déjeuner au Gérard Besson – les vins, les plats jeudi, 16 décembre 2010

Champagne Moët & Chandon Brut 1964

Champagne le Diamant Bleu Hiedsieck Monopole 1964

Pouilly-Fuissé "les Champs" Georges Burrier 1955

Meursault 1ère J. Faiveley 1919

Château Rausan Ségla Margaux 1928

Château Nénin Pomerol 1955

Chambolle Musigny Albert Brenot 1926

Chambertin Cuvée Héritiers Latour Domaine Louis Latour 1935

Aloxe-Corton P. A. André négociant au Château de Corton 1959

Hermitage E. Vérilhac 1945

Caillou blanc du Château Talbot 1959

Puligny-Montrachet les Pucelles Bouchard Père & Fils 1976

Champagne Salon 1997

Château Rayne-Vigneau 1928

Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Clos des Capucins Domaine Weinbach Théo Faller 1983

les vins dans l’ordre de service

les bouchons

les plats (au centre et à droite l’oreiller de la belle Aurore)

le grand chef Gérard Besson, à qui nous avons rendu hommage pour les grands moments de gastronomie qu’il nous a fait vivre

Gare de Tokyo et Gare de Lyon mercredi, 15 décembre 2010

Après avoir dormi seulement trois heures, je prends avec mon épouse un train en direction d’Avignon pour assister aux obsèques d’une cousine très chère emportée par une maladie incurable. Lorsqu’on a le souvenir des gares de Tokyo, Kyoto et Fukuoka, arriver à la Gare de Lyon fait un choc. Comment un pays comme la France peut-il revendiquer le rang de grande puissance ou se croire encore dans le peloton de tête des pays de la planète, s’il accepte que l’on vive dans une telle saleté. Tout ici est sale. Les abords de loueurs de voitures sont des pièges à saleté et croulent sous les odeurs d’urines des voyageurs qui ne veulent pas payer pour se soulager.

Des toilettes publiques sont fermées, sans doute parce que la dame-pipi a pris ses RTT. Bon. Nous allons à d’autres toilettes, et là, le spectacle est assez édifiant. Une femme plantureuse est assise derrière une grande vitre trouée d’un hygiaphone. Autour d’elle, des fleurs en plastique qui n’ont pas connu de plumeau depuis des lustres. Elle dialogue avec un micro donnant du volume à sa voix, et sa seule préoccupation est de recueillir les 50 centimes nécessaires aux hommes pour une place debout ou la somme correspondant aux places assises. J’imagine volontiers que les feuilles de papier sont données au compte-goutte, car les distributeurs sont tous vides. On est obligé de passer par un tourniquet étroit qu’elle libère si l’on a payé. Les jeux de valises qui ne passent pas par le tourniquet sont assez cocasses. Et à l’intérieur, c’est la saleté congénitale des français qui nous a tellement dépréciés aux yeux des étrangers. Il est évident que cette femme est d’abord caissière – on imagine assez bien les problèmes des étrangers sans monnaie – et en aucun cas nettoyeuse de ces édicules. C’est honteux, indigne, et montre que notre pays s’enfonce en courant dans son sous-développement.

Les TGV eux-mêmes sont sales, les toilettes dans les trains sont d’une grande saleté. Qui aura un jour l’envie de redonner à la France l’envie d’être fière d’elle-même ? Et rien ne peut se construire s’il n’y a au départ la recherche de la propreté, de l’amabilité, du respect des autres. Penser qu’il y a des princes qui nous gouvernent qui considèrent comme une chance d’ajouter encore en France dix millions de personnes de plus dans les trente ans à venir ! On aimerait bien qu’ils remettent les pieds sur terre, passant plus de temps à observer la France telle qu’elle est devenue, plutôt que de doser si une alliance avec les centristes sera plus porteuse de voix au moment des régionales ou de la présidentielle qu’une alliance avec le diable frontiste.

France, qu’es-tu devenue ?

