261ème repas de wine-dinners au restaurant Plénitude lundi, 28 mars 2022

Le 261ème repas de wine-dinners commence d’une bien curieuse façon. Le confinement ou ses suites avaient ralenti le rythme des repas aussi j’avais envie de créer un dîner en pensant à deux amis fidèles dont j’apprécie la compagnie. Je leur soumets mon projet et l’un d’eux me dit : « nous aimerions pour une fois un repas où il n’y aurait que des vins de légende, comme l’Hermitage La Chapelle 1961 ». Je leur dis qu’un tel repas nous entraînerait dans une zone de budgets difficilement accessibles mais ils m’encouragent à faire un projet.

Lorsque je leur présente, ils me font penser à un sketch de Fernand Raynaud où un naïf a été chargé de passer à la douane des paquets de sucre (ou tout au moins désignés tels). Interpellé par des douaniers il appelle au téléphone son donneur d’ordre et après avoir trahi tous leurs secrets, il lui dit : « dis, Tonton, pourquoi tu tousses ». Leur réaction m’aurait poussé à leur dire : « mes amis pourquoi toussez-vous », car ils ont décliné mon offre comme je le subodorais.

Le projet ayant été conçu je n’allais pas l’abandonner et c’est grâce à Instagram que j’ai pu constituer une table presque complète puisque j’ai été conduit à inviter mes deux filles pour que nous puissions être dix. Il me paraissait évident que ce repas devait se faire avec Arnaud Donckele chef talentueux. Je ne savais pas en travaillant avec lui au menu, qu’il allait passer de trois à six étoiles au guide rouge. Ce fut annoncé deux jours avant notre repas. L’ambiance le jour dit fut particulièrement enjouée.

Je suis arrivé au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc Paris à 9h30 pour ouvrir les vins. Le bouchon du Lafite blanc 1959 s’est brisé en plusieurs morceaux et dégage une sublime fragrance. Le bouchon du Mouton 1945 très fortement collé au verre est venu en charpie. Le parfum est magique. Le Lafite 1869 a une étiquette récente et n’a pas d’indication de date de rebouchage. Lorsque je sors le bouchon qui a probablement une cinquantaine d’années, je suis rassuré car il me paraît totalement authentique. Et le parfum du vin est d’un équilibre qui suggère fortement un vin préphylloxérique. Je suis heureux.

Le nez de la Romanée Conti 1999 a toutes les composantes d’une grande Romanée Conti mais le vin est un peu discret. A côté de lui le parfum de l’Echézeaux Henri Jayer 1990 en magnum a toute la finesse que j’attendais. Il est d’une subtilité rare.

Les parfums des deux vins du Rhône sont généreux et brillants. On va se régaler. L’Yquem 1858 montre à l’odeur qu’il a mangé son sucre et cela me rappelle le Filhot 1858 que j’ai bu qui lui aussi avait mangé son sucre. On sera donc dans des saveurs raffinées plus que conquérantes.

Au contraire, le Constantia « Red » au bouchon qui se désagrège est une bombe de fragrances. Quelle puissance et quelle richesse en ce vin. Les parfums les plus riches sont ceux du Constantia et du Vin blanc de Lafite. Les plus nobles sont ceux du Mouton 1945, de La Chapelle 1961 et de l’Ermitage Cuvée Cathelin 1991.

Finissant cette séance si cruciale des ouvertures, je peux dire que tous les vins montrent ce que j’attendais et ils promettent les qualités que j’espérais. Les deux champagnes de 1943 sont ouverts à 11 heures et le jeune champagne est ouvert à 10 heures.

La belle salle du restaurant au premier étage de la Samaritaine, offrant une vue sur la Seine et sur le Pont Neuf nous est réservée. Une attention toute particulière nous attendait. Lorsque j’avais fait un dîner au Yacht Club de Monaco, le restaurant avait fait construire une table selon mes recommandations, de forme elliptique. Le restaurant Plénitude a eu la même attention pour ce repas, au point d’appeler cette table de mon nom. Les faits prouveront que cette table est idéale.

J’avais pensé que commencer notre repas avec deux champagnes de 1943 pourrait ne pas les mettre en situation idéale aussi, sans l’avoir annoncé, j’ai fait servir un Champagne Salon 2006. Un des convives dira : si un Champagne Salon sert à éclaircir la bouche, on est dans le luxe pur. Ce 2006 me plait par sa largeur et son équilibre. Il est solide et vieillira bien.

Le menu créé par Arnaud Donckele pour les vins est ainsi rédigé : Langoustine, artichaut, caviar, pour vinaigrette Cornaline / Rouget, Boulangère, crocus, pour Sabayon Borgne / ris de veau, oignon doux, céleri, pour jus dévoyé / pigeon, abattis, herbettes, pour jus délicatesse / composition satinée / financier à la rose.

