dîner au Bristol avec un grand Clos Saint-Denis vendredi, 7 décembre 2012

Bipin Desai, grand collectionneur américain fait son voyage traditionnel en France autour de Thanksgiving. Je suis en charge pour la douzième année consécutive d’organiser un dîner avec des vignerons amis. A peine arrivé de son avion, Bipin me rejoint pour un dîner à deux au restaurant de l’hôtel Bristol. Le restaurant gastronomique s’appelle Epicure et a pris ses quartiers non pas d’hiver mais de toutes saisons dans ce qui était naguère la salle à manger d’été. Notre table est tournée vers le jardin avec une vue sur l’imposant sapin de Noël dont on se demande comment il a pu arriver dans cette cour fermée, tant sa hauteur est impressionnante. Malgré la cheminée et d’amusants canapés profonds, on est loin de la classe de la salle lambrissée de la salle à manger d’hiver.

Etant arrivé en avance, Marco Pelletier, chef sommelier m’offre un verre de Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2004. C’est fou comme l’année 2004 est confortable. Il ajoute des petits amuse-bouche d’une dextérité extrême et d’un goût qui donne envie d’applaudir le talent du chef. Le champagne est riche, goûteux, crémeux à souhait. On en boirait sans s’arrêter tant il appelle la gourmandise, et, comme dirait Pierre-Emmanuel Taittinger, l’amour, mais pour ce dîner, ce n’est pas au programme.

Choisir dans la carte des vins extrêmement complète du Bristol est un exercice difficile pour deux raisons : elle est copieuse, donc longue à appréhender et par ailleurs on cherche en vain de bonnes pioches, tant les prix sont élevés. Nous avons partagé avec Bipin la note de restaurant, aussi quand il a proposé le vin rouge, j’ai acquiescé, mais jamais je n’aurais pris ce vin à ce prix si j’avais été seul décideur. Par chance il est exceptionnel.

Le menu que j’ai choisi est : châtaignes de mer en coque, langues et écume d’oursin, fine brouillade d’œuf de poule / demi-portion de macaronis farcis truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan / lièvre à la royale, ravioles de topinambour, céleri et châtaignes au raifort.

Disons-le tout de suite, celui qui a illuminé ce repas, c’est Marco Pelletier. Il nous a conseillés, a expliqué les vins d’une manière qui est celle d’un très grand sommelier. Il nous connaît tous les deux aussi sommes-nous en terrain de connaissance. Il a été remarquable. Pour l’oursin, j’ai suggéré un champagne de Diebolt-Vallois puis l’idée m’est venue de prendre un vin de Philippe Foreau. L’idée a plu a Marco qui a proposé un Vouvray sec Clos Naudin Foreau 2010. L’oursin est goûteux et le vouvray, même sec a suffisamment de douceur pour répondre à la douceur sucrée de l’oursin. Le vin est charmeur, très complexe dans ses arpèges de saveurs. Il y a des fruits blancs, une acidité d’une justesse rare. Ce n’est pas un vin encore abouti, mais c’est exactement ce qui convient aussi bien à l’oursin qu’à la brouillade.

Le vin suivant est le Clos Saint-Denis domaine Dujac 1996. Servi dans des verres aux pentes très recourbées vers le centre, le vin exhale des parfums à se damner. Qui pourrait résister à une telle tentation. C’est d’abord un bouquet de fleurs que l’on jette à mes narines. C’est ensuite un tombereau de fruits mûrs et une élégance qui me prend comme au lasso. Ce parfum est diabolique et vraiment, je pense que certains sommeliers ont l’art d’apporter un vin dans un état de perfection que je me sentirais bien incapable de trouver. La bouche est moins tonitruante que le nez. Le vin est grand, avec un équilibre entre les jolis fruits frais, l’acidité, les tannins et avec une élégance extrême. Ne cherchons pas le passage en force, car tout ici est en séduction. Avec le macaroni, l’accord est une évidence. On pourrait imaginer que ce vin sans biscotos subirait en se soumettant au choc du lièvre, mais pas du tout. Il s’adapte et ne perd rien de son message. Bipin a commandé un fromage et un dessert. Je ne l’ai pas suivi, car demain est autre jour.

