dégustation de 41 millésimes de la Romanée dimanche, 10 juin 2012

La dégustation de 41 millésimes de la Romanée Liger-Belair se tient au restaurant « Im Fünften » qui comme son nom l’indique est au cinquième étage d’un centre commercial, surplombant la Jakominiplatz de Graz. Nous sommes environ 24, mais chaque bouteille sera partagée en seize verres, puisque plusieurs personnes partageront un verre à deux. Le service des vins se fait selon un processus assez astucieux. Gerhard, l’organisateur de la dégustation, a apporté des petits verres à schnaps, et chaque participant recevant la carafe d’un nouveau vin utilise un petit verre pour doser la quantité, en ayant le repère d’une marque sur le verre.

Il fait très chaud et pendant la première partie de la dégustation, avant que le soir ne tombe, les vins montrent un peu trop leur alcool en premier. Nous dégustons « à l’aveugle » presque total puisque, si nous connaissons le vin que nous buvons, nous ne connaissons pas son année.

Les séries sont de cinq vins, dont l’ordre a été établi par Gerhard, et nous n’en savons rien. Les notes que j’ai prises sont plutôt pour différencier les vins dans chaque série, puisque nous votons, que pour les décrire de façon intrinsèque. De plus, comme il y a beaucoup de séries, par prudence je ne reviens pas de nombreuses fois sur chaque vin. Le souci de différencier fait que je mets en avant tel ou tel défaut, même si le vin est globalement plaisant. A noter que je ne sais pas quel est le vin quand j’ai écrit ces notes où, pour des questions de lisibilité, j’indique après coup l’année au lieu du numéro d’ordre du vin. J’ai gardé mes notes telles quelles, avec ses erreurs, ses redites, et ses imperfections. On notera que le plus souvent, mon vote pour les trois premiers vins est très proche du vote du groupe.

Série n° 1. Le 1988 a la couleur la plus fatiguée, son nez profond montre des signes d’âge. Le 1995 est beaucoup plus jeune de couleur, plus frais, un peu strict. Il a une belle structure plaisante. Le 2004 a un nez puissant, un nez de cassis et une attaque généreuse. C’est le préféré de Louis-Michel Liger-Belair, car il est dans le style qu’il veut donner à son vin. Il est opulent. Le 1993 est plus aqueux, un peu moins structuré. Mais il s’améliore dans le verre. Le 2006 est élégant, mesuré, très joli.

Les vins, dans l’ordre de service, de la série 1 : 1988 – 1995 – 2004 – 1993 – 2006.

Le vote du groupe est : 1 : 2006, 2 : 2004, 3 : 1993, 4 : 1995, 5 : 1988.

Mon vote est : 1 : 2006, 2 : 2004, 3 : 1993, 4 : 1988, 5 : 1995.

Série n° 2. Le 1979 a un nez chaleureux, le 1970 un nez moins précis, le 1982 a un nez plutôt animal, le 1972 a un nez élégant, le 1976 exhale beaucoup d’alcool, mais c’est lié à la chaleur.

La bouche du 1979 est élégante, raffinée. J’aime ce vin. Le 1970 est légèrement fatigué, avec un soupçon de bouchon qui ne se confirme pas. Il est assez minéral. Il devient plus chaleureux. Le 1982 est plus vieux, un peu aqueux, mais il a une belle élégance. Il est un peu râpeux, rêche et un peu imprécis. Le 1972 a fraîcheur et élégance, au final très fluide. Je note : « que du bonheur ». Le 1976 est élégant mais avec un peu moins de personnalité. Il est racé aussi.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 2 : 1979 – 1970 – 1982 – 1972 – 1976

Le vote du groupe est : 1 : 1972, 2 : 1976, 3 : 1970, 4 : 1982, 5 : 1979.

Mon vote est : 1 : 1972, 2 : 1976, 3 : 1979, 4 : 1970, 5 : 1982.

Série n° 3. Le 2000 a une couleur très jeune. Il est très fluide. Il est élégant et soyeux. Le 1997 a un joli nez. C’est un beau vin, moins fin que le premier. Le 2007 a un nez moins clair. J’aime son côté râpeux. Il est plus séducteur, plus bourguignon, mais avec la chaleur, montre trop son alcool. Le 2003 a un nez moins plaisant. Le gout est aussi moins plaisant. Le final n’est pas assez précis. Il est plutôt fermé. Le 2001 a un parfum de belle personnalité. Il est atypique mais assez excitant. Il est déroutant, mais j’aime.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 3 : 2000 – 1997 – 2007 – 2003 – 2001

Le vote du groupe est : 1 : 2003, 2 : 2007, 3 : 2001, 4 : 2000, 5 : 1997.