On remarque que chaque plat est présenté en trois mots et que le plat n’existe que « pour » la sauce. Le chef est un magicien des sauces et nous allons le vérifier.

Nous passons à table. Nous sommes dix. Les seuls français sont mes deux filles et un convive fidèle. Il y a un belge, des britanniques de naissance ou de cœur, des suisses et un américain. Le repas se tient en anglais.

Les amuse-bouches sont merveilleux et notamment des huîtres qui sont probablement les plus raffinées que je n’aie jamais dégustées. Le Champagne Dom Pérignon 1943 montre son âge mais aussi ses très belles qualités. Il a le charme et l’ampleur des grands Dom Pérignon.

Le Champagne Salon 1943 a le même panache que le Salon 1943 bu au siège du champagne Salon que je considère comme mon plus grand Salon. On est ici au même niveau de perfection. Le bouchon indique qu’il s’agit d’un dégorgement récent fait au domaine. Sa structure carrée, solide, faite pour braver le temps est impressionnante. Du fait de sa plus grande fraîcheur je préfère de loin le Salon, et à ma grande surprise j’entends trois voisins de table à ma droite qui préfèrent le Dom Pérignon. On verra aux votes que la balance a pesé de leur côté. Etonnant pour moi. A ces différences près, ce sont deux champagnes d’exception, nobles et imposants.

Sur la divine langoustine (ça rime), il y a deux blancs que tout oppose. Mais quel brio. C’est la première fois que je bois ce rarissime Vin blanc de Lafite 1959. Son nez est riche et généreux et en bouche c’est incroyable de séduction et même d’envoûtement. Je dirais volontiers que ce vin blanc surclasse tous les vins blancs secs de Bordeaux. Pourquoi a-t ‘il été abandonné, je ne sais pas, mais quel dommage. Ce vin est impérial.

A côté de lui le Montrachet Domaine Leflaive 1996 est impressionnant d’ampleur et de suavité. Il est riche mais aérien. Mes convives dont certains ont eu des problèmes avec des blancs de Bourgogne aux bouchons désastreux sont admiratifs de l’état parfait de ce grand vin et de sa largeur en bouche.

Tout au long du repas nous allons remarquer que dans les paires de vins associés à un plat un vin est plus accueillant à la chair et l’autre plus accueillant à la sauce. N’ayant pas pris de notes, je ne saurais pas le restituer, ce qui est dommage.

Arnaud Donckele tout sourire vient nous saluer et explique l’intérêt qu’il trouve à cuisiner pour des vins rares et anciens et le plaisir de nos échanges. Il dit même à un moment : « le chef en fait, c’est François Audouze ». C’est gentil, mais le chef immense, c’est lui, sans autre forme de procès.

Sur le rouget exceptionnel nous goûtons deux bordeaux rouges que 76 ans séparent. Le Château Lafite 1869 est solide et raffiné. Il a la structure charpentée des vins préphylloxériques et le goût de truffe que l’on retrouve dans les grands Lafite.

A côté de lui le Château Mouton-Rothschild 1945 est conforme à sa légende. C’est la définition du Bordeaux parfait où toutes les composantes des goûts sont assemblées. C’est un des plus grands vins du monde et cette bouteille est au sommet de sa qualité. Ces deux vins de Bordeaux sont dans leur rectitude d’une expression exceptionnelle. Deux trésors.

Le ris de veau va côtoyer deux vins hors norme. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999 a tous les atouts d’une grande Romanée Conti. Comme le fanatique de voitures mythiques qui sait reconnaître une McLaren à un kilomètre de distance uniquement par le bruit du moteur, je sais décrypter les subtilités de ce vin dans un millésime exceptionnel. Mais il est encore trop jeune pour mon goût et un peu trop discret. Il est grand, mais il le sera tellement plus dans vingt ans que mon plaisir s’en ressent.

Avant le repas, je pensais que le vin qui m’impressionnerait le plus serait l’Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, bouteille rarissime. Au nez, je suis comblé, car toutes les finesses sont là. En bouche, je suis aussi comblé par son expression raffinée. Mais j’ai commis une erreur. D’habitude j’aime boire les vins de la Romanée Conti sur un foie gras poché tout simple. Pour ce repas, j’ai suggéré un ris de veau et je pense que ma proposition ne fut pas la bonne, même si le plat est remarquable, car il y avait plus de puissance dans le plat que ce que les deux ravissants vins ne pouvaient soutenir. Cela n’enlève rien aux qualités de ces deux vins mythiques.