143ème dîner – les vins mercredi, 15 décembre 2010

Champagne Laurent Perrier 1973

Champagne Krug Clos du Mesnil 1988

Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 (étiquettage pour la livraison par Bouchard, rebouchage déjà ancien)

Château Mouton-Rothschild 1944

Château Ausone 1959

Echézeaux Henri Jayer 1984

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981

Richebourg Morin Père & Fils 1923

Hermitage La Sizeranne Grande Cuvée sans année

Château d’Yquem 1874 (année très lisible sur le bouchon d’origine)

Château d’Yquem 1967 (ajouté de peur que l’Yquem 1874 ne soit pas à la hauteur)

Vin de Chypre 1845 (ajouté de peur que l’Yquem 1874 ne soit pas à la hauteur)

143ème dîner – photos mercredi, 15 décembre 2010

photos de groupe

les vins rouges

le bouchon du Montrachet 1939 est curieux, car le haut est "brûlé"

le bouchon de la Romanée Conti montre un problème en haut de boucho, mais qui n »a pas affecté le bas du bouchon

le magnifique bouchon de l’Ausone 1959 et le bouchon du vin d’Henri Jayer

les bouchons des deux Yquem, le 1967 et le 1874

ce bouchon minuscule est celui du Chypre 1845. Il a parfaitement joué son rôle

tous les bouchons

Tomo et Akiko qui sont venus en kimonos en honneur de ce repas

Les plats

Les ors et les stucs

143ème dîner de wine-dinners au restaurant Les Ambassadeurs du Crillon mardi, 14 décembre 2010

Lorsque Jésus-Christ a ressuscité Lazare, on peut imaginer assez volontiers qu’il ait éprouvé une certaine fierté en pensant : "ce pouvoir, c’est moi qui l’ai". Toutes proportions gardées j’ai ressenti une immense fierté lorsque des vins que tout le monde eût rejetés, écartés, vidés à l’évier ont non seulement vécu mais brillé au firmament. Les vignerons ont fait des vins. Leur mort était annoncée au moment de l’ouverture. Et par le miracle de l’oxygénation lente, ils ont ressuscité. Ce sera le signe majeur du 143ème dîner de wine-dinners qui se tient au restaurant Les Ambassadeurs de l’hôtel de Crillon.

L’ouverture des vins commence à 17 heures. Les odeurs du Mouton 1944 et de l’Ausone 1959 sont rassurantes et subtiles. Celle du vin d’Henri Jayer est prometteuse, et je jubile en sentant la Romanée Conti 1981, car elle sera brillante ce soir. Les fragrances du Montrachet 1939 sont encore incertaines. Lorsque je coupe le haut de la capsule du Richebourg 1923, le bouchon est recouvert de poussière noire, et la bouteille exhale une odeur de terre, de la terre riche et lourde. J’enlève le bouchon et l’examen olfactif dans la bouteille est faussé, car le col est encore imprégné de cette forte odeur de terre, qui pourrait avoir marqué le vin.

Lorsque j’avais fait les photos des bouteilles en cave il y a une semaine, j’avais remarqué une goutte perlant sur la capsule de l’Yquem 1874. Je l’avais portée à mes lèvres, et ce n’était pas franchement engageant. De peur d’une contreperformance de ce vin qui m’avait intéressé puisqu’il a encore son bouchon d’origine, ce qui promet généralement des goûts plus purs, j’avais ajouté dans ma livraison pour ce dîner un Yquem 1967 et un vin de Chypre 1845. Ouvrant le 1874, j’ai hélas la confirmation que mes craintes étaient fondées, car la puanteur qui se dégage n’a aucune chance de se résorber. Un nouveau participant de mes dîners, venu assister à l’ouverture des vins, constate l’ampleur des dégâts olfactifs. C’est le seul vin pour lequel je verse un peu dans un verre. Le nez est détestable, l’attaque en bouche est assez agréable, mais le final est affreux, laissant une trace en bouche très désagréable. Pour moi, la cause est entendue. L’Yquem 1967 est glorieux, le vin de Chypre 1845 est un péché mignon. Je replie mes outils en pensant à l’incertitude du Montrachet 1939, à la trace de terre du Richebourg 1923 et à la déroute annoncée de l’Yquem 1874.

Mes amis japonais arrivent en avance, habillés tous les deux en kimonos. Celui d’Akiko est d’une rare beauté. Je fais goûter à Tomo l’Yquem 1874 et il est quasi certain que le final du vin ne se reconstituera pas.

Les convives se regroupent dans la magnifique salle presque aussi haute que large, aux stucs et marbres caramel. Nous sommes dix dont deux seulement sont des nouveaux.

Le menu composé par Christopher Hache est ainsi énoncé : Amuse bouche: Le suprême de caille au foie gras / Le saumon bio cuit à l’étouffée, chips de salsifis et sabayon aux épices / Le Saint-Pierre doré, carottes grenailles étuvées au gingembre / Le Ris de veau, poêlée de champignon de saison / La Tourte de Gibier, accompagnée de coulis de truffe noire / Plateau de vieux fromages affinés / Ile flottante gaspacho de mangue, passion et pamplemousse rose / Financiers parfumés à la réglisse.