Mon vote est : 1 : 2000, 2 : 2007, 3 : 2001, 4 : 1997, 5 : 2003.

Série n° 4. Le 1968 a un nez de camphre, le vin qui n’a pas de millésime mais que l’on peut dater entre 1920 et 1935 puisque c’est un vin distribué par Marey & Comte Liger Belair a un nez de gibier, le 1973 a un nez superbe, le 1923 a un nez de porto, le 1975 a un nez « possible ».

Le 1968 n’est pas si mal en bouche, du moins à l’attaque, mais il est dévié, malade. Le probable 1925 a une belle attaque, mais il est un peu fatigué. Le 1973 est plus élégant. Il a encore du fruit. Le final est un peu incertain. Mais après quelques minutes il montre qu’il est très beau. Le 1923 est plaisant. On sent son alcool. Le 1957 est le plus jeune des cinq. Comme les deux premiers étaient un peu fatigués, Gerhard ajoute un sixième vin, le 1975 que je trouve très joli. Goûté ensuite en sachant l’année, je le trouve au dessus de ce qu’il devrait être pour 1975. Et j’ai la même réaction en sachant que le 4ème vin est de 1923. C’est un superbe 1923.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 4 : 1968 – vers 1925 – 1973 – 1923 – 1957 – 1975

Le vote du groupe est : 1 : 1973, 2 : 1957, 3 : 1975, 4 : 1923, 5 : vers 1925, 6 – 1968.

Mon vote est : 1 : 1973, 2 : 1975, 3 : 1957, 4 : 1923, 5 : 1968, 6 : vers 1925.

Série n° 5. Le 1998 a un nez joliment fruité. Il est joli, riche, poivré, très puissant. Le 2010 a un nez plus ancien, pas facile à cerner (je ne connais pas le millésime). Il est truffe, végétal, pas encore structuré. Le 2008 a un nez jeune comme le 2010 (c’est ce que j’ai écrit, qui ne semble pas très cohérent). Il est plus joyeux, bien structuré. C’est un grand vin en devenir. Le 1996 a un nez très joli, riche, opulent. En bouche, il est un peu serré, strict, mais de beau potentiel. Le 2002 a un nez joli et discret. En bouche il est élégant et raffiné. C’est pour moi la plus belle série, de vins très jeunes et très bien faits.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 5 : 1998 – 2010 – 2008 – 1996 – 2002

Le vote du groupe est : 1 : 2008, 2 : 2002, 3 : 2010, 4 : 1996, 5 : 1998.

Mon vote est : 1 : 2002, 2 : 2008, 3 : 1998, 4 : 2010, 5 : 1996.

Série n° 6. Le 1986 a un très joli nez. Il est joli, charmeur, mais ne fait pas Grand Cru. Le 1983 a un nez séduisant, vineux. Je l’aime bien. Il est assez simple mais très authentique. Le 1985 est bouchonné, hélas. Le 1992 a un nez très charmant. Il est très plaisant en bouche, charmeur, mais n’a pas la tension qu’avait la 5ème série. Le 1978 est bouchonné, ce qui est rageant quand on apprend de quel millésime il s’agit. Louis-Michel vote pour ce vin et le place premier en expliquant pourquoi : il a reconnu le millésime et ressent tout le potentiel immense de ce vin. Il fait donc abstraction du goût de bouchon que nous subissons.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 6 : 1986 – 1983 – 1985 – 1992 – 1978

Le vote du groupe est : 1 : 1992, 2 : 1983, 3 : 1986, 4 : 1978, 5 : 1985.

Mon vote est : 1 : 1983, 2 : 1992, 3 : 1986, 4 : 1978, 5 : 1985.

Série n° 7. Le 1990 a un nez de grande classe. En bouche il est doucereux, presque sucré, pas très orthodoxe. Le 1989 a un nez assez joli, mais peu structuré. En bouche, il est plus frais, charmant, avec pas mal de fruit. Je l’aime assez. Le 2009 un beau nez. Il est un peu doucereux aussi mais beaucoup plus réussi que le 1990. Je m’en veux, car je n’ai pas reconnu ce 2009 que j’avais goûté au domaine. Le 1999 a un nez un peu fermé. Il est un peu râpeux en bouche mais très intéressant. Le 2005 a un assez joli nez, discret. En bouche il n’est pas mal, mais je ne le trouve pas très sexy.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 7 : 1990 – 1989 – 2009 – 1999 – 2005

Le vote du groupe est : 1 : 2009, 2 : 1999, 3 : 2005, 4 : 1989, 5 : 1990.

