens, deux anglais vivant à Bordeaux, deux parisiens, deux ardéchois dont l’un est un des plus célèbres vignerons de France et un jeune amateur de Porto-Rico. L’ami fidèle est parisien. Les deux jeunes femmes sont placées à ma gauche et à ma droite.

Le menu préparé par le chef Pascal Barbot est : Amuse-bouches : tuile pois chiche, gribiche aux algues, gougère, sablé Comté et pomme verte / homard vapeur, consommé et huile de crustacé, biscotte à la confiture de crevette / émincé de lieu jaune, riz koshihikari fraîchement poli au naturel, beurre blanc, sauce soja / rouget vapeur, cèpe à la braise, sauce marchand de vin / pigeon doré sur coffre, cuisse et rôti d’abat / ris de veau cuit au sautoir, jus de cuisson / céleri Monarch, quelques noix fraîches & fondue de Comté / mangue au naturel / financier à la rose.

Arrivé un peu avant 16 heures, je vois que la table est déjà dressée, très belle, avec une forêt de verres, dont 160 que j’ai fournis, pour compléter le stock de verres du restaurant. Vers dix-sept heures, trois convives arrivent pour voir comment fonctionne l’ouverte des vins. Le jeune portoricain a apporté un Champagne Laurent Perrier millésime 1985 en magnum qu’il aurait aimé ajouter au dîner, ce qui n’est pas possible. C’est Lucas, le sommelier, qui ouvre la bouteille pendant que j’ouvre celles du repas. Le champagne n’a aucune bulle et on peut imaginer que ceci est dû au bouchon très resserré dans sa partie basse. Alors, quand on le goûte après avoir trinqué, on a l’impression de boire un champagne qui serait plus vieux d’au moins vingt ans. Il est bon, mais ressemble plus à un champagne autour de 1960. Par comparaison, le Comtes de Champagne 1966 a eu à l’ouverture un pschitt significatif avec des bulles qui s’échappent du goulot.

Le seul vin qui m’a inquiété lors de l’ouverture, c’est le Château Chalon 1945 qui a montré une légère odeur de bouchon. Les deux parfums profonds et envoûtants sont le Climens 1949 et le vin de Chypre 1869.

Les convives arrivant à des moments différents, nous nous sommes assis à nos places, et quand le dîner devait démarrer, nous sommes restés assis alors que le programme prévoyait que nous prenions le premier champagne debout. Je voulais présenter l’esprit de mes dîners debout, mais c’était possible aussi quand tout le monde est assis.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1988 a une belle couleur jeune et une belle bulle. Il est très intense et fonceur. Ce blanc de noirs est très convaincant, de force personnalité. La gougère met en valeur le champagne et lui donne de la largeur, alors que le sablé excite sa complexité par un accord de confrontation.

Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1966 est très différent. Il est plus ambré mais pas trop et se montre plus jeune que son âge. Il a un charme fou et une palette aromatique quasi infinie. Le homard est idéal pour mettre en valeur un champagne au sommet de son art., plein et joyeux.

Le lieu jaune accueille deux vins blancs très disparates. Le Château Laville Haut Brion 1978 a une couleur claire d’une folle jeunesse et c’est une caractéristique de ce vin de ne jamais devenir ambré. Il est d’une pureté saisissante et d’une grande fraîcheur. C’est un très grand vin blanc de Bordeaux, si frais à boire et fluide.

Le Châteauneuf-du-Pape Blanc Antonin Establet 1947 à la belle couleur ambrée est puissant, lourd et conquérant. Il offre une belle personnalité, d’une vivacité très grande, malgré ses 77 ans qu’il ne fait pas. Le plat de lieu jaune avec le riz est une perfection absolue. Le poisson est parfaitement cuit, doté d’une belle sauce et le riz est éblouissant tant il est léger. L’accord avec les deux vins est pour moi le plus bel accord du repas grâce à ce plat miraculeux.

Le Château Certan de May de Certan 1955 avait à l’ouverture un parfum lourd de pomerol. Il l’a encore et ce vin riche et lourd est sans doute un peu monolithique, aussi le Bonnes-Mares Clair-Daü 1961 d’une élégance et une fraîcheur parfaites lui fait de l’ombre. J’apprécie la légèreté de ce Bonnes-Mares élégant.

Alors que le rouget est fait pour le pomerol, le Bonnes-Mares lui vole la vedette et s’impose sur ce plat excellent mais qui n’a pas la fraîcheur du plat de lieu jaune.

J’ai une sympathie particulière pour les bouteilles comme celle du Grands Echézeaux Antonin Rodet 1934, qui sont opaques tant la terre ou la poussière ont rendu le vin invisible. Généralement pour les bourgognes, c’est le signe d’une conservation parfaite et c’est le cas pour ce 1934. Quel grand vin expressif.

Et le pigeon est le compagnon idéal mais le Grands Echézeaux ne peut pas gagner face au Beaune Clos du Roi Louis Affre 1928 qui tient son accomplissement de l’excellence de l’année 1928 si belle et si noble. Ce Beaune est parfait, serein, équilibré, idéal. Et le Beaune n’a pas une grande puissance, mais une subtilité charmante.

Sur le ris de veau cohérent et idéal, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 est impressionnante de conviction. Son caractère salin est là, présent, marqueur des vins du domaine. Il est aérien. C’est une bouteille qui avait un niveau parfait comme d’ailleurs tous les vins du dîner. Le vin est plébiscité par tous tant sa splendeur est convaincante. C’est un grand moment d’une Tâche qui ne joue pas sur la puissance mais sur l’élégance.

J’avais fait part de mes doutes sur le Château Chalon Bourdy 1945 mais en fait le goût de bouchon a quasiment disparu. Le vin est buvable avec un goût de paille, mais n’est pas transcendant.

Imaginez que Rita Hayworth dans le rôle de Gilda apparaisse maintenant, l’effet qu’elle ferait, c’est celui du Château Climens Haut-Barsac 1949. Le nez est un parfum envoûtant et la bouche est tout en séduction. Et l’équilibre entre la force du vin et sa longueur donne un résultat entraînant. Certains convives ont dit que Barsac est supérieur à Sauternes, mais la diversité des goûts entre tous les domaines est telle qu’il faut les aimer tous. La mangue est un compagnon idéal des liquoreux bordelais, mais celui-ci manquait un peu de fermeté.