Le Champagne Laurent Perrier 1973 a une couleur d’un ambre légèrement grisé, la bulle est peu active, le nez délicat et le vin a le charme de l’âge, belle démonstration de la richesse évocatrice des champagnes anciens. Je ne le trouve pas tout à fait parfait, car il a un léger manque d’équilibre, mais cela ne semble gêner personne. L’amuse-bouche lui donne une ampleur certaine et finalement ce champagne est porteur de plaisir.

Quand arrive le Champagne Krug Clos du Mesnil 1988 on ne peut que faire "wow", car c’est une explosion de jeunesse. Ce champagne est à l’apogée de ce que peut être un champagne encore jeune, ou plutôt toujours jeune. Son acidité est exceptionnelle. Le saumon bio a été cuit à basse température. Christopher nous dira plus tard : "à température du corps". Il est moelleux et fondant mais c’est avec le sabayon discrètement acidulé que nos goûterons l’un des accords les plus réussis de ce dîner. Le Krug est immense, puissant, fruité, joyeux et à l’acidité bien trempée. Le repas démarre bien.

Je suis servi des premières gouttes du Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 et instantanément je sais que ce sera le plus grand des 1939 que j’ai bus de ce vin. Le nez est plein de charme et en bouche, c’est la sérénité qui en impose. Il est fruité, bien construit, et comme il est d’une année froide, c’est par sa précision qu’il emporte notre adhésion. L’accord avec le saint-pierre divinement cuit fait partie, avec le précédent, des deux plus beaux.

Jamais je n’aurais imaginé qu’un Château Mouton-Rothschild 1944 puisse être aussi brillant. Sa couleur est d’un rouge rubis intense, sans trace de vieillissement. Qui dirait qu’un 1944 puisse avoir cette puissance, cette charpente solide ? C’est un beau Mouton très Pauillac, à un niveau que nous n’attendions pas. A côté de lui, le Château Ausone 1959 a une couleur noire, un parfum impératif et révèle un goût proche de la perfection absolue. C’est un très grand vin riche, très rive droite, qui ne fait pas d’ombre au Mouton, les deux reprenant les caractéristiques archétypales de leurs terroirs. La texture du ris de veau, un peu molle, n’a pas permis un accord enrichissant les vins.

Comme chaque fois lorsque les bordeaux sont parfaits, on se demande si les bourgognes vont supporter le choc. Nous allons en aligner trois sur une tourte magnifiquement exécutée, mais dont la sauce lourde serait plus adaptée à des vins du Rhône qu’a des bourgognes délicats. L’Echézeaux Henri Jayer 1984 a une robe d’un joli rose pâle. Le nez est distingué et tout en ce vin révèle le talent de celui qui l’a fait. C’est le pinot noir dans sa gloire. Il est fluide, distingué, strict et élégant.

Le premier contact avec la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981 m’a donné, j’ose le dire, des frissons. Le plaisir de rencontrer une Romanée Conti parfaite devient physique. Le nez est noble et les roses sont d’une évidence criante. En bouche, les roses et le sel sont le socle du discours courtois et élégant. Tout en ce vin est d’une exquise séduction.

Les évocations de terre ont complètement disparu lorsque l’on sent le Richebourg Morin Père & Fils 1923. Le temps d’oxygénation a fait son œuvre. Les nouveaux sont consternés et se demandent comment il est possible qu’un vin de 87 ans puisse avoir une telle jeunesse. Ce 1923 est le plus puissant et le plus fruité des trois vins, avec une mâche gourmande de jeune vin. Il est brillant et me rappelle les joies que j’ai eues avec les Nuits Cailles du même Morin de 1915. La tourte serait nettement appréciée si elle avait été seule sans sauce. Elle aura voyagé seule sans entraîner les trois vins splendides. Un des piliers de mes dîners, volontiers taquin, plus porté vers l’humour qui chambre que sur le compliment a salué la série des huit vins bus jusqu’alors en signalant leur niveau extrême. Un sans faute.

J’ai ajouté dans le programme un Hermitage La Sizeranne Grande Cuvée sans année que je subodore être des années 70. Facile à lire, serein, sans la moindre complication, il est extrêmement plaisant. Il accompagne les fromages, pour moi un saint-nectaire.

