Des vins qui jalonnent les vacances samedi, 17 juillet 2021

Pour un anniversaire, j’ouvre un Champagne Dry Monopole Heidsieck & Co 1955. Le haut du bouchon a une cape déchirée très sale qu’il faut nettoyer avant de tirer le bouchon. Le bouchon parfaitement cylindrique vient facilement, d’un liège de grande qualité. Il n’y a pas de pschitt, pas de bulles, mais le pétillant est sensible en bouche. La couleur est ambrée et belle. Ce champagne est large, plein en bouche et extrêmement rassurant. Il met des sourires sur nos visages. Il a acquis une maturité sereine et n’offre que du plaisir. Sur des tempuras de fleurs de courgettes, c’est un régal.

Nous retournons au restaurant l’Aventure pour manger de beaux poissons. Il n’y a plus de Champagne Ruinart, car nous avions pris la dernière bouteille. Le Champagne Piper-Heidsieck cuvée brut sans année est moins enthousiasmant que le Ruinart. Mais au bord de l’eau, on le boit avec plaisir. On est en vacances !

L’allocution du Président de la République le 12 juillet m’a pris de court comme un passing-shot. Entendre un tel aplomb pour dire que tout était sous contrôle, que la terre entière nous envie et que nous avons fait mieux que les autres pays dans les domaines, ça m’a laissé sans voix. Je n’ai pas écouté la fin de son allocution car elle faisait un peu trop campagne électorale. Alors, il fallait quelque chose pour me remonter. J’ai choisi un Domaine de Terrebrune Bandol 1997. Quel bonheur, quelle fraîcheur. Le nez est un rêve de garrigue. En bouche le vin est frais et velours. Après le discours présidentiel, je l’ai trouvé charmant, typique de son terroir, mais il y a quand même un manque de profondeur et de richesse. Il est aérien et c’est ainsi qu’il faut le lire.

Le lendemain, pour un autre anniversaire, j’ouvre un Vega Sicilia Unico 1998. Depuis quelques années, j’ouvre les vins jeunes et riches de fruits au dernier moment, au plus près de leur service, afin que les premières gorgées offrent l’éclosion de ces vins. Et l’effet sur moi est spectaculaire. Car la première gorgée est un feu d’artifice de fruits noirs qui part dans toutes les directions de saveurs. Ça virevolte dans ma tête. Le vin est riche, fruité, gouleyant et sa jeunesse est bien structurée. C’est un vin de pur plaisir. Lorsqu’on dépasse la moitié de la bouteille, le vin est toujours aussi jeune et entreprenant mais sa démarche est plus ordonnée. Il n’est plus le feu follet qui m’enthousiasme. Ce Vega Sicilia Unico est un vin puissant que j’apprécie au plus haut point, et ses premiers moments débridés me ravissent.

Avec ma fille cadette une envie d’apéritif se fait sentir. C’est le moment d’ouvrir un champagne que je chéris, un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème qui doit dater de la fin des années 80 et début des années 90. Le bouchon vient entier, parfaitement cylindrique mais très court. Ce Krug me gratifie d’un pschitt vigoureux, ce que je n’attendais pas. La robe est belle, d’un léger ambre tendant vers le rose. La bulle est bien présente.

Le nez est agréable et subtil. En bouche ce qui me frappe c’est une acidité supérieure à ce qu’elle devrait être. De ce fait le vin est resserré et n’a pas l’opulence et la largeur qui font son charme. Nous l’aimons, car il est noble et subtil, mais il n’atteint pas le charme qu’il est capable d’offrir. Il faudra vérifier sur une autre bouteille de ce grand champagne.

Restaurant l’Aventure samedi, 17 juillet 2021

Sur la plage du port il y a un restaurant qui s’appelle l’Aventure. On y déjeune les pieds dans le sable et la tête protégée du soleil par des canisses.

La proximité du port des pêcheurs permet au restaurant d’offrir de beaux poissons. Je partagerai avec ma nièce une daurade rose accompagnée d’un aïoli puissant.

J’ai commandé un Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année qui n’a pas la complexité des champagnes anciens mais joue bien son rôle pour faire de ce repas avec quatre enfants un moment de joie estivale. Ce restaurant au service impeccable est une belle étape de vacances.

La maison du sud se remplit d’enfants et de petits-enfants. A l’apéritif il y a des chips à la truffe et d’autres chips que l’on trempe dans une crème originale à la betterave et au raifort.

