Académie des Vins anciens 30 janvier 2009 – les vins 2 vendredi, 30 janvier 2009

Vouvray Clovis Lefèvre 1959

Chateauneuf-du-Pape Domaine de Montredon 1957

Rioja Federico Paternina Reserva 1928

Bonnes-Mares Chanson Père & Fils 1955

Champagne Delamotte 1990

Porto Galo Réserve Spéciale sans année

Chateau Pajot, enclave du Chateau d’Yquem, Haut-Sauternes 1923

Chateau Beychevelle 1957

Santenay Remoissenet Père & Fils 1947

Tokay (Pinot Gris) Vendanges Tardives, Hugel, réserve personnelle de Jean Hugel 1971

Champagne Fred. Leroux à Chigny brut 1964

Puligny-Montrachet Pierre Ponnelle 1957

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Chateau Lynch-Bages 1962 (niveau bas)

académie des vins anciens 30 janvier 2009 – les vins 3 vendredi, 30 janvier 2009

Chateau Suduiraut 1947

Champagne Besserat de Bellefon brut sans année (quatre bouteilles pour l’apéritif)

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1964

Chateau Haut-Bergeron Sauternes 1978

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1979

Chateau Léoville-Poyferré Saint-Julien 1943 mis en bouteille par Godfroid distillateur à Verviers

Très belle étiquette et beau blason

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1970 (deux 1/2 bt)

Château Pape Clément 1970

Rioja Siglo 1970

Rioja Siglo 1959

Rioja Reserva Especial Martinez Lacuesta 1970 (en bouteille)

Champagne Pommery brut royal, vers années 80

Charmes-Chambertin J. Mommessin 1946

la belle capsule de ce Mommessin 1946 :

Gevrey Chambertin Poulet Père & Fils 1964

Chateau Carbonnieux blanc 1962

Chateau Picon Longueville Comtesse de Lalande 1953

Académie des Vins anciens – 9ème séance – les règles vendredi, 30 janvier 2009

Académie des Vins anciens – 9ème séance du 30 janvier 2009

Informations sur la 9ème séance de l’académie des vins anciens du 30 janvier 2009 :

Lieu de la réunion : restaurant Macéo  15 r Petits Champs 75001 PARIS  01 42 97 53 85

Date de la réunion : c’est le 30 janvier à  19 heures, heure absolument impérative.

Coût de la participation : 120 € pour un académicien qui vient avec une bouteille ancienne. 240 € pour les académiciens sans bouteille. Chèque à adresser dès maintenant à l’ordre de "François Audouze AVA" à l’adresse suivante : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec.

Inscription : par mail à François Audouze

Proposition de vins anciens : indiquer toutes informations sur l’état et le niveau. Toute bouteille proposée doit être agréée par François Audouze

Dates limites : comme nous sommes proches de la date de réunion : livrer les bouteilles au plus vite. Envoyer votre chèque avant le 20 janvier, date vraiment limite.

Nota : les chèques reçus avant la séance ne sont pas remis en banque avant la séance. Il n’y a donc aucun avantage à retarder l’envoi.

Livraison des bouteilles :

Si vous déposez les bouteilles, faites le au bureau de la maison de champagne Henriot 5 rue la Boétie 75008 PARIS – tél : 01.47.42.18.06. C’est au deuxième étage. Indiquez bien votre nom sur votre paquet, mais surtout, n’écrivez rien sur les bouteilles et ne collez rien sur les bouteilles.

Si vous expédiez les bouteilles, faites le à l’adresse de mon bureau : François Audouze société ACIPAR, 18 rue de Paris, 93130 Noisy-le-Sec, et je les garderai dans ma cave. Bien indiquer ACIPAR sur l’adresse de livraison

Informations complémentaires :

Vous pouvez vous informer sur les précédentes réunions en regardant sur le blog, dans la catégorie « académie des vins anciens ».

déjeuner de conscrits au Yacht Club de France mercredi, 28 janvier 2009

Notre déjeuner de conscrits se tient au Yacht Club de France. Nous avons le privilège d’être reçus dans la belle salle riche de coupes, trophées en argent et maquettes de bateaux de membres de ce club prestigieux.