Mon vote est : 1 : 1989, 2 : 2009, 3 : 1999, 4 : 1990, 5 : 2005.

Série n° 8. Le 1961 a un nez assez ancien. Il fait âgé. En bouche, il est doucereux, et n’a pratiquement pas de final. Le 1966 a un nez assez animal. En bouche il est doucereux mais amer aussi. Le 1964 a un nez fatigué, mais il est plaisant en bouche. Il a un final plaisant où l’alcool se montre. Le 1969 a un nez beaucoup plus joli. Malgré une amertume dans le final, j’aime ce vin. Le 1953 a un nez intéressant. Il est un peu aqueux en bouche mais ne me déplait pas. Cette série est peut-être celle qui m’a le moins convaincu, car on est dans une période où l’on peut penser que ceux qui ont fait le vin n’avait pas une suffisante envie d’excellence, contrairement à ce qu’on voit aujourd’hui.

Les vins, dans l’ordre de service de la série 8 : 1961 – 1966 – 1964 – 1969 – 1953

Le vote du groupe est : 1 : 1969, 2 : 1953, 3 : 1961, 4 : 1964, 5 : 1966.

Mon vote est : 1 : 1969, 2 : 1953, 3 : 1964, 4 : 1966, 5 : 1961.

Gerhard nous fait maintenant goûter à l’aveugle une série de liquoreux.

Série n° 9. Le Bonnezeaux domaine de la Croix des Loges 1974 est très sucré. On dirait un bonbon anglais auquel on ajouterait cannelle et guimauve. Il a une belle fraîcheur, mais l’aspect ananas lui va moins bien. Le Zeltinger Schlossberg Riesling Auslese Mosel Maximilien Keilereien 1964 a un nez bizarre. Il est assez léger, à peine sucré, au final un peu imprécis.

Le Château Rieussec 1985 est nettement plus agréable, car c’est un sauternes confortable (je n’ai pas de doute en le buvant). Le vin suivant et dernier vin a une étiquette fantaisiste, car il ne peut pas être commercialisé du fait qu’il titre seulement 4°. En le buvant j’ai immédiatement pensé à un Essenzcia hongrois car il en a le nez, le sucre énorme et la belle fraîcheur. Et c’est un Welschriesling Essenz autrichien 2001. On est donc dans le même esprit.

Nous avons bu ces quatre liquoreux sur des fromages autrichiens choisi avec amour par le restaurant, sacrément affinés, pour que nous constations que l’Autriche aussi fait des fromages couillus. Mon classement de ces quatre vins est Rieussec, Essenz, Bonnezeaux et Mosel Riesling.

Que dire de cette soirée ? D’abord, c’est l’opiniâtreté de Gerhard qui a permis de rassembler tous ces vins, ce qui n’est pas une mince affaire quand un vin a une aussi petite production. Ensuite, c’est un privilège de boire autant de millésimes de ce grand vin. Gerhard est un grand passionné de vin et il faut de tels personnages pour faire de beaux événements.

Le 1923, que j’ai mis quatrième de sa série, quand je l’ai bu en sachant ce qu’il est, m’a enthousiasmé. Ceci me montre que je préfère les dégustations verticales quand on sait ce que l’on boit, car je peux alors profiter de mes références sur ces années.

Mais l’avantage de la dégustation à l’aveugle, c’est que l’on peut faire apparaître sans risque d’être influencé qu’il y a des années dites « moyennes » parmi les mieux classées comme 1992, 1973, 1972 et 1957, par exemple, et des années dites « grandes » moins bien classées comme 2005, 1990, 1989, 1978, 1961, 1923.

C’est ainsi que les vins classés 1 ou 2 par le groupe sont : 2009, 2008, 2007, 2006, 2004, 2003, 2002, 1999, 1992, 1983, 1976, 1973, 1972, 1969, 1957 (Leroy), 1953 (Leroy- tastevinage).

Et les vins classés au-delà de 2è par le groupe sont : 2010, 2005, 2001, 2000, 1998, 1997, 1996, 1995, 1993, 1990, 1989, 1988, 1986, 1985, 1982, 1979, 1978, 1975, 1970 (Bichot), 1968, 1966 (Bichot), 1964 (Bichon à Margaux), 1961 (Leroy), vers 1925 (Marey et Liger-Belair), 1923 (Léon Rigault).

