Nouvel ambassadeur des vins du Jura vendredi, 5 février 2010

La Percée du Vin Jaune est un rendez-vous annuel que j’aime honorer quand je le peux. Au début février, on perce les tonneaux du millésime qui est séparé de sept chiffres, soit 2003 pour le vin qui va naître à cette occasion. Il a passé six ans et trois mois dans des fûts auxquels nul ne touche. Le vin de voile est un des plus originaux qui soient.

Ma femme aime que nous logions au Château de Germigney à Port-Lesney, élégante gentilhommière à la décoration raffinée. Mais devant satisfaire les devoirs de sa charge de grand-mère, elle me laisse aller seul à l’appel du Jura.

En arrivant à l’hôtel ce ne sont que des « bonjour Monsieur Audouze » et de larges sourires qui font que je me sens chez moi. Comme chaque année, je retrouve la même chambre spacieuse où j’ai mes repères. Pour certains vins que j’aime, je ne vois que ce qui est beau. J’ai un peu la même attitude pour cet hôtel au service attentionné. Je mets un costume pour me rendre à une soirée officielle précédant la Percée, car on m’a prévenu que je serai nommé « Ambassadeur des vins du Jura ». Quelle sera la forme de cette soirée, petit comité ou grand-messe, je ne pose aucune question. On m’a donné un plan bien dessiné mais aux noms en caractères microscopiques. Malgré ma demande on ne m’a pas donné d’adresse qui s’inscrirait sur le GPS de ma voiture, aussi trouver le lieu de l’événement ressemble à un jeu de pistes.

Dans un stade multisports couvert, près de 70 tables de dix personnes ont été dressées. La grande majorité des présents sont des vignerons et leur famille. Les officiels sont légion, ce qui fait que si l’on dit « bonjour monsieur le président » à n’importe quelle table, tous les hommes se retournent. Un secrétaire d’Etat est présent, ainsi que des officiels de la région, des communes, des instances professionnelles diverses concernées de près ou de moins par le vin du Jura. A part les tables officielles qui ont du vin gratuit, il faut payer en espèces sonnantes et trébuchantes à un guichet pour obtenir quelques clavelins. Le vin jaune est à 25 €, le crémant, le blanc ou le rouge à 10 € et l’eau à 2 €. Les espèces ont dû sonner et trébucher si l’on se fie à l’expansion des décibels dans la salle.

Une région viticole sans grands maîtres et sans habits d’apparat, ça n’existe pas. Et quand le vin phare de la région est jaune, de quelle couleur sont les habits ? Jaunes. Après force discours et congratulations, vient le moment de l’intronisation. Nous sommes quatre à être promus, le maire de la commune de Poligny, ville qui accueille la Percée, un vigneron du pays parti tenter sa chance dans les vignobles russes, le plus gros producteur de fromages de Comté de la région abondamment titré, et moi. On me fait le plaisir de me laisser dire deux mots pour clamer mon amour des vins de cette belle région.

Pendant ce temps, le repas est une heureuse surprise compte tenu du nombre de couverts servis. Les vins se succèdent à notre table, des crémants, des rouges, des blancs et des jaunes. Un crémant 2004 vieilli sur lattes pendant quatre ans est une heureuse découverte, un blanc « Fleurs » 2008 d’Henri Maire est plus difficile, comme un vin rouge fluet. Le Vin Jaune Sylvie et Luc Boilley 1999 est fort, lourd en alcool, mais incarne le plaisir des vins durs du Jura. L’Arbois jaune Jacques Tissot 2000 est encore un gamin. Le Château Chalon Macle 2002 est bien fait. Il apporte la preuve de ce qui est écrit sur son étiquette « vin de garde » : il eût fallu attendre quelques années avant de l’ouvrir. Comme aucun seau n’a été mis sur table, pour boire le vin que l’on veut vous servir, il faut finir son verre. Et quand on renâcle, un : « allez, ça ne fait pas de mal » vient vous rappeler que l’amour de la région doit se prouver verre en main. Comme sur l’estrade le nouvel ambassadeur que je suis devenu doit boire cul sec son verre de vin jaune, tout cela commence à faire son effet. Je quitte le banquet un peu plus tôt que les autres pour retrouver la froidure d’un ciel étoilé, qui dans cette belle contrée, ne veut pas dire qu’il ne pleuvra pas le lendemain matin.