J’ai déjà bu le Vin de Chypre 1869 sept fois et cette huitième fois a créé un de ces chocs qui me renversent, quand j’ai l’impression de toucher la perfection. Bien sûr, c’est personnel puisque je serai le seul à noter ce vin premier. A l’ouverture, le parfum du vin était incroyable car à peine avais-je levé le bouchon de deux millimètres que sa senteur envahissait la pièce. Et là, cette puissance, ce charme, cet équilibre, m’émeuvent et le financier met en valeur la subtile évocation de rose du vin.

Les accords ont été brillants. Le homard avec le Taittinger 1966 était pertinent. Le lieu jaune avec un riz aérien est le plus beau plat qui a mis en valeur les deux blancs si différents. Le rouget que j’attendais avec le pomerol a brillé avec le Bonnes-Mares. Le pigeon est définitivement un plat parfait pour des bourgognes anciens. Le ris de veau a formé un accord plus classique avec La Tâche. De beaux accords d’une grande pureté.

Le vote est très intéressant parce que six vins sur douze ont été nommés premiers, La Tâche 1956 quatre fois, le Comtes de Champagne 1966 deux fois comme le Beaune Clos du Roi 1928 et le Climens 1949, le Chypre 1869 et Le Laville Haut-Brion 1978 ont eu chacun un vote de premier. Dix vins sur douze ont eu des votes.

Le vote du consensus est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1966, 3 – Château Climens Haut-Barsac 1949, 4 – Beaune Clos du Roi Louis Affre 1928, 5 – Vin de Chypre 1869, 6 – Bonnes-mares Clair-Daü 1961.

Mon vote est : 1 – Vin de Chypre 1869, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956, 3 – Château Climens Haut-Barsac 1949, 4 – Beaune Clos du Roi Louis Affre 1928, 5 – Châteauneuf-du-Pape Blanc Antonin Establet 1947.

Le service des vins a été parfait. Pascal Barbot est venu souvent nous présenter les plats et nous avons pu mesurer à quel point il s’est engagé dans cette aventure pour créer les meilleurs accords possibles.

Ce 285ème repas avec tant de nouveaux convives et si cosmopolite fut un très grand repas.

284ème dîner au restaurant Pages à trois personnes dimanche, 22 septembre 2024

Un tour-opérateur m’a contacté il y a très longtemps soit pour des dîners dans l’esprit de mes dîners, soit pour des couples qui ont un long programme de visite de la France. La demande d’aujourd’hui est particulière puisque le couple a défini lui-même les vins qu’ils aimeraient boire. En 284 dîners, c’est la première fois que la demande est fondée sur des vins précis désignés par eux et non pas sur un programme que j’aurais conçu.

Les touristes américains que je vais rencontrer doivent être des lecteurs assidus de mes écrits, puisque chaque vin a un millésime qui fait partie des trois premiers millésimes que j’ai bus de ce vin : 1966 est le troisième Dom Pérignon que j’ai bu, derrière 1998 et 1996. Je l’ai bu 29 fois.

1967 est le deuxième Pétrus que j’ai bu derrière 1974 car ce sont les années de naissance de mes deux filles. Je l’ai bu 7 fois. Et 1988 est l’année d’Yquem que j’ai bue le plus avec 27 fois. Leur choix ne peut pas être que du hasard.

Lorsque leur demande et ma proposition se rejoignent, j’ajoute au programme une demi-bouteille d’Hermitage La Chapelle 1962, sans l’annoncer. Et 1962 est le troisième millésime que j’ai bu de ce vin, sept fois.

Le dîner se tient au restaurant Pages. Ce sera le 284ème de mes dîners. Nous serons trois. J’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins et je sais que j’aurai beaucoup de temps libre puisqu’il n’y a que quatre vins à ouvrir.

J’avais annoncé les vins et quelques plats que je souhaite au chef Ken et au directeur Pierre-Alexandre. Celui-ci me montre sur le tableau du mur de la cuisine le menu envisagé qui est : 1 – amuse-bouche, 2 – carpaccio de poisson, 3 – rouget sauce vin rouge, 4 – homard sauce vin rouge, 5 – canard aux cèpes, vin rouge, 6 – Wagyu, 7 – tarte mangue. Et il me dit que ce menu va manquer de vin rouge pour son équilibre.

J’ai déjà ajouté l’Hermitage, je n’ai rien d’autre sous la main. Et l’idée qui me vient est de changer le programme en mettant le homard non pas avec un vin rouge mais avec l’Yquem et accompagné d’une sauce au vin jaune. Je fais ajouter des cèpes crus avec le champagne

Ce qui donne ce menu : amuse-bouche, cèpes crus, carpaccio de daurade, rouget sauce viande, canard de Challans aux cèpes, Wagyu, homard sauce vin jaune, tarte à la mangue.

L’ouverture des vins est sans histoire car les bouchons viennent entiers. Le Pétrus a un parfum fort et riche, l’Hermitage est plus discret. L’Yquem est tonitruant. Le Dom Pérignon a un bouchon qui s’est resserré dans la partie basse aussi mon effort pour lever le bouchon est très faible et je vois sortir du goulot de petites bulles qui montrent que le pétillant est intact.

Ayant fini très tôt je regarde ce qui se passe en cuisine et la préparation des plats. Je pars vers l’hôtel de Crillon où je dois rencontrer mes convives pour les mener jusqu’au restaurant Pages. J’arrive en avance et je demande au concierge d’appeler la chambre. Rien. A l’heure précise de notre contact, nouvel appel. Pas de réponse. Je fais envoyer quelqu’un sonner à la chambre. Personne. Le numéro de téléphone du mari ne répond pas et n’accepte pas de message. Celui de son épouse accepte un message. Puis rien. Je commence à m’inquiéter. Tout-à-coup je lis un message : « nous sommes sur le trottoir ». Ouf !

Nous nous rendons avec un chauffeur de limousine au restaurant Pages. Nous avons une belle table d’où nous pouvons voir ce qui se passe en cuisine. Je m’aperçois qu’ils avaient une idée assez imprécise de ce dîner. Mes explications leur plaisent. Le dîner démarre.

Le Champagne Dom Pérignon 1966 a une jolie couleur légèrement ambrée. Le champagne est majestueux et on sent immédiatement qu’il est grand. Il a des évocations discrètes de fruits et de miel. Le champagne est délicat, large et imposant tant il est riche de complexités. J’avais demandé des lamelles de cèpes crus qui font un joli accord en suggestions. Avec la daurade de carpaccio, l’accord est viril et noble, donnant une belle rigueur au champagne.

