dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 7 septembre 2006

Après la longue pause estivale, dîner au restaurant Taillevent est certainement le meilleur moyen d’arriver à retrouver le Paris qu’on aime. Car la pollution très nette, les voies urbaines coupées en deux par la Delanoëisation, engorgées et bloquées d’un côté et désespérément vides de l’autre, ce n’est pas un accueil digne de la Ville Lumière. J’arrive à 16h30 pour ouvrir les bouteilles. Je suis accueilli par un Jean-Claude Vrinat rayonnant mais toujours modeste, car le guide Zagat vient de le confirmer au rang de numéro un parmi tous les restaurants. Il va s’échapper peu après pour recevoir cet honneur.

Tout a été préparé par Alexandre, jeune aide-sommelier qui contemple avec envie les vins que nous allons boire ce soir. Les bouchons sont généralement très sains, sauf celui du Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1963 qui sent classiquement la terre de la cave de la Romanée Conti dans sa partie supérieure. Il est mangé de terre sur une moitié, l’autre étant noire et relativement peu grasse, aspect que l’on comprendrait mieux d’un vin de trente ans de plus. Quelques odeurs sont fatiguées mais ne sont pas inquiétantes, car l’oxygène va jouer son rôle de Docteur Miracle.

La table a été composée par un des plus fidèles convives des dîners de wine-dinners. Il s’agit de membres de sa famille qui veulent honorer un futur gendre de mon ami. Je découvre avec curiosité que nous serons neuf mâles et j’apprendrai que les épouses se sont regroupées à l’Angle, le deuxième restaurant de Taillevent. Les couples se reformeront dans quelques heures, à Taillevent, autour d’un verre.

Le menu composé par l’équipe de Jean-Claude Vrinat est le suivant : Amuse bouche / Rémoulade de tourteaux aux fines herbes / Raviolis aux champignons du moment / Poulette de Bresse à la broche, beurre d’herbes (premier service) / Poulette de Bresse à la broche, beurre d’herbes (second service, la cuisse) / Fourme d’Ambert à la cuillère / Gelée d’agrumes, œuf-neige à la mangue. Belle intelligence culinaire dans une stricte orthodoxie.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1985 à la magnifique couleur d’un jaune à peine doré, à la bulle active, affiche sur des gougères un goût de fruits à peine confits. Ce champagne porte son âge avec élégance. Sur un merveilleux et complexe velouté aux tons et saveurs d’automne, le Bollinger prend un caractère citronné, s’anime et rajeunit. Trois convives ont une analyse inverse et trouvent qu’il s’arrondit. Le Bollinger « GA » 1985, moins pétulant que le « RD » (récemment dégorgé) du même âge, est rassurant, charmant, très plaisant.

Une jolie présentation de tourteaux accueille deux vins de 1959 un Niersteiner Königskerze Rheinessen 1959 et un Puligny-Montrachet Henri Boillot 1959. Ce sont deux vins qui ont dépassé depuis longtemps leur période de maturité. C’est pourquoi j’explique comment aborder ces vins pour lesquels les repères des vins actuels ne comptent plus. Le Puligny est absolument délicieux, légèrement doucereux et livre « entre les lignes » un message de Puligny. Avec la chair du tourteau, l’accord est naturel. La crème auréolée d’un pointillé « à la Robuchon » n’est pas l’amie des blancs, mais elle passe assez bien avec le vin allemand qu’une petite amertume gêne à peine. La très belle complexité faite de mangue, de rhubarbe, et surtout de morilles a du charme à revendre. Dès qu’on arrive à la deuxième moitié de la bouteille, l’amertume disparait complètement, ce qui embellit définitivement ce beau vin germanique.

Les champignons ont un goût très affirmé. Le Château Mouton-Rothschild 1950 à la couleur très foncée a un nez fortement acide qui me fait grimacer. Mais en bouche, si on accepte cette acidité sensible, on sent tout le velouté délicieux de ce vin que je considère comme très beau. Mon ami fait grise mine de façon insistante, aussi je fais ouvrir le Château Ausone 1975 que j’avais en réserve. Mais je continue à défendre Mouton. Et j’ai raison ! Car son final en bouche est pur et magistral. Quand l’oxygène a joué son rôle dans le verre, le vin devient parfait, beau, velouté, délicieux. L’accord est évidemment possible, mais les champignons envahissent trop l’espace du vin.

