divers vins de vacances dimanche, 2 août 2009

Au détour des repas de vacances, un champagne Charles Heidsick mis en caves en 1997 interroge à peine sur un goût incertain. De longues minutes plus tard l’incertitude se transformera en un franc goût de bouchon. Ce n’est pas la première fois que je ressens cette sensation curieuse d’un goût bouchonné qui n’est pas décelable au premier instant, alors que le plus souvent ce goût s’impose immédiatement.

Ma femme prépare une joue de bœuf aux carottes et me demande un vin pour sa préparation. Je saisis un Chianti Classico Castello di Uzzano 1968. A l’ouverture, le nez est extrêmement flatteur, chaud, ensoleillé, enjôleur. Plus de la moitié de la bouteille est bue par le plat. Le soir, nous finirons la bouteille en mangeant la joue délicieuse. Ce vin de quarante et un ans est doux et agréable, et m’évoque par certains aspects les Côtes de Provence d’une quinzaine d’années.

Le Domaine de Nalys Réserve, Chateauneuf-du-Pape 2006 est une bombe. Titrant 14,5° il étale sa puissance alcoolique qui masque les qualités certaines qu’il a. Son nez de cassis et poivre signe les vins modernes. En bouche, l’écran de l’alcool cache une partie du fruité. Saura-t-il vieillir ? Je suis bien en peine de le dire.

coïncidence – vin rouge et poisson jeudi, 30 juillet 2009

En ces périodes de grande chaleur, on ne sait plus très bien comment traiter les vins rouges pour les servir à bonne température. J’avais placé une bouteille de La Courtade Côtes de Provence rouge 1995 dans le compartiment légumes du réfrigérateur. Sorti une heure avant de passer à table, ce beau vin de Porquerolles montre la trace de son passage dans le froid. Le vin est beau, avec un sentiment de râpe terrienne fort agréable, mais ce coup de froid, même léger, gauchit le goût d’un vin de Provence très raffiné.

Le lendemain, nous allons chez des voisins et amis pour dîner. La lune en milieu de premier quartier éclaire la table à travers une forêt de pins majestueux penchés sur une mer dont la houle nous berce de son bruit rythmé. L’apéritif se commence avec un champagne Moët & Chandon non millésimé qui sert de faire-valoir à un magnum de champagne Laurent Perrier Grand Siècle dont la fraîcheur romantique est un plaisir dont nous ne nous lassons pas (c’est le troisième magnum que nous partageons avec ces mêmes amis). Bulots, olives, pignons se grignotent d’un bon appétit.

Par une coïncidence amusante, mon ami ouvre une bouteille de La Courtade Côtes de Provence rouge 2004, qu’il a lui aussi fait passer par le réfrigérateur. Et nous aurons la preuve de l’effet négatif de cette mesure lorsqu’il ouvrira une deuxième bouteille du même vin sortant directement de la cave. L’écart est très sensible.

L’objet du dîner est de comparer deux daurades royales, l’une cuite par la maîtresse de maison et l’autre par le maître de maison. Je sors mon petit manuel virtuel de diplomatie afin de déterminer lequel de nos deux amis doit être flatté. En fait les deux daurades sont excellentes, celle du maître de maison étant plus portée sur la sauge. Et, sous les palmiers dont les troncs sont des piliers de cathédrale, dans l’agréable fraîcheur d’un soir d’été, je suis frappé par l’incroyable évidence que le vin et le poisson collent à la personnalité de cette belle région. Le vin est extrêmement terrien et m’évoque les pins parasols, les truffes encore pleines de terre et les olives noires. La sauge sent les champs et les sous-bois troués par un chaud soleil. Et le poisson, par son goût dont la légère râpe ressemble à celle du vin, consolide l’impression d’une cohérence gustative régionale. Je sens, je respire, je bois et je mange la beauté de la région. Dans la sérénité du soir, ce sentiment me remplit de joie.

Nous nous livrons ensuite à une orgie de glaces de la pâtisserie Ré. J’ai déjà dit que la maison Ré de Hyères donne le « la » des douceurs pâtissières. Glace à la vanille, sorbet abricot et sorbet framboise à profusion flattent la gourmandise, poussés par des gâteaux secs au goût de revenez-y. Le Grand Siècle laisse la vedette aux parfums de glaces et aux conversations d’une belle nuit sous la lune.

pagre au fenouil mercredi, 29 juillet 2009

dans un forum sur le vin je ne cesse de faire l’éloge d’une cuisine "lisible", "simple" même si elle est sophistiquée, afin que le vin profite de la lisibilité du plat.

voici une photo qui résume cette idée :

c’est le pagre au fenouil de Gérald Passédat du Petit Nice.