J’avais prévenu mes convives texans que la première fois que l’on boit Pétrus, on peut être déçu parce qu’on en attend trop. Il n’y aura pas de déception car ce Pétrus 1967 est particulièrement brillant. Solide, charpenté, avec des suggestions de truffe, il s’impose avec son équilibre parfait. Je n’aurais pas imaginé qu’un 1967 pourrait être aussi dense et puissant. C’est ma coquetterie d’associer Pétrus et rouget. L’accord est brillant mais les rougets sont de gros rougets. Je préfèrerais des plus petits, qui seraient plus vifs et plus marins.

L’accord avec le canard de Challans est beaucoup plus percutant. La chair expressive du canard fait briller le Pétrus.

J’explique que j’ai ajouté l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 en demi-bouteille pour que mes convives puissent goûter au Wagyu exceptionnel du restaurant. Et l’accord est magique. L’Hermitage bu après le Pétrus montre que l’on change de monde. Le Pétrus est un seigneur puissant, riche et imposant alors que le vin du Rhône est tout en charme et en séduction, vin confortable et gourmand.

Faire un dîner où le homard est servi après le Wagyu est assez peu commun mais j’adore ces choix. L’accord du homard avec le Château d’Yquem 1988 est divin. La pureté de la chair avec une sauce au vin jaune épouse la richesse de cet Yquem parfait.

L’Yquem est délicieux avec la tarte à la mangue, mais l’accord avec le homard est plus excitant. Cet Yquem 1988 riche et équilibré est l’archétype de l’Yquem totalement accompli.

Nous sommes d’accord pour classer les accords ainsi : 1 – Wagyu et Hermitage, 2 – canard et Pétrus, 3 – homard et Yquem.

Le classement des vins serait difficile car chacun a été parfait. Je mettrais 1 – Yquem, 2 – Pétrus, 3 – Hermitage et 4 – Dom Pérignon.

J’avais apporté une bouteille de Sherry du Cap 1862 que j’avais ouverte il y a quelque mois. Il n’a pas sa fraîcheur originale mais c’est une belle évocation de vins du 19ème siècle.

Mes convives vont faire un voyage en France pendant une douzaine de jours. Ils ont été ravis de ce repas qui leur a donné de nouvelles perspectives d’approche gastronomique. Ils comptent en parler à leurs amis amateurs de vins.

Déjeuner au restaurant Astrance dimanche, 22 septembre 2024

De retour à Paris, je vais déjeuner avec un ami au restaurant Astrance, pour préparer avec Pascal Barbot le chef et Christophe Rohat le directeur, le menu d’un dîner de wine-dinners qui se tiendra en ce lieu la semaine suivante.

Nous sommes accueillis avec de grands sourires par toute l’équipe très motivée. Je regarde dans la carte des vins qui pour les champagnes est très riche de vins d’une multitude de vignerons intéressants. Et quand je vois qu’il y a un 1996 d’un vigneron de Mesnil-sur-Oger, il n’y a pas l’ombre d’une hésitation et Lucas le sympathique sommelier valide mon choix.

Le Champagne Pascal Doquet Blanc de Blancs Grand Cru 1996 a une typicité de Mesnil-sur-Oger poussée à l’extrême. Champagne viril, salin, minéral, large et conquérant, il a un équilibre apporté par l’âge dans un millésime exceptionnel. Ce champagne expressif est convaincant et gastronomique.

J’ai apporté une Côte Rôtie La Turque Guigal 1987. Le niveau des vins de Guigal est toujours très proche du bouchon. Lucas ouvre la bouteille avec un limonadier classique et le bouchon se brise en deux car il est imbibé. Des miettes de bouchons flottent sur le vin. Je les enlève avec mes outils que j’avais dans ma sacoche.

Le parfum du vin est fascinant. J’ai l’impression d’être devant une cuve où les grappes récemment cueillies sont pressées. Il y a une vivacité et une jeunesse qui taquinent mes narines. La Turque est la plus puissante et riche des trois Côtes Rôties, mais celle-ci, si elle a une force naturelle, offre aussi un velours charmant. Le vin combine une belle maturité et une jeunesse encore sensible.

Ce vin qui n’a pas la puissance d’autres millésimes est charmant et lui aussi gastronomique.

Lorsque le repas est terminé, Pascal et Christophe arrivent à notre table pour préparer le menu du prochain dîner. C’est un véritable bonheur de travailler avec Pascal Barbot. Il est extrêmement motivé à créer des accords parfaits. Les discussions ont été animées et nous avons réussi à établir un menu pour les vins qui tiendra compte du talent du chef et des « exigences » des vins.

On peut penser qu’un grand repas nous attend.

Déjeuner du 15 août 283ème repas dimanche, 18 août 2024

L’événement du 15 août est un moment important dans ma vie depuis 20 ans. C’est un peu le point culminant de l’été car nous invitons ou rejoignons des amis gastronomes et appréciant les grands vins pour plusieurs repas autour du 15 août. Aujourd’hui, chez nous, nous sommes neuf. Les associations mets et vins ont été mises au point en fonction de mes choix de vins. Une équipe se forme en cuisine entre ma femme et un ami et je suis aidé pour la mise en place des vins par un autre ami.

L’ouverture des vins a démarré dès neuf heures du matin. Le gros problème a été celui du Haut-Brion 1980. Le liège du bouchon est très léger et se déchire avec une grande facilité. On ne peut pas tirer le tirebouchon sans qu’il ne déchire le liège qui colle aux parois. Il y a des centaines de morceaux autour de moi et des copeaux de liège tombent dans le vin. La solution est de verser le vin dans une carafe, de nettoyer la bouteille et de remettre le vin dans la bouteille. Le parfum du vin est superbe et prometteur.

Il convient de faire une remarque sur le Champagne Dom Pérignon magnum 1988. Pendant la préparation, pendant le repas, j’étais persuadé qu’il s’agissait d’un 1998. C’est seulement le lendemain que j’ai vu qu’il s’agissait d’un 1988 lorsqu’un abonné sur Instagram m’en a fait la remarque après avoir vu la vidéo présentant les bouteilles. Et ce qui est amusant, c’est que persuadé qu’il s’agissait d’un 1998, je n’ai pas remarqué qu’il s’agissait d’un 1988. Or la cape qui revêt le bouchon était manifestement assez vieille, le pschitt était discret, alors qu’un 1998 aurait été plus tonitruant, et la couleur dans le verre, d’un orange prononcé aurait dû m’interpeller. Mais dans le feu de l’action je ne mets pas en doute ce que j’ai annoncé.