La cuisine est de grande dextérité. J’ai choisi le lièvre à la royale car j’avais le souvenir qu’Eric Fréchon faisait l’un des tout meilleurs de Paris. Je n’ai pas retrouvé l’étincelle de génie de la dernière expérience, même si c’est très bon. Il faudrait que l’on m’explique si c’est ce que l’on apprend en école hôtelière, mais je remarque de plus en plus souvent qu’à partir du début du troisième tiers du repas, les serveurs sont aux abonnés absents. Un serveur est capable de traverser quinze fois la salle sans jamais remarquer ce qui s’y passe et si une table a un besoin. J’ai éprouvé cela au Meurice, au Lasserre et ici ce soir, mais pas que là. Un convive ferait comme dans un match de foot la traversée de la salle tout nu, il est à peu près sûr que les dix serveurs présents ne remarqueraient rien. Et ce ne sont pas les trois seuls restaurants dans ce cas. Il y a une sorte de trou noir au moment du dessert, comme si le client n’avait plus besoin de rien, ce qui rend inutile de regarder autour de soi. Cette remarque est à la marge, car le héros du jour, c’est Marco Pelletier, d’une justesse de conseils absolument remarquable.

heurs et malheurs en cave jeudi, 6 décembre 2012

Le rangement en cave continue avec un ami fidèle. A la pause du midi, il faut soutenir le moral du combattant. Des bouteilles à niveau bas ou à incident grave ont été mises de côté. Je repère une bouteille d’Arbois à la jolie étiquette, dont le volume a baissé de moitié. Pourquoi de pas essayer quand on est sans illusion ? Dès que je décapsule le Vin d’Arbois Emile Nevers 1947, le bouchon glisse. Je tente de le rattraper mais il va plus vite que moi et plonge. Je verse deux verres et à ma grande surprise les arômes sont purs. Le vin n’est pas désagréable mais je conseille quand même à Emmanuel de cracher ce qu’il boit. Les trois ou quatre gorgées sont vivantes d’un vin qui a des intonations de vin rouge, mais il lasse vite.

J’ouvre alors une demi-bouteille de Mazy-Chambertin Maison Thomas Bassot 1945 au niveau très bas. Le bouchon résiste car il a aussi la volonté de plonger, mais je l’extrais. Le cri du bébé accouché est une puanteur que je connais, car elle disparaîtrait si nous avions quatre heures devant nous. Comme nous n’avons pas le temps, ce vin possible est aussi écarté. Je fais une nouvelle tentative avec une demi-bouteille de Château Longueville Baron 1956 qui est basse épaule mais dont le bouchon nage depuis un temps indéterminé. Là, le verdict est sans appel, nous sommes au rayon des vinaigres.

Ma patience ayant des limites, je prélève un Hermitage rouge Jean Louis Chave 2001 qui a au moins le mérite d’être du vin. Si j’avais mis cette bouteille de côté c’est que la baisse de volume, de cinq ou six centimètres est tout-à-fait anormale pour un 2001. Le bouchon ne montre aucun signe de faiblesse et n’apporte aucune explication. Le vin n’en souffre pas, plein de vitalité, avec de beaux fruits rouge foncé et de beaux tannins. La longueur est belle et joyeuse. Après trois cadavres, notre plaisir de revenir dans le monde des vivants n’en est que plus grand. Bien sûr, si l’on pousse l’analyse, il y a un léger goût torréfié qui signerait peut-être un coup de chaud avant l’arrivée dans ma cave, mais le bilan de ce vin est tout à son avantage.

Fort heureusement le nombre de bouteilles abîmées est faible, mais c’est toujours dommage de constater que l’on n’est jamais à l’abri de déconvenues. Le rangement de ma cave aidera à diminuer ce risque. Tant mieux.

déjeuner de rêve chez Veuve Clicquot mercredi, 5 décembre 2012

La demeure de réception de la maison de champagne Veuve Clicquot est au centre de Reims. C’est un bel hôtel particulier récemment restauré, décoré avec beaucoup de goût, avec un délicat mélange entre classicisme et modernisme et d’audacieux choix de couleurs judicieuses. Je suis reçu par Fabienne Moreau qui est la mémoire de Veuve Clicquot, gardienne de l’histoire. Nous sommes rejoints par Dominique de Marville, l’homme qui fait Veuve Clicquot. On nous verse un verre de Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2004, champagne chaleureux d’une année qui va compter dans l’histoire. C’est assez rare qu’un champagne aussi jeune puisse être aussi décontracté, facile à vivre, tout en étant riche et enveloppé. Nous gardons nos verres à la main pour visiter les caves de l’hôtel du Marc. Dominique me dit : "ici c’est la cave du jour" et mon rire éclate quand je vois une pile imposante de Bouzy 1943. Je lui réponds : "c’est vrai que boire du Bouzy 1943 c’est ce qu’on fait tous les jours". Nous allons ensuite dans la cave aux trésors. Dominique me montre des reliques et j’estime que c’est le moment opportun de lui parler du vin que j’ai apporté. C’est un Vin Blanc Vieux d’Arlay Bourdy 1934. Dominique réagit avec classe et décide que nous boirons un Veuve Clicquot 1934. Je vois une bouteille de la Baltique identique à celle que j’ai acquise. Nous visitons aussi la cave des rouges, mis en cave pour des repas au château.

