repas champêtre samedi, 24 mars 2012

Nous allons déjeuner dans la maison de campagne de ma fille cadette. Il fait beau et la forêt n’a pas encore de feuille mais de jolies fleurs fraîches de début de printemps. Mon gendre prépare le repas avec des encornets, des coquilles Saint-Jacques, et deux beaux homards bleus.

J’ouvre un Château Cheval Blanc 1950 d’une bouteille sans étiquette. Le niveau est entre mi-épaule et basse épaule, mais la bouteille semble sympathique. Le bouchon sort entier et confirme 1950. Le premier nez est poussiéreux. C’est difficile de dire si le vin reviendra à la vie, mais pourquoi pas. La gorgée bue juste après l’ouverture a une belle attaque. C’est sans nul doute Cheval Blanc, avec peut-être un goût de truffe un peu forcé. Le vin est torréfié, comme si la bouteille avait eu un coup de chaud. La couleur a encore du rouge. Nous verrons comment il se comportera

Pendant les préparatifs et sur des bulots, nous trinquons avec un Champagne Salon 1996. Après avoir bu il y a peu un Salon 1988 éblouissant, sans doute le meilleur de tous les 1988 de Salon que j’ai bus, c’était intéressant de voir ce que donnerait un 1996. Il est fantastique, avec une pesanteur, une acidité parfaitement contrôlée et une longueur inouïe. Il a une assise extrême, une plénitude en bouche remarquable. Est-ce la saison, est-ce moi, je ne sais pas, mais ce 1996 me semble le meilleur Salon 1996 que j’ai bu, avec exactement la même impression que pour le 1988. On peut dire que le 1988 est plus accompli et a plus de complexité et que le 1996 a plus de vivacité. Sur des feuilles d’huîtres, cette sorte de pourpier qui imite le goût de l’huître, le coup de fouet du Salon est saisissant.

J’ai apporté un Echézeaux Mommessin négociant 1973. L’odeur est sympathique avec une amertume très bourguignonne. En bouche, l’attaque est superbe, chaleureuse, étonnante de joie. En milieu de bouche, une légère acidité apparaît, mais n’est pas gênante. Le final est légèrement plat, mais se supporte bien. Si l’on voulait diviser le parcours en bouche en deux, on dirait : superbe / limité. Sur les coraux de coquilles Saint-Jacques, l’accord est superbe. Sur des pinces de homards bleus, il marche très bien. Et ce qui est intéressant, c’est que plus le temps passe, plus la deuxième partie du parcours du vin s’améliore. Le vin devient fort agréable du début à la fin de chaque gorgée. Je n’attendais rien de ce vin qui ne pouvait être – au mieux – que limité. C’est donc une heureuse surprise que le vin se soit si bien comporté.

Pour le homard, le Château Cheval Blanc 1950 est servi. Le nez est sympathique. L’attaque en bouche est presque honnête. C’est la suite qui est marquée par la mort. Le vin n’a rien qui pourrait esquisser une émotion. Sa couleur est devenue marron. Nous le laissons à son triste sort. Il est mort.

Nous ouvrons un Chapelle Chambertin Domaine Louis Trapet P&F 1982. Ce millésime n’ayant pas une excellente réputation en Bourgogne, je m’attendais à un vin assez strict et plutôt sec. La couleur est belle, d’un rouge sang foncé, le niveau est parfait. Le nez est discret mais très bourguignon. En bouche, c’est un vin très rassurant, sans histoire. Il a la jolie amertume bourguignonne, un fruit assagi mais aucune trace d’évolution. Il est très honnête, bien fait, de bonne soif, mais ne dégage pas une émotion intense. C’est un vin fort agréable, bien balancé mais sans grande persuasion. Il marche très bien avec le homard.

Des tranches d’ananas sont poêlées avec des morceaux de bananes et des kumquats pour le Château Doisy-Daëne Barsac 1953. La magnifique bouteille a un niveau dans le goulot. On comprend mieux quand on lit sur le bouchon le rebouchage en 1999. La couleur est d’un or glorieux. Le vin est puissant, pur, d’une acidité contrôlée, avec des agrumes, de la mangue. Ce qui frappe, c’est son épanouissement. Il est d’une cohérence parfaite. Il boxe dans le camp des plus grands.

Ce repas de printemps fut un beau moment.

Un chef à suivre : Hervé Rodriguez mercredi, 21 mars 2012

Ça commence par un message sibyllin de Jean-Philippe : « Une table secrète, Un dîner privé, Un chef et son second, Nos vins, Hidden hôtel ». Un indice est donné dans le titre « MAnipulateur de SAveurs », ce qui suggère MASA, le nom d’un restaurant. Je ne fais aucune recherche, préférant me faire surprendre et j’annonce mes vins. Le matin du jour dit, je remplis ma musette de quelques flacons que je ne peux pas ajuster à ceux des autres, car je n’ai pas de réponse à ma proposition de vins.

A l’heure prévue je constate à l’adresse indiquée que le Hidden hôtel est bien un hôtel qui ne se cache pas. Sa façade est recouverte de bois de pin. Nous descendons au sous-sol où nous sommes accueillis par Sophie et par Hervé Rodriguez, le chef du MASA, qui a quitté son restaurant sur un différend avec ses commensaux. Il squatte depuis un mois la salle en sous-sol de l’hôtel et la cuisine attenante. C’est ce soir son dernier dîner de squatter, car il va très prochainement s’installer dans un restaurant à Boulogne.