La Cave de Joséphine, le Vin sous l’Empire à Malmaison mardi, 2 février 2010

Au Château de la Malmaison se tient une exposition « La Cave de Joséphine, le Vin sous l’Empire à Malmaison ». Il y a quelques mois, j’avais prêté quelques bouteilles anciennes que les commissaires de l’exposition étaient venus choisir dans ma cave. Ils souhaitaient que je vienne voir mes bouteilles « en situation ». Lorsque Jean Berchon de Moët & Chandon m’envoie un mail annonçant qu’il organise un cocktail au château puisque sa maison de champagne sponsorise l’exposition, le prétexte est trouvé pour enfin aller voir cette exposition.

Les commissaires et le directeur sont tout sourire puisque l’exposition est un grand succès, au point qu’elle est prolongée de trois semaines, avant de devenir itinérante en plusieurs villes d’Europe. Nous sommes une petite trentaine et nous nous répartissons en deux groupes pour la visite, car les salles sont petites. Faire la visite avec Elizabeth Caude, commissaire de l’exposition, dont l’érudition est remarquable, est un pur bonheur. Tout ce qu’elle raconte, précise ou explique est absolument passionnant.

Je me suis amusé à la regarder décrire objet après objet et j’ai été conquis. Il y a en elle le même comportement que celui du vigneron qui a décidé de vous ouvrir des bouteilles interdites de mémoire, celles dont on ne parle jamais. Le vigneron vous dit : « ah, j’ai peut-être encore une bouteille que mon grand-père avait cachée. Elle est peut-être d’avant le siècle, il faut que je vérifie ». Il sait exactement de quelle année il s’agit, mais il vous lâche l’information comme s’il s’agissait d’un lourd secret. Elizabeth fait de même. Elle donne une indication comme on cède un interdit. Elle a la confidence gourmande. Les livres de cave, les notes de fournisseurs, les choix des verres, les secrets de la table, Elizabeth les distille comme un madré bouilleur de crus. Et l’on se sent dans la confidence.

Durant la visite, je reconnais mes bouteilles, cadavres qui m’aident dans ma cave à perpétuer le souvenir de moments où l’on frôle le divin. Les voir trouver une nouvelle vie dans le regard des visiteurs me procure un grand plaisir.

Mardi est un jour de fermeture aussi sommes-nous privilégiés. Je rencontre des personnes de Moët & Chandon que je connais. Le final de cet épisode est assez attendu puisque c’est du champagne Moët & Chandon en magnum qui est servi dans des flûtes au dessin bien banal en comparaison des merveilles cristallines qui mettaient en valeur les bulles pétillantes de la table de Joséphine.

Il y a dans les musées nationaux un enthousiasme et une richesse culturelle qui sont réjouissants.

Quatre de mes bouteilles dans une vitrine « vins de la Méditerranée et vins étrangers »

Une de mes bouteilles dans une vitrine d’objets insolites avec ce broc d’eau napoléonien !

la percée du vin jaune approche ! mardi, 2 février 2010

La Percée du Vin Jaune approche. Cette fête annuelle qui marque la naissance d’un millésime est un événement populaire à ne pas manquer. Un journaliste de France Culture est en charge d’un sujet sur les vins du Jura et sur la Percée. Quand il m’a contacté, je subissais les rigueurs patagoniennes ou je jouissais des douceurs caraïbes.