Le pigeon est une merveille. Lors de mon parcours dans le monde du vin c’est l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961 qui m’est apparu comme le plus grand et émouvant vin rouge. Et pourtant la compétition est rude. Je retrouve dans cette bouteille aujourd’hui les mêmes raisons de le placer au firmament. Il a tout, la générosité, l’ouverture, la lisibilité, l’assurance, et un charme insistant. C’est une pure merveille d’équilibre. Il sera mon vainqueur.

L’Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991 est pour moi le plus grand millésime de ce vin. Quelle jeunesse, quelle noblesse, quelle jouissance. Une pure merveille de jeunesse gourmande. Là, tout est réuni pour le bonheur parfait, pigeon et ces deux Hermitages. Un grand moment de bonheur.

Le Château d’Yquem 1858 a une belle couleur ambrée mais avec des rayons de soleil. La composition satinée du pâtissier est une réussite totale avec un dosage des acidités parfait. Cet Yquem a mangé son sucre c’est-à-dire qu’il se présente plus sec qu’il ne devrait. Il manque de l’opulence enivrante des grands Yquem. J’ai la chance d’accepter les sauternes secs auxquels je trouve d’autres subtilités, mais je comprends aussi que l’on puisse regretter le manque d’ampleur.

Le Great Constantia Red J.P. Cloete South Africa circa 1860 a une couleur assez incroyable de vieux cuivre qui brille au soleil. Le nez est invasif, luxuriant. En bouche on a toutes les saveurs du monde les plus séductrices. Dense, riche, complexe ce vin est sur une autre planète gustative.

Il y a tellement de vins extraordinaires que faire un classement est quasiment impossible. En ce qui me concerne, je ne crois pas que je ferais le même classement si on me demandait de le refaire une heure plus tard. Le Salon 2006 n’est pas inclus dans le champ des votes. Tous les vins ont eu au moins un vote. Le vin qui a eu le plus de votes est le Vin Blanc de Lafite 1959. Quelle belle surprise.

Cinq vins ont été nommés premiers ce qui est un beau résultat, l’Hermitage la Chapelle trois fois, comme l’Ermitage Cathelin. Le Mouton 1945 a été nommé premier deux fois. L’Echézeaux Henri Jayer et le Dom Pérignon ont été votés premier une fois chacun.

Le vote du consensus est : 1 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 3 – Vin blanc de Lafite 1959, 4 – Château Mouton-Rothschild 1945, 5 – Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, 6 – Champagne Dom Pérignon 1943.

Mon vote est : 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 2 – Château Mouton-Rothschild 1945, 3 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 4 – Vin blanc de Lafite 1959, 5 – Constantia South Africa circa 1860.

Les plats ont été présentés en anglais et en français d’une façon très élégante. Le service des plats est parfait. Le service des vins par Emmanuel a été lui aussi parfait et intelligent. Au lieu d’aller au fumoir nous sommes montés au septième étage pour fumer les cigares que j’avais apportés et gouter le Rhum Nady Martinique que j’avais aussi apporté. A un moment je me suis rendu compte que j’étais le seul à fumer alors que j’ai arrêté de fumer depuis 31 ans. Cocasse. Mais au moins nous avons eu le prétexte pour continuer à parler de ce repas inoubliable. La cuisine d’Arnaud Donckele est d’une sensibilité et d’un talent extrêmes et mes vins se sont montrés au sommet de leur art quel que soit l’âge qu’ils eussent.

J’ai été appelé à organiser un repas hors norme. Il le fut au-dessus de toutes mes espérances. C’est le plus grand des 261 repas que j’ai eu l’honneur d’organiser. C’est inoubliable.


La vue du restaurant Plénitude

la table fabriquée pour ce repas, appelée la table François Audouze

les bouchons des deux 1943

le cadeau offert à Arnaud Donckele pour ses 6 étoiles : un Vin de l’Etoile pour lequel j’ai écrit sur l’étiquette : le vin des six étoiles

 

le rhum bu au 7ème étage de l’hôtel Cheval Blanc Paris

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur mercredi, 23 mars 2022

Un polytechnicien a écrit un livre sur la compréhension de l’univers et de la vie qui m’a passionné. Nous avons échangé des mails et il nous est apparu que l’on pourrait se retrouver autour d’une table pour déjeuner. J’ai proposé le restaurant Le Sergent Recruteur dont le talentueux chef est Alain Pégouret.