J’ouvre toutes les bouteilles présentes, Jean-Philippe règle avec Hervé les derniers détails du repas. Voici ce que cela donne : Queso manchego et pata negra / Ormeaux beurre noisette, radis daikon, topinambour, racine de capucine, réduction citron-bergamote / Asperges nouvelles, réduction de langues d’oursin, crevettes grises grillées, brunoise chermoula / Fera du lac Léman, poêlée de févettes, poutargue, caramel de réglisse / Risotto d’épeautre à la truffe de Tricastin, pigeonneau, copeaux de gouda millésimé / Abats, émulsion de cardamone noire, cacao / Caille des Dombes, bruccio, framboises / Fraises gariguettes, coulis pomme-persil, sorbet fromage blanc / Déclinaison caramel beurre salé : sponge cake, mousse, fudge, crème glacée réglisse, éclats de noisette.

Nous passons à table. Le Champagne Jacques Selosse dégorgé en décembre 2010 est beaucoup plus avenant que celui dégorgé en 2008 que j’ai bu il y a peu de jours. Il n’y a pas le caractère fumé prononcé du précédent. Celui est clair, fluide, à la bulle altière et à l’amertume bien contrôlée. C’est un bon champagne, qui réagit bien sur le Pata Negra viril et sur le fromage de brebis coupé en fines tranches, mais ne crée pas l’émotion que j’ai déjà ressentie avec ce grand champagne.

Pour se faire la bouche et effacer la lourde trace du Selosse, Jean-Philippe nous fait servir un Bourgogne Blanc Bernard Boisson-Vadot 2009. Simple, sans chichi, ce vin joue le rôle qui lui est confié.

Je n’ai jamais mangé des ormeaux aussi bons que ceux-ci. Ils ont dû être battus et rebattus, car ils sont d’une tendreté exceptionnelle. Accompagnés de topinambours avec leur lourde peau, de racines de capucine et de radis noir, ils forment un plat délicieux. Le Puligny-Montrachet 1er cru Les Perrières Louis Carillon & Fils 2008 est un très joli vin sans histoire et juteux à souhait. Il accompagne de croquantes asperges vertes avec des crevettes grises craquantes et salées. La crème est à se damner.

Le saint-pierre aux févettes est le plat que je classerai premier. Il accompagne un Château Grillet Neyret-Gachet 1990. Que c’est agréable de trouver enfin un Château Grillet au sommet de son art ! Car de précédentes expériences n’ont pas été concluantes, sur des millésimes plus anciens. Ici, ce 1990 est superbe, énigmatique comme il se doit, mais d’un charme rare. On comprend pourquoi Curnonski l’a classé parmi les cinq plus grands vins blancs de France, car il a une personnalité rare, avec une facette citronnée et une immense fluidité. Ce que j’aime, c’est la constance de son parcours en bouche.

Le vin suivant est le Clos Joliette sec Jurançon 1971. Il y a quelques mois, j’avais raté le rendez-vous avec le Clos Joliette car le 1974 ne m’avait pas plu. Celui-ci est impérial. On sent qu’il a été touché par le botrytis, un peu comme le Clos Windsbuhl de ce midi et il est absolument confondant de bonheur, car il est sec mais aussi doucereux, tout en légèreté. Il y a un petit fumé, des fruits jaunes en salade de fruits, et une longueur impressionnante. C’est un très grand vin, solide, carré.

Le risotto à la truffe noire et au copeau de Gouda est remarquable. Le Château Lafleur Pomerol 1964 que j’ai apporté à un nez de truffe. Le vin est truffe, avec un velouté exceptionnel. Cette bouteille au niveau à la base du goulot est une grande bouteille. Le vin est majestueux, n’a pas de signe de vieillissement comme le montre la couleur noire et vivace du vin. C’est un vin impressionnant qui sera plébiscité par tous à la première place. Il dépasse les autres de la tête et des épaules. Son équilibre velouté est une merveille.

Le Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 1998 est très solide, en pleine possession de ses moyens, très rassurant. J’ai toujours aimé ce millésime de Beaucastel qui est maintenant au sommet de son art. Les abats lui vont bien.

L’Hermitage rouge Chave 2001 est superbe. La caille servie avec des petits fruits rouges l’excite fort à propos. Ce vin est une bombe d’émotions. Sa personnalité est très forte, son fruit est lourd et vivace. C’est un superbe vin à la trace très droite et pure, dont le message est sensiblement plus percutant que celui du Beaucastel.

Dans ma besace, j’avais logé un vin que je n’avais pas annoncé, mais prêt à être utilisé « pour le cas où ». Même si nous sommes déjà repus, le Champagne Salon 1988 est insolent de charme, de conviction, de grandeur. Quel beau champagne ! C’est probablement le meilleur 1988 que j’aie bu de Salon. Il a tout pour lui. Il est terriblement convaincant, avec de multiples facettes mais surtout une évidence : en le buvant, on boit de la grandeur amplifiée par la précision du vin.