Pendant certaines périodes, le vin n’a peut-être pas eu le traitement qu’il méritait. Est-ce parce que ceux qui en avaient la charge n’ont pas donné tout le soin qu’ils auraient dû, je ne sais pas. Mais un grand vin venant d’un grand terroir prend toujours le dessus. Et Louis-Michel est en train de démontrer que la Romanée Liger-Belair est un des plus beaux vins, des plus racés de la belle Bourgogne. Le fait que ce vin soit grand dans des années dites petites est bien le signe qu’il s’agit d’un grand vin.

Souhaitons longue vie à ce beau vin dont les millésimes récents m’ont conquis.

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pour voir les fromages dégustés, dont un est affiné en entendant chaque jour et chaque nuit des chants grégoriens, c’est ici : LesfromagesGraz.pdf

photos de quelques bouteilles, dans l’ordre de dégustation

2001 – 1968

entre 1920 et 1932 – 1973

1923 Tête de Cuvée !!!

1957

1975 – 2010

2008 – 1996

2002 – 1990

1989 – 2009

1961

1964 – 1966

1969

1953

Les liquoreux

Champagnes de la Baltique autour de 1839 / 1840 vendredi, 8 juin 2012

La vente a été faite de 11 bouteilles sur les 79 buvables (2 vendues en 2011 – il en restera 66) :

1 bt de Heidsieck à 11.500 € avant frais

4 bt de Veuve Clicquot entre 10.000 et 14.000 € chacune avant frais

6 bt de Juglar entre 9.500 et 14.000 € avant frais.

Les estimations d’Artcurial ont donc été confirmées par les faits. Il n’y a pas eu l’explosion de prix que certains attendaient.

Comparativement, les bouteilles vendues l’an dernier ont atteint 30.000 € chacune.

Reste maintenant à savoir si elles sont bonnes !

dîner à Graz avec Lafleur 1999 vendredi, 8 juin 2012

Gerhard, l’ami autrichien fou de vin, rendu célèbre dans mon modeste microcosme par son plongeon accidentel en plein repas dans la piscine intérieure d’Yvan Roux, parce qu’il était excité d’aller chercher une de ses bouteilles prête à être servie, organise à Graz une dégustation verticale de 41 millésimes de La Romanée Liger-Belair, la plus petite appellation française, mais une des toutes grandes en qualité.

Je prends l’avion à Roissy pour rejoindre Louis-Michel Liger-Belair qui m’attendra à Vienne, pour que nous nous rendions ensemble à Graz en voiture. Prendre l’avion avec 45 minutes de retard parce que le personnel de nettoyage des avions est en sous-effectif est une spécificité particulièrement intéressante d’une France « normale ». Louis Michel Liger-Belair, venu de Lyon, m’accueille à Vienne et nous arrivons sans encombre à notre hôtel à Graz. Il a retenu une table au restaurant Eckstein où nous dînons à l’extérieur, sur la place Mehlplaz, dans une ambiance de plein été. Le tout Graz est de sortie, les terrasses des restaurants et bistrots regorgent de monde, les femmes sont jolies, ça sent l’été.

C’est un ami autrichien de Louis-Michel qui a organisé les vins pour nous. Le premier est un Pichler FX, Grünerveltliner Smaragd Dürnsteiner Kellerberg 2001 qui titre 13,5%. Le nez est très expressif, la robe est d’un jaune à peine doré. En bouche, il y a une impression combinée de sec et de doucereux, une fraîcheur remarquable et un confort certain. Le vin iodle ses complexités. C’est charmant, plaisant et agréable à boire.

Le serveur ajoute un vin au programme conçu par l’ami de Louis-Michel. C’est un Pichler FX Riesling Smaragd Loibner Steinertal 2004. Le vin est intéressant, plus sec, mais contrairement à Louis-Michel, je suis gêné par le côté perlant très prononcé. Le vin s’anime sur les plats, notamment un délicieux jambon fumé sec accompagné d’une soupe au concombre et de beignets de champignons. Le 2004 est très pertinent sur un steak tartare peu épicé, ce qui est important pour l’accord.

La vedette du repas, c’est un Château Lafleur 1999. Respect, comme on dit en banlieue. Ce qui frappe immédiatement, c’est un velours impressionnant. Le vin a une longueur extrême et le velours s’étale pendant tout le parcours en bouche. Les tannins sont forts mais bien contenus. Ce vin a un charme fou et nous avons ri car nous avons eu la même idée au même moment : ce vin a un charme inouï qui ne peut pas être bordelais. Traduisez, sans qu’on le dise, que ce charme est forcément bourguignon. J’exagère, bien sûr.