Le maître d’hôtel particulièrement attentionné a élaboré un beau menu : grosses gambas en nem, tartare de saumon et Saint-Jacques / tournedos de filet de veau, petits légumes et purée maison truffée / fromages affinés Alléosse / Paris-brest préparé devant nous. C’est charmant et délicat.

Le champagne Haton m’est inconnu. Il plait à mes amis, mais même s’il est acceptable, je le trouve assez limité. Sa bulle est fine, il se boit gentiment. Le Chablis Brocard 2007 est trop vert pour moi aussi est-il délaissé. En revanche, le Château Rausan-Gassies 1998 est un vin chaleureux qui me plait énormément Alors que la veille à peine, j’avais goûté Château Margaux, ce margaux a pleinement sa place, avec joie entrain, et un beau charme.

Le Paris-brest préparé devant nous par le maître d’hôtel ajoute encore à notre plaisir.

Dans cette belle salle aux volumes généreux, l’amitié s’exprime encore mieux.

En dégustation à l’aveugle, j’ai encore du travail à faire lundi, 26 janvier 2009

Après avoir déjeuné au George V et passé l’après-midi au bureau, je rentre à la maison pour dîner.

Sur la table, une bouteille de forme bourguignonne recouverte d’une feuille d’aluminium.

Ma femme me dit : « goûte ça ».

Je verse dans un verre à vin qu’elle m’a préparé.

A la maison, nous ne buvons jamais de vin quand nous sommes ensemble, aussi suis-je intrigué. S’agit-il d’un jus de fruit qu’elle aurait fait et mis dans une bouteille vide ? S’agit-il de quelqu’un qui serait venu à la maison avec une bouteille ? Mais pourquoi serait-elle ouverte ?

Je ne cherche pas plus la raison de tout cela, et je prends le verre.

La couleur est celle d’un vin, donc si c’est un jus de fruit, c’est mûre ou cassis.

Je sens, et, sans aucun doute, c’est du vin.

Je reviens à la couleur, et c’est la couleur d’un vin récent relativement peu fruité. Il n’y a ni noir ni rouge vif.

Je goûte. C’est assez limité, mais ce n’est pas mauvais, car je ne sens aucun excès.

Ma femme me demande : « est-ce que c’est bon ? ». Je dis que ce n’est pas si mauvais que ça, même s’il n’y a pas un grand fond. Et j’essaie de situer. Je suis évidemment influencé par la forme de la bouteille, et je risque : centre de la France, plutôt vers Beaujolais ou centre Nord.

Ma femme me dit : « est-ce que c’est français ». Je réponds que oui en toute vraisemblance.

Le suspense s’arrête quand ma femme enlève le papier d’aluminium.

C’est : « cuvée du Patron », vin de pays de Méditerranée, produit de France.

Le bouchon en matériau synthétique indique : « mis en bouteille dans nos chais ».

La contre-étiquette dit : « Cuvée du Patron, vin de pays de Méditerranée, vin rouge. Tout le soleil de la Méditerranée et la générosité du terroir de la Vallée du Rhône sont réunis dans cette cuvée ». Le vin fait 13° et contient des sulfites.

C’est donc, à mon sens, un mélange de vin d’Algérie et de vin du Rhône, non identifié. En fait non, c’est un vin français, car l’appellation vin de pays de Méditerranée veut dire vin français.

L’étiquette du prix est toujours là : 2,90 €.

J’ai trouvé que ce vin est plutôt meilleur que des vins mauvais de certaines régions. Je n’ai pas fini mon verre car il n’y a pas de raison de se faire mal, mais ce n’est pas si stupide.

Là où je me suis trompé, sans le dire, c’est que j’imaginais, du fait de la platitude du vin, qu’il s’agissait d’un vin de plus de dix ans. Erreur.