Bulletins du 1er semestre 2021, du numéro 899 à 920 lundi, 5 juillet 2021

Bulletins du 1er semestre 2021, du numéro 899 à 920

(bulletin WD N° 920 210629)   Le bulletin n° 920 raconte : déjeuner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot avec des vins merveilleux, déjeuner du dimanche de la Pentecôte et déjeuner de lundi de Pentecôte, l’un des plus beaux de ma vie.

(bulletin WD N° 919 210623)   Le bulletin n° 919 raconte : le 250ème diner au château de Saran avec trois vins centenaires et déjeuner au siège de la maison Salon Delamotte avec un vin d’Henri Jayer et un sublime Salon.

(bulletin WD N° 918 210615)   Le bulletin n° 918 raconte : apport des vins du 250ème dîner au château de Saran et mise au point du menu, au cours d’un repas de famille, dégustation de vins aux niveaux extrêmement bas, au château de Saran ouverture des vins du dîner et à Hautvillers dégustation pertinente de Dom Pérignon P1, P2 et P3.

(bulletin WD N° 917 210608)   Le bulletin n° 917 raconte : 249ème dîner de wine-dinners à la Maison Belle Epoque de la maison de champagne Perrier Jouët.

(bulletin WD N° 916 210601)   Le bulletin n° 916 raconte : dîner de préparation d’un grand repas, déjeuner sous le signe des accords avec les liquoreux, déjeuner de conscrits dans ma cave.

(bulletin WD N° 915 210525)   Le bulletin n° 915 raconte : dîner d’anniversaire, déjeuner d’anniversaire et le dîner qui lui fait suite et déjeuner à la Maison Belle Époque de la maison Perrier-Jouët en préparation d’un futur dîner en ce lieu.

(bulletin WD N° 914 210518)   Le bulletin n° 914 raconte : dîner au domicile d’un ami qui accueillit le lendemain le 248ème dîner de wine-dinners, marqué par un improbable et incertain jéroboam de Romanée Conti 1961 qui a été plébiscité par tous.

(bulletin WD N° 913 210511)   Le bulletin n° 913 raconte : déjeuner de famille avec des vins surprenants, achat d’un jéroboam de Romanée Conti 1961 et ouverture du jéroboam au domicile d’un ami.

(bulletin WD N° 912 210504)   Le bulletin n° 912 raconte : déjeuner du lundi de Pâques et déjeuner en cave avec mon fils.

(bulletin WD N° 911 210427)   Le bulletin n° 911 raconte : dîner et déjeuner d’avant Pâques avec mon fils de passage en France.

(bulletin WD N° 910 210420)   Le bulletin n° 910 raconte : déjeuner chez des amis, déjeuner dans ma cave avec un ami et dîner à domicile.

(bulletin WD N° 909 210412)   Le bulletin n° 909 raconte : déjeuner impromptu dans ma cave avec un ami belge, dîner au caviar et champagne et déjeuner de famille dans ma cave qui devient petit à petit ma cantine quand les restaurants sont inaccessibles.

(bulletin WD N° 908 210330)   Le bulletin n° 908 raconte : visite surprise dans le sud, dîner de retrouvailles et déjeuner dans ma cave avec six vins du domaine de la Romanée Conti, 247ème de mes repas.

(bulletin WD N° 907 210317)   Le bulletin n° 907 raconte : déjeuner amical dans ma cave avec les vins qui restent de la veille, déjeuner avec mon coach et sa fille, déjeuner chez des amis et 246ème déjeuner de wine-dinners dans ma cave.

(bulletin WD N° 906 210310)   Le bulletin n° 906 raconte : déjeuner avec un écrivain du vin dans ma cave, dîner ‘en solo’ le jour de la Saint-Valentin, déjeuner en ma cave avec un ami sur un menu préparé par le restaurant Neige d’Eté et deux bordeaux du 19ème siècle.

(bulletin WD N° 905 210303)   Le bulletin n° 905 raconte : déjeuner dominical avec des vins des années précédant et suivant la Grande Guerre, 1913 et 1919.

(bulletin WD N° 904 210223)   Le bulletin n° 904 raconte : un Dom Ruinart bu en solitaire, un Rimauresq bu aussi en solitaire, un déjeuner avec une amie et des grands vins et retour à Paris pour faire honneur à La Tâche 1957 du Domaine de la Romanée Conti.