Le Château Ausone 1975 sera servi avec le Chassagne Montrachet Rouge Boudriottes 1972, Marcel Toinet sur le premier service du poulet de Bresse. Cette cohabitation impromptue est intéressante. L’Ausone a une élégance et une qualité de construction qui impressionnent. Mais le Chassagne rouge a une séduction éblouissante. Lorsque j’avais mis au point les vins pour le dîner de mon ami, il avait fait la moue pour ce vin qu’il jugeait bien ordinaire. Un Chassagne rouge, qu’est-ce que ça peut donner ? Or le fantassin joue les généraux. Charmeur, envoûtant, je l’ai trouvé remarquable de jeunesse et d’expression bourguignonne. Les deux vins ne rivalisent pas, montrant deux facettes éclairantes de la magie des rouges.

La page suivante de ce dîner allait nous faire monter d’un étage. Le Grands-Echézeaux, Domaine de la Romanée Conti 1963 au bouchon si vilain montre toute la complexité de la belle Bourgogne. Sans séquelles des impuretés odorantes qu’il avait à l’ouverture, je lui ai trouvé un petit côté salin que j’aime bien chez les vins du Domaine. Et la divine surprise est venue de l’Aloxe Corton 1947. Je dis à l’un de mes voisins : « c’est un vin comme cela qui justifie toute ma démarche de collectionneur ». Car ce vin de négoce ayant perdu son étiquette, une main malhabile avait confectionné une naïve étiquette avec ces seules mentions : « Aloxe Corton 1947 ». J’avais ainsi acheté chat en poche. Et voici que ce vin est éblouissant. Le Grands Echézeaux a une couleur d’un rubis fatigué alors que l’Aloxe offre un rouge sang d’une jeunesse insolente. En bouche il jubile de perfection. Toute la table vacille, car aucun convive hormis mon fidèle ami ne peut imaginer qu’un 1947 ait cette verve là.

La fourme parfaite avec un pruneau fourré va donner de la noblesse au Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928. Nous sommes aux anges. Le Loubens est expressif, chaleureux, d’une couleur divinement dorée. Mais ce vin est très simple. Et le Château d’Yquem 1983 montre encore plus l’écart qu’il peut y avoir entre leurs deux structures. Ce 1983 est au sommet de son art, complexe, épanoui, de pur plaisir. Il est aidé par un dessert merveilleux, véritable propulseur de l’Yquem.

La séance des votes allait être passionnante, car pour beaucoup de convives, ces vins sont d’un monde nouveau. Ma fierté est de constater que neuf vins sur dix ont figuré dans les quartés des neuf votants. Seul le Mouton 1950 est resté sur le bord des votes, à cause de cette acidité que l’on n’arrive à ignorer qu’avec un expérience déjà certaine. Cinq vins sur dix ont bénéficié d’un vote de premier, ce qui est une autre fierté. La plus grande fierté est que l’Aloxe Corton 1947 soit le plus couronné avec quatre votes de premier, l’Yquem 1983 a eu deux votes de premier, le Grands Echézeaux, le Chassagne Montrachet et le Puligny Montracet recueillant chacun un vote de premier. Le vote du consensus serait : Aloxe Corton 1947, Yquem 1983, Puligny-Montrachet Henri Boillot 1959, Grands-Echézeaux, Domaine de la Romanée Conti 1963. Mon vote a été : Aloxe Corton 1947, Chassagne Montrachet Rouge Boudriottes 1972, Marcel Toinet, Yquem 1983, Champagne Bollinger Grande Année 1985.

Le service de Taillevent est légendaire. Il fut exceptionnel ce soir. Si l’on veut analyser ce que l’on pourrait améliorer, je vois deux pistes. La première est de faire remplir les verres à l’avance pour certains vins, avant d’être mis sur table, car on a vu que le Niersteiner et le Mouton se sont nettement améliorés dans la deuxième partie de la bouteille. Sept à huit minutes d’épanouissement dans le verre leur aurait fait du bien. M’en étant ouvert à Jean-Claude Vrinat, celui-ci m’a suggéré de le définir dès la séance d’ouverture des vins. Le deuxième sujet d’amélioration serait que le chef vienne sentir les vins une heure avant de passer à table. On pourrait ajuster des sauces ou des condiments à ce que l’on constate. Car la belle cuisine de Taillevent aurait été encore plus émouvante avec un ou deux ajustements. Faire un repas au restaurant Taillevent est un régal. Réaliser un tel repas avec une équipe aussi réceptive, attentive et motivée est un vrai plaisir.