Je n’ai pas trouvé le vin, car on n’est pas franchement dans mes repères. Mais cette cuvée du Patron n’est pas si stupide que ça, parce qu’elle ne cherche pas à prouver quelque chose. Il y a des vins de cantine ou de buffet qui sont atroces à côté de celui-là.

Alors, pourquoi ce vin ? Ma femme prépare des joues de bœuf aux carottes confites.

déjeuner au Cinq du George V lundi, 26 janvier 2009

De temps à autre, avec Nicolas de Rabaudy, écrivain du vin et de la gastronomie, nous aimons faire un petit « gossip ». J’utilise ce mot anglais, car « papotage » aurait un caractère futile que « gossip » n’a pas, dans mon acception personnelle, peut-être erronée. Le rendez-vous est pris au restaurant Le Cinq du George V. Aucun des deux Eric B. n’est là, ni Briffard ni Beaumard, ce que je regrette. Etant en avance selon la coutume, j’ai le temps de consulter la carte des vins. Eric Beaumard est certainement l’un des plus grands sommeliers que je connaisse, mais la tarification pour certains vins bien précis s’apparente au grand banditisme. Quand pour un vin de vingt ans tout juste on dépasse de cinq mille euros le prix que je pourrais payer, je ne vois aucune justification possible. Un restaurant de ce prestige et de cette renommée a une force d’achat que je n’ai pas. Cette force doit être au service du consommateur et non pas le prétexte à un coup de fusil éphémère, ciblé sur la clientèle d’un pays producteur de gaz. Comme Eric Beaumard est habile, il y a quelques pépites ou quelques douleurs que l’on trouve supportables tant les autres excès effraient. Il convient de dire que le George V n’est pas le seul, mais sur certains vins, je crois qu’il l’est. Quand un vin est près de cinq fois plus cher qu’au Crillon, peut-on invoquer la faute de frappe ou l’erreur, quand on sait que le Crillon n’est pas lui-même l’exemple de la modération ? La crise du prix des vins va forcer à des révisions. Les premiers à réagir en tireront les dividendes.

Avant l’arrivée de Nicolas, je commande un Hermitage rouge Chave 2003, car j’aime ce vin. Il est déjà ouvert et carafé quand Nicolas arrive avec un Pommard Grands Epenots Ferrot-Gellard 2002. Abondance de biens peut être nuisible à notre santé aussi, très Frenchie, j’offrirai un verre de chaque vin à une jeune japonaise qui déjeune seule à une table voisine. Elle fera force courbettes pour remercier le généreux donateur, incapable de faire beaucoup plus car elle ne parle ni français ni anglais.

Dans cette salle que je m’obstine à trouver belle alors que ma femme ne partage pas mon avis, nous prenons le menu du jour dont le tarif est particulièrement doux. Il faudrait prendre 76 repas à ce tarif pour égaler le prix d’un Haut-Brion 1989. C’est tout dire, et cela montre la folie de la tarification des vins.

Les amuse-bouche sont sympathiques et discrets. Le risotto crémeux aux asperges vertes, fritons de ris de veau au citron est confortable pour le vin de Pommard, mais il est un peu salé. Le Pommard m’étonne par la joliesse de sa composition. Frais, précis, il plait en bouche sur l’instant, mais un certain manque de structure le prive d’un final qu’il pourrait avoir.

La blanquette de veau au vin jaune, légumes racines aux chanterelles est un plat de première grandeur. Toute l’émotion qui manquait au risotto se trouve, multipliée par dix, dans cette divine blanquette. Il suffit d’un tel plat pour justifier tout le reste. Les légumes sont cuits comme on le montrerait en école de cuisine. L’Hermitage de Chave, quand on le boit et déjà quand on le sent, donne un sentiment de péché. On se sent coupable de défloraison. Riche, charnu, juteux en bouche, il évoque mille et un goûts. On cherche, on s’interroge, mais savez-vous à quoi ce vin me fait penser ? A du vin. Car pourquoi aller chercher des fruits et des fleurs pour imager ce qui est du vin pur, riche, heureux. Ce vin est du vin, solide, serein, charnu, plein de belles promesses.