Nous finissons le repas sur un Château Mazarin Loupiac 1955 à la couleur d’un or clair splendide. Là aussi ce vin de ma cave a un niveau dans le goulot. Splendide de grâce et de légèreté, il convient au dessert à base de caramel, par son équilibre délicat où le sucré est aérien et par sa trace profonde et élégante. Un Loupiac de ce niveau, c’est un véritable cadeau.

La cuisine d’Hervé Rodriguez est remarquable. Mes préférences vont vers le poisson, l’ormeau et le risotto. Pour les vins, mon classement est : 1 – Château Lafleur Pomerol 1964, 2 – Champagne Salon 1988, 3 – Château Grillet Neyret-Gachet 1990, 4 – Hermitage rouge Chave 2001, 5 – Clos Joliette sec Jurançon 1971.

Nous avons été les derniers à profiter du squat d’Hervé au Hidden hôtel. Nous nous précipiterons dès le début avril à sa nouvelle adresse à Boulogne, car ce chef de grand talent mérite qu’on le suive. Comme dans la chanson : « où tu iras, j’irai ».

déjeuner à l’Astrance mercredi, 21 mars 2012

Nous commençons par un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1997, à la couleur déjà légèrement ambrée. Le champagne est distingué, presque fumé. C’est son élégance qui domine. Il est un peu strict et manque un peu d’ampleur, mais c’est un grand champagne vibrant. Sur le foie gras, il est à son aise et le champignon de Paris lui sert de tremplin. Sa longueur est belle, sa trace fumée est agréable, mais j’attendais un peu plus.

Le Riesling Clos Windsbuhl Zind Umbrecht 1994 est d’une couleur très ambrée. D’une année à botrytis, il combine le caractère sec du riesling avec l’esquisse d’un vin doux. Ce n’est qu’un esquisse, car à aucun moment, même sur la coquille Saint-Jacques presque sucrée, on ne ressent du doucereux. Ce qui me fascine, c’est la précision du riesling. Il a de l’orange amère, du fruit confit, du fumé, mais aussi l’acidité et la fluidité du riesling sec. Sa flexibilité est admirable aussi bien avec l’huître où l’iode excite le vin qu’avec la coquille qui le caresse. Mais c’est avec la crème de l’algue Kombu que le vin frétille. Comme l’occasion se présentait, je suis passé du champagne au vin blanc et j’ai fait le chemin inverse, et c’est fou comme les deux se renforcent. C’est assez saisissant. Et ce qui apparait, c’est la précision du riesling, comme taillée dans le marbre le plus blanc.

Nous risquions de manquer de vin blanc, aussi Alexandre nous ajoute un verre de vin de son invention, qu’il ne nomme pas. La couleur est aussi ambrée, le vin est noble, riche, puissant. C’est un Pouilly-Fuissé Clos de Monsieur Noly Domaine Valette 2000. Sur le tourteau et le coulis d’étrille l’accord est saisissant. Je félicite Alexandre pour ce choix pertinent. Ce vin « cause ». Il s’exprime, vibre sur le plat. S’il n’a pas le caractère ciselé du riesling, il a un coffre, une assise et une présence qui sont adaptées au plat. Fruits jaunes, fruits bruns, salade de fruits bruns, fumé, tout concourt à une impression d’élégante gourmandise.

Pour le Chateauneuf-du-Pape Cuvée des Célestins Henri Bonneau 2001, j’ai à peu près autant d’objectivité qu’avec la cuisine de Pascal Barbot. Je n’irais pas jusqu’à déchirer mon tee-shirt et pousser des cris hystériques, mais ce n’est pas loin. Car ce vin, ce n’est pas un Chateauneuf-du-Pape, c’est un monument. Quand on boit ce vin, on boit un désir de vin. C’est exactement ce que l’on souhaite d’un vin de dix ans. Je suis tellement heureux de boire un vin aussi parfait sans être doctrinal que j’en offre un verre à la table voisine. Je saurai plus tard qu’il s’agit de la mère et de l’oncle du pâtissier du restaurant.

Ce vin est pour moi un miracle, subtil, vibrant. Bien malin serait celui qui devine sa région. Je remercie Alexandre de son service du vin en lui donnant mon classement : 1 – Henri Bonneau, 2 – Zind Humbrecht, 3 – Puilly-Fuissé Valette, 4 – Philipponnat. Le mot « Fin » s’écrira avec un Whisky Macallan 1992 percutant de conviction.

La cuisine de Pascal Barbot est un bouquet de création. Son sourire est désarmant. Cette table est un bonheur.

magnifique repas à La Tour d’Argent samedi, 17 mars 2012

On ne peut pas imaginer le nombre d’américains qui connaissent plus de grandes tables européennes que les français. Murray profite de réunions professionnelles en Europe pour ajouter à son tableau de chasse tous les nouveaux trois étoiles. Si le guide Michelin ajoute un chef au firmament, Murray doit s’y rendre avec son groupe de collègues et amis in petto.

Cette semaine, ils ont « fait » deux restaurants phares en Allemagne, puis quatre ou cinq grandes tables de Paris. Hier ils avaient déjeuné à la Tour d’Argent et ce midi, avec mon épouse, nous les retrouvons à déjeuner au restaurant de la Tour d’Argent. S’ils doublent la mise, c’est parce qu’ils estiment que le choix de la carte des vins est unique.