Mes avertissements de début de repas sur la mort certaine de l’Yquem 1874 sont renouvelés, aussi, quand on me sert le Château d’Yquem 1874, chacun attend le verdict. Je n’en crois ni mon nez ni mon palais, car le vin n’a plus le moindre défaut dans son final. C’est à peine croyable. Un des convives qui en est à son deuxième dîner me soupçonne de cultiver un effet de style, car chez Patrick Pignol, La Tâche 1982 avait été annoncée morte et avait aussi montré un spectaculaire retour à la vie. Heureusement, le nouvel ami qui avait assisté à l’ouverture a confirmé que l’Yquem tout à l’heure était vraiment mort. Le vin que nous buvons a un vrai nez d’Yquem. Il n’est pas flamboyant, mais il est précis. Et en bouche, c’est un bel Yquem, onctueux, dont le fruit est en partie masqué par des traces de caramel. Le dessert est très adapté à ce vin.

Le Château d’Yquem 1967 est d’une insolente jeunesse et d’une perfection qui nous nargue. Il n’y a pas une fausse note et c’est "le" bel Yquem dont on rêve, à la longueur infinie. Mais ce jeunot ne fait pas ombrage au 1874 qui continue de briller et de s’assembler encore. La succession des sans faute est saisissante.

Ne me demandez pas d’être objectif envers le Vin de Chypre 1845, je ne peux pas. Rien dans mon firmament ne brille autant. Ce vin lourd comme un parfum, capiteux comme aucun autre est en fait un vin sec. Il a une fraîcheur désarmante, un poivre raffiné, et cette petite touche de réglisse qui ajoute à son élégance. A ce stade, nous sommes tous impressionnés de constater que tout a fonctionné sans faute.

Les votes ne sont pas faciles. Ils sont extrêmement variés, ce qui me plait. Sur douze vins dix ont eu des votes sur les bulletins comprenant cinq vins. Je jubile de constater que six vins ont eu au moins un vote de premier pour neuf votants. L’Yquem 1874 a eu quatre votes de premier, ce qui est renversant lorsqu’on songe à son ouverture. Cinq autres vins ont été couronnés d’un vote de premier : Ausone 1959, Romanée Conti 1981, Richebourg 1923, Yquem 1967 et Chypre 1845.

Alors que je m’attendais à ce que tout le monde me suive pour couvrir le vin de Chypre de lauriers dorés, il fut très peu choyé dans les votes, ce qui montre bien que mon enthousiasme n’influence pas les votes des convives aux préférences variées et différentes.

Le vote du consensus est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981, 2 – Château d’Yquem 1874, 3 – Château d’Yquem 1967, 4 – Château Ausone 1959, 5 – Vin de Chypre 1845.

Mon vote est : 1 – Vin de Chypre 1845, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981, 3 – Montrachet Bouchard Père & Fils 1939, 4 – Château Ausone 1959, 5 – Château d’Yquem 1874.

Les vins de ce soir ont été très brillants, avec de divines résurrections. La cuisine de Christopher Hache est très assurée et agréable, car elle est naturellement compréhensible. Il y a encore des accords à améliorer mais deux ou trois furent de belles réussites. Le service est toujours aussi attentionné, celui du vin étant exemplaire. En nous quittant, nous savions que nous avions vécu un moment unique avec des saveurs inoubliables.

déjeuner au restaurant Apicius lundi, 13 décembre 2010

Un ami de mon gendre m’invite au restaurant Apicius. Dans le beau jardin, les décorations de Noël sont du plus bel effet. Arrivé en avance, on me propose une coupe de Champagne Cuvée 1522 Philipponnat 2000. Ce champagne est charmeur, plein, à peine fumé. Avec des saveurs dorées de fruit, il emplit la bouche avec générosité. L’atmosphère au bar est joyeuse. On sent que ce sont des habitués qui l’occupent.

Nous passons à table dans une salle dont la décoration me plait toujours autant. Jean-Pierre Vigato, selon son habitude, vient nous proposer des plats qui ne sont pas à la carte, diablement tentateurs, car l’homme, mais aussi les intitulés sont charmeurs. J’ai pris une composition faite d’une huître de Marennes et d’un huître belon avec une langoustine crue et une coquille Saint-Jacques crue dans un jus iodé fait de l’eau des huîtres. Notre plat de résistance sera commun : un râble de lièvre et betterave. Pour préserver notre après-midi, nous déjeunons au champagne suggéré par le sommelier, un Champagne Henri Abelé 1996 très vineux. Il est plus sec et plus strict que le Philipponnat, mais il est taillé pour la gastronomie.