Les amis arrivent à l’heure dite. Nous commençons a trinquer au 15 août avec le Champagne Dom Pérignon magnum 1988. Je demande à tous de prendre un peu de rillette pour accueillir le champagne. L’association avec les rillettes est à tomber par terre. Le gras de la rillette fait exploser les saveurs du champagne. Ce Dom Pérignon noble est plein de joie et de plaisir. Il y a beaucoup d’amuse-bouches, mais rien ne peut rivaliser avec la rillette.

Le Champagne Salon magnum 2007 a fait un gros pschitt à l’ouverture trois heures avant. Noble, aristocratique, encore un peu trop jeune pour moi, il est parfait avec le camembert Jort et avec la charcuterie espagnole.

Le menu a été composé par ma femme : Gambas et Wagyu / Pigeon et pommes de terre truffées / Fromages divers / Tarte Tatin / Mignardises.

C’est ma femme qui a eu l’idée d’associer les gambas au wagyu. J’ai choisi un Châteauneuf-du-Pape Beaucastel blanc Vieilles Vignes 2007 pour ce plat. L’association avec le vin est spectaculaire car ce vin puissant a suffisamment de gras et de largeur pour envelopper le wagyu. C’est probablement le moment le plus élevé et intense de notre repas.

Le Château Haut-Brion rouge 1980 a créé la plus belle surprise du déjeuner. A tel point que Haut-Brion a obtenu 7 voix de premier lors du vote final de 8 buveurs. C’est incroyable. C’est un grand moment sur les suprêmes de pigeon. Le vin est dense, presque charbonneux, noble et distingué. Une belle expression des vins de Graves.

La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1989 est un vin de plaisir si agréable, sincère, fluide mais conquérant. Il est parfait sur le pigeon servi en deux fois, suprême et ailes. Il est tellement équilibré, heureux, apportant du bonheur. Le vin s’adapte aussi aux fromages dont un saint-nectaire de belle maturité.

Le Vega Sicilia Unico magnum 2000 est mon amour, surtout en magnum. Alors que 7 buveurs placent le Haut-Brion en premier, j’ai mis le vin espagnol en premier. Il a tout, du charme, de la puissance, une finale qui est un démon tentateur, un vin magnifique.

La tarte Tatin de ma femme devrait être inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Le Château Gilette crème de tête 1971, bien gras et épais mais pas transcendantal sera bien aidé par la tarte.

J’avais annoncé dans le programme un Jerez J. Ruiz & Co Prize sherries of Spain circa 1955, mais quand j’ai vu le bouchon conique et tout petit, imprégné du vin, je dirais années 40. Il est gentil, mais pas porteur d’une grande émotion.

Nous avons voté. Le vote des 8 buveurs est : 1 – Château Haut-Brion 1980, 2 – Vega Sicilia Unico 2000, 3 – Beaucastel Vieilles Vignes 2007, 4 – La Landonne Guigal 1989, 5 – Dom Pérignon 1988.

Mon vote est : 1 – Vega Sicilia Unico 2000, 2 – Beaucastel Vieilles Vignes 2007, 3 – Champagne Salon 2007, 4 – Château Haut-Brion 1980, 5 – Champagne Dom Pérignon 1988.

Dans mes dîners, il n’arrive jamais qu’un vin obtienne 7 votes de premier sur 8 buveurs. C’est complétement étonnant pour moi que ce soit le Haut-Brion 1980, mais tant mieux, car malgré un millésime plutôt discret, cela montre à quel point Haut-Brion est un grand vin. Est-ce que le passage en carafe puis le retour en bouteille ont joué un rôle dans ce succès. Voilà un beau sujet de méditation.

Les meilleures associations du repas sont : gambas wagyu au Beaucastel / rillettes au Dom Pérignon / Tatin à Gilette / pigeon à Landonne.

Chaque instant était parfait. Un moment de bonheur absolu et immense.

Comme ce repas a été fait selon les méthodes et règles de mes dîners, il sera considéré comme l’un des dîners de wine-dinners et portera le numéro 283, ce qui me permettra de m’approcher un peu plus vite du 300ème dîner.

282nd lunch at the Moët Hennessy Apartment samedi, 25 mai 2024

The 282nd event will be a lunch at the Moët Hennessy Apartment in Paris, where I have already made several meals. The cuisine will be carried out on the premises by the Pages restaurant team by chef Ken and under the direction of Naoko Oishi, owner of Pages restaurant.

There will be twelve of us, including a contingent of four Belgians and Dutch, one Australian, one New Yorker, one Californian and five French. Most foreigners signed up because they follow me on Instagram. There are five new ones.

I arrive at the Apartment at 9:30 a.m. to open twelve bottles of wine, including three magnums. I have never taken so much time to make the openings. Two and a half hours, which is more than twelve minutes per wine. I finished at 12 a.m. This is due to the extremely large number of corks which came in shreds, the wick only bringing up a mass of crumbs stuck to the metal, the walls of the neck keeping the cork friable. Even the Yquem corks which normally come whole came out torn. And the Krug magnum had a steel wire so thick that it took me a long time to turn the little ear that closes the cork capsule. The satisfaction I had fortunately was that no crumbs of cork fell into the wine. The other satisfaction is that of the scents of the wines. That of Y d’Yquem 1964, rich as that of a Yquem, the complex and rich flavor of Musigny 1947, the olfactory bomb of Château Chalon 1921, the absolutely perfect perfume of Yquem 1959.

The menu was designed with chef Ken and it occurred to me that between the Romanée Conti 1963 and the Musigny, a break would be necessary for the Krug champagne which I had put at the first place to begin the meal and which will be put in the middle of the meal . We will start the meal with a rosé champagne from Veuve Clicquot.

The guests arrive and we drink the Champagne Veuve Clicquot Cave Privée Rosé Magnum 1979 from the Apartment cellar. This champagne is majestic, with a papal balance. What a pleasure to savor this rich and seductive champagne. Happiness. The appetizers are copious and varied, which highlights the flexibility of champagne: oysters, gougères, pata negra, tempura, raw fish. Every agreement is relevant.

The meal menu is: lobster with white wine sauce, white asparagus from La Torche / veal with light red wine sauce, morels, mashed potatoes / Wagyu, beef jus and potato waffles / poached duck liver / Risotto with young parmesan / pigeon, salmis and potato millefeuille / old Comté 18 months and matured Saint-Nectaire / citrus tart and almond cream / rose financier.