Arrivant en avance, j’ai le temps de regarder la carte des vins et je suis horrifié par les prix. Si l’on est fou à Hong-Kong, faut-il être fou à Paris ? Un vin que j’aime, qui est grand, mais qui n’est pas dans mon Panthéon, peut être trouvé autour de 1.500 €. Il faudrait ajouter un billet de 10.000 € (comptez le nombre de zéros) pour que je puisse le boire ici alors que je l’ai chez moi. Pour les champagnes, c’est de la folie, rendant quasi impossible de goûter des cuvées que je bois habituellement.

Alors bien sûr, il reste de bonnes pioches, mais de plus en plus rares. Les vins que nous allons boire sont loin d’être des seconds couteaux, car à un moment, on décide de se lancer. Les amis arrivent, je discute avec Murray des choix possibles. Notre table, par un hasard que j’apprécie, est celle que gérait un maître d’hôtel historique, Monsieur Aimé. C’était un patient de mon père qui était oto-rhino. Ce détail a encore plus d’importance pour moi, car aujourd’hui, c’est l’anniversaire de mon père, qui aurait fêté ses 103 ans. La table est magnifique et je peux voir bien sûr Notre-Dame, mais aussi la Tour Saint-Jacques, les toits de la mairie de Paris, au loin le Sacré Cœur, et l’île Saint-Louis où j’ai habité avec celle qui allait devenir ma femme il y a 46 ans.

Les serveurs sont en habit, le service est attentif, tout annonce un grand moment. Nous commençons par un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en 2008. C’est un champagne d’initié. J’ai souvent écrit que c’est un champagne d’ayatollah. Car il faut un palais exercé pour apprécier ce champagne acide, fumé, à l’oxydation forte, sans concession. Mais si l’on entre dans sa sphère, on en découvre toutes les subtilités. Gagnera-t-il en vieillissant, je serais bien incapable de le dire. Mais sur l’instant, j’adore son caractère énigmatique, interrogeant, et ne gratifiant que ceux qui s’ouvrent à lui. Par un hasard extraordinaire, un petit amuse-bouche au haddock avec une sauce crémée a créé un accord magique avec le « Substance ».

Nos menus sont différents. Le mien est : terrine de foie gras aux deux gelées, la quenelle de brochet, le travers de porc, fromages et dessert à la mangue. Pour les deux premiers plats, j’ai fait servir ensemble le Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 1983 et le Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1992. Car la logique voudrait que le Bâtard vienne après le riesling, mais certains ont pris comme deuxième plat des asperges qui iront mieux avec le riesling.

Quoi de plus différent que ces deux grands blancs ? Le Sainte-Hune est une merveille de précision. Il est droit dans ses bottes, monolithique, mais d’une invraisemblable précision. Alors qu’il est un parfait gentleman, le Bâtard est beaucoup plus canaille jouant sur la séduction. Il a un fruit superbe, une mâche énorme, et si le Sainte Hune joue en longueur ou plutôt en verticalité, le Bâtard joue en largeur. Il est à noter que les deux vins semblent au sommet de ce qu’ils pourraient être, avec un épanouissement certain. Pour la quenelle, c’est le Bâtard qui s’impose, alors que pour l’asperge, c’est le riesling. Avec le foie gras aucun accord n’est parfait, mais le riesling est plus naturel.

Je fais voter la table sur le meilleur des deux, et c’est un vote partagé. Mon sentiment est que le vin de Trimbach est le plus pur, le plus précis, le plus dans une forme de perfection, alors que le plus chaleureux est le Leflaive, avec un épanouissement hors du commun. Mais avec le Bâtard, on peut imaginer qu’il existerait mieux, alors qu’avec le riesling, c’est impossible. Ce riesling est au sommet de son art, sans rival imaginable.

Le plat de porc est un éblouissement. La Tour d’Argent ressuscite la cuisine d’il y a un siècle, et c’est un succès. Lorsqu’on nous a servi le foie gras, c’est à la cuiller. Et les deux gelées, l’une au sauternes et l’autre au porto sont aussi servies à la cuiller. On est au sommet de la cuisine d’antan. Le travers de porc, laqué, fumé est une vraie merveille de gourmandise.

Le Bonnes-Mares Domaine Roumier 1988 qui n’a pas été carafé contrairement aux blancs est à la fois épanoui et timide. Il est follement bourguignon et ce qui me plait le plus, c’est qu’il n’essaie pas de plaire. Il est authentique, naturel, et tout en lui est finesse et discrétion. Murray trouve qu’il a beaucoup de fruit alors que je trouve son fruit discret, sans que cela nuise au message. C’est un beau vin de Côte de Nuits, avec déjà des signes de maturité, des évocations de cendres, un beau caractère vineux, et une longueur au final raffiné. C’est un grand vin plein de distinction.

Comme le bourgogne a été rapidement fini sur la viande gouteuse, que va-ton boire sur le fromage ? Je suggère un Château-Chalon Jean Macle 1991, de l’année la plus vieille sur la carte de ce beau domaine. Ce qui est fou avec ce vin, c’est qu’il est intemporel. Et il est d’une facilité de message extraordinaire. On sait qu’il est Château-Chalon, mais il est accueillant, facile à boire, lisible. Pour un peu, à l’aveugle, on se tromperait de région, tant il est fluide comme un vin de Loire. C’est presque le contraire du Selosse, même si les messages ont des points communs. Et c’est le Comté et lui seul qui fait apparaître de fortes notes de noix. Ce vin est splendide.