Jean Pierre Vigato m’avait prévenu que l’entrée serait iodé, mais à ce point là, je ne m’y attendais pas. Même si j’aime l’iode, on est dans l’excès. Il faut vraiment s’accrocher et les saveurs qui sont intéressantes gagneraient à être dégustées avec un bémol. Le bonheur, c’est le râble. C’est le chef lui-même qui vient découper une magnifique pièce, d’un beau rose à la colonne. La viande est tout simplement divine. Le champagne trouve une résonnance vibrante avec le râble. Bravo le sommelier.

Le dessert sied au champagne. Voilà un bien joli déjeuner.

explosion de truffe blanche au Carré des Feuillants jeudi, 9 décembre 2010

Au restaurant le Carré des Feuillants, Monica, Armin et Michel m’attendent, malgré ma recommandation de ne pas le faire, autour d’un Champagne Mumm cuvée R. Lalou magnum 1998. Je me joins à eux et le champagne me paraît assez ennuyeux. Il est bien fait, mais l’émotion n’est pas là, ce qui étonne Michel qui ne retrouve pas le goût qu’il avait en mémoire. J’en ai parlé au chef de caves de Mumm qui présentait au Grand Tasting ce même vin. Dans cette autre atmosphère, il m’a beaucoup plu. Mes amis ont faim, et Alain Dutournier aime tellement discuter avec Michel que nous avons peur que le festival ne démarre pas. D’autant qu’Alain vient nous mettre sous le nez la truffe encore dans sa boîte, nous disant qu’il n’a jamais senti une truffe blanche de cette qualité. Ce que nous ne savions pas, c’est que tout se prépare en coulisse avec une extrême efficacité.

Voici le menu qu’Alain Dutournier a conçu, donnant libre cours à son talent : infusion de girolles spéciales d’Arcachon en aumônières de calamar et truffe blanche d’Alba / saumon sauvage juste poché en gelée de sous-bois et délicatement fumé à l’aulne, avocat en chantilly et truffe blanche d’Alba / bouillon mousseux de châtaignes, truffe blanche d’Alba râpée, aiguillette de poule faisane pochée / tronçon de turbot sauvage étuvé dans son jus de cuisson, truffe blanche d’Alba, semoule de brocoli et riz noir / la truffe noire à la truffe cuite entière à l’étouffée – piccata de ris de veau / envie de lièvre en prestigieuse "royale", le râble servi en rosé en médiéval "saupiquet", quelques gourmandises braconnier / vacherin et truffe blanche d’Alba / perles de mangoustan, marrons glacé "Mont-Blanc", parfait vanillé, gelée de rhum.

Ce repas réalisé par le grand chef pour la truffe a été d’un niveau exceptionnel, avec une sensibilité extrême, d’un niveau de trois étoiles.

Le Mumm est vite remplacé par un Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires 1995. L’écart de présence et de personnalité est très grand. Ce champagne très vineux, puissant, à la grande longueur nous ravit. Il est plein, typé, expressif. Il "cause".

Le sommelier qui a assuré le service tout au long du repas s’est régalé à entendre les supputations de Michel fort en verve, car tout s’est déroulé à l’aveugle. Il dépose devant nous trois blancs. Le Jurançon sec La Canopée domaine Cauhapé 2007 est d’un jaune clair et jeune. Je suis frappé par la construction d’une précision extrême de ce vin. Il est fin, précis et élégant. Pour moi, son nez est définitivement sud-ouest et Michel est de ce même avis. Puis il change, se mettant à explorer plusieurs régions. Je suis sûr qu’il s’est amusé à brouiller les pistes par ce numéro de patinage artistique interrégional.

Le Jurançon sec Château des Navailles F. Paul 1992 est plus doux que le 2007 et plus fruité, mais moins fin. Je le trouve un peu plus pataud. Le Pur Sang Didier Dagueneau Pouilly Fumé 1996 au nez de litchi est un vin canaille qui pirouette, d’un immense vigneron hélas disparu, que je suis incapable de situer dans sa région. Là aussi nous avons tous fait du patinage artistique, glissant sur les régions avec une insolente légèreté. Le vin est beau, et sa complexité atypique m’a empêché de le reconnaître. C’est un grand vin.