(bulletin WD N° 903 210209)   Le bulletin n° 903 raconte : déjeuner avec un ami dans la maison du sud, déjeuner chez notre boucher-traiteur préféré et déjeuner chez des amis du sud.

(bulletin WD N° 902 210127)   Le bulletin n° 902 raconte : arrivée dans le sud après Noël, dîners et déjeuners, préparatifs du réveillon et dîner du réveillon de la Saint-Sylvestre.

(bulletin WD N° 901 210119)   Le bulletin n° 901 raconte : dîner de la veille de Noël et déjeuner de Noël en famille, occasions d’ouvrir des grands vins.

(bulletin WD N° 900 210112)   Le bulletin n° 900 raconte : dîner de famille avec deux de mes enfants et des vins enthousiasmants.

(bulletin WD N° 899 210105) Le bulletin n° 899 raconte : déjeuner avec ma fille et un Pouilly-Fuissé 1947, préparation des vins de futurs dîners et dîner avec mon fils et un Lafite 1900 éblouissant.

Un magnifique Rimauresq de 35 ans mardi, 29 juin 2021

Nous recevons dans le sud des amis du monde de la restauration. Elle est cuisinière et cuisine remarquablement. Son mari faisait équipe avec elle en dirigeant la salle et la sommellerie. Ce sont des gourmets connaisseurs.

Pour préparer leur venue je suis allé faire des emplettes chez notre boucher-traiteur ami. Sa boutique jouxte celle d’un marchand de vins que je vais saluer. Nous bavardons et je lui demande s’il a fait des découvertes. Il me suggère de prendre un Champagne Roger Coulon. Pourquoi ne pas l’essayer avec ces amis ?

L’apéritif consiste en une délicieuse tarte aux oignons (du jardin) préparée par mon épouse, dont l’avantage est que les saveurs sucrées de l’oignon vont convenir au Champagne Roger Coulon Heri-Hodie Premier Cru Extra Brut dégorgé en janvier 2021 qui est fait de pinot meunier dont 90% sont des vins de la réserve perpétuelle. La surprise est agréable car le champagne dosé à trois grammes n’a pas le caractère abrupt des extra-bruts. Il est bien construit, droit, agréable à boire et la suggestion du caviste se révèle pertinente. Ce champagne est même élégant.

Le menu préparé par mon épouse est : foie gras / poulet cuit à basse température / camembert Jort / gâteau au citron / gâteaux noisettes café.

Sur le délicieux foie gras préparé par ma femme je sers un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en avril 2018. Le parfum de ce champagne est incroyable. On pourrait passer des heures à le sentir. C’est fou. Et bien sûr on mesure le fossé qui sépare ce champagne du précédent. Mais ça ne déprécie pas le Roger Coulon. Le champagne Selosse est incroyablement équilibré, intense et beaucoup plus civilisé que d’autres Substance. Cette gentillesse de ton n’est pas une habitude des champagnes Selosse. Je pense que celui-ci est probablement l’un des meilleurs Substance que j’aie bus.

Le poulet à la chair blanche est fondant tant il est cuit à la perfection. Le Rimauresq Côtes de Provence 1985 a été ouvert plus de quatre heures avant le déjeuner. Son parfum exhalait la garrigue. Ce vin est une récompense. Le parfum maintenant est large, civilisé, doux, tout en annonçant un vin puissant. En bouche c’est un miracle. Il y a bien sûr la garrigue et le romarin mais si on oublie ces signaux, il a tout d’un grand bourgogne, noble, équilibré, dans un état de perfection absolue. L’âge sourit aux Côtes de Provence et particulièrement à ce Rimauresq. On pourrait dire qu’il s’agit d’un vin parfait, car tout est assemblé et cohérent et il est inimaginable qu’il puisse être meilleur. L’accord du vin rouge avec le camembert Jort parfaitement affiné est irréellement grand.

Pour le dessert, j’ouvre un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle des années 60 qui, comme les autres du même âge, a un bouchon qui se cisaille, la lunule inférieure étant enlevée au tirebouchon. De couleur ambrée il a une bulle rare mais un joli pétillant. C’est un vin rond de plaisir. Doux, plein de charme, il accompagne bien les desserts.

Mon classement est : 1 – Rimauresq 1985, 2 – Substance de Selosse, 3 – Grand Siècle années 60, 4 – Champagne Roger Coulon. Les deux premiers de ce classement sont tout-à-fait exceptionnels, au sommet absolu de leur art. Beau déjeuner d’amitié.