Sur la carte des vins, au chapitre de Clos Sainte-Hune, il y a deux vins pour 1989. L’un est un vendanges tardives que j’ai déjà goûté et qui est une réussite invraisemblable, et pour deux fois plus cher, il y a le Clos Sainte-Hune Vendanges Tardives Hors Choix 1989. Tout est dans le « hors choix », qui signe une crème de tête. Ce vin est fou. N’allez pas dire qu’il est d’Henri Maire ! Il est fou parce qu’il est à la fois doux, du fait de la vendange tardive, mais extrêmement sec, les sucres ayant été dissous du fait de ses 23 ans. On retrouve la précision du 1983. Un message délié révèle la cohérence d’un vin à la fois sec et doux. Est-ce cohérent ? quand on est en face de lui, on le comprend. Il y a des notes de mangue, d’orange amère, une belle acidité citronnée mais mesurée et une rondeur folle. Ce vin est diabolique car il est inclassable. Il est hors de tout.

Nous avons voté de façon informelle, et s’il y a une diversité des votes, il y a aussi beaucoup de cohérence. Mon vote est : 1 – Clos Sainte-Hune Vendanges Tardives Hors Choix 1989, 2 – Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 1983, 3 – Bonnes-Mares Domaine Roumier 1988. Murray a les mêmes deux premiers et a mis en troisième le Château Chalon, ce que je comprends volontiers.

Nous nous sommes promis de nous revoir à San Francisco pour rejoindre un groupe de solides collectionneurs et faire de nouvelles folies. Que dire de ce repas ? En ressuscitant une cuisine ancestrale, La Tour d’Argent a réussi son coup. Tout était délicieux. Bien sûr, rien ne dit que ce sera aussi parfait un autre jour, mais ce qui est pris est pris. La vue est féerique, le service du vin est très attentionné et notre sommelière a géré intelligemment les vins. Le service des plats est parfait. Comme ma marotte est le prix des vins au restaurant, il faut que La Tour d’Argent revienne à une politique tarifaire raisonnable, car c’est le seul point, mais c’est le bât qui blesse.

Le célèbre canard au sang et Notre-Dame

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 14 mars 2012

Les déjeuners de conscrits se répètent à un rythme un peu trop soutenu. L’un des amis nous ayant offert un déjeuner normand, c’est aujourd’hui un déjeuner breton que nous partagerons au restaurant du Yacht Club de France. Etant en avance, je me fais offrir une coupe de Champagne Billecart Salmon sans année que je trouve fort civil, avec une belle mâche bien ensoleillée.

Le menu conçu par l’équipe dynamique de ce club est : andouille de Guéméné et bouchées de saucisse bretonne / ormeaux à la purée de coco Paimpolais / Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc, beurre blanc aux algues de chez Bornier / Homard bleu du Guilvinec en aumônière de blé noir, artichauts de Bretagne glacés, sauce armoricaine / fromages bretons affinés de la maison Bornier à Saint-Malo /far breton, petites crêpes au caramel salé, gâteau breton de tradition pur beurre.

Autant dire que l’on chausse ses sabots fourrés de paillons, que l’on porte le chapeau à ruban noir, et que l’on fume la pipe longue et noire qui est capable de résister aux embruns de la Pointe du Raz. Ça bretonne à pleins poumons. L’andouille est parfaite sur le champagne. La saucisse faite par la grand-mère de Thierry Le Luc, directeur de la restauration du lieu est virile et typée. Ça arrache !

Le Muscadet Michel Brégeon 2005 est absolument superbe. Son acidité est belle, son fruit jaune est présent, et ce qui frappe, c’est sa belle cohérence. Il est fruité, gouleyant, et s’adapte parfaitement aux ormeaux et Saint-Jacques. Lorsque Thierry me sert le Cos d’Estournel 1996, le nez est d’un parfum envoûtant. Ce vin respire la noblesse, la délicatesse et l’équilibre. Et le vin est délicieux, joyeusement tannique, avec un beau fruit, une mâche abondante, et un final entraînant. C’est un très grand vin qui cohabite bien avec le homard d’une qualité idéale. Présenté fourré dans sa crêpe, il est gourmand.

Le trou breton se fait à l’Hydromel de Cornouaille Chouchen de A. Lozachmeur qui titre 13° et arrose un sorbet. Ses notes de miel sont délicieuses. Le repas se finit sur un Château Suduiraut 1998 charmant mais aussi bien charpenté, et d’un équilibre remarquable. Les gâteaux bretons sont superbes et nous donnent des semelles de plomb. Le restaurant du yacht Club de France, par sa motivation, par la recherche de produits de qualité et par l’inventivité de son équipe, nous offre des repas particulièrement raffinés.