Un Comté de trente mois me conforte dans mon sentiment qu’un Comté est à son apogée à dix-huit mois, car plus âgé, il tend à ressembler à un Salers. Les délicieuses mignardises sont un allié objectif des salles de sport et autres Pilates.

Dans une salle plus qu’à moitié vide, mais c’est un lundi, le service attentionné est efficace. La blanquette vaut à elle seule le voyage. Ce fut un beau déjeuner.

111ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen jeudi, 22 janvier 2009

Le 111ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. A 17 heures, moment choisi pour l’ouverture des vins, la belle salle du premier étage est encore sens dessus dessous, car le restaurant venait d’accueillir le déjeuner du Club des Cent dont l’un des membres allait faire des heures supplémentaires en assistant à nôtre dîner. Géraud Tournier, le sympathique et compétent sommelier est très intéressé d’observer les vins que j’ouvre. L’odeur du Brane Cantenac 1921 est très particulière. C’est un coulis de framboise intense qui frappe nos narines. Quel sera le futur de ce vin ? Nous verrons. J’ai rajouté deux vins au programme annoncé dont un Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956 dont le niveau est bas. Géraud et moi avons la même analyse : ce vin sent la betterave, sans l’ombre d’une hésitation. On pourrait douter de l’avenir du vin trop marqué par cette odeur handicapante, mais le pire n’est jamais sûr. Je suis plus inquiet du Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945, car on est dans un registre aqueux, tendance serpillère. Le Château La Gaffelière Naudes 1959, le Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 et le Chateauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949 ont des parfums puissants, signes de solidité prometteuse.

Les convives sont d’une ponctualité militaire, ce qui est particulièrement agréable. Je retrouve un jeune participant d’un récent dîner, deux de mes plus fidèles partenaires des dîners et des « casual Friday », accompagnés de quelques amis, un ami américain, ancien fournisseur de ma dernière entreprise et amateur de vins et le membre du club des Cent, propriétaire du plus ancien domaine d’Armagnac, qui récidive dans ce restaurant.

Le menu créé par Christian Le Squer comporte des plats traditionnels et quelques audaces qu’il me fait plaisir de partager avec mes amis amateurs de bonne chère : Huîtres en tartare et chantilly / Noix de St Jacques "acidulées à cru façon crispy" / Homard rafraîchi à la pistache / Gratinée de sole côtière aux noix et amandes fraîches / Canard sauvage: suprêmes aux mûres / Toasts brûlés d’Anguille, réduction de jus de raisin / Stilton / Ananas Victoria et mangue rôtie.

Nous sommes servis des huîtres extrêmement goûteuses, et lorsque nous buvons le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1988, nous ne buvons pas du champagne, nous buvons de l’huître. L’osmose est en effet extraordinaire. Une première huître avec une sauce épicée se marie moins bien que l’huître pure et l’huître avec sa chantilly particulièrement dans la ligne du champagne, gracile, souple, accompagnateur mimétique de l’huître.

Dès la première gorgée, on sent que le Champagne Krug 1988 est d’une puissance gigantesque par rapport au précédent champagne. Certains convives préfèreront la subtilité du Dom Pérignon. J’approuve la virilité affirmée du Krug même si le vin écrase un peu le plat qui se tasse un peu sur lui-même, car le crispy entrave l’expression délicatement acidulée de la coquille crue.