Le vin est profond, musclé mais galant, et c’est son énorme velours qui séduit nos palais conquis. L’agneau à basse température lui convient parfaitement.

Le service a été épatant Par une belle température estivale nous sommes revenus à l’hôtel à pied, croisant une foule hétéroclite et bigarrée. Graz est une ville qui vit !

visite au domaine Stefan Potzinger en Autriche vendredi, 8 juin 2012

Le lendemain matin Gerhard, femme et enfants ainsi qu’un ami allemand nous dirigent vers les vignobles autrichiens qui jouxtent la Slovénie. Les paysages sont vallonnés, voire torturés, d’une grande beauté et les vignes sont installées sur des pentes vertigineuses. J’ai du mal à imaginer que des tracteurs puissent remonter de telles pentes. Nous rendons visite à un vigneron, Stefan Potzinger, propriétaire du domaine éponyme.

Lorsque Stefan nous accueille au seuil de sa maison, et nous parle de son domaine, une épouvantable odeur d’une porcherie voisine envahit nos narines. Nous visitons ses installations et nous allons en salle de dégustation, heureusement non touchée par les odeurs, pour goûter ses vins.

Stefan Potzinger Sauvignon blanc Aus den Rieden 2011, Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc Ried Sulz 2009, Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc Ried Sulz 2008, Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc Ried Sulz 2003, Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc Ried Sulz 2004, Stefan Potzinger Traminer Zoppelberg 2003. Il me faut beaucoup de temps pour m’acclimater à des vins qui, même avec quelques années, ont encore des candeurs de vins trop jeunes. Leur caractéristique est d’être précis, frais, bien faits. On sent l’enthousiasme de ce jeune vigneron ambitieux.

Nous allons ensuite visiter les vignes pentues du domaine Stefan Potzinger. Les vendanges sont faites à la main, car il serait impossible d’engager des machines sur ces pentes. Les allées étant herbeuses, je me demande comment l’on peut rester debout lorsqu’il pleut. Si l’on tombe, on ira rapidement plus vite qu’une luge. Nous nous arrêtons pour l’apéritif chez les parents de Stefan dans une maison rustique au panorama de toute beauté.

Même avec beaucoup d’imagination, je n’arrive pas à comprendre que l’on puisse prendre un apéritif avec ces bébés : Stefan Potzinger Gelber Muskateller Steirische Tradition 2011 et Stefan Potzinger Weissburgunder (pinot blanc) Aus den Rieden 2011. On sent que c’est bien fait, que le pinot blanc a de belles promesses, mais pourquoi se faire mal ? On passe à côté de l’ampleur que peuvent prendre ces vins bien faits. On en verra la preuve ce soir.

Stefan Potzinger et Louis-Michel Liger-belair

les photos ne rendent pas l’ampleur vertigineuse des pentes. Quels beaux paysages !

déjeuner en Autriche dans une auberge bobo vendredi, 8 juin 2012

Nous nous rendons ensuite dans l’auberge Buschenschank Oberguess, une Buschenschank, selon la loi, n’ayant le droit de vendre que des produits de sa propre production. C’est du local food poussé à l’extrême. Christian Krampl, qui était vigneron et maintenant fait du vin pour son restaurant, a le look du bobo retiré à la campagne. Sa femme et lui sont jeunes et beaux, cools, rustiques à souhait. On grignote une assiette de nourritures variées sur les vins de Christian : Ober Guess Sclossberg Gelber Muskateller 2011, Ober Guess Sclossberg Weissburgunder 2011, Ober Guess Sclossberg Sauvignon blanc 2011. Là encore, c’est dur de se tordre les boyaux, mais on constate l’extrême écart entre des vins bien faits, ceux de Stefan Potzinger, et ceux-ci, franchement peu intéressants du fait de leur élaboration imprécise. Un quatrième vin dont je n’ai pas noté le nom mais de 2009 s’est montré beaucoup plus convaincant. Pourquoi boire des 2011, si les 2009 se boivent mieux ?

visite au vignoble Sepp et Maria Muster en Autriche vendredi, 8 juin 2012

Nous rendons visite au vignoble Sepp et Maria Muster qui travaille en biodynamie. L’homme est charmant, didactique, et d’une simplicité d’approche remarquable. Ce n’est pas un de ces ayatollahs de la biodynamie, qui voient des influences telluriques ou stellaires partout. Tous les choix sont raisonnés et l’on sent qu’il est en recherche permanente. Il nous explique sur le terrain sa vision de la croissance de la vigne, en cave, il nous parle d’expériences que Louis-Michel m’aide à comprendre, et le résultat se goûte dans la salle de dégustation.