Un rendez-vous est pris au bar du Crillon pour une interview qui précède la Percée. Le journaliste a peur des bruits parasites de l’atmosphère d’un bar aussi Philippe, barman efficient, trouve un salon privé où nous pourrons deviser en paix face au micro. Hélas, un rhume rebelle nasalise ma voix. En attendant le journaliste, l’idée me vient que l’interview se passe autour d’un vin de la région. Je demande à David Biraud s’il a quelques vins du Jura. David regarde sur sa liste et me propose un Arbois de 2001. Je lui demande s’il n’a pas autre chose et sa réponse est étrange : « oui, bien sûr, mais vous savez, ce sont des vieux ». Me dire ça à moi ! Il pointe sur la carte des vins un Côtes du Jura blanc Jean Bourdy 1934. C’est évidemment celui-là qu’il me faut.

Olivier le journaliste arrive, le barman lui demande s’il veut boire quelque chose et il répond : « pourquoi pas une coupe de champagne ». Quand je dis : « non », le journaliste me regarde avec un air outré. Comment, est-ce possible ? Suis-je l’impertinent qui l’empêcherait de boire du champagne ? Je m’empresse de lui répondre, pour éviter toute susceptibilité : « non, parce que j’ai mieux ».

Nous nous rendons dans le salon privé et David nous sert le vin, doré comme l’armure d’un soldat grec. Olivier a immédiatement le sourire, puisqu’il adore les vins du Jura. Ce vin est délicieux. Malgré mon rhume je perçois le nez profond, pénétrant et insistant. En bouche, il y a du fumé et des fruits jaunes, mais ce qui frappe, c’est l’épanouissement d’un vin à l’équilibre sans défaut. La longueur est belle sans être immense. Le vin est grand, riche, plein, et fait voyager dans une autre dimension.

Olivier me dit qu’il est très sensible au fait que j’aie apporté un vin de ma cave. Je n’ai pas contredit son affirmation. Est-ce péché, je ne sais. Je ne voulais pas qu’il imagine que je dépense des sommes folles uniquement pour un rendez-vous de presse.

Pour ce vin, je commande des huîtres et un cabillaud à la purée truffée. Olivier n’aime pas les huîtres, ce que je ne savais pas, il mariera le vin à un foie gras. Les petites huîtres sont divines avec le vin, sans toutefois offrir un prolongement déterminant. Mais le plaisir est appréciable, que je doublerai puisque les huîtres de la réserve du chef (il n’y en a pas à la carte) ont été ouvertes pour deux.

J’attendais beaucoup du Côtes du Jura sur la purée truffée, et c’est vrai que l’accord fonctionne, mais c’est sur le cabillaud que l’accord est saisissant. L’iode est capté par le vin de 1934 qui le restitue sur la langue en un coup de fouet magistral. Enfant, j’étais fasciné quand Zorro était capable de zébrer son initiale sur une chemise adverse. Ce Côtes du Jura cingle l’iode avec la même célérité.

Feuilleter les vins du Jura, c’est exactement comme lorsque j’étais enfant déchiffrant le grec, les lourdes pages du gros Bailly, ce dictionnaire dont les élèves n’avaient droit qu’à la version abrégée, me donnaient les réponses aux interrogations linguistiques les plus subtiles. L’odeur du papier porteur de la sagesse hellénique était celle d’une secte. Ce vin du Jura a de ce parfum là.

Olivier est ravi. Nous nous reverrons à la vente aux enchères de la Percée du Vin Jaune. Le 1934 a entretenu la flamme de mon amour pour les vins du Jura.

Chez Yvan Roux, les photos dimanche, 31 janvier 2010

Pata Negra

calamars et seiches

pagre

soufflé et sorbet

Châteauneuf-du-Pape Yves Chastan 1967 (il est difficile de dire si c’est 1967 ou 1957 car le haut du chiffre est presque horizontal et droit au lieu d’être arrondi). On note le beau bouchon qui n’a malgré tout pas gardé tout le liquide.