J’ai apporté une bouteille de Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1985 et en attendant mon ami, après avoir hésité entre l’ouvrir moi-même ou laisser officier l’excellent sommelier puisque le vin n’est pas très ancien, je me suis dit que j’avais le temps de l’ouvrir. Le bouchon est venu en charpie, avec une infinité de brisures. Il a fallu aller à la pêche de quelques morceaux de liège tombés dans le vin.

Mon menu sera : tourteau de Roscoff en gelée de homard persillé, fouetté de fenouil et de corail / selle d’agneau rôtie aux baies, millefeuille de chou rouge et pommes granny, potiron, salsifis confit dans une sangria blanche.

Pour le tourteau emblématique d’Alain Pégouret le sommelier nous a conseillé un Pouilly-Fumé Cuvée les Alouettes Jean-Max Roger 2020 dont la rondeur joyeuse, non limitée par son jeune âge est du plus bel effet. Sa spontanéité est plaisante.

Le Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1985 est d’une année sereine et accomplie. Il est large et direct et se boit avec facilité. On est bien avec ce vin qui se marie idéalement à la selle d’agneau que j’ai prise et au ris de veau de mon ami. Le sommelier nous a fait goûter le vin qu’il propose au verre à ses clients. C’est un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Grand Tinel 2012 que j’ai trouvé particulièrement pertinent avec une belle vivacité. Nous avons fort bien déjeuné.

Déjeuner de famille au restaurant Garance samedi, 19 mars 2022

Déjeuner de famille au restaurant Garance. Je suis en avance pour ouvrir la bouteille que j’ai apportée. Cela me laisse le temps de choisir deux autres vins puisque c’est à mon tour d’inviter mon frère, ma sœur et mon beau-frère. Les explications de Guillaume Muller sont pertinentes.

Nous buvons un Champagne Reflet d’Antan Bérêche et Fils sans année qui est construit comme une Solera sur une base de vins de 2009 et dégorgé en 2014. C’est une découverte pour moi. Le champagne est assez ambré. La bulle est présente mais pas envahissante. Le goût est plaisant, rond et civilisé. Ce n’est un champagne extrême mais plutôt cohérent et gastronomique. Les petites bouchées d’accueil sont particulièrement goûteuses. On sent que le chef a du talent.

Mon menu sera : biche en tartare, caviar Petrossian, gaufres / canard de Vendée, plat que nous prendrons tous les quatre pour le vin rouge.

Le vin blanc que j’ai choisi avec Guillaume est un Blanc Fumé de Pouilly Didier Dagueneau 2013. Il surprend tant il est blanc comme de l’eau, ce qui contraste avec la couleur du champagne ambré. Le vin très fluide glisse en bouche avec bonheur. Il est très agréable, minéral et beaucoup plus civilisé et accueillant qu’un Silex de Dagueneau par exemple qui est fort et conquérant. Ce vin convient très bien au tartare de biche quand le champagne est parfait sur le caviar.

Le canard est superbement cuit avec une chair de grande qualité. Le Châteauneuf-du-Pape Bouchard Père et Fils 1964 a un niveau exceptionnel pour un vin de 58 ans. Le nez est riche et précis et le vin en bouche est gouleyant, simple, direct et parfaitement équilibré. C’est un vin de plaisir qui n’a pas d’âge. On lui donnerait volontiers moins de trente ans. Les Châteauneuf-du-Pape vieillissent remarquablement en gardant une fraîcheur et une spontanéité plaisantes.

J’ai choisi un parmesan pour finir mes vins, car ce fromage s’accorde aussi bien à un blanc qu’à un rouge. Ce restaurant mérite beaucoup d’éloges.

Deux vins sublimes avec mon fils mercredi, 16 mars 2022

J’avais prévu d’ouvrir une grande bouteille pendant le séjour de mon fils à Paris. C’est un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1952 qui a perdu son étiquette. Le vendeur en qui j’ai confiance a fendu légèrement la coiffe de la bouteille, ce qui permet de lire clairement le mot Richebourg et l’année. Le niveau est assez bas, comme cela se produit fréquemment pour les vins du Domaine de cette époque. Le verre de la bouteille est très lourd et épais, d’une fabrication sans doute plus ancienne.

Trois heures avant le repas j’enlève le haut de la capsule et je retire le bouchon qui n’a aucune noirceur qui aurait empêché de lire des inscriptions. Le bouchon est beau. Le nez est typique des vins du Domaine, marqué par une légère trace de sel. Il est très prometteur. Je suis heureux.

Une heure avant l’arrivée de mon fils j’ouvre une bouteille de Krug Private Cuvée des années 60 ou 70 qui, elle aussi, a perdu son étiquette. Il ne reste aucune marque de la maison Krug. Seul le très beau bouchon indique clairement Krug et Private Cuvée. Un pschitt est présent ce qui est assez rare.