Muster Sauvignon vom Opok 2008, Muster Morillon Vom Opok 2008, Muster Graf Morillon Vom Opok 2008, Muster Graf Sauvignon 2008, Muster Graf Sgaminegg 2008, Muster Graf Sgaminegg 2007. On est assez impressionné par la précision, la fluidité, la longueur de ces vins délicieux. Alors, la question que je me pose est : est-on favorablement conditionné pour aimer ces vins dans le contexte du lieu où ils sont faits, ou sont-ils aussi bons que ce que nous ressentons ? Et Gerhard a la réponse : un des vins de Sepp Muster ayant une vingtaine d’années, confronté à des Corton Charlemagne, les dominait nettement. Il se trouve que nous aurons l’occasion de vérifier ce soir la pertinence de cette assertion.

Nous goûtons ensuite un essai, une curiosité : Muster Gräfin 2008, vin non filtré qui a passé deux ans en fût. C’est original mais ne m’émeut pas, alors que le Muster Erde 2007, mis en bouteille dans un flacon en grès me plait énormément.

Nous nous livrons ensuite à une expérience très passionnante : le Muster Sgaminegg 2006 a été mis en bouteille au même moment dans une bouteille en verre et dans un flacon en grès. L’écart est intéressant. Le nez, le fruit, et la rondeur du vin sont nettement à l’avantage de la bouteille de verre. Et la rémanence et la longueur sont nettement en faveur du pot de grès. Alors lequel préférer ? Sur la mâche, c’est le verre. Pour la mémoire en bouche, c’est le grès. Sepp Muster, passionnant conteur, fait des vins de très grande précision et surtout de grande persistance en bouche. Il nous rejoindra ce soir au dîner.

l’enseigne au bord de la petite route et l’une des maisons anciennes

ça fermente dans les tonneaux !

Sepp Muster et Louis-Michel Liger-Belair

les contre-étiquettes expliquent les vins

voici le recto des bouteilles dégustées (quelques unes)

le Muster « Erde » (terre) est embouteillé dans un flacon en terre

Sepp Muster a embouteillé le même vin en verre et en terre

Sepp dans la salle de dégustation répondant aux questions

dîner de vins anciens au restaurant Schmankerlstub’n Temmer vendredi, 8 juin 2012

Pendant tous nos trajets, nos vins étaient dans les voitures, celles de Gerhard dans une boîte réfrigérée, les miennes dans un sac. Gerhard voulait absolument que les bouteilles soient ouvertes pendant notre casse-croûte rustique. J’ai accepté d’ouvrir les siennes puisqu’il le voulait, mais j’ai conservé les miennes intactes jusqu’à l’arrivée au restaurant Schmankerlstub’n Temmer, situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Graz. Monika Temmer est en cuisine et Sepp Temmer son mari nous fera le service des vins. Il est très fier de sa toque au Gault et Millau. Il est très motivé à nous servir les vins au point qu’il se sert aussi de belles portions qu’il avale cul-sec, comme un seul homme.

La cuisine est simple, goûteuse et assez bien adaptée aux vins qui sont l’objet de toute notre attention. Stefan Potzinger et Sepp Muster sont avec nous.

Le Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc magnum 2006 montre à quel point les années profitent aux vins de Stefan et combien la gastronomie est essentielle pour eux. C’est un vin fruité, direct, chaleureux, sans chichi et bien expressif. C’est comme cela qu’il faut boire ces vins.

Le Clos Sainte Hune Riesling Trimbach 1968 a un niveau bas et une couleur beaucoup trop ambrée. Le nez est celui de vins qui ont viré vers le madère et en bouche, si le goût est très agréable, il est très éloigné de ce que Clos Sainte Hune peut être. Alors on le boit comme une curiosité, avec des notes plaisantes, mais un peu hors sujet.

L’Hermitage blanc Audibert & Delas 1950 a aussi un niveau bas et une couleur beaucoup trop ambrée, mais à l’inverse du riesling, il parle, il est causant, il raconte une histoire. Il ne laisse pas indifférent et il a une râpe fort agréable qui signe un vin d’encore belle vitalité. J’ai beaucoup aimé ce vin.

Le Muster Sauvignon blanc Sgaminegg 1992 va apporter la preuve de ce que disait Gerhard il y a quelques heures. Car il est confronté à un Le Montrachet Dupard Aîné 1991, vin de négoce, beaucoup trop ambré pour son âge, plat, sans la puissance ni la pétulance d’un montrachet. A côté, le Muster est élégant, précis, et c’est surtout sa longueur qui m’impressionne. Il est très frais, comme les vins nobles. Un très grand vin. Il faut se précipiter pour acheter des vins de ce vigneron, tant que les tarifs sont encore doux, du moins sur les années récentes.