The first course of lobster accompanies the two white wines. Y d’Yquem 1964 is from a year when Sauternes d’Yquem was not produced. There are therefore botrytized grains which have mixed with the white wine grains to produce an extremely rich wine. The pairing that it will create with the lobster bisque is an anthology pairing. This wine with its strong personality is captivating.

The Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1993 also has a particularity, because its vintage is the last produced by old vines, which were uprooted after the harvest. The Vogüé estate had the delicacy to call the following vintages « Burgundy White » and not Musigny for more than twenty years. This rich and noble Musigny with a long trace on the palate creates a splendid pairing with beautiful white asparagus.

The following step will be four wines from Romanée Conti, the four greatest, and from very disparate years. The Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 is accompanied by the Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 on veal, a delicate dish. The Richebourg has a scent that is not very clear so it is almost erased by the magnificent Romanée Saint-Vivant which has the youthful ardor of a Romanée Conti wine with elegance and subtlety.

Contrary to plan, two other wines will have been served together even though they should not have been. They accompanied a Wagyu with exceptional cooking and ideal fat, which made La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 shine, a wine that I consider exceptional in a vintage that was successful at the Domaine. The wine is particularly elegant, suave and sweet, with a fragile and delicate finish.

The Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1963 has an unpleasant cork nose, but which is not felt in the mouth. We even see how intense this wine is with a beautiful, unexpected fruit. He will not have had the companion I wanted, the poached foie gras and the strength of the Wagyu does not suit him. Worried about the scent of Romanée Conti, I didn’t react quickly enough for his dish to arrive. It’s a sad thing.

The Krug Private Cuvée Brut Réserve Magnum 50s Champagne is an absolutely magnificent bottle. When I see the champagne being served, I realize that it is clear at the first glass and becomes darker and darker, because more and more sediment appears. Champagne has a nice personality, but it doesn’t shine as much as it should. The pairing with the delicate risotto is a treat.

The Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947 is an absolute epitome. This immense wine is rich and glorious. I bought it over thirty years ago and often thought about creating an opportunity to showcase it. What could be better than to precede it with four wines from Romanée Conti. And he plays his imperial role well. We are all struck by its splendor. And the superb pigeon is exactly what gives it ideal scale.

Château Chalon Bourdy 1921 has a scent to die for. What power for a 103 years old wine! Wine is magical and I am in love with it. It is a little more majestic than the 1906 I drank last week. The vin jaune and Comté pairing is divine and sacred.

Due to the glorious scent of Château d’Yquem 1959, probably one of the greatest Yquem flavors I have drunk, I expected it to outshine the deeper but more flavorful Château d’Yquem 1937, discreet even if it is intense. And to my great surprise, the 1937 surpassed the 1959 due to its extreme intensity and a more assertive nobility. The 1959 is the charmer and the 1937 is the deeper thinker. The subtle dessert is magical for these two wines.

The menu was ideal and the execution deserves all the compliments, even after the mistake on the poached foie gras for which I also feel responsible. The pairings were splendid: lobster with Y 1964, Wagyu with La Tâche 1943, pigeon with Musigny and Yquem with tart. But we won’t forget the Musigny blanc with asparagus.

The moment of the vote is eagerly awaited because it is very difficult to anticipate what the ranking will be as there is so much competition apart from Musigny which will have an insolent victory. Eight first votes out of twelve voters is a very rare score. Four other wines had a first vote, the Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 and the two Château d’Yquem, the 1937 and the 1959. Eleven out of twelve wines had at least one vote, which is very satisfactory, only the Richebourg 1953 not having a vote because it was associated with the Romanée Saint-Vivant which overshadowed it.

The classification of the entire table is: 1 – Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 5 – Y d’Yquem 1964, 6 – Château d’Yquem 1959.

My vote is: 1 – Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Château Chalon Bourdy 1921, 4 – Y d’Yquem 1964, 5 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943.

The vote took place in a joyful atmosphere because we were all overwhelmed with beautiful memories, the small imperfections easily forgotten.

We went to the lounge to drink a Hennessy Richard Cognac accompanied by a rose financier, a perfect pairing which I am proud to have come up with.

The atmosphere was so friendly that when I mentioned a dinner that would take place in five months, more than half of those present told me they would come. What happiness!

282ème déjeuner à l’Appartement de Moët Hennessy samedi, 25 mai 2024

Le 282ème repas sera un déjeuner à l’Appartement de Moët Hennessy à Paris, où j’ai déjà fait plusieurs repas. La cuisine sera réalisée dans les locaux par l’équipe du restaurant Pages par le chef Ken et sous la direction de Naoko Oishi, propriétaire du restaurant Pages.

Nous serons douze, dont un contingent de quatre belges et hollandais, un australien, un new-yorkais, un californien et cinq français. La plupart des étrangers se sont inscrits parce qu’ils me suivent sur Instagram. Il y a cinq nouveaux.

J’arrive à l’Appartement à 9h30 pour ouvrir douze bouteilles de vins, dont trois magnums. Jamais je n’ai pris autant de temps pour faire les ouvertures. Deux heures et demie, ce qui fait plus de douze minutes par vin. J’ai fini à 12 heures. Cela est dû au nombre extrêmement grand de bouchons qui sont venus en charpie, la mèche ne remontant qu’une masse de miettes collées au métal, les parois du goulot gardant le liège friable. Même les bouchons d’Yquem qui normalement viennent entiers sont sortis déchirés. Et le magnum de Krug avait un fil d’acier si gros qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour tourner la petite oreille qui ferme la capsule du bouchon. La satisfaction que j’ai eue heureusement est qu’aucune miette de bouchon n’est tombée dans le vin. L’autre satisfaction est celle des parfums des vins. Celui de l’Y d’Yquem 1964 riche comme celui d’un Yquem, la saveur complexe et riche du Musigny 1947, la bombe olfactive du Château Chalon 1921, le parfum absolument parfait de l’Yquem 1959.

Le menu a été conçu avec le chef Ken et il m’est apparu qu’entre la Romanée Conti 1963 et le Musigny, une pause s’imposerait pour le champagne Krug que j’avais mis en tête et qui sera mis en milieu de repas. Nous démarrerons le repas avec un champagne rosé de Veuve Clicquot.

Les convives arrivent et nous buvons le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée Rosé Magnum 1979 de la cave de l’Appartement. Ce champagne est majestueux, d’un équilibre papal. Quel plaisir de savourer ce champagne riche et séducteur. Un bonheur. Les amuse-bouches sont copieux et variés, ce qui met en valeur la flexibilité du champagne : huître, gougères, pata negra, tempura, poisson cru. Chaque accord est pertinent.