Les deux bouteilles étant sans aucun indice, mon fils devra trouver à l’aveugle de quels vins il s’agit. Mon fils arrive et j’ouvre une boîte de caviar osciètre prestige Kaviari qui me semble tout indiquée pour démarrer le repas.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60/70 a une couleur étonnamment claire. La bulle est active. Le champagne est divin, si grand, si on le compare au Krug Grande Cuvée étiquette crème de la veille. On change de dimension. Le champagne est à la fois émouvant et viril. C’est un champagne de rêve, combinant énergie et velours. Nous sommes aux anges. Mon fils ne reconnait pas Krug, mais ça n’a pas d’importance.

Nous poursuivons la dégustation du champagne avec une rillette qui met en valeur d’autres facettes. Il est éblouissant de sensibilité. C’est un rêve qui nous enveloppe. Ce Private Cuvée est probablement le plus grand des « jeunes » Private Cuvée que j’aie bus. On ne peut pas comparer à ceux des années 40 qui sont dans une autre dimension.

Il suffit de mettre son nez au-dessus du verre pour que l’on sache que le vin est du domaine de la Romanée Conti. Mon fils ne demande même pas confirmation de son hypothèse, il sait. Le parfum est à la fois puissant et riche en alcool et en même temps subtil et complexe. Le vin paraît si grand que mon fils pense que c’est une Romanée Conti. Je lui dis que s’il en a la complexité, la puissance de ce vin ne correspond pas à une Romanée Conti. C’est un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1952. Mon fils situe l’année dans la décennie soixante. Son choix est compréhensible du fait de la vigueur du vin.

Sur un pâté en croûte le vin est fort civil, nous délivrant des subtilités infinies. Quel grand vin. Nous sommes sous son charme. Des tranches de viande rouge froides ont des gouttes de sang qui trouvent avec le vin un accord merveilleux. Nous savons que nous vivons un moment exceptionnel.

Tout-à-coup, est-ce sur la viande rouge ou est-ce sur un Mont d’Or, je ne sais, mais je ferme les yeux et je mets mes mains sur les yeux, me recueillant pour jouir de l’apparition d’un vin brusquement parfait, intemporel, incommensurable. L’émotion, le choc durent quelques secondes. Quel bonheur.

Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est que mon fils me dit qu’il vient d’avoir le même choc, le même sentiment de perfection absolue. Est-ce la transition entre le sang de la viande rouge et la douceur crémeuse du fromage, je ne sais pas, mais il est sûr que nous avons eu un déclic qui a fait naître cet instant unique.

J’ai bu la fin de la bouteille, devenant de plus en plus noire, et chaque petite gorgée de ce liquide noir est apparue comme un bonheur de plus. Ma femme nous a vus assommés de bonheur, si heureux de ce partage avec des sensations vécues en simultanéité. Ce Richebourg fait partie des plus grands que j’aie eu le plaisir de boire, presque au même niveau que les sublimes Richebourg préphylloxériques des années 30.

Le champagne s’est révélé délicieux sur une tarte aux poires, le fruit épousant le champagne pour le rendre plus doucereux.

Les moments de communion avec mon fils pour déguster des vins exceptionnels sont des plaisirs qui enchantent ma vie.

Repas de famille avec des vins de tous horizons dimanche, 13 mars 2022

C’est un déjeuner en famille avec mon fils venu de Miami, ma fille cadette et son compagnon, ses deux enfants et sa nounou qui a logé chez nous toute la semaine pour nous régaler avec une cuisine forte d’émotion et de sentiment.

J’ai choisi des vins pour ce déjeuner en mêlant des bouteilles de belle maturité et des bouteilles qui ont un risque possible d’avoir été affaiblies par le temps ou sont en grand danger. Vers 10 heures, je commence à ouvrir un Meursault de 1942 au niveau bas dans la bouteille et à la couleur du vin qui paraît sombre. En déchirant la capsule, je vois un trou béant : le bouchon est tombé dans la bouteille. Il est difficile d’imaginer situation plus horrible. Je carafe le vin au teint un peu grisé et le nez me semble possible. Nous verrons.

J’avais pris une bouteille de Johannisberg de Sion 1962, vin présenté dans une jolie bouteille de forme alsacienne. C’est en fait un vin suisse sec dont, hélas, le parfum annonce qu’il est mort, ayant perdu le tiers de son volume. J’avais gardé la bouteille de Beaucastel Vieilles Vignes 2010 bue en partie hier au restaurant Langosteria. Il y aura donc un blanc de secours.