Un repas breton, ça se voit aussi dans les détails !

déjeuner aux Caves Legrand lundi, 12 mars 2012

Je vais déjeuner aux Caves Legrand avec le sémillant propriétaire de cette grande maison. Lorsque j’arrive, je rencontre Olivier Krug qui est un ami de la maison, en pleine réunion de travail. Le déjeuner est simple mais bon, sardines Chica-Pica de Rödel absolument délicieuses et une pièce de bœuf très tendre aux pommes de terre. Le Burg Bergheim Domaine Marcel Deiss 2005 est très original. Il a des notes fumées, légèrement oxydatives et une palette aromatique très riche. Comme un Fregoli, il change de facette à chaque gorgée. Le Vin de pays de l’Hérault Domaine de la Grange des Pères 2008 est un vin qui est encensé par les aficionados du vin. J’ai souhaité goûter ce vin qui m’était inconnu, lorsque Gérard m’a demandé quel serait mon désir. Riche, puissant, avec des évocations végétales variées, ce vin a de quoi plaire aux palais actuels. J’attends de voir si la magie opère. Mais si je reconnais que le vin est bien fait, le déclic ne se fait pas. Il manque de cette émotion que crée un grand vin. J’ai eu plus de vibration avec le vin alsacien. C’est une expérience à recommencer, car je ne dois pas passer à côté de ce vin encensé par beaucoup.

Dîner au Blue Elephant à Paris dimanche, 11 mars 2012

Dîner au Blue Elephant, table thaïlandaise à la belle cuisine conventionnelle mais goûteuse. Un Dom Pérignon 2000 est agréable à boire mais ne me remue pas comme il l’a souvent fait. Lorsque je fais doubler la mise, je suis surpris du saut qualitatif de la deuxième bouteille. C’est au moment de faire la photo que je comprends pourquoi : c’est un Dom Pérignon 2002, qui ne figure pas sur la carte des vins, qui l’a remplacé. Bonne pioche et quel beau champagne romantique. Fleurs blanches et romantisme, c’est sa signature.

dîner au « Bouchon » Beverly Hills mardi, 6 mars 2012

Un ami américain que j’ai connu sur le forum de Robert Parker m’avait annoncé son passage à Paris début avril et m’avait demandé si nous pourrions nous rencontrer. Prenant la balle au bond, sachant qu’il habite Berverly Hills, je lui ai dit : « rencontrons-nous d’abord lors de ma visite ». Il m’a répondu : « rejoignez un dîner que je fais, rendez-vous au restaurant ». Rien d’autre, pas d’indication sauf celle de ne pas apporter de vin car il y en aura. Le lieu et la date changèrent, mais au bout du compte, nous nous retrouvons au restaurant « Bouchon » Beverly Hills, qui fait partie du groupe de Thomas Keller propriétaire du fameux « French Laundry » dans la Napa Valley. Surprise, je me retrouve avec des jeunes vignerons de Saint-Emilion qui étalent sur un étagère les 2009 que nous allons boire : Clos des Jacobins, Château la Commanderie, Clos de la Vieille Eglise qui est un pomerol, Clos du Breuil, Château Fleur Cardinale, Secret de Cardinale, Rol Valentin qui a ajouté un 2005 au 2009. Voilà un programme sympathique. Alors qu’on nous avait réservé une belle table sur un balcon de l’immeuble où se situe le restaurant, mon ami Jeff nous fait préparer une table deux fois plus petite où nous sommes serrés comme des sardines.

Alex, le sommelier qui avait travaillé dans le passé pour les dîners de Bipin Desai nous sert un Marcassin Chardonnay 2005. Ce vin est étrange car il semble d’une jeunesse extrême. Dire que c’est un 2010 serait logique. Il est typé californien, avec une puissance très prégnante. On sent qu’il a un beau potentiel de développement. Mais je trouve que le final est trop court et l’amertume trop grande. Le Kongsgaard 2006, lui aussi chardonnay est très oxydé. Il déplait à tous, malgré un gros fruit et un fort caramel.

Nous passons aux rouges avec un Cain Concept 2002 à dominante cabernet sauvignon, doucereux et fort poivré. C’est le second vin du Cain Five 2003 où le cabernet sauvignon ne fait que 45% contre 84% pour le précédent, avec un pourcentage significatif de petit verdot (20%). Le nez est plein de charme. Il est très doux, avec un final de cassis. Il titre 14,7°, ce qui doit être d’une grande modestie. Il est vert, fort, avec du fenouil et des tannins durs. Il ne manque pas de charme.

Le Arrowood 1997 cabernet sauvignon est très bon, délicat vivant et vibrant. Il a une belle fraîcheur. Les vignerons et moi-même, nous commençons à trouver que l’introduction américaine est bien longue et nous commençons à penser que les vins français ne seront pas bus. La Rota Vineyard 1994 cabernet sauvignon a un nez très élégant. Le vin est bon, joli, charmant. Mais il manque vraiment de longueur et assèche la bouche. La Conn Valley Right Bank 2007, petit clin d’œil aux vignerons qui sont de la rive droite de Bordeaux, est majoritairement merlot. C’est un joli vin très boisé et un peu râpeux.

Vient enfin un vin français mais qui ne provient pas des présents, Château La Croix Saint-Georges 2001, vin beaucoup plus frais et léger que les précédents, d’une belle élégance. Jeff, du fait de ma présence, a apporté un Château Cheval Blanc 1970. Comment faire quand le vin a été ouvert à mon intention, et quand il est bouchonné, si celui qui l’a offert prétend que non ? Une des vigneronnes avait déjà sans crier gare vidé son verre dans un crachoir. Le vin, malgré une belle attaque, est envahi par le goût de bouchon. L’intention était amicale.

Le Spottswoode cabernet sauvignon 2007 est un vin très riche qui a obtenu 100 points Parker. Il est surpuissant. C’est du copeau de bois, riche bien sûr, mais sans véritable émotion.

