galerie 1934 samedi, 28 mai 2005

Chateau Talbot 1934 et Chateau Latour 1934.

Ce vin de paille Bourdy Père & Fils 1934 se présente comme cela en cave. J’ai demandé qu’on ne colle pas l’étiquette et la contre étiquette, afin de garder une bouteille que je trouve plus belle ainsi. En arrière-plan, des flacons anciens de ma cave, probablement des Banyuls du 19ème siècle.

 

Chateau Margaux 1934

Un immense Pétrus 1934 bu au restaurant Ledoyen le 18 janvier 2007 en même temps qu’un Margaux 1934 (différent de celui ci-dessus).

Dîner de wine-dinners au restaurant de la Grande Cascade samedi, 28 mai 2005

Dinner on May 28, 2005 by restaurant La Grande Cascade
Bulletin 145

The wine of the wine-dinners collection
Clairette de Die circa 1970
Champagne Salon “S” 1988
Haut-Brion white in magnum 1949 (specially offered by Steve Wolking)
Petrus in magnum 1964
Chateau La Gaffelière Naudes in magnum 1953
Yquem 1940
Cyprus Commandaria 1845

The menu created by Richard Mebkhout

Gressins de jambon serrano, allumettes au parmesan
Pâté en croûte comme à Vieu, recette de Lucien Tendret 1892
Turbot laqué au jus de volaille, pommes de terre rattes
Suprême de pigeonneau rôti, la cuisse confite
Laitue, petits pois et lard croustillant
Tian d’oranges et pamplemousses
Madeleines et macarons réglisse

les vins sont-ils bons quand on est nombreux ? samedi, 28 mai 2005

Je me rends, dans une même journée, le midi dans un cercle parisien et le soir dans un hôtel parisien historique appartenant à une fondation où l’on fait de la restauration. Pourquoi, à partir du moment où une restauration est collective, à coûts partagés, doit-on, au cœur de Paris, subir des cuisines épouvantables et des vins inadmissibles ? Il fut un temps, pas forcément tout à fait révolu, où prendre un croissant dans une gare ou un aéroport était la certitude de mâcher une semelle gommeuse. Cette restauration de lieux chics n’est pas celle de notre pays. J’ai connu des dizaines de petits bistrots animés par des couples. La femme aux fourneaux fait une cuisine familiale chaleureuse. Le cassoulet est du cassoulet ou le bourguignon du vrai bœuf. Et le mari a dégoté un vin authentique, sans prétention, qui raconte quelque chose. Ici, c’est sans imagination, clinquant, sans goût, sur de mauvais achats. Le vin de coupage, d’un hangar où l’on mélange, est imbuvable. Le combat de cette restauration n’est pas le mien. Mais je ne vois pas pourquoi il faudrait accepter le médiocre dans des lieux de légende, quand, au même prix, de vrais artisans réaliseraient des prouesses de générosité souriante. Pourquoi faut-il manger moins bien dès lors qu’on est nombreux ?