Le Vosne Romanée Domaine du Château de Vosne-Romanée 1980 est un vin du domaine Liger-Belair que Gerhard possède. Il est hélas trop bouchonné pour qu’on puisse en saisir les subtilités.

Le Vosne Romanée Saint-Florentin Domaine Grivelet 1955 avait des petites bêtes qui couraient sur le haut de la capsule qui, au fil des ans, avait exsudé une pâte molle. Un bon nettoyage avait éliminé ces parasites. Le vin sent un peu le renfermé, mais en bouche, il est très plaisant, avec une belle esquisse de salinité très bourguignonne. Gerhard s’étonne de sa puissance et l’idée qui vient est celle d’un apport d’une minorité visible dans ce vin. Je le trouve fort agréable.

Viennent maintenant mes deux vins. Est-ce que, selon une tradition solidement établie, je vais les juger les meilleurs du dîner, ce dont nous plaisantons avec Louis-Michel ? Ça paraît bien parti, car le Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1988 est un gaillard sacrément solide. Il est puissant affirmé, avec un velours beaucoup plus guerrier que celui, subtil, du Lafleur 1999 de la veille. Je l’aime beaucoup, et Louis-Michel un peu moins, pour son côté rouleau-compresseur. C’est vrai qu’il passe en force.

Le Vega Sicilia Unico 1965 m’oblige à respecter la tradition de la préférence de mes enfants, car ce vin est superlatif. Sepp Muster est subjugué par sa jeunesse. Ce vin n’a pas d’âge, mais ce qui est le plus confondant, c’est qu’il est d’une fraîcheur mentholée exceptionnelle. Il glisse en bouche en la rafraîchissant. Il ne bougera pas d’un iota pendant sa dégustation.

Le Rheingau Qualitätswein mit Prädikat Erbacher markobrunn Riesling Auslese 1971 a tout le charme des beaux vins allemands et la sérénité de l’année 1971 superbe en Allemagne. Délicieusement liquoreux, avec des complexités successives, je l’aime beaucoup, même s’il n’est pas totalement équilibré dans sa structure. C’est un grand vin.

Le Château d’Arche Lafaurie sauternes 1964 est hélas bouchonné, mais après une bonne dizaine de minutes, il effacera presque complètement l’odeur désagréable. Il restera à peine une amertume rêche. C’est un grand sauternes dont nous n’avons pas pu profiter comme il eût convenu.

Mon classement sera : 1 – Vega Sicilia Unico 1965, 2 – Muster Sauvignon blanc Sgaminegg 1992, 3 – Rheingau Qualitätswein mit Prädikat Erbacher markobrunn Riesling Auslese 1971, 4 – Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1988, 5 – Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc magnum 2006.

Une telle journée ne pouvait se concevoir qu’en recrachant les vins. Par une belle journée ensoleillée dans des paysages de rêve, nous avons fait la connaissance de deux vignerons sympathiques, dynamiques et compétents. Nous avons dîné avec des vins parfois un peu fatigués, mais comme disait Pierre de Coubertin, l’important c’est de participer et d’ouvrir des vins anciens qui n’attendent que d’être bus. Les cinq que j’ai mis dans mon classement justifient à eux seuls ce beau repas entre amis.

Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc magnum 2006

Clos Sainte Hune Riesling Trimbach 1968

Hermitage blanc Audibert & Delas 1950

Muster Sauvignon blanc Sgaminegg 1992

Le Montrachet Dupard Aîné 1991

Vosne Romanée Domaine du Château de Vosne-Romanée 1980

Vosne Romanée Saint-Florentin Domaine Grivelet 1955

Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1988

Vega Sicilia Unico 1965

Rheingau Qualitätswein mit Prädikat Erbacher markobrunn Riesling Auslese 1971

Château d’Arche Lafaurie sauternes 1964

les plats

Chypre 1845 à l’ambassade de Chypre mardi, 5 juin 2012

A force d’écrire que le vin de Chypre de 1845 est le plus grand vin de ma vie, ça devait remonter un jour jusqu’aux oreilles de l’Ambassade de Chypre. Un conseiller de l’Ambassade me contacte et serait heureux que Chypre puisse acquérir une bouteille vide de Chypre 1845, pour qu’elle figure dans un musée.

L’évocation d’une bouteille de cet âge dans un musée serait apprécié.