Châteauneuf-du-Pape Domaine de l’Arnesque, Julien Biscarrat & Fils 1991

Un avion fend le ciel au dessus de la baie et du tombolo de Giens

Yvan Roux, suite ! dimanche, 31 janvier 2010

La couvaison n’aura pas duré bien longtemps. Car dans la chaleur communicative du dîner, nous avions pris rendez-vous pour déjeuner le lendemain chez Yvan Roux. Le soleil est radieux, les couleurs de la mer sur la rade de Giens sont magnifiques. Babette ouvre un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle pour que nous dégustions une chiffonnade de « Pata Negra » absolument délicieuse. C’est vraiment ainsi que ce champagne trouve son sens. Mais malgré tout, le message un peu monolithique peine à maintenir l’attention. Suis-je saturé par ce champagne que je connais par cœur ? Il faudrait sans doute en boire de plus âgés.

Le menu composé par Yvan pour ce jour est ainsi rédigé : fricassée de seiches et de calamars / tombée de pousses d’épinards aux petites crevettes décortiquées, à l’échalote et ail confit, et le pavé de pagre à l’unilatérale / soufflé à la vanille de Madagascar et sorbet framboise. Comme hier les cuissons sont spectaculaires, les goûts sont d’une rare finesse dans leur simplicité.

J’ai apporté deux vins qui sont des achats de hasard. Le Châteauneuf-du-Pape Yves Chastan 1967 a perdu de son niveau dans la bouteille, fort teintée d’une lie collante. Ouvert au dernier moment le vin est d’une acidité marquée qui disparaît très vite. Je m’habitue à ce vin qui n’est pas déplaisant, mais je sens que mes amis accrochent moins à son goût de vin ancien. J’ouvre donc un Châteauneuf-du-Pape Domaine de l’Arnesque, Julien Biscarrat & Fils 1991. Effectivement on se raccroche aux saveurs infiniment plus amènes d’un Châteauneuf-du-Pape de 14° tout de même.

La chair du pagre est très prononcée. J’avais peur que les épinards ne luttent contre les rouges, mais en fait, traités en douceur, ils jouent de velours avec eux. La mission que je m’étais fixée est accomplie : le retour en France, dans notre douce France, par un soleil de rêve, est définitivement réussi.

des cigalons chez Yvan Roux dimanche, 31 janvier 2010

Pour un vrai retour en France, il nous fallait un détour dans notre maison du sud. Yvan Roux m’annonce qu’il a des cigalons, qui sont aujourd’hui les mets que je recherche le plus. Nous appelons des amis. Je cherche en cave des vins que j’ai envie de boire. Laissons-nous aller.

Les amis arrivent à la maison. Des petits toasts au foie gras attendent un champagne. J’ai ouvert un Champagne Salon 1983, année difficile pour Salon. Je ne l’ai pas bue depuis plusieurs années. Comment a-t-elle évolué ? Le bouchon est impeccable, souple et puissant, ce qui me fait plaisir. Si l’on a pris le soin de prendre de bons lièges, c’est un signe positif. La bulle est très active, la couleur est d’un or sympathique. Tout s’annonce bien. Dès la première gorgée, on sent que l’on a affaire à un champagne atypique. Le caractère vineux est dominant. L’âge est sensible, et l’on comprend pourquoi ce vin a pu être jugé faible, car il y a un petit creux dans la densité. Mais la compensation existe largement quand l’on écoute le discours fumé d’un champagne vineux, fort, puissant et d’une longueur appréciable.

Nous allons chez Yvan Roux, et dans la cuisine, les fruits de la mer attendent notre gourmandise. Dans une assiette, trois éléments : une friture de petits souclets, des alevins de seiches sans os et des petits crabes de posidonies frits. Tout cela se croque avec bonheur sur un Meursault Clos de la Barre Domaine Comtes Lafon 2000. Le vin est très attendu. C’est-à-dire que la richesse onctueuse d’un vin polymorphe est exactement ce que j’espérais. Mais ce qui frappe, avec une évidence marquée, c’est la longueur du vin. Quand il pianote en début de bouche, on sent ce qu’il veut dire. Et dès qu’il prolonge les aiguilles du temps, on sent qu’il en dit un peu plus. C’est un grand vin.