dîner de wine-dinners à la Grande Cascade samedi, 28 mai 2005

Il avait été prévu que le voyage des américains se termine par un dîner « à la façon » de wine-dinners. Les discussions de mise au point ayant changé plusieurs fois, le nombre de participants changeant souvent lui aussi, le dîner eut lieu le jour prévu mais seulement pour une table de huit, comptant deux américains, un canadien et cinq français.
La Grande Cascade, un samedi, a toujours un air de fête. Les communions, les mariages, les célébrations familiales vissent les convives à leur siège tard dans l’après-midi. On vient donc me voir ouvrir les bouteilles avec les commentaires de circonstance : « c’est pour nous ? » ou « on peut goûter ? ». L’odeur du Haut-Brion blanc 49 ainsi que celle du Pétrus 64 sont extrêmement distinguées, celle du La Gaffelière 53 est toute de sensualité. J’avais peur du Yquem 40 à la couleur un peu grise, mais son odeur est épanouie. Tout se présente bien. Avant le repas je vais faire visiter ma cave principale aux amis américains, et comme il est d’usage, je prélève une bouteille qui sera rajoutée au dîner. Comme ces américains, grands collectionneurs, sont très attirés par les vins de grand prestige, je jette mon dévolu sur une Clairette de Die en annonçant la couleur : c’est sans doute l’une des bouteilles les moins chères de ma cave.
Voici le menu composé par Richard Mebkhout, avec qui j’eus le plaisir d’en bavarder à sa conception : Gressins de jambon Serrano, allumettes au parmesan / Pâté en croûte comme à Vieu, recette de Lucien Tendret 1892 / Turbot laqué au jus de volaille, pommes de terre rattes / Suprême de pigeonneau rôti, la cuisse confite / Laitue, petits pois et lard croustillant / Tian d’oranges et pamplemousses / Madeleines et macarons réglisse.
A l’ouverture du bouchon, la Clairette de Die, méthode champenoise, annonce un âge entre vingt et quarante ans. Baptisons la de 1970. Sa couleur est de miel, son nez est sucré car c’est un demi-sec. En bouche, c’est délicieusement agréable, les notes de coing, de toasté, de légèrement madérisé formant un goût très excitant. Le buveur d’étiquette a du mal à se positionner face à ce vin : faut-il accepter une union morganatique entre une bulle qui devrait être champenoise et une région qui ne l’est pas ? Je ne fus pas le seul à adorer ce pétillant puisqu’un convive lui accorda même un vote dans son quarté, alors que la concurrence était rude. Vous allez voir pourquoi.
Le champagne Salon « S » 1988 est toujours aussi plaisant, cette bouteille étant légèrement plus fermée que d’autres. A noter un écart de puissance certain à l’avantage du Krug 1988 bu au château Margaux. On ne se lasse pas du plaisir de ce champagne Salon à la forte personnalité.
Une bouteille immense apportée par mon ami américain affiche une particulière distinction. Le Haut-Brion blanc 1949 en magnum est une pièce rare. N’allez pas croire que j’avais répondu à sa générosité par la Clairette de Die que j’avais prélevée en cave lorsque cet ami et son fils vinrent la visiter. C’est plus tard que la réciprocité se montra. Le vin est immense. Il y a toute la palette de ce qui fait la grandeur de ce blanc, comme le 1999 bu au château Haut-Brion l’avait brillamment indiqué. Ici, en plus, l’âge magnifie le vin qui est une fanfare de goûts citronnés mêlés à du gras intense. Il n’y a pas beaucoup de blancs qui comme lui peuvent imposer un tel respect. Avec le pâté en croûte, une merveille.
Le magnum de Pétrus 1964 au niveau parfait est loin de se laisser impressionner par ce blanc de légende. C’est un très grand Pétrus. Une complexité extrême, mariée à une simplicité rare. Il y a des Pétrus qui se présentent comme des énigmes. Pas celui-ci. Il se laisse approcher. Rien n’est abscons. Mais quand on creuse un peu, on comprend comme le message peut être mystérieux et multiforme. La trame est dense, l’imprégnation profonde. Ce vin souvent strict est ce soir joyeux, sincère, épanoui.
Ce qui est passionnant, c’est que le La Gaffelière Naudes en magnum 1953, immense réussite de cette propriété, complète parfaitement le tableau formé par le Haut-Brion blanc et le Pétrus. Tout en lui est joyeux. La densité n’est pas celle du Pétrus mais le plaisir, la joie de vivre sont du bonheur en bouche. C’est chaleureux, presque comme un bourgogne qui chante. Ce vin est grand, plaisant, heureux d’être avec nous.
Le Yquem 1940, malgré sa couleur grisée et une lie grise, ce qui est rare pour Yquem, a un nez fort délicat. C’est indéniablement un nez d’Yquem. Son bouchon date de 1989. En bouche, c’est typiquement le Yquem des années 30, où la sécheresse, la sobriété prédominent, signe qu’à l’époque on ne poussait pas vers le sucré. On avait en cette année d’autres préoccupations. Tel qu’il se présente, il est très bon, beaucoup plus énigmatique que le Pétrus, et cette surprise plait beaucoup à mes convives.
La réciprocité à mon ami américain est maintenant sur la table et j’ai voulu pour une fois l’ouvrir à cet instant, pour qu’on découvre la première odeur de mon vin fétiche. Il s’agit d’un vin de Chypre 1845. Il est éblouissant. Il a un peu moins de pesanteur que celui du 50ème dîner de wine-dinners. La bouteille, plus ventrue, plus jolie, n’a pas la moindre lie (à peine). C’est un nectar, c’est un élixir, c’est un parfum. Il est évident que j’ai perdu toute objectivité à propos de ce vin car il est comme mon enfant. Mais je ne vois pas ce qui pourrait égaler sa perfection et sa persistance aromatique infinie. Il sent délicatement la réglisse, il est onctueux, il surfe sur les délicieux macarons à la réglisse. On conçoit aisément que l’on pourrait oser des combinaisons culinaires diaboliques avec ce vin là, comme le fit Guy Savoy il y a quelques années maintenant.
On vota. Il est très rare qu’un convive ait strictement le même vote que moi, dans le même ordre. Et voilà qu’un jeune américain de 14 ans, petit bonhomme avec lequel son père joue un jeu dangereux en le propulsant aussi jeune à des niveaux de vins et de consommation de vins qui ne sont pas de son âge, vota exactement comme moi. A-t-il de la maturité ou ai-je la fraîcheur d’un enfant ? Je vous laisse juge. Le plus récompensé de votes fut le Haut-Brion blanc 1949. La Clairette de Die eut un vote, ce qui me fait plaisir. Le vote de l’adolescent américain qui buvait comme un homme et tirait sur des barreaux de chaise fut : en un Chypre 1845, en 2 Haut-Brion blanc 1949, en 3 Pétrus 1964 et en 4 Château La Gaffelière- Naudes 1953.
Le service du personnel de la Grande Cascade fut exemplaire et les accords rares. Le lieu a la magie de la Belle Epoque, protégé par des arbres centenaires. Tout fut enjoué, riant. On peut l’être avec de tels vins.