Recherche d’accord inattendue lundi, 27 juillet 2009

Nous faisons bombance avec des voisins et amis que nous avons invités. Le champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum est vraiment agréable à boire, fait de fruits et de fleurs roses et blanches. J’ai l’intuition d’un accord à essayer. Il reste des croissants du matin qui, dans la moiteur ambiante sont devenus très souples. Je coupe des tranches de poutargue que je pose sur des tranches de croissant, afin d’essayer ce canapé improbable sur le champagne. Et c’est absolument excellent. La poutargue seule combat la bulle du champagne, exacerbant son goût. Alors que la poutargue adoucie par le doucereux léger du croissant surfe sensuellement sur les bulles du champagne, créant un accord délicat.

Sur un gigot, le Château Brane Cantenac 1978 se montre très convaincant. C’est un vin riche, de belle structure, qui, à trente et un ans, n’affiche aucun signe de maturité avancée mais au contraire une belle jeunesse. Du fait de la chaleur, il montre une certaine râpe, qui fait un trait d’union pertinent avec le Terrebrune rouge Bandol 1997 qui le suit. Archétype du Bandol, ce vin plaisant se boit plaisamment.

La salade de pêche commande d’ouvrir un nouveau magnum de Champagne Laurent Perrier Grand Siècle. Toujours ravissant et se lovant contre la pêche, il est en quantité suffisante et permet aux discussions de se poursuivre fort tard dans la nuit.

Essais divers dans le sud dimanche, 26 juillet 2009

Au fil de repas, il m’arrive d’ouvrir des bouteilles disparates. Un Bandol Terrebrune blanc 1999 a une couleur trop orangée pour être honnête. Le vin est madérisé, sans doute à la suite d’un coup de chaud lors de son stockage. Si l’on accepte la madérisation, on peut se satisfaire de son goût assez plaisant.

Un Kutch pinot noir rosé Sonoma Coast 2006 titre 14,1°. Sa couleur est d’un rose lilas intense. Le nez est inhabituel et le goût est intense, profond. C’est un grand vin rosé, dont les repères manquent. Mais le vin se boit avec plaisir car il est charnu, long en bouche et profond.

Le Château Tour d’Horable Côtes de Castillon 1994 me rappelle les propos de l’une des deux personnes qui m’ont appris les vins anciens. Celui-ci, décédé il y a quelques années, était l’épicier de banlieue chez qui j’ai fait mes premières armes. Il avait un amour particulier pour ce bordeaux dont il vantait la pureté et l’authenticité de construction. Il avait bien raison, car ce vin se boit bien, porteur d’un équilibre serein pour ses quinze ans.

Un vin de terrassier samedi, 25 juillet 2009

Les pluies diluviennes de l’hiver, d’un volume inconnu de mémoire d’homme, ont raviné notre jardin. Il a fallu consolider le mur sur la mer. J’ai pris un architecte qui a recouru à la compétence d’un ingénieur béton. Les premiers sondages ne lui plaisant pas, il a demandé l’avis d’un géologue. La conjonction de ces trois conseillers, avec une sauce épaisse de principe de précaution, transforme notre jardin en bunker de la seconde guerre mondiale.

Voyant une population nombreuse envahir notre nid douillet pendant les vacances, avec force engins aux sons inharmonieux, crée forcément des liens.

Le terrassier en chef possède une vigne en Côtes de Provence qui est exploité par son père en biodynamie. Gentiment il m’apporte un Côtes de Provence rosé et un Côtes de Provence rouge en disant : « j’aimerais votre avis. Je pense qu’il sera sur votre blog ».

Après l’avoir remercié, il me fallait goûter. Le rosé d’un joli rose pâle est affreusement bouchonné. Il ne sera pas possible de donner un avis, puisque le goût de bouchon ne disparaîtra pas. Le vin rouge est d’une couleur noire de jus de cassis. Le nez évoque le fruit mais aussi la feuille de cassis, que l’on retrouve aussi dans le goût. Ce vin est chaleureux, dense, extrêmement fruité, avec toutefois une petite note végétale. Ce qui me paraît curieux, c’est que le vin ne semble pas fini. Il est encore au stade du jus de fruit, plus qu’au stade du vin. Mais l’impression générale est très agréable. Il faudrait voir ce que ce vin riche donne en vieillissant.