Le Pommard 1961 au beau niveau a un parfum idéal. Le Châteauneuf du Pape 1970 au niveau correct a un nez relativement neutre qui ne m’a pas interpellé outre mesure. J’ai ouvert suffisamment de bouteilles pour que nous trouvions notre compte, c’est du moins ce que je pense.

Mon fils a apporté des victuailles, des crèmes aux diverses saveurs et épices, du saumon fumé délicieux et surtout des bulots fantastiques. On mange généralement les bulots sur des plateaux de fruits de mer et les bulots sont posés sur des glaçons, ce qui neutralise leur goût. Alors que ces bulots, à température ambiante, sont parfaits. Avec le Champagne Dom Pérignon 1980 que j’ai ouvert il y a deux heures, l’accord est magique. Le champagne a une couleur d’un ambre profond et orangé. La bulle est faible mais le pétillant est motivant. Le champagne est large et grand, au sommet de son art. C’est un champagne superbe et glorieux.

J’avais gardé trop longtemps un saint-nectaire qui avait pris des couleurs foncées. Je me suis dit que ces saveurs avancées ressusciteraient peut-être les vins blancs fatigués. Nous mangeons ce fromage et il joue effectivement un rôle diplomatique pour adoucir le Meursault Patriarche 1942 qui à ma grande surprise se révèle plus sympathique que ce que je craignais. Il a même quelques accents charmants, au point que ma fille classera ce vin premier des vins du repas. J’en suis content car cela prouve – une fois de plus – que tous les vins méritent qu’on leur donne une chance.

Evidemment cela ne se produit pas toujours comme nous le démontre le Johannisberg de Sion 1962 qui est mort et imbuvable, ce que l’on reconnaît à un parfum qui semble définitivement bloqué. C’est donc le moment de servir le Châteauneuf-du-Pape Vieilles Vignes Château de Beaucastel 2010. Il est beau, fruité, juteux, joyeux et en même temps frais aux accents aqueux. Un vrai bonheur naturel. 24 heures de plus lui ont donné une belle largeur.

Sur deux poulets délicieux, le Pommard Naigeon-Chauveau 1961 qui avait le plus beau nez à l’ouverture montre à quel point il est velouté et charmant. C’est l’amour courtois d’un vin féminin au final riche. L’année 1961 est décidément une grande année.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos Saint-Marc A. Estevenin 1970 a une odeur extrêmement désagréable qui ne m’avait pas frappé à l’ouverture. Le vin est désagréable et repoussant. Nous n’insistons pas. Il faut donc ouvrir un autre vin rouge pour les fromages dont un Mont d’Or séduisant. Jamais je n’aurais pensé devoir ouvrir une nouvelle bouteille.

C’est donc sur l’instant que se présente un Clos de Vougeot Méo-Camuzet 1992 qui est le vin qui, le premier, m’a fait apprécier les immenses qualités de ce domaine. Ce 1992 se présente un peu plus mature que ce que j’attendais, ayant perdu un peu de fraîcheur pour de la rondeur. C’est un vin que j’adore, aristocrate, qui profite du crémeux du Mont d’Or.

Le dessert est de sorbets qui n’appellent aucun vin.

Le soir, il ne reste que mon fils. J’ouvre une boîte de caviar osciètre de Kaviari pour un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème qui est de la deuxième génération des Grande Cuvée. La bouteille est d’une beauté splendide. Le champagne est un peu rigide, avec une toute petite acidité, aussi il manque un peu de charme, même si c’est un grand champagne. Aujourd’hui j’ai préféré la rondeur du Dom Pérignon 1980. Ce qui vaut un jour ne vaut pas toujours. Ce qui est plus important c’est d’avoir donné des chances à tous les vins de ces deux repas, et d’avoir eu des moments passionnants.

Mon classement serait : 1 – Pommard 1961, 2 – Dom Pérignon 1980, 3 – Beaucastel Vieilles Vignes 2010, 4 – Clos de Vougeot 1992, 5 – Krug Grande Cuvée étiquette crème.

Ce fut une belle journée en famille.

on voit que le bouchon du Dom Pérignon est beaucoup plus court que celui du Krug

Préparation d’un repas au restaurant Plénitude et déjeuner au restaurant Langosteria dimanche, 13 mars 2022

Un repas prestigieux avec des vins mythiques sera réalisé d’ici une quinzaine de jour au restaurant Plénitude Arnaud Donckele à l’hôtel Cheval Blanc Paris. Nous privatiserons le restaurant au moment du déjeuner et bénéficierons d’une table construite selon mes recommandations. J’ai rendez-vous avec Arnaud Donckele pour concevoir le menu. Se joignent à nous le directeur du restaurant ainsi que le chef qui travaille avec Arnaud.