déjeuner à Saint-Emilion vendredi, 27 mai 2005

Je sèche la visite de Pavie Macquin pour qu’un sommeil compensatoire remette la machine en marche et je rejoins le groupe, après des visites dans des caves de Saint-Émilion fort fournies, au restaurant « L’envers du décor ». Dans une courette, ceinte de murs plusieurs fois centenaires, collée à une église, notre tablée joyeuse résonne de mille rires. L’un de nous a organisé une dégustation commentée de petits vins expérimentaux dont un claret qui veut reconstruire le vin de Bordeaux du 17ème siècle. Cela se fit sans moi, sauf pour un Gaillac doux 2003 de cépage Mauzac roux dont la bouche valait mieux que le doucereux que le nez annonçait.
La visite à Clos Fourtet fut érémiste puisque nous ne bûmes que le 2004 encore dans ses langes. Les caves creusées dans la pierre valent le détour, ainsi qu’une des remarques les plus sincères de la femme du maître de chai : on a des cuves en inox, parce que le bois, c’est trop cher. Peu de domaines osent cette franchise.

visite du laboratoire de Michel Rolland vendredi, 27 mai 2005

Je ne voulais pas rater la visite du laboratoire de Michel Rolland que le film Mondovino avait sinon immortalisé puisque le film sera rapidement oublié, mais au moins montré. Intéressante présentation d’un des œnologues, Ludwig Vanneron qui se prête volontiers aux échanges et explique bien. On sent le discours prudent depuis la caricature de Mondovino. Nous goûtons ensuite plusieurs vins de l’écurie Michel Rolland. Je suis étonné par la douceur de certains d’entre eux, leur donnant du charme, et par l’agressivité moderniste de quelques autres. De cet échantillon, c’est de loin le château Bon Pasteur 2000, propriété historique de la famille Rolland qui me plait le plus. C’est un très bon vin. Y aurait-il du Jekill et du Hyde dans le « flying wine maker » ? Ce serait intéressant de comprendre pourquoi son nom est attaché à des vins délicieux et à des vins extrêmes.