Le menu du repas est : homard sauce vin blanc, asperge blanche de la Torche / veau sauce vin rouge légère, morilles, purée de pommes de terre / Wagyu, jus de bœuf et gaufres de pommes de terre / foie de canard poché / Risotto au jeune parmesan / pigeon, salmis et millefeuille de pommes de terre / vieux Comté 18 mois et saint-nectaire maturé / tarte agrumes et crème d’amandes / financier à la rose.

Le premier plat de homard accompagne les deux vins blancs. L’Y d’Yquem 1964 est d’une année où le sauternes d’Yquem n’a pas été produit. Il y a donc des grains botrytisés qui se sont mêlés aux grains du vin blanc pour produire un vin d’une richesse extrême. L’accord qu’il va créer avec la bisque du homard est un accord d’anthologie. Ce vin de forte personnalité est envoûtant.

Le Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1993 a lui aussi une particularité, car son millésime est le dernier produit par des vignes anciennes, qui ont été arrachées après la récolte. Le domaine de Vogüé a eu la délicatesse d’appeler les millésimes suivants « Bourgogne Blanc » et non Musigny pendant plus de vingt ans. Ce Musigny riche et noble à la longue trace en bouche crée un accord splendide avec les belles asperges blanches.

La suite sera de quatre vins de la Romanée Conti, les quatre plus grands, et d’années très disparates. La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 est associée au Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953 sur le veau, plat délicat. Le Richebourg a un parfum qui n’est pas très net aussi il est quasiment effacé par la magnifique Romanée Saint-Vivant qui a la fougue de la jeunesse d’un vin de la Romanée Conti avec élégance et subtilité.

Contrairement au plan prévu deux autres vins auront été servis ensemble alors qu’ils n’auraient pas dû l’être. Ils ont accompagné un Wagyu d’une cuisson exceptionnelle d’un gras idéal, qui a fait briller La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 vin que je considère comme exceptionnel dans un millésime qui a réussi au Domaine. Le vin est particulièrement élégant, suave et doucereux, avec un final fragile et délicat.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1963 a un nez de bouchon désagréable, mais qu’on ne ressent pas en bouche. On voit même à quel point ce vin est intense avec un beau fruit inattendu. Il n’aura pas eu le compagnon que je voulais, le foie gras poché et la force du Wagyu ne lui convient pas. Inquiet à cause du parfum de la Romanée Conti je n’ai pas réagi assez vite pour que son plat arrive. C’est dommage.

Le Champagne Krug Private Cuvée Brut Réserve magnum années 50 est d’une bouteille absolument magnifique. Lorsque je vois que l’on sert le champagne, je réalise qu’il est clair au premier verre et devient de plus en plus sombre, car du dépôt apparaît de plus en plus. Le champagne a une belle personnalité, mais il ne brille pas autant qu’il le devrait. L’accord avec le délicat risotto est un régal.

Le Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947 est un régal absolu. Ce vin immense est riche et glorieux. Je l’avais acheté il y a plus de trente ans et je pensais souvent à créer une occasion de le mettre en valeur. Quoi de mieux que de le faire précéder par quatre vins de la Romanée Conti. Et il tient bien son rôle impérial. Nous sommes tous frappés par sa splendeur. Et le pigeon superbe est exactement ce qui lui donne une ampleur idéale.

Le Château Chalon Bourdy 1921 a un parfum à se damner. Quelle puissance pour un vin de 103 ans ! Le vin est magique et j’en suis amoureux. Il est un peu plus majestueux que le 1906 que j’ai bu la semaine dernière. L’accord vin jaune et comté est divin et sacré.

Du fait du glorieux parfum du Château d’Yquem 1959, probablement l’un des plus grands parfums des Yquem que j’ai bus, je m’attendais à ce qu’il surpasse le Château d’Yquem 1937 plus profond mais au parfum plus discret même s’il est intense. Et à ma grande surprise, le 1937 a surpassé le 1959 du fait d’une intensité extrême, et d’une noblesse plus affirmée. Le 1959 est le charmeur et le 1937 est le penseur plus profond. Le dessert subtil est magique pour ces deux vins.

Le menu a été idéal et la réalisation mérite tous les compliments, même après l’erreur sur le foie gras poché dont je me sens aussi responsable. Les accords ont été splendides du homard avec l’Y 1964, du Wagyu avec La Tâche 1943, du pigeon avec le Musigny et des Yquem avec la tarte. Mais on n’oubliera pas le Musigny blanc avec les asperges.

Le moment du vote est très attendu car il est très difficile d’anticiper ce que sera le classement tant il y a de compétition en dehors du Musigny qui va avoir une insolente victoire. Huit votes de premier sur douze votants, c’est un score très rare. Quatre autres vins ont eu un vote de premier, la Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 et les deux Château d’Yquem, le 1937 et le 1959. Onze vins sur douze ont eu au moins un vote, ce qui est très satisfaisant, seul le Richebourg 1953 n’ayant pas de vote car il était associé à la Romanée Saint-Vivant qui lui a fait de l’ombre.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 5 – Y d’Yquem 1964, 6 – Château d’Yquem 1959.

Mon vote est : 1 – Musigny Vieilles Vignes Comte de Vogüé magnum 1947, 2 – Château d’Yquem 1937, 3 – Château Chalon Bourdy 1921, 4 – Y d’Yquem 1964, 5 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943.

Le vote s’est fait dans une atmosphère joyeuse car nous étions tous submergés de beaux souvenirs, les petites imperfections s’oubliant sans problème.

Nous sommes passés au salon pour boire un Cognac Hennessy Richard accompagné d’un financier à la rose, accord parfait dont je suis fier d’avoir eu l’idée.

L’ambiance était tellement amicale que lorsque j’ai évoqué un dîner qui aura lieu dans cinq mois, plus de la moitié des présents m’ont dit qu’ils viendraient. Quel bonheur !

281ème dîner au restaurant Astrance samedi, 18 mai 2024

Le 281ème dîner se tient au restaurant Astrance de la rue de Longchamp à Paris. J’avais déjà fait trois repas à l’Astrance de la rue Beethoven. Dans ce nouveau lieu, nous aurons un espace beaucoup plus grand et une belle table comme je les aime, en forme de ballon de rugby.

Nous serons onze. Il y a trois participants qui sont déjà venus à mes dîners et sept nouveaux, qui suivent mes récits sur Instagram. Les convives viennent de Houston, de Londres, de Genève, de Belgique, d’Aix et de Paris.