Dernier repas à Paris et premiers repas dans le sud dimanche, 27 juin 2021

Le lendemain du déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur, je reçois à déjeuner ma fille cadette et une nièce de ma femme qui va se rendre dans notre maison du sud le lendemain. Ma fille a préparé des plats vegan et j’ouvre un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 2007. Ce champagne est fort agréable et frais, mais je mesure l’invraisemblable différence qui existe entre les champagnes anciens que j’ai bus hier, de 1973 et 1961, et ce jeune champagne. La divine complexité est chez les champagnes anciens. Amateurs mes frères, faites vieillir vos champagnes. C’est un investissement au rendement gustatif assuré.

Dans la nuit, une incroyable tornade s’est abattue sur la région parisienne, faisant voler les chapeaux des cheminées de ma maison. J’ai eu peur.

Ça y est, c’est le jour du départ dans le sud. Là-bas, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté, dirait Baudelaire. Le premier soir, j’ai envie de manger du caviar avec deux champagnes, un jeune et un vieux de la même maison, pour vérifier une fois de plus si mon amour pour les champagnes anciens est justifié. J’ouvre un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle très récent dont le fort pschitt et le bouchon qui se gonfle dès qu’il est retiré montre sa jeunesse.

J’ouvre aussi un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle que j’estime des années 60 ou début des années 70 ce qui est confirmé par l’absence de pschitt et le fait que le bouchon ne veut pas sortir, le haut se déchirant et le bas ne venant qu’au tirebouchon.

Nous commençons par des fraises fraîches qui sont délicieuses sur la fraîcheur du jeune champagne. Une poutargue bien moelleuse et délicieuse se conçoit bien avec le jeune mais l’ampleur du champagne ancien, à la couleur ambrée et au charme infini trouve un écho supérieur avec le gras de la poutargue.

Le caviar osciètre forme un bel accord avec le jeune, mais le champagne ancien décuple le plaisir. Ce champagne ancien est dix fois plus complexe, dix fois plus large et dix fois plus gourmand. La question est donc réglée, sans appel possible, le bonheur est avec les champagnes anciens.

Avec un camembert Jort à l’affinage idéal, le mariage est voluptueux avec le champagne ancien. Cela ne veut pas dire que le champagne jeune serait sans intérêt. Il est un beau champagne romantique, mais le plus vieux est flamboyant. Il me semble que les amateurs de vins qui ont la faculté de faire vieillir des vins – ce qui est hélas de plus en plus rare – devraient en priorité réserver un espace important aux champagnes, car l’effet du vieillissement est beaucoup plus important que pour les autres vins.

Le lendemain, nous nous rendons avec notre nièce au restaurant L’Hemingway à La Londe des Maures, restaurant installé sur une jolie plage et décoré avec goût. On y mange bien car les produits sont bons. J’ai décidé de ne pas boire sauf de la bière mais je me rattraperai lors d’une prochaine visite en ce lieu que j’apprécie.

Hemingway

251ème repas de wine-dinners au restaurant Le Sergent Recruteur dimanche, 20 juin 2021

Il y a trois jours, j’avais livré les vins du 251ème repas de wine-dinners au restaurant Le Sergent Recruteur, ce qui m’avait permis de renouer avec la cuisine d’Alain Pégouret, le chef avec lequel j’ai fait le plus grand nombre de mes dîners, car il était le chef du restaurant Laurent. De bon matin, vers 8 heures, j’ouvre dans ma cave neuf millésimes consécutifs du Château Corbin-Michotte, Saint-Emilion, de 2010 à 2018, car j’ai prévu pour les convives du déjeuner de faire ensuite avec moi la dégustation verticale de ce vin. Mes convives ne sont pas prévenus.

J’arrive ensuite vers 9h30 au Sergent Recruteur pour ouvrir les vins du déjeuner. Le Corton Grèves 1919 a été certainement reconditionné puisque l’étiquette porte « appellation contrôlée » mention qui n’existait pas à cette époque. Je pensais à un rebouchage du domaine Louis Latour dans les années soixante, mais le bouchon est venu en tellement de morceaux que le rebouchage est sans doute plus ancien. Le plus beau des bouchons est celui du Rota 1858, tout petit, d’un liège exceptionnel, la bouteille n’ayant rien perdu de son volume en 163 ans. Tous les parfums sont parfaits les plus beaux étant celui du Rota 1858, du Bâtard-Montrachet 1990 et du Porto 1872. Je fais sentir les vins à Norman le sommelier et à Benjamin chef de salle. J’ai apporté en cuisine le Rota 1858 et le Porto 1872 afin que le chef et son équipe voient comment orienter les sauces et les saveurs en fonction de ce qu’ils sentent.