séjour à Cordeilhan Bages lundi, 23 mai 2005

Transfert vers Bordeaux. J’arrive à l’hôtel Cordeillan Bages où je deviens un habitué. Accueil charmant. A mon arrivée je reçois une lettre. Son enveloppe calligraphiée ferait dire à n’importe quel ado « c’est chic grave ». C’est l’invitation personnelle de Corinne Mentzelopoulos à dîner à Château Margaux. Délicate attention puisqu’elle touche chaque membre de notre groupe là où il se trouve.
Par peur de la densité du programme qui démarre demain, je ne vais pas rejoindre les solides gaillards qui vont conquérir et investir Bordeaux. Je dîne dans l’auberge du Château Lynch Bages car Thierry Marx fait relâche le lundi. C’est à cinq cent mètres de l’hôtel. Ayant donné quartier libre à mon chauffeur, c’est un chauffeur de place qui me fait faire ces quelques mètres dans une Excalibur décapotée. Juste pour me remémorer l’inimitable bruit des huit cylindres américains qui semblent pomper un puits de pétrole à chaque accélération.
Le menu, inspiré des méthodes et du talent de Thierry Marx est très agréablement exécuté. Là-dessus, un blanc de Lynch-Bages 2003 fait évidemment un choc quand la mémoire est celle du Montrachet 1961 de Bouchard. Mais on s’habitue. Il est simple et agréable, s’accommode bien d’asperges blanches (oui), se montre joli sur le maquereau et encore plus à l’aise sur l’épaule d’agneau et une tomme de brebis. Je m’exerce, puisque demain nous reviendrons en ce même lieu. La semaine sera copieuse.

rencontre avec des correspondants virtuels d’un forum américain samedi, 21 mai 2005

Le forum américain d’amoureux du vin sur lequel j’écris a organisé un voyage dans le bordelais. J’y ai ajouté une escapade à Beaune. Le premier contact se fait au restaurant Dauphin (le restaurant où nous avions dîné après la signature de mon livre à la librairie Delamain) et nous boirons les vins apportés par les membres. A 17h30, nous sommes quatorze. Il y a trop de vins généreusement offerts. Il faut faire un choix. J’ouvre les bouteilles retenues pendant que nous devisons. Nous allons nous promener dans les jardins du Palais Royal. Bavardant de voitures de sport avec un fanatique, je rate la boutique de Serge Lutens que je voulais faire admirer. Quand nous revenons, il est trop tard : « on ferme ». Nous allons aux Caves Legrand pour un apéritif. On m’avait prévenu : « vous verrez, vous serez en même temps qu’un groupe de jeunes filles qui enterrent le célibat d’une d’entre elles ». Une large table dans la galerie Vivienne avec des bouteilles éparses est illuminée par le sourire et l’entrain de ravissantes et pétulantes jeunes filles. Calculant que j’aurais mes américains avec moi pendant une semaine, je peux, tel le brochet attiré par un alevin dodu me laisser aller à rire avec ces demoiselles. Délurées, joyeuses, elles m’accueillent à bras ouverts. Cette belle équipe pleine de vie fut un joli et appréciable rayon de beauté.
Nous goûtons un champagne Jacques Sélosse extra brut que quelques amis trouvent un peu rêche. Sa rigueur non dosée me plut assez. Champagne rectiligne de belle réalisation. Il joua le faire valoir au champagne Krug Grande Cuvée éblouissant de structure. Ça au moins, ça raconte des histoires. Un brio évident et une expressivité rare. En retournant à pied au restaurant Dauphin, nous avions en bouche une belle trace profonde de grand champagne. Je m’aperçois en écrivant cela comme le Krug Grande Cuvée peut être changeant. Selon son âge et son stockage il peut devenir immense.

dîner avec un groupe d’américains au restaurant le Dauphin à Paris samedi, 21 mai 2005