Le « Bouchon » est un bistrot à la cuisine d’une belle précision. Le jarret de veau fourré au ris de veau est d’une tendreté remarquable. Ce dîner fut curieux, puisque les vignerons avaient apporté leurs vins pour qu’on les boive. Ils vont les présenter à la presse demain. Ces vignerons sont sympathiques, motivés à promouvoir leurs vins auxquels ils consacrent toute leur énergie. Leurs avis sur les vins américains ont été contrastés, parfois opposés. J’avais à côté de moi un sommelier qui est inscrit aux plus prestigieux concours de sommellerie. Cette soirée dont je ne savais rien, fut fort sympathique, avec des vins américains qui ne m’ont pas franchement convaincu et la défaillance d’un vin emblématique. On conservera surtout la chaleur de l’amitié.

Verticale de PSI et Flor de Pingus à L.A. samedi, 3 mars 2012

Après la verticale de Pingus Amelia et celle de Pingus au restaurant Spago, j’ai retenu Peter Sisseck et Emanuel Berk son importateur, pour un verre de l’après-match. C’est sur un Dom Pérignon 2002 que nous avons trinqué au « The Boulevard » de l’hôtel Berverly Wilshire où j’avais dîné la veille. Nous avons bavardé de sujets de vins et l’heure du marchand de sable a sonné, car demain d’autres dégustations nous attendent.

A midi, notre groupe qui s’est un peu réduit se retrouve au restaurant Valentino de Santa Monica. Piero Selvaggio le propriétaire fort sympathique bavarde avec nous. Sa curiosité pour les vins est extrême. Il est enthousiaste et a fait beaucoup de dégustations avec Bipin Desai que nous attendons, car son taxi s’est trompé de chemin, avec un Champagne Deutz Brut Classic, très plaisant champagne de soif. Piero me montre une photo datant de trente ans où il est en compagnie de Bern Laxer, le fondateur du Bern’s Steak House à Tampa où j’étais allé en janvier.

La dégustation va porter sur deux vins de Peter Sisseck, le PSI et Flor de Pingus. Le projet de PSI est né en 2007. Peter avait constaté que depuis 1995, la superficie plantée en vignes était passée de neuf mille à vingt-deux mille hectares dans la Ribeira del Duero, et que parallèlement, la surface plantée en vieilles vignes s’était réduite de six mille à quatre mille hectares. Persuadé que ce sont les vieilles vignes qui font les meilleurs vins, il a convaincu ses voisins de lui vendre leurs grappes, pour faire un vin selon la méthode ancestrale. Il avait en effet remarqué que des vignerons faisaient des vins pour eux, non destinés à la consommation, et que ces vins ordinaires étaient très bons, et faits sans bois neuf, en cuves en ciment. L’idée est d’acheter des grappes, de montrer à ces vignerons que l’on peut faire de bons vins avec ces grappes et de les entraîner progressivement vers la biodynamie. Sur l’étiquette de PSI il y a un vieux cep qui a la forme de la lettre grecque. J’ai hasardé que PSI voulait dire « Peter Sisseck initiative ». Peter ne m’a pas contredit, mais je ne sais pas si c’est ça.

Flor de Pingus a démarré comme Pingus en 1995, mais si Pingus était en pleine propriété, Flor de Pingus a commencé avec des achats de raisins, comme PSI en 2007.

Le menu préparé par le chef Nico Chessa est : Stuzzichini dello chef / l’Ippoglosso in padella with medley of funghi and peperoncini / La carbonara di pasta oro con fonduta di parmigiano / Venison Chop with Tuscan marinade and fruit mostarda / il fromaggio : castelmagno, Buffalo blue cheese / La pannacotta.

La première série est PSI 2007, 2008, 2009, 2010. Ce sont des vins 100% vieilles vignes. Le 2010 n’est pas encore en bouteille. Nous buvons un prélèvement de fût.

Le 2010 a un nez d’une extrême pureté. Tout est élégant. Le 2009 a un nez un peu moins pur. On sent le fenouil sur un fond d’acidité. Le 2008 a beaucoup de charme et de douceur. Le 2007 a un parfum absolument charmant.

En bouche, le 2007 est fabuleux. Il y a du cassis, du fenouil et des tannins d’un équilibre énorme. Le 2008 est un peu plus strict. Le 2009 a légèreté et élégance, avec un très joli final. Le 2010 est encore plus élégant. Il se boit très facilement et prend conscience de l’effet « vieilles vignes ».

Le 2007 a un fort poivre. On sent que c’est un vin de gastronomie. Le 2008 est très élégant avec une fraîcheur mentholée. Les 2009 et 2010 sont plus légers et élégants que les 2007 et 2008. Le fruit de ces vins est spectaculaire. Mon classement : PSI 2007, 2010, 2009, 2008.

C’est difficile de juger lorsque les vins ne sont pas ensemble, mais j’aurais tendance à préférer les PSI aux Pingus. En goûtant à nouveau, je constate que les vins évoluent et s’améliorent. Mon classement final sera : PSI 2007, 2010, 2008, 2009. Mais cela pourrait changer encore.