C’est sur le vin suivant que la bonne humeur de Michel s’est exprimée de façon éclatante. Il lance, tout de go : "si ce vin là n’est pas un Pessac Léognan, je quitte mon métier". Et sa confusion est grande puisqu’il s’agit du Vin de jardin Alain Dutournier 2001, vin qui doit être de son sud-ouest. Brillant de précision, riche en bouche et joyeux, c’est un vin de belle mâche au fruit généreux.

Pendant que nous cherchons, nous prenons quand même le temps de nager dans les odeurs de truffe blanche invraisemblablement enivrantes. Les plats concoctés par Alain Dutournier sont au sommet de la gastronomie. La châtaigne crée un accord prodigieux.

Alain a voulu que la truffe noire soit aussi à l’honneur, et le Château La Cabanne pomerol 1989 nous a immensément plu, réussite superbe d’équilibre d’un grand pomerol pour la truffe noire, mais aussi pour le plat le plus chaleureux, le divin lièvre à la royale, dont la force est adoucie par le foie gras.

Le vacherin et la truffe blanche ont formé un couple parfait. Le Maury Thunevin Calvet 2007 est joliment fait dans sa fraîcheur juvénile. Nous voulions éviter le dessert mais Alain nous l’a imposé. Michel voulait un digestif et nous a entraînés vers un Bas Armagnac domaine Charlot 1970 d’une pureté exemplaire.

Alain Dutournier a fait une cuisine exceptionnelle en traitant la truffe blanche dans des compositions éblouissantes. Michel était en pleine forme. A la générosité de Michel qui a offert la truffe blanche a répondu la générosité d’Alain qui nous a offert le repas. Ce fut un grand moment d’amitié.

Académie des vins anciens – 14ème séance VINS mercredi, 8 décembre 2010

les champagnes d’apéritif

Vins du Groupe 1

Champagne Europe Fleury 1990 magnum

Meursault Perrières 1964 R.Ampeau

Chante-Alouette Hermitage blanc M. Chapoutier 1959

Château Lafite-Rothschild 1970

Château Montrose 1955

Château Malescot Saint-Exupéry 1934

Château La Mission Haut-Brion 1988

Clos de Vougeot Château de la Tour Morin P&F (2 1/2 bt) 1947

Clos Des Mouches Joseph Drouhin 1959

Vega Sicilia 1936

Beaulieu Vineyards Georges de Latour cabernet sauvingnon 1960

Château Pion Monbazillac 1973

Château Haut-Sarpe Sauternes # 1896

Vins du Groupe 2 :

Champagne Europe Fleury 1990 magnum

Champagne Veuve Pommery Brut "25ème année de règne de SAS le Prince Régnier III " 1974

Agneau Blanc de Mouton Rothschild Graves 1948

Meursault du Château de Meursault (propriété du Comte de Moucheron) 1969

Chassagne Montrachet blanc Soualle et Bailliencourt 1948

Château du Cauze Saint Emilion Grand Cru 1985

Château Saint Martin Médoc 1964

Château Montrose 1960

Château Margaux, Margaux NM # 1931

Gevrey-Chambertin Bouchard P&F 1962

Santenay Dufouleur négociants 1955

Chateauneuf-du-Pâpe Bessac Monopole 1938

Barolo anno 1958

Château Suduiraut 1975

Malaga Lagrima Scholtz Hermanos début des années 30

Vins du Groupe 3 :

Champagne Nicolas Feuillate 1982

Agneau Blanc de Mouton Rothschild Graves 1948

Clos de la Coulée de Serrant N. Joly 1983

Arbois rouge Domaine de la Pinte 1961

Château L’Eglise-Clinet 1971

Château Grand Corbin Despagne 1961

Château Lagrange St Julien 1943

Nuits Saint Georges Pierre Gruber 1974

Beaune Bressandes Joseph Drouhin 1955

Vega Sicilia 1940

Château Suduiraut 1975

Ste Croix du Mont Château Bel-Air La Mouleyre 1er Cru 1964

Vins du Groupe 4 :

Champagne brut Ayala, années 70

Arbois blanc Fruitière Vinicole d’Arbois 1961

Château La Rose-Pourret Saint Emilion Grand Cru 1983

Château Haut-Brion rouge 1963

Château Haut-Brion rouge 1970

Château Dupeyron Margaux 1982

Château de Sales 1949

Nuits Saint Georges Pierre Gruber 1974

Santenay Clos de Tavannes 1959

Clos des Papes Chateauneuf-du-Pape 1975

Vega Sicilia 1953

Sainte Croix du Mont Château Lamarque 1969

Saint-Raphaël Quinquina vieux # 1950