Je reçois le conseiller dans ma cave qui choisit l’une des plus belles bouteilles vides que j’ai gardées. Quelques jours plus tard, j’apporte la bouteille à l’Ambassadeur qui me reçoit chaleureusement. La bouteille sera expédiée à la mairie de Limassol, ville la plus au sud de Chypre, qui est proche de toute la zone où l’on produit les célèbres Commandaria de Chypre.

Nous avons longuement bavardé et l’idée qui va germer maintenant, c’est d’apporter une autre bouteille, mais pleine celle-là, pour la partager avec des chypriotes. Rien ne me fera plus plaisir.

Avec l’ambassadeur Marios Lyssiotis

déjeuner au restaurant Laurent mardi, 5 juin 2012

Déjeuner impromptu au restaurant Laurent avec un ami, fidèle de mes dîners. Quand je suggère de commander un vin à Ghislain, il fait : « oh, oui, c’est mon préféré ».

Ce vin, c’est un Hermitage Jean-Louis Chave blanc 2001. Il arrive à une température idéale, ce qui est un plaisir de plus. En lui, tout est grand. Le parfum est fort et expressif. Il un joli fumé et un caractère oxydatif sympathique. C’est surtout son opulence et sa complexité qui me frappent. On peut dire que ce vin est aimablement envahissant, car à aucune gorgée on ne l’oublie : il est là, il occupe le terrain.

Mais il a la gentillesse de laisser le plat jouer aussi. Il est parfait pour accompagner de croquantes asperges vertes et un poisson cuit à la vapeur d’une tendreté extrême.

La cuisine est toujours aussi précise, mais la vedette incontestable, c’est ce vin blanc d’une présence inouïe.

History of La Romanée Liger-Belair lundi, 4 juin 2012

I am going to attend a fantastic vertical tasting of La Romanée Comte Liger-Belair with 41 millesimes. Louis-Michel Liger-Belair will attend this event prepared by a friend of mine, a completely passionate wine lover.

Having received the history of this wine, I find interesting to communicate it as it is very interesting.

But the tasting will be interesting too !

LA ROMANÉE – History:

LA ROMANÉE Grand Cru is with 0.8452 ha the smallest Appellation controlee in France – monopole of Domaine du Comte Liger-Belair.

The vineyard has been renowned at least since the 14th century. If it has ever been actually part of Romanée-Conti remains unsure, but both seemed to origin (at least partially) from a lot of small vineyard plots later called „Aux Echanges“ uphill from (=west of) Romanée-Saint-Vivant.

Between 1815 and 1826 the ancestor of the family, Comte Louis Liger-Belair, acquired all in all 9 parcels of “Aux Echanges”, “En La Romanée” and “Sentier au Prêtre”, first through marriage, then by purchase, and registered it in 1827 eventually under the name LA ROMANÉE. The vineyard then passed to Louis-Charles L-B – and has remained the property of the family ever since.

In 1924 Henri, the great-grandfather of Louis-Michel died, and in 1931 the widow passed away too. Because two of the ten children were still minors (French law forbid minors to take over ownership) all properties had been put up for public auction the 31st of August 1933 (including also the original La Tâche).

Although René Engel was interested in buying La Romanée, Just Liger-Belair, a priest, and his brother Michel (grandfather of Louis-Michel) fortunately were able to buy the vineyard back for the family – together with an important part of Vosne-Romanée Aux Reignots.

Because the brothers were not winemakers the vineyards were rented out „en metayage“: first to the Michaudet family, from 1946 onwards to the Forey family. Responsible for the vineyard work and vinification was Jean Forey from 1961 to 1987, afterwards Regis Forey (1988-2001).

The wines have rarely been bottled by the owners or metayeurs, but sold to different negociants: Maison C.Marey & Comte Liger-Belair, Maison Thomas-Bassot, Maison Leroy (1950-1962), Maison Bichot (1963-1975) and Bouchard Pere & Fils (1976-2005), but often barrels have been sold to other negociants, too – so one can find also bottling by Regnier, Champy, Rigault, Lupé- Cholet, Belin, Giroud among others.

In 2000 Louis-Michel Liger-Belair, grand-son of Michel and son of Henry, started his domaine with Village- and 1er-Cru-Vosne-Romanee – and in 2002 he took over the vineyards and the vinification of La Romanée and VR Aux Reignots from Regis Forey. But he still had to transfer half of the wine to Bouchard Pere & Fils until 2005 – and so there are two different bottling of these four vintages in existence.

In 2006 he was able to rent a further 5,5 ha from Domaine Lamadon with Grand Cru Echezeaux and 1er Cru and Village Vosne-Romanée and Nuits-St-Georges.