dîner au restaurant Taillevent jeudi, 7 septembre 2006

Les vins de la collection wine-dinners

Champagne Bollinger Grande Année 1985

Niersteiner Königskerze Rheinessen 1959

Puligny-Montrachet Henri Boillot 1959

Château Mouton-Rothschild 1950

Château Ausone 1975

Chassagne Montrachet Rouge Boudriottes 1972, Marcel Toinet

Grands-Echézeaux, Domaine de la Romanée Conti 1963

Aloxe Corton 1947

Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928

Château d’Yquem 1983

Le menu créé par l’équipe de Jean-Claude Vrinat

Amuse bouche

Rémoulade de tourteaux aux fines herbes

Raviolis aux champignons du moment

Poulette de Bresse à la broche, beurre d’herbes (premier service)

Poulette de Bresse à la broche, beurre d’herbes (second service, la cuisse)

Fourme d’Ambert à la cuillère

Gelée d’agrumes, oeuf-neige à la mangue

galerie 1848 mercredi, 6 septembre 2006

Ce Château Bel Air Marquis d’Aligre dont le nom est gravé dans le verre apparaît périodiquement en salles de ventes. Existe-t-il un stock important de ce vin ?

J’en ai deux ou trois, dont une est totalement dépigmentée. Celle-ci parait plus homogène, mais le contenu doit être imbuvable. A noter que sur la bouteille il est écrit, gravé dans le verre : "interdit d’en laisser".

A ce jour, j’ai bravé les interdits !

 

 Cognac 1848 Grande Fine Champagne, eau de vie du Grand Hôtel Tivollier.

galerie 1849 lundi, 4 septembre 2006

Contrairement à ce qui constitue la galerie de photos, cette bouteille ne fait pas partie des bouteilles de ma cave ou des bouteilles que j’ai bues. Elle est mise ici compte tenu de son intérêt.

 

Vin de paille Bourdy 1849. Ce serait assez fantastique de le comparer à l’un de mes vins de Chypre de 1845.

France Inter et blog jeudi, 31 août 2006

France Inter consacre aux blogs une émission le matin à 6 h 20. Donc, normalement, en rentrant du jogging, on peut l’écouter.

David Abiker m’a très gentiment interviewé, et ça passera à une date que je communiquerai par mail et sur ce blog.

A propos, la moyenne des visites depuis la création du blog est de 150 visites par jour, et la moyenne de pages consultées dépasse 4 par visite, ce qui fait que plus de 600 pages sont lues par jour. Merci à tous ceux qui s’intéressent à ce blog, mais surtout aux vins et repas magiques qui sont racontés.

langoustes et vins rouges vendredi, 25 août 2006

Je suis invité par des voisins. La répartition des tâches est la suivante : un ami apporte les sorbets de chez Ré, les meilleurs de la région, le voisin nous apprend à cuire les langoustes, et je suis en charge du vin. La décision ayant été prise très tard, les langoustes seront étrangères et non filles du pays. L’apéritif est un champagne Mumm 1998 avec des confits fourrés au foie gras. Les langoustes sont absolument délicieuses, à la cuisson astucieuse et orthodoxe. Elles sont associées à trois vins. Le Château Figeac 1988 est épanoui, joyeux, et montre la précision de sa structure raffinée. Le Beaune-Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1976 est un peu plus difficile à comprendre pour les néophytes de cette table. Je lui trouve le charme bourguignon que j’apprécie, sous une présentation relativement discrète. Le Châteauneuf du Pape Domaine Saint-Préfert 1996 est le plus modeste des trois. Et l’on s’amuse à faire des constatations intéressantes : sur le corail, c’est le Chateauneuf-du-Pape qui s’exprime le mieux. Lorsque la chair est associée à des feuilles de sauge, c’est le Figeac qui brille le plus. Et sur la chair seule, c’est le Beaune-Grèves qui – à mon palais – a le plus de pétulance. Mes hôtes, découvrant que l’on peut s’intéresser à des questions qui ne les effleurent pas habituellement sont ravis de cette expérience. Les délicieux sorbets sur un nouveau Mumm paraphent un dîner fort amical, de vin, de mer et de glace.