Il se trouve que j’ai vécu deux ans dans l’île Saint-Louis, aussi, les ouvertures faites, j’ai flâné dans l’ile et j’ai pris une bière sur la terrasse d’un café en ayant Notre-Dame en face de moi. L’esprit « Ile Saint-Louis » est revenu me charmer. Un moment de grand bonheur.

Nous sommes six à déjeuner dont seulement cinq buveurs. Un seul est nouveau dans ce repas. Le menu mis au point il y a trois jours et créé par le chef Alain Pégouret est : rillettes de maquereau sur toast et bâtonnet de comté / tourteau en gelée de homard / turbot cuit à la nacre / homard rôti, sauce des sucs à peine caramélisés, panisse / bouillon de poule / volaille culoiselle rôtie à l’ail noir / pigeon rôti, jus de pigeon / la cerise gourmande, chantilly à la fleur de sakura.

J’avais ouvert les champagnes une heure trente avant le service et le 1973 m’avait offert un joli pschitt alors que le 1961, du fait d’un bouchon trop recroquevillé était resté muet. Le Champagne Dom Pérignon 1973 est dans un beau stade de son évolution. Il est expressif, suggérant plus qu’il n’affirme, avec de jolies subtilités. Les toasts aux rillettes excitent délicieusement ce champagne raffiné.

Le Champagne ‘Perfection’ Jacquesson 1961 est beaucoup plus marqué par l’âge. Il faut s’acclimater à ses goûts tertiaires et alors le miracle se produit grâce à la gelée du tourteau qui donne un coup de jeune au champagne qui devient délicieux. C’est, je crois, le plus bel accord du repas, Alain Pégouret étant depuis toujours le prince des tourteaux.

Le Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990 a un nez irréel. D’une puissance incroyable, celle des grands Bâtards. Le turbot est cuit à la perfection et la pomme de terre comme la sauce forte auraient dû être mis en sourdine pour laisser la place à l’accord divin de la chair du poisson avec le vin puissant riche, au fruit généreux.

Le Rota vin d’Espagne 1858 est une apparition divine. Vif comme un madère, chaleureux comme un de mes vins de Chypre de 1845, ce vin est l’expression du bonheur absolu. Tout est en charme, mais un charme conquérant. Avec le homard, nous vivons une extase d’autant qu’il est copieux.

Après ce moment de grâce absolue, il fallait que le palais se repose. C’est Alexandre de Lur Saluces qui m’avait dit que lorsqu’un liquoreux apparaît en cours de repas, il faut boire une tasse de bouillon de poule et le palais est prêt à affronter les rouges. Ce fut fort judicieux et c’est ce que nous avons fait.

Le Château Branaire Saint-Julien 1947 est remarquable. Son nez est subtil et raffiné, sa bouche est pleine de charbon et de truffe laissant une belle empreinte avec un finale précis. La volaille a une mâche d’une douceur infinie qui convient au vin.

Le Corton Grèves Louis Latour 1919 est certainement la plus grosse surprise pour tout le monde. Comment un vin de cent deux ans peut-il avoir une telle prestance ? Il est vif, précis, charmeur et délicieusement bourguignon avec une belle râpe que j’aime dans le finale. Le pigeon est délicieux et l’accord, classique, se trouve idéalement. Ce vin est une vraie synthèse de l’esprit bourguignon.

Lorsque nous avions bâti le menu il y a trois jours, Alain Pégouret avait suggéré que nous utilisions son dessert à la cerise, ce qui me paraissait logique. A l’ouverture, le Nectar Do Douro J.A. Simoés 1872 sentait la cerise ce qui a réjoui l’équipe de cuisine. Le Porto servi dans les verres est clairet, d’un rose pâle, ce qu’on ne pouvait soupçonner car la bouteille est opaque. Il s’agit donc d’un porto blanc d’une douceur exaltante. Quel raffinement. Les cerises se marient avec le vin dont l’alcool est plus sensible que celui du Rota 1858, et la chantilly est plutôt une gêne pour l’accord. C’est sur la cerise pure que le vin de 149 ans s’épanouit.