Le point d’orgue de notre dîner, ce sont les cigalons qu’Yvan a mariés à de l’ail confit. Sur ce plat, deux vins rouges : un Clos de la Roche Armand Rousseau 2002 et un Clos de la Roche Dujac 2002. L’idée de mettre côte à côte ces deux vins m’est apparue ludique. Les cigalons sont transcendantaux. Parmi tous les goûts que je côtoie, le plus fort, le plus excitant aujourd’hui, car nul ne sait de quoi demain sera fait, c’est celui des cigalons. Et, si j’osais le dire, ce sont les cigalons cuits par Yvan.

Rien n’est plus dissemblable que le goût de ces deux Clos de la Roche. Il y a dans le Dujac un côté séducteur, charmant, puissant, flatteur, qui peut convaincre. Et ma voisine et amie est séduite. Mais le Rousseau résume complètement l’identité pure de la Bourgogne. Le charme moderne est chez Dujac. L’authenticité profonde est chez Rousseau. Les deux vins sont grands, mais mon cœur balance vers Rousseau. Les deux vins sont en symbiose avec les cigalons. Je vis un moment grandiose.

Yvan nous sert un carpaccio de pageot à l’huile d’olive et suprêmes de pomelos. La chair du pageot est sublime. Les rouges s’en accommodent bien, du moins ce qu’il en reste, si l’on oublie les pomelos pour n’en conserver que leur trace suggestive. Pour le soufflé à la vanille de Madagascar, mon ami commande un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle. Le soufflé est expressif et aérien. Le Laurent Perrier se place dans son sillage. S’il n’y a pas la complexité du Salon, il y a un plaisir de vivre qui se communique.

Lorsque nos amis nous quittent, je pense à ce dîner. Il y a eu exactement ce que je recherche. A tout moment, il n’y a eu que le goût pur. Pas la moindre fioriture. Le goût pour le goût, avec des cuissons d’une justesse extrême. Je touche à ce que j’aime. Et les vins que j’ai mis à leur contact répondent présents. C’est un plaisir ultime que je veux couver pour longtemps.

dîner chez Yvan Roux photos samedi, 30 janvier 2010

Champagne Salon 1983

Un bouchon splendide

Souclets, petits crabes et alevins de seiches

Meursault Clos de la Barre Domaine Comtes Lafon 2000

Clos de la Roche Domaine Dujac 2002

Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 2002

Petites crevettes roses

Les cigalons, objet de ma convoitise

Carpaccio de pageot

Trois vins que j’apprécie

Soufflé à la vanille

Les bouchons des deux Clos de la Roche

Un hippocampe dans les filets, c’est un porte-bonheur

déjeuner d’amis au restaurant Taillevent mercredi, 27 janvier 2010

J’aime l’impromptu. Un SMS tombe sur mon portable peu après mon retour : « demain, déjeuner, Taillevent, ça te va ? ». Jean-Philippe veut que je lui raconte le récent voyage. Je demande à ma femme si elle veut être de la partie, mais elle s’est engagée vis-à-vis de notre fille. Nous nous retrouvons à deux au restaurant Taillevent. Nous sommes accueillis par un Champagne Jacquesson Sillery Grand Cru 1996. Ce champagne est un 100% pinot noir dégorgé en 2004. A l’aveugle, il ne m’évoque aucun champagne, car il se trouve que j’ai très peu acheté de vins de cette maison. Mais ce que je reconnais volontiers, c’est que le champagne est plaisant. Il est à peine dosé, à 3,5 grammes et a une belle amertume, signe de personnalité. Les affectueuses gougères, sésame de cet endroit, me font de l’œil avec insistance, ce qui permettra à Jean-Marie Ancher de faire de l’humour sur un mode gentil, quand plus tard, il fera habiller une profiterole à la façon d’une gougère.