Nous passons maintenant à Flor de Pingus. 1995 est la première année. Mais Peter ayant envoyé mille caisses aux USA, celles-ci se sont perdues, aussi le plus vieux que nous boirons est 1996. Peter a commencé à acheter des grappes, et en 1998, deuxième incident, le producteur principal lui annonce qu’il a tout vendu à un autre vigneron. Il n’y a donc pas de 1998. Depuis, il a sécurisé ses approvisionnements. Il achète de 18 parcelles différentes et intervient dans le contrôle de la croissance des vignes. Ses achats sont depuis 2004 à 100% de vieilles vignes. La production est d’environ 50.000 bouteilles et l’alcool est autour de 14°.

La deuxième série est Flor de Pingus 2007, 2008, 2009, 2010.

Le nez du 2010 est élégant et discret. Celui du 2009 est élégant mais plus strict. Le 2008 a un nez incroyablement fruité, presque trop. Il y a de la framboise et du fruit confit. Le 2007 est très élégant. Le 2008 me dérange par son parfum hors norme.

En bouche, le 2010 est un peu trop flatteur. Il est épais. Le 2009 est beaucoup plus élégant. Il a un joli fruit et de la légèreté. C’est un joli vin, pas très complexe. On sent le fenouil. Le 2008 est curieux. Il a beaucoup de menthe, de fenouil et de fruit en compote. C’est une curiosité sympathique mais qui n’est pas dans la ligne des vins de Peter. Le 2007, un peu comme le 2010 est très doux, inhabituel. En revenant sur le 2010, je le trouve trop doux. Le 2009 est élégant, le 2008 est en train de s’assembler. Peter adore le 2008 et pense qu’il vieillira bien. Le 2007 progresse aussi. Ces vins auraient dû être ouverts avant, car tous progressent. Je classe 2009, 2007, 2008, 2010. Mais quand le plat est là, qui fait disparaître tout aspect doucereux, je classe : Flor de Pingus 2009, 2008, 2010, 2007. Ces vins sont un peu lourdauds et trop « modernes » pour moi.

La troisième série est Flor de Pingus 2003, 2004, 2005, 2006.

Le nez du 2006 est élégant. Le 2005 est profond. Le 2004 est entre les deux, et le 2003 est plus doux. Après tout ce qu’on a bu depuis hier, mes commentaires deviennent de plus en plus succincts.

En bouche, le 2006 est bon, doux, mais un peu rêche. Le 2005 manque d’équilibre. Le 2004 a beaucoup plus d’équilibre et de grâce. Le 2003 est un peu râpeux. On a envie de les juger avec un plat. Les vins y gagnent énormément. Le 2006 est superbe, le 2005 est un peu moins intégré et plus lourd. Le 2004 est élégant et le 2003 très élégant. Mon classement : Flor de Pingus 2003, 2004, 2006, 2005.

Ces vins sont flatteurs, mais lourds et manquent de précision. Peter à qui je m’en ouvre dit que la raison pourrait être qu’il s’agit de vins de mélange, puisqu’il achète des grappes de plusieurs parcelles. Mon classement final est : Flor de Pingus 2004, 2003, 2006, 2005.

La quatrième série est Flor de Pingus 1996, 1999, 2000, 2001.

Le nez du 2001 est très fort et l’on sent l’alcool. Le 2000 est plus calme mais imparfait. On sent la structure imprécise. Le 1999 est plus civilisé. Le 1996 est très élégant.

En bouche, le 2001 n’est pas mal, assez calme et assez amer. Le 2000 a un côté vineux et une amertume apparaît. Il est assez dur. Mais il faut dire que je commence à saturer de toutes ces séries. Le 1999 est plus joyeux, plus équilibré. Le 1996 est encore meilleur. Elégant et pur, c’est le plus grand de tous les Flor de Pingus. Mon classement est : Flor de Pingus 1996, 1999, 2001, 2000.

Si l’on combine les trois séries de Flor de Pingus, je retiendrais Flor de Pingus 1996, 2009, 2004, 1999.

Nous finissons le repas avec un Torres Floralis Moscatel 2008 qui, malgré les 15° annoncés fait très fortifié. Il évoque le melon et la menthe traités en ratafia.

Ce qu’on peut retenir de cette dégustation en deux repas, c’est d’abord la grande modestie de Peter Sisseck, son envie permanente d’améliorer ce qu’il fait, et sa volonté d’aider les vignerons de sa région pour la mise en valeur des vins des vieilles vignes et pour l’extension de la biodynamie.

Pour Pingus et Flor de Pingus, les vins les meilleurs sont le plus souvent soit les plus anciens, soit les plus récents. Au début, il devait y avoir la flamme du démarrage auquel s’ajoute maintenant l’effet de l’âge. Pour les plus récents, c’est l’amélioration de la qualité du vin. Ce sont des vins qu’il faut boire soit très jeunes, soit avec une maturité affirmée. 1996 et 1999 sont de beaux millésimes anciens et 2009 et 2010 de beaux millésimes récents.

D’une façon générale c’est l’élégance, la fraîcheur et la précision qui caractérisent les vins de Peter. J’ai eu un faible particulier pour les vins que je ne connaissais pas, le très frais Pingus Amelia et le très original PSI. J’ai beaucoup appris sur ce domaine promis aux plus belles destinées grâce aux qualités d’ouverture d’un vigneron danois passionné de la Ribeira del Duero.

la salle

Peter Sisseck