Arrivant au restaurant, comme dans le Cid, par un prompt renfort, nous nous vîmes 21 en arrivant en salle. Toutes les bouteilles épargnées devenaient nécessaires. On les ouvrit. On dut refaire le plan de table. Je suis en train de découvrir les changements que doit résoudre instantanément un agent de voyage.
Je prends l’initiative de l’ordre des vins que je fais déguster un par un plutôt qu’en rafales comme font souvent mes amis. Le Sancerre Jean Max Roger 2002 est très parfumé, avec des évocations de fleurs blanches, de pêches blanches. Certains Montlouis ressemblent à ces goûts là où le bonbon acidulé n’est pas absent. J’aime beaucoup. De même que le Sélosse mit en valeur le Krug, le Sancerre rend éblouissant le Château Laville Haut-Brion 1988. Quel grand blanc. Une classe, une évocation de myriades de goûts. C’est d’une intelligence extrême. Manifestement un immense vin. Le Jurançon sec « Noblesse » Domaine Cauhapé 1999 tient plus de l’exercice de style. Les raisins surmaturés font penser à des vendanges tardives. C’est plus original que plaisant. Le Peter Michael Winery « Point Rouge » Chardonnay 2001 est imbuvable pour moi. C’est de l’alcool rustaud. Un ami le mettra premier ce qui semble indiquer que les palais américains et français ne sont pas près de s’harmoniser. Le Château La Conseillante 1994 me surprend par sa généreuse franchise. On dirait qu’il s’est libéré des caractéristiques de cette année. Il est joyeux et bien typé.
Le Château Haut-Brion 1967 est très élégant malgré des signes d’âge. Charmant, civilisé, c’est un message romantique qu’il délivre. Le Château Haut-Brion 1970 en magnum que j’avais apporté, comme La Conseillante, pour prouver à l’un des membres du forum que 1970 vaut plus que l’idée qu’il en avait, parait vingt ans plus jeune que le 1967. L’aîné a pris la robe de chambre de Montaigne tandis que le 1970 batifole, en représentant la plus exacte définition possible du Haut-Brion historique que l’on connaît.
Le Château Talbot 1966, dont le bouchon avait révélé des souffrances, est fatigué. Buvable, intéressant par le message, il est quand même décati. Le Sociando-Mallet 1990 que je voulais découvrir est bouchonné. Le Château Haut-Brion 1982 est coincé. Il n’a pas le coté brillant et généreux qu’on attend. Mon ami qui avait apporté ce 1982 est celui qui avait éreinté, dans des échanges sur le forum, le 1970. Il fut obligé de constater que le 1970 surpassait le 1982. Le Château Haut-Brion 1990 réconcilia tout le monde. D’une jeunesse insolente de facilité, c’est la définition absolue de ce qu’un vin jeune doit être. Brillant breuvage.
Le Beringer Merlot 1994 demande pour mon palais une adaptation que je ne suis pas prêt à avoir. Il est évident que mon objectivité n’existe pas. Mais cette bombe d’alcool sans vie me déplait. Le Beringer Merlot 1992 est plus civilisé. Mais le manque d’imagination me gêne. On se croit en classe de sculpture à l’Ecole des Beaux-Arts où les élèves massacrent du marbre en toute bonne conscience. Le Maya 1991, Dalla Valle Cabernet franc et Cabernet Sauvignon est une démonstration encore plus évidente. Imbuvable pour moi, il rendit encore plus époustouflante la démonstration du Harlan Estate 1994. Ce vin est un mythe aux USA. Il tient bien sa réputation. Un immense vin aux évocations puissantes mais subtiles. Si l’on admet les codes de la Californie, c’est un vin splendide. Le Maury Les Vignerons de Maury 1959 que j’avais apporté fut apprécié. Voilà des goûts que j’adore, car ça jaillit en bouche avec passion. Certains amis l’ont aussi compris.
Je fis voter près de vingt personnes selon les méthodes de mes dîners. Très grande diversité de votes, au point que les deux premiers votants désignèrent en premier les deux vins que je trouvais imbuvables. Je fis rire l’assemblée en rappelant que l’on devait voter pour des vins que l’on avait aimés ! Il y eut quand même une cohérence assez grande puisque le plus couronné fut le Haut-Brion 1990, suivi du Haut-Brion 1970, du Laville Haut-Brion 1988 et du Harlan Estate 1994.
Mon vote fut : Haut-Brion 1990, Haut-Brion 1970, Laville Haut-Brion 1988, Maury 1959.
Pour ce premier dîner, chacun fut généreux, et la soirée, sur la solide cuisine de ce restaurant chaleureux, fut agréable, riante. L’occasion de partager dans une amitié virtuelle devenue réelle des vins d’immense réputation et d’un indéniable talent.