poissons et vins : rouges, blancs ou moelleux ? mercredi, 23 août 2006

Un membre de l’Académie des Vins Anciens fanatique de vins chenus ayant lu sur le blog les adresses où je me rends et partageant les mêmes eut l’idée que nous nous rencontrions. Ce fut fait. Nous allons déjeuner chez Yvan Roux ce rugbyman chaleureux aux poissons délicieux. Nous arrivons pour déjeuner, et la beauté du panorama découverte à travers l’immense baie de la salle où nous serons installés nous stupéfie. La maison est harmonieusement dessinée. Le nombre d’or a dû être utilisé dans toutes les proportions. La piscine intérieure émeraude, la mer d’un bleu azur de fin d’été, la terrasse immense où des sofas profonds attendent des rêves, la vue californienne, la table unique qui fait de nous les maîtres de l’espace, tout porte au plaisir gastronomique.

muscat de Samos Jarrousse datant très probablement de la fin des années 50 est chaleureux, délicat, avec des notes de vanille et une finale de café. Une belle tranche d’un Pata Negra onctueux, dont le gras et le sel sont harmonieux fait sourire le muscat. Les bouteilles que j’ouvre proviennent d’une excursion qu’il avait faite en Languedoc. Une étiquette manuelle indique « vin rouge 1920 ». Tout indique que c’est 1920 et que c’est mort. Ce vin aigrelet ne reviendra pas à la vie.  Nous l’essayons sur des beignets d’anémones de mer au goût très expressif, mais ça ne le réveille pas, alors qu’avec le Samos, la combinaison se fait bien si on prend bien soin de ne pas laisser l’alcool dominer en bouche, l’anémone prenant un léger goût d’artichaut. Le « demi doux 1948 » lu sur une étiquette de la même écriture est éblouissant. Ce vin a des inflexions de vieux Maury, a une complexité aromatique rare. Sur les seiches cuites élégamment, le demi-doux exprime son talent. J’avais apporté un Laville Haut-Brion 1983 au nez impérial qui fonctionne aussi bien sur les seiches mais imprime sa forte personnalité au chapon à la chair intense. Nous essayons un Bagnard, Côtes de Provence rouge 2004 du Château des Valentines. Ce jus sur-travaillé est manifestement hors sujet. Une glace vanille éteint le feu de la passion gustative de ce moment de grand bonheur. Je retiens surtout le demi-doux 1948 comme surprise absolue, tant l’élégance et la complexité aromatique étaient insoupçonnables dans ce banal flacon perdu dans le recoin d’une cave ignorée.

c’est l’histoire du petit chapon rouge

J’ouvre les reliques apportées par mon ami. Un

Le sourire d’Yvan, son talent à trouver les poissons les plus beaux, sont un appel à revenir… Ce fut fait, pas plus tard que le lendemain, ma fille me conviant à cette adresse que j’avais vantée. Les vins de la veille étaient toujours là, le niveau restant indiquant ceux que nous avions aimés. Le rouge 1920 est toujours mort, mais serait devenu presque buvable. Le Samos est éblouissant, alors que le demi-doux 1948 montre des signes de fatigue, tout en gardant sa jolie complexité. Le Laville Haut-Brion 1983 est impérial de sérénité. J’en ai encore plus goûté le charme exquis que la veille. Ce vin est éblouissant. Je m’attendais à ce que ma fille aux tendances parkériennes apprécie le Bagnard 2004, mais j’avais l’arme fatale, un Mas des Baguiers, Bandol 1989 qui lui fit oublier le jeune vin brutal pour des saveurs subtiles adaptées aux calamars aux seiches et à la langouste. Pour la petite friture de rougets et le Pata Negra, la Cuvée Grand Siècle de Laurent Perrier est l’accompagnement idéal. Une nouvelle belle soirée dans un cadre enchanteur chez un artiste des poissons. 

le jeu des sept – z – erreurs mardi, 22 août 2006

Sur la photo, il y a une erreur grossière.

Est-ce :

– je lis le journal à l’envers ?

– le bob n’est pas à ma taille ?

– je lis un journal de ma tendance politique ?

– je suis assis face à la mer chez le voisin

Jouez en famille à ce jeu. Il n’y a pas de gagnant.

Réponse : je ne fais normalement pas partie des adorateurs de Libé… Peut-on s’en douter ?

un Maury 1928 délicieux samedi, 19 août 2006

Il restait un fond de bouteille d’un Maury 1928 des vignerons de Maury.

Un Saint-Agur particulièrement crémeux passe sous mes narines.

Le lien se fait. Quel délice !

L’astuce est de ne boire qu’une infime gorgée, pour que l’alcool ne devienne pas dominant.

Il avait un léger goût de noix comme le Saint-Agur, et évidemment, cet inimitable pruneau.