Il est temps de voter. Nous sommes cinq à voter pour nos cinq préférés de sept vins. Trois vins ont été nommés premiers, le Rota 1858 trois fois, le Dom Pérignon 1973 une fois et le Corton 1919 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Rota vin d’Espagne 1858, 2 – Corton Grèves Louis Latour 1919, 3 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 4 – Champagne Jacquesson « Perfection » 1961, 5 – Champagne Dom Pérignon 1973, 6 – Nectar Do Douro J.A. Simoés Figueira 1872.

Mon vote est : 1 – Rota vin d’Espagne 1858, 2 – Corton Grèves Louis Latour 1919, 3 – Nectar Do Douro J.A. Simoés Figueira 1872, 4 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 5 – Champagne Jacquesson « Perfection » 1961.

La suite du programme se fera dans ma cave. Le repas a été particulièrement brillant par la qualité des produits, des cuissons et des sauces et les vins ont été tous dans un état d’absolue perfection.

Après l’ouverture matinale des vins j’ai arpenté l’île Saint-Louis où j’ai vécu de 1965 à 1967. Période divine

dîner du 210618 SERGENT RECRUTEUR 251ème

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur mercredi, 16 juin 2021

Le 251ème repas, le dernier avant les vacances, était prévu sous forme d’un déjeuner dans ma cave. Mais les restaurants sont de nouveau ouverts et ne sont plus disponibles pour réaliser des repas privés. Les vins qui sont prévus méritent autre chose qu’une dinette aussi est-ce l’occasion de reprendre contact avec Alain Pégouret, le chef qui a fait la cuisine pour le plus grand nombre de mes dîners. C’était au restaurant Laurent. Il officie maintenant « chez lui » au restaurant Le Sergent Recruteur. Je vais apporter les vins du futur déjeuner et j’en profite pour inviter des personnes avec lesquelles j’envisage des événements pour le deuxième semestre 2021. Nous sommes quatre.

Alain Pégouret est tout souriant et nous allons voir dans sa façon de cuisiner à quel point il est heureux chez lui. Sur ma suggestion nous prenons tous le menu dégustation qui est ainsi rédigé : amuse-bouche / mise en bouche / truite irisée au goût légèrement fumé, crème fouettée au sirop d’érable, marmelade citron, cardamome et condiments / girolles juste saisies, lasagne et jaune d’œuf à peine coulant, relevé par une écume poulette Yuzu et craquelin / volaille Culoiselle rôtie à l’ail noir sous la peau, celtuces et bimis, fleurette d’herbes fortes et thé matcha / cerises gourmandes sur un biscuit moelleux, au pain d’épices, chantilly à la fleur de Sakura, glace au lait d’amande.

Le premier champagne est un Champagne l’Ame de la Terre Françoise Bedel 2002. Pour un champagne de femme, je le trouve sacrément musclé et incisif. C’est le pinot noir qui lui donne un côté cinglant. J’adore ce champagne sans concession et très gastronomique. Avec l’amuse-bouche où trône une moule sur une délicieuse salade crémée, le champagne fait des merveilles. Il a besoin de mets pour s’exprimer.

Le Champagne La Colline Inspirée Blanc de Blancs Jacques Lassaigne sans année est l’opposé du précédent, tout en charme et douceur. Heureusement les champagnes ont été servis dans cet ordre. La truite est divine et le vin brille. C’est un plat osé qui explore des saveurs abruptes et on sent à quel point le chef est libre. Les girolles s’accordent aussi mais pourquoi ne pas essayer aussi le Bandol Cabassaou Domaine Tempier 2006 ? Ce vin est une merveille d’équilibre, carré, droit et persuasif. Quel vin agréable. La volaille est divine. Nous sommes d’accord autour de la table de penser que ce restaurant doit avoir au plus vite deux étoiles. Le chef paraît tellement à son aise et heureux qu’il ose des saveurs passionnantes.

Il y a à notre table un chocolatier célèbre et un des objets du déjeuner est de voir comment nous pourrions faire des événements autour du chocolat et de vins antiques. Aussi ai-je apporté une bouteille entamée depuis des mois, un Tokaji des années 1860 et daté postérieurement avec Christie’s comme étant autour de 1840. Dans les mignardises il y a des palets au chocolat ce qui nous permet de vérifier que le doucereux si complexe de ce Tokaji est un bonheur sur du chocolat.