un dîner « littéraire » où je parle de mon livre jeudi, 19 mai 2005

Une amie, organisatrice fort enthousiaste de dîners littéraires et soirées théâtrales me demande de présenter mon livre à l’un de ses dîners. La différence fondamentale entre l’auteur d’un livre sur les vins et l’auteur d’un livre sur les épopées d’Alexandre le Grand, c’est qu’on peut plus facilement suggérer au premier de venir avec des échantillons. Quelques vignerons amis m’aident dans cette entreprise. Je m’aide moi-même pour les autres vins. La veille de la manifestation, appel angoissé de mon amie, la date, l’époque, le sujet, que sais-je, on ne se bouscule pas pour venir m’écouter. Le challenge devient intéressant, et en très peu de temps, moins d’une journée, on rassemble une brochette de gens passionnants, qui vont se substituer aux habitués de ces dîners. Des journalistes, des écrivains, un dessinateur célèbre, des assidus de mes dîners se placent autour de deux tables enjouées, prêts à profiter de l’instant. Le champagne Delamotte en magnum est manifestement agréable. C’est un blanc de blancs de belle facture. Pas de question, ça se boit avec plaisir, le message clair rassurant par sa précision.
Le Chablis Grand Cru les Vaucoupins William Fèvre 2001 est un Chablis de grande classe. Il démarre sur une note citronnée, puis rapidement prend du gras. Un Chablis de belle construction qu’un plat incertain de saumons crus ne comprit pas. Le Volnay Caillerets Bouchard Père & Fils 2000 est chaud en bouche, rond, déjà structuré. Un grand expert en vins anciens, passionné de l’histoire des techniques et du goût me demande quand il sera bon à boire. Je réponds : « mais, maintenant ! », puisque ce que l’on a en bouche coule de source. Bien sûr il va se civiliser. Mais c’est déjà du vin sérieux, solide, prêt à se comparer à d’autres si on le lui demande.
J’avais prévu ensuite un double magnum de Côtes du Roussillon village Cazes 1989, bouteille que j’avais apportée au salon des grands vins, qui fut ouverte mais ne fut pas consommée. Le débouchage / rebouchage d’il y a plus d’un mois avait vieilli le vin d’un bon dix ans. Et hélas, il avait attrapé un léger goût de bouchon. Mais il exprimait une forme de vin à maturité qui méritait qu’on l’essaie, pour toucher au vécu de ces vins patinés. Les deux rouges s’exprimèrent sur un poisson d’élevage potable.
Le dessert, composite comme souvent, fut accompagné par un vin que j’avais apporté, un Chardonnay de Jérusalem, vin d’Ormoz, vendanges tardives 1993, titrant 13° et légèrement sucré, d’un litchi agréable. Sur des fraises, ô miracle, le vin fut fort plaisant.
Il ne s’agissait évidemment pas d’un dîner gastronomique mais d’un dîner littéraire. L’apport du restaurant était un vin de l’île de Ré baptisé avec audace « Royal » dont le cousinage avec un vin buvable n’est pas forcément évident. Ce qui comptait ce soir, c’est la chaleur de discussions enflammées, sérieuses ou non, qui réunirent des gens de grande passion, et de grand intérêt. Belle initiative de mon amie, transformée en happening du plus bel entrain.