Comme le repas va commencer avec deux champagnes de 1943, un Dom Pérignon et un Salon, j’ai eu l’envie de donner aux chefs l’idée du goût des champagnes de plus de 70 ans en apportant une demi-bouteille de Champagne Pol Roger 1949. Le champagne est d’une bouteille au tout petit bouchon très lisse ; Il n’y a pas de pschitt. Le nez montre un peu d’âge mais promet. La couleur a quelques nuances de gris, qui pourraient laisser penser que le champagne est un peu usé, mais en fait je constate avec un infini plaisir que tout le monde comprend ce champagne aux suggestions subtiles. Arnaud cherche les goûts qui sont suggérés. Je pense au kaki, mais il n’y a pas que cela.

Nous sommes ravis de ce délicieux et suggestif champagne qui donne immédiatement des idées au chef. Je suis fasciné de voir à quel point le chef a des intuitions de plats qui me paraissent pertinentes. Le travail est vite accompli mais le chef va reprendre toutes les notes pour bâtir le menu final. Nous sommes contents du travail accompli.

J’ai donné rendez-vous en ce lieu à un ami français qui vit à Singapour depuis plus de vingt ans et fait son premier voyage depuis le début du confinement. Il me raconte les contraintes subies à Singapour de quarantaines draconiennes à côté desquelles les mesures françaises paraissent bénignes. Nous allons au restaurant Langosteria au 7ème étage de l’ex Samaritaine, restaurant italien dont le chef est Michel Biassoni qui est venu chaleureusement nous saluer.

L’amuse-bouche est une purée de tomates aux coques. C’est délicieux. J’ai choisi comme plat des Linguines au homard bleu de Bretagne, de très bon goût.

Je consulte la carte des vins qui couvre toutes les cartes de vin de l’immeuble, y compris celle du restaurant Plénitude et je choisis un Vin Jaune d’Arbois Jacques Puffeney 2010. Lorsque je le sens, le mot qui me vient est « verdasse », néologisme qui correspond à une verdeur désagréable et à une impression de lavasse. Je n’ai pas envie de le rejeter mais au bout de deux gorgées je demande à l’excellent sommelier de le reprendre car il est imbuvable.

Je commande un Châteauneuf-du-Pape blanc Vieilles Vignes du Château de Beaucastel 2010. Le boire après le vin d’Arbois le rend encore plus délicieux. Il a tout pour lui, un fruit généreux, une belle largeur et une expression naturelle conquérante. C’est un grand vin qui nous pousse à prendre une assiette de cinq fromages italiens tous pertinents.

Ce restaurant est à recommander.

dommage pour ce vin du Jura

Déjeuner au restaurant du Yacht Club de France vendredi, 11 mars 2022

Notre habituel déjeuner de conscrits se tient au restaurant du Yacht Club de France. Nous sommes seulement quatre, beaucoup d’amis n’étant pas disponibles. Le jeune serveur nous verse un Champagne Charles Collin Cuvée Charles rosé brut sans année. Il est sympathique mais peu fait pour l’apéritif. J’ai plus envie d’un champagne blanc et le Champagne Billecart-Salmon Brut Réserve sans année est plus vif et plus ouvert aux délicieux hors d’œuvre qui incluent des œufs brouillés, de la charcuterie fine et des morceaux de homard trempés dans une crème délicieuse.

Le menu du repas est : crème d’asperges vertes, langoustine rôtie et noix de Saint-Jacques / train d’entrecôte de bœuf Salers, gratin aux truffes, sauce poivre / fromages d’Éric Lefebvre / pièce montée du Yacht Club de France.

Le Meursault Buisson-Charles Vigne de 1945 millésime 2015 est une sympathique surprise. Il est large, juteux, plein en bouche et droit. C’est un agréable jeune vin de bonne facture. L’accord avec la langoustine est judicieux.

Le Château Figeac 1989 a un niveau dans le goulot. Le nez est splendide, noble, fin. En bouche, c’est un grand vin, au sommet de son art, abouti. Il est d’une plénitude généreuse. Son équilibre le rend quasiment éternel, au firmament de Saint-Emilion.

La cuisine est extrêmement plaisante car on sent l’implication du chef de cuisine Benoît Fleury et la pertinence des achats réalisés par le directeur, Thierry Le Luc, qui nous a offert un Cognac Godet VSOP Original titrant 40°, point final d’un délicieux déjeuner.

l’argenterie de notre table est un don d’un membre du Yacht Club, en provenance d’un de ses bateaux

Dîner végan à la maison lundi, 7 mars 2022

Pour diverses raisons, ma femme et moi accueillons à notre domicile la nounou des enfants de ma fille cadette. Ma fille est végan et s’est intéressée à faire une cuisine heureuse et goûteuse. Victoire, la nounou, nous a cuisiné végan pendant trois jours et, comme nous allions recevoir notre fille et son compagnon, j’ai eu l’idée de concevoir un dîner selon le principe de mes dîners, en introduisant une majorité de plats végan, pour en faire la surprise à ma fille.