J’étais venu au restaurant il y a quelques semaines pour mettre au point le menu avec Pascal Barbot, qui est très motivé à recommencer à créer de nouvelles recettes pour mes dîners.

J’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins, aidé par le sympathique sommelier Lucas. Beaucoup de bouchons viendront avec des déchirures et Lucas est étonné de constater qu’aucun morceau de bouchon ne tombe dans le vin.

Aucun parfum ne me semble douteux. Certains vins comme l’Ausone 1962 sont immédiatement brillants alors que d’autres comme le Pommard 1929 auront besoin de quelques heures pour s’épanouir. Deux participants sont venus voir comment je procède et c’est l’occasion d’évoquer des souvenirs et des anecdotes.

Le menu a été mis au point en échangeant avec Pascal Barbot. J’ai eu un mail hier me disant qu’il avait la certitude d’avoir turbot, rouget et pigeon, car il tient à avoir les meilleurs produits. Cette exigence me plait beaucoup.

Les convives arrivent et nous commençons par l’apéritif debout avec un Champagne Jacques Selosse millésimé 2002 accompagné de tuile pois chiche, gribiche aux algues, brioche toastée, beurre de romarin et mélilot. Le champagne dégorgé en 2013 a atteint un état de sérénité parfait. C’est un seigneur. Quel plaisir de goûter ce champagne qui a échangé la fougue de sa jeunesse avec une magistrale maturité.

J’ai profité de l’apéritif pour donner les conseils et consignes pour que le repas soit vécu de la meilleure façon.

Le menu créé par Pascal Barbot, pour lequel j’indique le ou les vins associés est : Salon 1988 : huître et échalote confite, grosse praire , jambon Bellota / Puligny Montrachet Les Combettes Domaine Leflaive 1988 et Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret & Fils 1988 : langoustine vapeur, consommé et huile de crustacé, biscotte à la confiture de crevette / riz koshihikari fraîchement poli au naturel et bisque de homard / Château Ausone 1962 : filet de turbot à la braise, beurre blanc et sauce sola / Château Nénin 1982 gros rouget vapeur de laurier et sauce beurre rouge / Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929 et Vosne Romanée Grivelet Cusset 1943 : côte de veau cuit au sautoir, jus de cuisson / Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986 et Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945 : pigeon rôti sur coffre, une rôtie et baie de genièvre / Château Rayne Vigneau 1966 : mangue au naturel et éclat d’un cake aux agrumes / Porto Quinta do Noval 1976 : une tartelette tiède chocolatée, caramel au beurre salé.

On pourrait faire au Champagne Salon 1988 les mêmes compliments que ceux que je viens de faire au Selosse, car ce 1988 montre un accomplissement idéal. Tout en lui est serein, puissant, parfait. Les deux champagnes semblent avoir atteint un âge idéal. L’huître est magique pour le champagne ainsi que la merveilleuse sauce de la praire. Un convive demande : pourquoi le jambon ? C’est mon souhait de montrer à quel point les grands champagnes sont flexibles car comment trouver des mets aussi opposés qu’une huître et un jambon espagnol puissant. C’est la magie du champagne.

Les deux vins blancs sont servis ensemble sur la langoustine et ensuite le riz poli.

Le Puligny Montrachet Les Combettes Domaine Leflaive 1988 est d’une belle rondeur. Il est avenant. Le Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret & Fils 1988 est plus complexe et sophistiqué. Le raffinement du chablis convient à la délicieuse langoustine alors que la séduction du Puligny s’accorde divinement à la sensuelle bisque de homard. Cette bisque est un des grands moments du repas. Pascal Barbot est très fier de la préparation et du polissage du riz.

Le Château Ausone 1962 a un parfum d’une élégance exceptionnelle et le vin est à un stade d’évolution ou tout est raffiné, c’est un vin galant. Le turbot lui convient à merveille.

Le Château Nénin 1982 est un gamin à côté de l’Ausone mais il a une solide structure qui en fait un vin conquérant. Le rouget est délicieux et c’est un de mes caprices d’associer les pomerols avec le rouget. Et c’est pertinent.

Le veau est d’une tendreté extrême et c’est ce qu’il faut pour le Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929. Deux convives très amateurs de vins avaient en se présentant émis des doutes sur les vins vieux, pensant qu’ils seraient sur une pente descendante, idée préconçue hélas trop répandue, et voilà qu’ils découvrent qu’un vin de 95 ans a une vivacité incroyable. Ils entrent dans un monde nouveau. Le pommard est subtil et expressif. Sa longueur est remarquable. C’est un vin de plaisir raffiné. Je l’adore.

Le Vosne-Romanée Grivelet Cusset 1943 est très élégant mais un peu moins brillant que le 1929. Il est toutefois fort agréable à boire. Il est servi sur le veau en même temps que le 1929 ce qui explique qu’on lui réserve un accueil moins marqué.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986 est accompagné du Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945 sur le magnifique pigeon. Contre toute attente, le Châteauneuf est tellement exceptionnel, absolument parfait, qu’il fait (presque) oublier le Richebourg, fort bon mais moins tonitruant. Comment est-ce possible que ce Châteauneuf ait atteint une telle perfection ? Il est d’une jouissance absolue. Le pigeon est le plat le plus marquant de ce repas à mon goût mais ils sont tous brillants.

Le Château Rayne Vigneau 1966 qui a presque 60 ans est entré dans une zone où l’âge apporte des saveurs magiques. D’un beau gras que donne l’âge il est gourmand et agréable. L’accord avec la mangue est naturel.

Le Porto Quinta do Noval 1976 est riche et agréable. Il est encore trop jeune pour offrir les complexités les plus subtiles.

L’ambiance de la table a été joyeuse et appliquée, chacun cherchant à profiter au mieux des plats et des accords. Pascal Barbot est venu expliquer les plats et c’est passionnant de voir à quel point il a travaillé les présentations et les cuissons au service des vins.

Il est temps de voter. Tous les douze vins ont eu des votes ce qui est remarquable. Quatre vins ont eu des votes de premier, le Châteauneuf quatre fois, Le Pommard et le Richebourg trois fois et le Salon 88 une fois.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945, 2 – Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929, 3 – Château Ausone 1962, 4 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1986, 5 – Château Rayne Vigneau 1966, 6 – Champagne Salon 1988.

Mon Classement est : 1 – Châteauneuf du Pape Paul Drevon 1945, 2 – Pommard Epenots Joseph Drouhin 1929, 3 – Vosne-Romanée Grivelet Cusset 1943, 4 – Champagne Salon 1988, 5 – Château Ausone 1962.