Lorsque j’ai ajouté au programme le Château Haut-Brion rouge 1974, ma première intention était de le mettre avec les autres bordeaux rouges. Le plat qui suit étant le homard, la tentation était grande de faire un essai osé : associer sur le plat les deux Haut-Brion, le rouge et le blanc. Nous commençons par le Château Haut-Brion blanc 1966, à la belle couleur ne montrant aucun signe d’âge. Le nez est puissant et affirmé. Le goût de ce vin est grandiose. Il a la maturité et l’accomplissement d’un grand blanc. C’est un régal. Je suis moins convaincu par le Château Haut-Brion rouge 1974 qui se présente poussiéreux. Un des convives, grand amateur de vins anciens, nous suggérera deux ou trois plats plus tard de goûter à nouveau ce vin. Toute trace de poussière a disparu et l’on retrouve un grand Haut-Brion qui fait mentir son année jugée faible dans les livres. Il eût donc fallu que j’ouvrisse ce vin quelques heures avant mon horaire habituel. Le plat est délicieux et l’usage de la pistache en glace, qui me faisait peur, se révèle particulièrement intelligent.

La sole est un plat raffiné. J’avais demandé que l’on rajoute quelques pignons pour accompagner le plus vieux des deux bordeaux et c’est judicieux. Le Château La Gaffelière Naudes 1959 est merveilleux. Dès que l’on trempe ses lèvres, on est saisi par la perfection sereine de ce bordeaux accompli. Il est rassurant comme un cours de Raymond Barre, du temps où il était le professeur coqueluche de tous les élèves. A côté, le Château Brane-Cantenac 1921 fait « objet vinique non identifié ». Car les évocations de framboise sont indubitablement bourguignonnes, ce que j’avais constaté, mais en moins marqué, avec le Domaine de Chevalier 1928 d’Olivier Bernard. Le vin est bon, déroutant, curieux, et personne ne pourrait dire qu’il s’agit d’un Brane-Cantenac. La perfection de la sole et la perfection du saint-émilion sont un grand moment.

Le canard est doté d’une sauce aux fruits noirs idéale pour tenir le choc de trois bourgognes rouges qui forment une association d’une rareté absolue. A droite, nous avons le Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 d’une belle expression de la grandissime année 1928. Le vin a une légère acidité qui est plus difficile à accepter de la part des amateurs peu familiers des vins anciens, mais sous cette acidité légère se devine un beau message bourguignon de plaisir. Au centre, le Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945 dont l’odeur il y a six heures était incertaine est maintenant en pleine possession de ses moyens. Et le sentiment de perfection que j’éprouvais avec La Gaffelière Naudes se retrouve avec le Volnay. On est dans la belle sérénité bourguignonne et je trouve ce soir à 1945 plus de panache et de vivacité qu’à 1928. La bouteille toute recouverte de poussière durcie était fermée d’une cire marquée « Calvet » et son étiquette de négoce au nom du vin tapée à la machine à écrire à ruban, est d’un modèle de très vieilles étiquettes utilisées depuis un siècle. Sous cet emballage qui ne payait pas de mine se cachait un trésor de vin. A gauche, c’est le vin que j’avais ajouté, le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956. Le nez  a perdu toute incertitude betteravienne. Il est redevenu Romanée Conti. Comme dit l’un de mes complices de table, dès que l’on sent la rose et le sel, on est à la Romanée Conti. Le vin est délicieux, subtil, objectivement un peu en sourdine du fait de son année. Mais ce qui est le plus beau, c’est de passer de l’un à l’autre comme en une machine à remonter le temps. Car les expressions des vins de trois décennies, même lorsqu’elles n’ont pas la perfection du 1945, apportent des éléments enrichissants d’un tableau quasi complet du miracle du vin bourguignon ancien.

Avant l’ouverture du Chateauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949, Géraud m’avait fait part de ses craintes du fait de la puissance du plat d’anguille. Je l’avais rassuré en lui faisant sentir le vin. Il se présente maintenant avec une force tranquille mitterrandienne, une joie de vivre certaine et une apparente facilité de vin du Rhône sous des accents insidieusement bourguignons. Par prudence, je demande aux convives de manger de toutes petites bouchées de l’anguille pour ne pas écraser le vin. Comme pour le choix entre les champagnes, deux camps se forment, celui des opposés à l’accord anguille et Chateauneuf, et ceux qui, comme moi, sont ravis de cette expérience. Je suis heureux qu’elle ait pu être faite, car elle se justifie. L’année 1949 a donné une douceur légèrement sucrée au Chateauneuf que l’on retrouve dans l’anguille dont le rhéostat est tourné vers le maximum de volume. Le Chateauneuf me plaît beaucoup, car il a la certitude des vins sereins.