Nous discutons avec Jean-Philippe du choix des vins et plusieurs pistes sont possibles. Je laisse mon ami proposer les solutions que nous adoptons.

Le premier vin est un Bienvenues Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1989. Après une abstinence vineuse de plus de 25 jours, ce vin fait briller mes yeux. Il y a une complexité, un épanouissement qui sont exemplaires. Le vin est juteux, gras, expressif. C’est du bonheur en bouche. La mise en bouche est succulente, mais nous parlons tant que j’oublie ce qu’elle est. Le consommé de bœuf, moelle et châtaignes est agrémenté d’une belle tranche de truffe noire qui fait vibrer le Bienvenues avec une efficacité remarquable. Lorsque vient la deuxième entrée, Frégola artisanale de Sardaigne cuisiné au homard et aux coquillages, l’accord est tout aussi plaisant, mais j’ai l’envie d’essayer le rouge. Il s’agit d’un Musigny Jacques-Frédéric Mugnier 1999. Le plat rétrécit un peu le vin, c’est évident, mais l’accord ne me déplait pas, iode et vin rouge trouvant en moi un écho particulier.

En fait, le territoire du Musigny, c’est le carré d’agneau des Pyrénées en croûte d’herbes, jus à la sarriette, absolument délicieux. Le vin est très intéressant, atypique car il fait explorer des gammes de goûts qui ne jouent pas sur la séduction, et c’est ce que j’aime dans les bourgognes. Ce vin va encore s’étoffer, prendre de l’ampleur. Mais avec ses dix ans bien sonnés, il commence à parler et raconter des histoires d’un grand Musigny, de belle précision et de belle longueur. J’adore ce vin qui n’a pas le charme direct du Bienvenues, mais une subtilité et une affirmation dans un registre étrange qui s’affinera avec le temps.

C’est amusant d’ailleurs de constater que le Bienvenues est dans un registre complètement connu, exécuté de façon remarquable, alors que le Musigny joue sur la surprise et l’exploration de sentiers non battus. Cette opposition de styles est un bonheur.

Après tant de jours sans vin, j’ai senti leur pesanteur pendant plusieurs heures. Mais le retour au raffinement de la cuisine française, avec la délicatesse d’une grande maison, c’est exactement ce qu’il me fallait, quand en plus, c’est avec un ami.

déjeuner d’amis au restaurant Taillevent photos mercredi, 27 janvier 2010

Champagne Jacquesson Sillery 1996

Bienvenues Bâtard Montrachet domaine Laflaive 1989

Musigny Jacques Frédéric Mugnier 1999

amuse-bouche

Consommé de bœuf, moelle et châtaignes (l’aileron de requin qui flotte dans le consommé est une généreuse tranche de truffe noire)

Frégola artisanale de Sardaigne cuisiné au homard et aux coquillages

Carré d’agneau des Pyrénées en croûte d’herbes, jus à la sarriette

Je me suis fait une farce sur les gougères (eh oui, excusez cette contrepèterie) en début de repas, aussi Jean-Marie Ancher m’a fait cette petite frace d’une profiterole façon gougère. Il a même tenu à immortaliser ma béatitude

Chèvre frais, tapenade et mesclun

Déclinaison de fruits exotiques

Gourmandise de chocolat Nyangbo

vacances en Amérique mardi, 26 janvier 2010

Il est conseillé de lire dans l’ordre inverse de succession des messages, pour respecter l’ordre chronologique.

 

Ce compte-rendu de voyage a été rédigé pour garder la mémoire des événements qui nous ont marqués. Il n’a normalement pas sa place sur le blog, puisqu’on n’y parlera pas de vin. Il ne sera pas inclus dans les bulletins.