Je suis ravi d’avoir retrouvé Alain Pégouret dans ce restaurant. Il est heureux, il fait une cuisine de haute qualité. Nous avons bâti le menu du 251ème repas. Je pense que ce sera une réussite.

Dîner chez mon ami Tomo samedi, 12 juin 2021

Mon ami Tomo m’invite à dîner chez lui et me demande d’apporter une bouteille. Il m’indique que nous serons six. Il me semble difficile d’apporter un vin rouge car il faudrait que j’arrive quatre heures avant le dîner pour que le vin profite de l’oxygénation lente. Il n’est pas question que je vienne déranger Tomo et sa famille si tôt. Un vin blanc supportera mieux une ouverture tardive et je jette mon dévolu sur un Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot Propriétaires-Négociants à Savigny-lès-Beaune 1919. Le vin a peu perdu de son volume et montre un couleur qui m’inspire. C’est la raison de mon choix.

Lorsque j’arrive chez Tomo, sa fille au violon et sa femme à la flûte préparent une prestation musicale qu’elles devront faire le lendemain. En cuisine Teshi, le chef propriétaire du restaurant Pages s’affaire avec celui qui doit devenir le chef du restaurant de Teshi au Japon et avec une jeune pâtissière. Voir travailler Teshi en cuisine est un bonheur, tant ses gestes et son application sont exemplaires.

Tomo nous sert un Champagne Dom Pérignon 2008 extrêmement confortable et brillant, qui n’a peut-être plus la vivacité de ses premiers jours, mais a gagné en solidité. Un indice qui ne trompe pas : Tomo a dû en ouvrir une deuxième pour satisfaire nos soifs.

Il y a autour de la table Tomo et son épouse qui, comme la mienne, ne boit pas, un fidèle de mes dîners, la femme de Teshi et une amie américaine de Tomo vivant à Paris et en Californie.

Teshi a réalisé une multitude de plats assez incroyable sur la base d’une cuisine japonaise pure alors que dans son restaurant, c’est une cuisine française avec des inspirations japonaises. Tout n’est pas forcément adapté aux vins, mais peu importe, nous nous régalons. Voici le programme incroyable : caviar (osciètre impérial) ricotta, nouille vermicelle à l’huile de sésame / Ceviche de coque à la livèche et sa soupe / sashimi de daurade et sériole, wasabi frais d’Azumino / tartare de bœuf de Normandie, tomate, burrata et basilic thaï / ravioles de homard breton, soupe de coco aux herbes / thon, sauce ravigote au yuzu gosyou / salade de mortadelle / aile de poulet Mirinboshi / canard mariné au riz fermenté, sauce au foie gras et sésame, figue / sushi (wagyu, daurade, sériole, saumon) / Tonkotsu ramen (nouilles japonaises au porc) / fraisier.

Le Champagne Dom Pérignon 1995 a un fort nez de bouchon qui s’estompe progressivement en bouche, grâce au mets tels que des coques délicieuses, mais Tomo préfère ouvrir un Champagne Perrier-Jouët Cuvée Belle Epoque 2012, le même que nous avions découvert, Tomo, l’ami et moi à la maison Belle Epoque à Epernay. Je trouve ce 2012 nettement meilleur que celui bu à l’endroit où il a été fait et notre ami suggère une explication : ce 2012 est servi un peu plus chaud que celui que nous avions bu. Ce champagne est magistral et gastronomique.

Le Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot Propriétaires-Négociants à Savigny-lès-Beaune 1919 a une couleur encore assez claire et un nez très expressif et ciselé. En bouche c’est un réel plaisir car on ne ressent aucun effet des 102 ans de ce vin. Il s’adapte à merveille aux poissons crus comme la sériole délicieuse.

Tomo sert presque en même temps un Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1935. La couleur est sombre et terreuse, et le vin est un peu trouble, mais cela ne nous émeut pas car les poissons vont corriger tout ce qui pourrait nous rebuter. Le vin est nettement moins brillant que le 1935 que j’avais bu chez Jean-Charles de la Morinière l’ancien propriétaire de Bonneau du Martray. Nous nous régalons de ces deux blancs.