Je vois les yeux qui s’illuminent lorsque mes amis découvrent le Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928. Jamais ils n’imaginaient qu’un Sainte Croix du Mont puisse atteindre ce niveau de complexité. Le vin est superbe, et bien malin serait celui qui ne dirait pas sauternes en goûtant à l’aveugle ce vin. Le mariage avec le stilton ne pourra pas être cassé à Rome, car il est consommé dans la plus grande jouissance. 

Le Château Sigalas Rabaud 1959 est objectivement un vin de plus grande race que le précédent, car son sucre est plus cohérent. Mais je me garde bien de le dire, car il se trouve que chacun reste sur sa divine découverte des vertus insoupçonnées du Loubens et ignore presque le vin dont le goût est plus attendu. La mangue, comme chaque fois est un beau miroir pour révéler que le sauternes est le plus beau de ses compagnons.

Nous sommes onze à voter pour douze vins. Dix vins sur douze ont eu des votes, ce qui, je le répète souvent, est une grande satisfaction pour moi. Les deux seuls vins sans vote sont pourtant des cadors. Il s’agit du premier vin et du dernier, le Dom Pérignon 1988 et le Sigalas-Rabaud 1959.

Cinq vins ont eu l’honneur d’être cités en première place dans les votes : le Château La Gaffelière Naudes 1959 quatre fois, le Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945 trois fois, le Château Haut-Brion blanc 1966, le Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 ainsi que le Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928 étant nommés premiers une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Château La Gaffelière Naudes 1959, 2 – Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945, 3 – Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928, 4 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956.

Avant de lancer la collecte des votes, j’avais fait une farce bien innocente en indiquant que je suis connu pour avoir le cœur qui penche vers les liquoreux. L’un des convives qui croyait anticiper mon vote en fut tout étonné, car mon choix est : 1 – Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945, 2 – Château La Gaffelière Naudes 1959, 3 – Chateauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949, 4 – Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928.

Le plat le plus réussi est la gratinée de sole, le plat le plus original est l’anguille, suivi de l’intelligence de l’usage de la pistache sur le homard. Le plus bel accord est celui de la sauce du canard sauvage avec la trilogie des bourgognes, suivi de l’accord de l’huître avec le Dom Pérignon 1988.

Avec une implication totale de l’équipe de Patrick Simiand, un service des vins de Géraud et Frédéric parfait, une cuisine sensible de Christian Le Squer, une ambiance enjouée, et volontiers taquine, nous avons passé une soirée magique dont le point culminant est la conjonction de trois bourgognes rouges inoubliables.

111ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen jeudi, 22 janvier 2009

Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1988

Champagne Krug 1988

Château Haut-Brion blanc 1966

Château La Gaffelière Naudes 1959

Château Brane-Cantenac 1921 (on note la mention de "Berger" sur la capsule)

Volnay Clos des Santenots Domaine Prieur 1945 (la bouteille a été cirée par la maison Calvet & Co, et l’étiquette à l’ancienne est tapée à la machine)

Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928 (on note "Trade Mark" sur la capsule. L’embouteillage ou l’habillage est récent)

Chateauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949 (superbe niveau d’une bouteille d’origine)

Château Loubens Sainte Croix du Mont 1928 (embouteillage récent d’une bouteille achetée à la propriété)

Château Sigalas Rabaud 1959 (bouteille sans étiquette dont on voit l’année en soulevant les jupes !)

bouteille de secours : Haut-Brion 1974

Parce que ça me faisait plaisir, j’ai rajouté un vin : Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1956