RESTAURANT APICIUS mercredi, 17 février 2010

Périodiquement, un déjeuner réunit ma sœur, mon frère et moi. Il n’existe aucun autre cercle où nous nous connaîtrions depuis si longtemps.

C’est à mon tour d’inviter et mon choix s’est porté sur le restaurant Apicius où la cuisine de Jean-Pierre Vigato s’exprime dans l’écrin le plus élégant de la capitale. Les couleurs, les tons, les éclairages, les objets, tout est ravissant.

Jean-Pierre Vigato selon une tradition dont je ne suis pas nécessairement adepte vient proposer des plats hors carte, où la truffe abonde. Nos choix sont parfois différents. L’œuf à la truffe est délicieux, car la truffe embaume, et l’agneau, dans sa simplicité est une merveille.

Ai-je le palais moins amène, je ne sais, mais le Champagne Henriot 1996 que j’adore me parle moins aujourd’hui. C’est un solide champagne à l’orthodoxie rassurante, mais comme dirait Audiard, « y cause pas ». Et ce doit être moi qui suis aujourd’hui embrumé car le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 2003, petite merveille de joie de vivre, me semble scolairement parfait, mais sans vibrato. Mettons cela sur le temps ou mon humeur, car ces deux vins valent plus que ce que j’en ai perçu.

Déjeuner au restaurant Apicius est un ravissement.

Krug et Enfant Jésus au restaurant Laurent jeudi, 11 février 2010

Quand des événements s’enchaînent comme si un ange gardien s’amusait à les entremêler, j’en goûte le sel comme celui d’une impérieuse intrigue. Un couple de japonais s’est inscrit à de multiples reprises à mes dîners. L’amitié s’est construite au fil des repas, et l’idée d’un voyage au Japon a germé. Pour en parler, il faut un déjeuner. J’ai réservé une table au restaurant Laurent, et nos deux couples vont s’y retrouver.

Le matin, un ami journaliste du vin m’appelle au sujet d’un film qu’il réalise sur un prestigieux domaine de vin. Ce film est coproduit par une chaîne de télévision japonaise. L’ami me dit : « j’aimerais bien qu’en début de film on vous voie déguster l’un des vins du domaine. Avez-vous un ami japonais avec qui partager ce vin rare ? ». Alors qu’il s’attend à une hésitation de ma part, je lui réponds : « je déjeune avec lui ce midi ».Au restaurant Laurent, tout est fait pour nous plaire. Dans le hall d’entrée et d’accueil, nous commençons par un Champagne Krug 1988. C’est un champagne que j’ai bu de nombreuses fois. Est-ce l’atmosphère, je ne sais, mais il me semble le plus abouti, le plus conquérant de tous ceux que j’ai bus. Après les champagnes de la veille avec mes conscrits, le saut gustatif est invraisemblable. Il y a les honnêtes champagnes, les grands champagnes, et puis, loin dans le ciel de la hiérarchie, il y a Krug 1988. Ce champagne est aujourd’hui au sommet de son art, bulldozer gustatif qui pousse les papilles dans leur dernier retranchement. La longueur est infinie, et l’impression de richesse impressionnerait les traders les plus aventureux.

Sur les petits sticks au saumon, le champagne frétille. Sur l’entrée que nous avons choisie, il crée une passerelle extraordinaire. Le foie gras de canard poêlé, crème de lentilles fumées au lard est exceptionnel de précision. Et le Krug s’appuie sur le gras de la lentille pour résonner avec la légèreté du foie. C’est délicieux.

Pour la caille préparée façon « bécassine » et les macaronis gratinés, j’ai commandé un Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 2005. J’ai exploré ce vin sur un siècle et demi, et je suis sensible à son originalité. J’ai pleine conscience que c’est un crime de le boire aussi jeune, tant il est sûr qu’il progressera, mais 2005 est une année tellement exceptionnelle que le plaisir doit être au rendez-vous. Il l’est, et bien au-delà de ce que je pouvais imaginer. Ce vin chante la joie. Il y a du bois, qui s’exprime avec talent, un gouleyant de première grandeur, une générosité qui dépasse les canons de la Bourgogne, et au bout du compte, ce vin s’épanouit en bouche, la remplit de joie, et l’on tombe sous le charme d’un vin parfaitement réussi. On est largement au dessus de mes attentes, et avec l’ami japonais, nous ne cessons de nous lancer des œillades de ceux qui savent qu’ils tutoient le divin. Car ce Jésus-là marie toutes les religions. Il nous faut un saint-nectaire pour finir le vin que seuls les hommes boivent, nos femmes ayant été soumises à la burqa œnologique.

Il est évident que le restaurant Laurent mérite de retrouver sa deuxième étoile. Cela ne peut tarder.

Les légumes en entrée évoquent la très jolie couverture du livre sur le restaurant Laurent

Les cailles

déjeuner de conscrits au siège du Yacht club de France mercredi, 10 février 2010

Encore un déjeuner de conscrits, au siège du Yacht club de France. Un champagne sans âme et un autre, un Champagne Louis Roederer, qui pétille de plus d’esprit. La salle est belle, la forme de la table est parfaite pour neuf conscrits. La discussion intellectualise notre structuration. Même si c’est remarquablement orchestré, cette réflexion sur ce qui devrait être spontané m’ennuie. Le chef est plus inspiré sur un magnifique charolais que sur un homard un peu fade. Le Château Talbot 1998 est encore coincé, mais je décèle des potentialités à long terme qui font un vin de garde. Le Château Beychevelle 1998 est beaucoup plus amène, plaisant et rassurant. A terme, quel sera le plus beau ? Je ne serais pas loin de parier sur le Talbot, même si autour de la table, le Beychevelle recueille les suffrages. La neige aux lourds flocons qui fond doucement sur Paris donne à la belle salle du Yacht Club un petit air de Noël. Nous avons vite pris date pour être à nouveau ensemble.