L’ami a apporté un Richebourg Domaine de La Romanée Conti 2017. Je venais de le boire il y a peut-être une semaine lors de la présentation des 2017 par Aubert de Villaine. Et le Richebourg m’avait fait une forte impression. Celui-ci est du bonheur pur car il a la folle énergie d’un vin qui éclot. Quel plaisir que de boire un tel vin. On sait qu’il va bientôt se refermer un peu pour devenir éblouissant quelques années plus tard, mais là, sur l’instant c’est un bonheur absolu de fraîcheur, de spontanéité et d’innocence. Un vrai bonheur. Sa couleur est rose violet clair.

Tomo sert alors La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958 d’un beau niveau. Le nez est d’une rare délicatesse et je sens des suggestions de sel, si sensibles dans les vins du Domaine. En bouche, le vin est large et structuré. Il n’est pas puissant mais solide. Et sur cette charpente sont accrochées de belles subtilités. C’est un vin de grâce, plein, de belle maturité. Un grand moment d’élégance.

Le Château Montrose 1898 est d’une très belle année. Sa couleur est intense, son nez précis, et en bouche il est serein, accompli, sans signe d’âge tant il est cohérent. Je me souviens d’un Lafite 1898 que j’avais classé second au 200ème dîner, comme l’ensemble de la table, et qui était transcendantal. Le Montrose n’est pas à ce niveau mais se comporte remarquablement.

Pour le fraisier Tomo sert un Champagne Billecart-Salmon Brut Rosé 1976 de très belle couleur. Très racé il aurait mérité sans doute un autre plat que le fraisier pour exciter ses qualités.

Le plus impressionnant pour moi est la cuisine spectaculaire de Teshi. Ensuite, les vins rassemblés se sont montrés brillants. Le plus grand est La Tâche 1958 que nous avons tous placés en tête. Ensuite, nos avis divergent. J’ai mis en second le Corton Blanc 1919 d’un bel équilibre, puis le Richebourg 2017 à la jeunesse éblouissante, le champagne rosé 1976 et le Montrose 1898.

Dans une ambiance amicale, ce fut un repas magistral.

le chef Teshi aux fourneaux

Cheval Blanc Paris et Guy Savoy samedi, 12 juin 2021

Ayant prévu avant le confinement de faire un grand dîner au restaurant Le Cheval Blanc Paris, je voyais au fil du temps et de la pandémie les dates d’ouverture se décaler et se retarder encore. Enfin les travaux de l’hôtel de la Samaritaine sont terminés et j’ai été invité à venir visiter les lieux. Interdiction m’a été signifiée de prendre des photos, car le calendrier de communication est strict. J’ai pu voir les lieux où les décorateurs, gratifiés de budgets sans limite ont pu laisser libre court à une imagination débordante. C’est très impressionnant et le lieu est mythique, promettant des dîners somptueux à faire avec la complicité d’Arnaud Donckele le chef si talentueux du Cheval Blanc Saint-Tropez, qui supervisera la cuisine des deux lieux et sans doute d’autres.

La chance tombe parfois du ciel ou plutôt du téléphone si l’on veut. Un ami de mes dîners m’appelle le matin de ma visite à la Samaritaine et me dit qu’il a réservé une table au restaurant Guy Savoy pour ce midi et que son invité lui a fait faux bond. Serais-je prêt à le remplacer ? De la Samaritaine à l’hôtel de la Monnaie, il y a trois cents mètres à pied. Je dis oui. Ayant l’académie des vins anciens le soir même, je mangerai léger et boirai peu.

Sylvain, le sympathique sommelier du lieu nous suggère un Cornas Les Ruchets Jean-Luc Colombo 2001 que je trouve délicat, précis et fort élégant. L’amuse-bouche où du caviar voisine avec des petits pois est d’un raffinement extrême. Le petit pois est totalement sublimé par le talent incroyable de Guy Savoy.

Vient ensuite une création quasi irréelle. Arriver à offrir des subtilités aussi extrêmes sur une base de tomate, je ne vois personne qui pourrait le faire à ce niveau exceptionnel.

Le paleron maturé et basse-côte persillée de Wagyu en « bœuf-aubergines » et le saladier est un plat délicieux qui n’a pas le génie inventif du plat à la tomate. J’ai à peine picoré dans le chariot des desserts car mon regard s’est porté sur un clafoutis magique, me rappelant les merveilleux clafoutis d’une de mes grands-mères.

Guy Savoy rayonnait, si heureux de retrouver cette atmosphère unique de gastronomes gourmands célébrant son talent. Le hasard a bien fait les choses.