De toute façon, c’est très généreux de m’avoir apporté ces flacons, après avoir traité ma pelouse façon crevasse martienne.

« mon » toaster vendredi, 24 juillet 2009

Pendant l’été, le journal « Le Figaro » interviewe des gens du monde du luxe et de la mode et leur demande l’objet qui ne les quitte jamais.

Vous ne devinerez jamais la réponse de Karl Lagerfeld.

Il répond : « mon toaster » car il tient absolument à la cuisson parfaite de ses toasts.

Je le dis tout net, je trouve cela génial.

Pierre Hermé, quand il est venu dîner chez moi, a ouvert son petit canif pour couper sa viande. Il y a une symbolique très forte dans le canif ou le Laguiole, qui sert d’outil universel, mais qui prend, pour la nourriture, des parcelles de sacré.

Ainsi, mon grand-père paternel avait pour coutume de faire un signe de croix avec son couteau de poche sur le pain avant d’en trancher quelques morceaux pour l’ensemble de la table.

Ce fétichisme du couteau est très compréhensible. Dans le cas du toaster, ce n’est pas du fétichisme mais – à mon sens – le luxe total.

Voici un homme qui a tout, qui peut demander tout, qui peut obtenir tout, mais qui dit, là où il arrive : « qu’on me fasse mes toasts sur ce toaster là ».

Génial. Cette expression de liberté pure me plait beaucoup.

dîner avec un joli Dom Pérignon 1998 mardi, 21 juillet 2009

La famille s’agrandit d’un petit Alban de plus. Ma femme monte à Paris pour câliner fille et petit-fils. Je reste seul dans le sud au moment où une cousine gravement brûlée vient faire sa rééducation dans un hôpital hyérois spécialisé. Son mari, mon cousin, va loger chez moi pour pouvoir lui rendre visite plus facilement. Ayant beaucoup de qualités, sauf celle de cuisiner, pure coquetterie pour ne pas concurrencer les grands chefs que j’estime, je décide d’inviter Hervé à la table d’Yvan Roux. Yvan avait prévu de bricoler dans sa maison et j’ai fait un gentil chantage affectif pour qu’il ouvre son huis.

Nous avons deux sujets à fêter : mon petit Alban et le retour à la vie, après un long coma provoqué, de l’épouse d’Hervé. Le Champagne Dom Pérignon 1998 est exactement ce qu’il nous faut pour réjouir nos âmes. Romantique, délicat, floral de belles fleurs blanches virginales ou nuptiales, ce champagne est d’un raffinement plus que confortable. De belles tranches fines de mérou en carpaccio se marient délicatement avec le beau champagne. Nous partageons en deux moitiés deux langoustes de petite taille sur une Côte Rôtie La Mouline Guigal 1984. La Côte Rôtie est un peu éteinte, poussiéreuse, mais on sent un fort caractère terrien. Et même si le vin n’est pas tonitruant, l’accord se trouve, terre et mer, surtout sur les têtes de langoustes, au goût plus prononcé.

De beaux pavés de mérou sont extrêmement goûteux. Face à la mer d’une grande beauté, nous avons célébré nos amours familiales en communiant avec deux vins dont le Dom Pérignon portait la plus belle charge d’émotion.

Alban Charlin est né jeudi, 16 juillet 2009

Ce soir, ma fille Agathe a donné le jour à Alban Charlin.

Agathe se porte bien et sa voix au téléphone était tonique. Guillaume est un père comblé.

Pendant l’attente de plusieurs heures, ma femme avait la même anxiété que si elle devait accoucher.

Alban rejoint Inès, Félix, Anaïs et Lise pour devenir notre 5ème petit-enfant auxquels nous ajoutons dans nos coeurs Toscane, l’aînée de cette petite bande.

Vite, il faut fêter cette naissance.

Extase jeudi, 16 juillet 2009

Promenade en forêt. Dans des buissons, des mûres. Je cueille quelques mûres. Dans ma main, onze mûres.

Je les installe dans ma bouche, de telle façon qu’elles y soient confortables.

Utilisant mon palais et mes dents comme un pressoir, je déchiquète les mûres.

Comme aucune d’entre elles n’a le goût d’une autre, la variété des saveurs est une extase totale.

Je ne connais pas beaucoup de sensations gustatives plus fortes que celle-là, car les variations sont infinies.

C’est pour moi l’atteinte d’un Olympe du goût, plus complexe que le plus complexe des vins.