J’avais cherché dans ma cave un vin pour finir le repas si l’ambiance était bonne. Elle l’est et j’ai ouvert une bouteille totalement inconnue dont l’étiquette porte la mention : « Vin Blanc Supérieur ». Le contenu a certainement été mis dans une bouteille vide avec un bouchon à moitié enfoncé. J’avais déjà eu une expérience du même genre il y a quelques années et à ma grande surprise c’était un Rhum ancien superbe. J’espérais un rhum mais en fait après avoir cherché, nous avons conclu qu’il s’agit d’un Bas-Armagnac années 20 fort agréable lorsqu’il s’est épanoui.

Ce fut le point final d’un dîner joyeux et convivial très réussi.

279ème repas au restaurant Pages jeudi, 30 novembre 2023

Un Mexicain qui me suit sur Instagram m’a demandé d’organiser un de mes repas pour un petit groupe de quatre et il me donne un budget pour ce repas. Il demande aussi que son groupe participe à l’Académie des Vins Anciens. Il est prévu aussi que son groupe vienne assister à l’ouverture des vins à 10h30 avant le déjeuner au restaurant Pages que j’apprécie pour son adaptabilité à l’organisation de tels repas. Ce repas sera le 279ème de mes repas.

A 10h30 nous sommes présents tous les cinq. Je souhaite commencer par ouvrir La Tâche 1986 qui doit profiter du temps le plus long d’oxygénation lente. Le bouchon est extrêmement serré et j’ai de grandes difficultés à le tirer. Commencer de cette façon n’est sans doute pas très brillant pour impressionner mes convives car j’arriverai à tirer le bouchon seulement après l’avoir cassé en deux au milieu. J’aurais bien aimé le garder entier car il est beau. Le parfum est encore timide mais prometteur.

J’ouvre ensuite l’Hermitage blanc Chave 1993 et je suis face au même problème de bouchon trop serré, mais je m’en tire beaucoup mieux. Le nez est lui aussi timide mais moins que La Tâche. Il promet un beau résultat.

Le Chambertin 1990 a un bouchon qui vient entier sans problème et la délicatesse de son parfum annonce de belles choses.

L’Yquem 1944 a une bouteille magnifique, avec un niveau parfait. La couleur est d’un acajou presque noir en haut de bouteille et des reflets plus dorés en bas de bouteille du fait que la lumière traverse le verre du fond. Le bouchon est d’une qualité parfaite et le parfum est une explosion de fragrances séduisantes.

J’ajoute au programme convenu un Château l’Etoile Vin Jaune 1982 au parfum très fort d’un bel alcool car j’ai envie d’associer des blancs très différents.

Mes nouveaux amis qui avaient lu mes aventures attendaient que je propose, après la séance d’ouverture, d’aller au restaurant 116 pour boire une bière et sucer des édamamés. Ce que nous faisons, dans une ambiance de belle complicité. Cette étape au restaurant 116 fait partie du rite de mes repas au restaurant Pages.

Avant que mes convives n’arrivent, j’avais mis au point le menu avec le chef Ken et le pâtissier. L’idée du menu est de petits amuse-bouches, puis : filets de rouget crus / lieu jaune sauce umami / raviole de homard / veau avec une sauce au vin / wagyu et sa gaufre / saint-nectaire / dessert à la châtaigne.

J’ouvre le Champagne Dom Pérignon 1982 et un joli pschitt accompagne la sortie du bouchon. Le Champagne est magnifique, cohérent et c’est en fin de bouche qu’un joli fruit apparaît. J’adore le millésime 1982 et cette bouteille est d’une qualité particulière.

Pour le poisson cru, nous aurons le champagne et le Château l’Etoile Vin Jaune JH Vandelle 1982 de la même année. Le vin jaune est fort et superbe. Je trouve que l’accord avec le poisson est plus excitant avec le vin jaune même si le champagne est beaucoup plus subtil.

Le poisson est accompagné de l’Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993. Sa fraîcheur à la longueur éternelle m’impressionne énormément. L’accord avec la sauce umami est divin. C’est un instant de pur bonheur.

La raviole de homard est à l’aise avec le champagne et le vin du Jura. La juxtaposition des trois vins, de Champagne, du Jura et du Rhône est idéale pour voyager dans toutes les gammes de goûts.

Le Chambertin Rossignol Trapet 1990 a une forte parenté avec le Chambertin Trapet 1990 que j’adore. Ils sont vraiment cousins. L’accord avec le veau discret est subtil. Ce chambertin exprime la sensibilité des vins de Bourgogne. Et nous allons connaître les mêmes sensations en faisant suivre ce vin par La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 que celles que nous avons eues avec les gagnants d’un championnat européen de dégustation à l’aveugle : le chambertin est si riche et si percutant qu’il domine, dans le cœur de mes amis, la subtilité du vin de la Romanée Conti.

J’aime beaucoup La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 au goût mêlant raffinement et puissance. Comme il y a une semaine je mets le vin de la Romanée Conti devant le chambertin et mes convives le mettent derrière.

Le wagyu, gras mais pas trop, est un compagnon idéal pour La Tâche.

Le Château d’Yquem 1944 est un vin d’une grâce infinie. Sa couleur annonce des goûts de marron, qui convergent vers le délicieux dessert aux châtaignes. C’est un régal raffiné.

La pertinence des accords a impressionné mes nouveaux amis mexicains.

Nous votons et c’est assez invraisemblable que nous ayons quatre gagnants mis en place de numéro un, alors que nous ne sommes que cinq. C’est le chambertin qui a deux votes de premier, ceux qui ont un vote de premier sont le Dom Pérignon, l’Hermitage blanc et l’Yquem. J’ai mis l’Hermitage en premier car la sensation de fraîcheur m’a impressionné fortement. Mes amis ont été étonné que nos votes puissent être aussi distincts.

Le vote global serait : 1 – Chambertin Rossignol Trapet 1990, 2 – Champagne Dom Pérignon 1982, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 4 – Château d’Yquem 1944, 5 – Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993, 6 – Château L’Etoile Vin Jaune JH Vandelle 1982.

Mon vote est : 1 – Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 3 – Chambertin Rossignol Trapet 1990, 4 – Château d’Yquem 1944, 5 – Champagne Dom Pérignon 1982.

Dans deux jours je vais revoir ces nouveaux amis à l’académie des vins anciens. Ce sera une toute autre expérience.