J’ai choisi en cave deux vins, un blanc et un rouge et avec ma femme nous avons réfléchi aux légumes qui seraient pertinents sur ces vins. J’ai bâti l’ordre des plats, validé par ma femme et Victoire. Puis je suis allé avec Victoire faire les emplettes.

La cuisine a été réalisée en recherchant des goûts purs. Le menu est de onze plats, agrémenté de trois pauses hors végan : Chou-fleur cru à la crème d’amande / Poutargue / Tarte à l’oignon / Cabillaud pané / Navets jaunes et violets / Purée de céleri et purée de pomme de terre / Fenouil à la vapeur / Bâtonnets de potimarron / Mont d’Or / Pomme Chantecler au four.

Le Chassagne Montrachet Morgeot Vigne Blanche Château de la Maltroye 1976 a un niveau parfait et une couleur magnifique dorée. La bouteille ouverte cinq heures avant le repas avait un beau parfum. Il s’est amplifié. En bouche le vin est large et généreux, solaire. Il s’accorde très bien avec la poutargue, la purée de pomme de terre et la tarte à l’oignon. Il est très au-dessus de ce que j’attendais.

Le Château Mouton-Rothschild 1974 avait un nez discret à l’ouverture mais prometteur de noblesse. En bouche, on sent qu’il est d’une année peu puissante mais il montre une belle élégance. Il est noble et subtil. A l’aise sur les navets, le fenouil et le potimarron, il devient brillant et glorieux sur le Mont d’Or. C’est spectaculaire.

Pour les pommes au four j’ai envie de servir un Madère sec Joao Marcello Gomes années 50 qui était déjà ouvert. Le dessert sans aucun sucre crée un accord quasi magique avec le madère sec.

Les plus beaux accords sont le Mouton Rothschild avec le Mont d’Or, la pomme au four avec le madère et le Chassagne Montrachet avec la purée de pomme de terre faite avec une magique huile d’olive espagnole. Je voulais montrer à ma fille que j’étais capable d’organiser un dîner à la façon de mes dîners sur un thème majoritairement végan. Je crois que ce fut réussi.

déjeuner au restaurant Garance dimanche, 6 mars 2022

Je vais déjeuner au restaurant Garance. Nous sommes trois. Nous trinquons au verre avec un Champagne Langlet Blanc de Noirs 100% Pinot Meunier Extra Brut sans année. Contrairement au Grand Siècle de la veille, ce champagne jeune peut se boire jeune. J’ai été rebuté par le jeune Laurent Perrier car je sais ce qu’il devient avec l’âge alors que ce Langlet peut se concevoir ainsi. Il a un joli fruit et une belle aptitude à la gastronomie.

J’ai apporté un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1985 que j’adore. J’aime les vins de ce domaine et j’ai une inclination certaine pour le 1985. Son nez est intense et direct. En bouche il combine une certaine âpreté avec une grande douceur. Il est vif et charmant. C’est un vin accompli extrêmement facile à comprendre.

L’amuse-bouche dont je n’ai pas gardé l’énoncé est divin. Il faut un talent certain pour créer des goûts de cette fluidité. Magnifique. L’entrée originale combine une langoustine crue avec des pieds de cochon. Pour le vin du Rhône nous avons demandé un canard de chair remarquable, à la sauce lourde et goûteuse. L’accord avec le riche vin de 1985 est idéal. La cuisine du restaurant Garance m’a fait forte impression.

Laurence Féraud, la fille du Pape !!!

Au revoir Pullman Bercy dimanche, 6 mars 2022

Pour un déjeuner de travail je suggère l’hôtel Pullman Bercy facilement accessible et bien situé. L’hôtel avait un restaurant vaste et spacieux qui est maintenant affecté aux petits déjeuners. Pour déjeuner on est dirigé vers le bar. Et ce lieu n’est pas fait pour un vrai déjeuner, malgré un service très attentif. C’est dommage, car je ne peux pas inviter des partenaires d’affaires dans ce type de décor. Le vin que nous avons pris est un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle sans année. Qu’il est jeune ! J’ai du mal avec ces champagnes jeunes, quand je sais à quel point ils peuvent devenir splendides avec trente ans de plus. Ils sont de bon sang, mais en l’occurrence bon sang ne suffit pas.