Percée du vin Jaune, la vente aux enchères samedi, 6 février 2010

Les vins qui attendent les enchérisseurs

La bouteille qui est à droite et pourrait fermer le carré est la plus vieille : 1868. Malgré mon enchère, la plus haute, le vin n’a pas été vendu du fait d’un prix de réserve que personne n’a atteint.

La vente aura un côté très théâtral. Bernard Pujol, responsable de la vente, révise ses dossiers avant l’arrivée du commissaire priseur.

la salle, encore vide, sera noire de monde dans quelques minutes, avec un flot incessant de curieux.

Percée du Vin Jaune le concours de cuisine samedi, 6 février 2010

Sous la pluie, sous un chapiteau, les candidats se préparent à entrer en scène : deux heures pour préparer les plats.

L’élève au premier plan sera le vainqueur

En plein travail

les amuse-bouche du premier candidat : on voit qu’il y a déjà de la maîtrise

Ames sensible faites attention : voici ce que j’ai dû absorber pour juger (il n’y a en photos que six des sept vol-au-vent

Pour faire passer tout cela : Vin jaune de l’Etoile Montbourgeau 2002 et Chateau Chalon Macle 2002

Je n’ai pas osé photographier la charcuterie et la tarte au sucre qui ont ajouté au poids de cet exercice.

Percée du vin jaune, cuisine et enchères samedi, 6 février 2010

Je me réveille aux aurores car j’ai accepté d’être membre d’honneur du jury du concours des jeunes élèves d’écoles de cuisine. Ils doivent réaliser trois amuse-bouche, jugés par un jury et un vol au vent qui sera jugé par mon jury. Les élèves disposent de deux heures pour faire les plats. Ils ont apporté les ingrédients et tout leur matériel. Des fabricants sponsors ont équipé le lieu d’un luxe d’équipements qui ferait pâlir d’envie beaucoup de chefs couronnés. C’est impressionnant de voir ces jeunes gens sous la pression du concours organiser le temps et l’espace pour leurs créations.

Je suis assis à côté de chefs chenus et le juge que je suis, quand il rend ses copies, n’est pas le même que celui qui a accepté cette lourde fonction. Car entre-temps, j’ai ingurgité sept vol-au-vent ! Même si je n’ai pas tout mangé, je ne vole plus au vent, je suis plombé sur ma chaise. Et voici qu’on nous apporte un mâchon, avec force cochonnailles. La nausée n’est pas loin. Même les vins jaunes et Château Chalon que l’on nous verse généreusement n’apaisent pas cette sensation de lourdeur. Un Vin de l’Etoile jaune domaine Montbourgeau 2002 combine puissance précision et charme. Un nouveau Château Chalon Macle 2002 est le bienvenu pour équilibrer le poids des victuailles. Sur sept plats conçus par les candidats, un est brillant, deux très convenables et quatre ne respectent pas le goût traditionnel, avec une faiblesse certaine dans l’interprétation. J’ai été impressionné par le sérieux et l’engagement de ces jeunes futurs chefs ou commis. En les regardant opérer, je cherchais s’il y a une graine de grand chef. Le plus consciencieux, appliqué et concentré comme un sportif a gagné.

Dans la froidure je me rends à la salle où va se dérouler la vente aux enchères traditionnelle de vins du Jura. Le bâtiment est une ancienne église du 17ème siècle, désaffectée à la Révolution, transformée en théâtre sous l’Empire, et devenue cinéma à l’initiative d’un locataire du lieu qui a tout d’un gardien de musée. Le décor de théâtre est délicieusement anachronique. Mais le lieu est dix fois trop petit, car une foule immense traverse l’endroit par curiosité, pour voir à quoi ressemble une vente aux enchères. Un tel brouhaha me pousse à aller me promener au début de la séance, pendant que l’on vend les millésimes les plus jeunes. Dans les rues, une foule immense et très jeune avance aux sons d’orchestres de rue, de fanfares colorées, ou de la sono puissante qui couvre toute la ville. L’atmosphère de liesse populaire est absolument unique. Elle explique en partie mon attachement à cette manifestation spontanément chaleureuse.

Lorsque je reviens dans la salle de vente, le ballet des entrants et sortants est toujours important. Je peux quand même enchérir sur quelques lots, dont des vins de l’Etoile que j’apprécie particulièrement. A la fin de la vente, l’organisateur a prévu de la charcuterie et nous buvons quelques invendus, un blanc de 1987, un jaune de 1966, un jaune de 1959 et un autre vin de mélange de 1982. Rien parmi ces vins n’est franchement convaincant. C’est surtout l’ambiance d’après match où l’on commente la vente qui est à retenir.

Je retourne à ma voiture dans le froid, que le corps n’apprécie pas trop quand il porte encore les souvenirs des vol-au-vent. Aussi est-ce sur un dîner fort léger et à l’eau à mon hôtel que s’est terminée cette journée animée de la Percée du Vin Jaune. La quatorzième Percée est une belle fête populaire, marquée encore, du fait de sa jeune existence, par la fraîcheur et la spontanéité.

devinette vendredi, 5 février 2010

Sur cette photo, un panier percé et le symbole de la Percée du Vin Jaune

 

 

Il ne manque que Château Pavie. Pourquoi ?

 

Réponse en lisant la suite

 

 

 

…Parce que le Château Pavie appartient à Gérard Perse.