Nous remontons de cave et j’ouvre le vin que j’ai apporté en montrant ma méthode, même si elle n’est pas de grande utilité dans une maison où l’on boit surtout du champagne. Le nez du vin est un bouquet explosif de saveurs où la noix existe mais pas seulement elle.

Nous passons à la magnifique et spacieuse salle à manger. Elle est lambrissée mais les lambris ont été peints en noir avec des filets dorés. La table est noire, ce qui met en valeur la verrerie. Les fleurs sur la table sont jaunes et dorées. On sent l’intention de recréer les couleurs de Veuve Clicquot, avec élégance.

Le menu mis au point par le chef Laurent Beuve est : homard breton, pomme de terre à la fourchette, crémeux truffes noires / pigeon fermier, légumes d’hiver, jus court réglissé / comtés de divers affinages / douceur vanille et noix, caramel beurre salé.

Le Champagne Veuve Clicquot Vintage 2004 est plus strict, plus droit, moins opulent que la Grande Dame (je parle ici de champagne, évidemment). Mais il est aussi très pénétrant. Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé magnum 1975 est d’une énergie à couper le souffle et je suis d’ailleurs assez impressionné par la qualité de présentation de ces champagnes. Est-ce le fait de jouer sur leurs terres, sans avoir jamais voyagé qui leur donne cette force, cette énergie et cette conviction ? C’est assez spectaculaire. Ce rosé est élégant, de grande classe et la qualité du pigeon est telle que cela le propulse à des hauteurs rares. C’est un rosé de grande valeur et je ne suis pas sûr que si j’en avais un en cave, il arriverait à atteindre ce niveau. C’est le jus court que l’on prend seul sur la pointe du couteau qui donne un coup de fouet magistral au 1975.

Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée 1980 est une bombe olfactive. Il est brillantissime, conquérant, renversant toute résistance à sa séduction. La couleur du Champagne Veuve Clicquot carte d’Or 1934 est ambrée. Le nez est délicat. On voit tout de suite qu’il aurait été meilleur s’il avait été ouvert quelques heures auparavant. Et nous allons assister, avec un plaisir pour moi sans cesse renouvelé, à l’influence qu’a le vin du Jura sur le champagne. Lorsque l’on boit le délicieux et pénétrant Vin Blanc Vieux d’Arlay Bourdy 1934 puis juste après le champagne 1934, celui-ci grimpe de trois échelons dans l’échelle de Richter du plaisir. Le champagne gomme tous ses défauts et devient brillant, joyeux avec la profondeur de la trame d’un champagne ancien noble. Le vin blanc est profond, typé, à la longueur rare et les deux compagnons dont les couleurs sont proches s’entendent comme deux brigands qui préparent un gros coup. Inutile de dire que la joie est à son comble.

Dominique pressent que le Champagne Veuve Clicquot Vintage Rich 2002 surdosé n’aurait pas sa place à cet instant. Il a raison, car même si je suis à l’écoute de ce champagne, les deux 1934 ont trop d’attrait pour qu’on s’y intéresse. Nous avons eu une discussion passionnante avec le chef qui a goûté avec nous et avec le maître d’hôtel les deux vins de 78 ans.

De ce magnifique déjeuner, un champagne sort du lot, c’est le 1980 glorieux et pénétrant. Je mettrai ensuite au même niveau le rosé 1975 et les deux compères de 1934.

Les discussions furent riches, la cuisine est d’un très haut niveau. L’ambiance créée par Dominique est directe et amicale. Après une visite des impressionnantes archives je suis reparti, heureux de ce grand moment de communion. Et, ça ne s’invente pas, ma femme savait que j’étais à Reims mais ne savait pas ce que j’y faisais. Au dîner, un omble chevalier au riz rouge a permis de finir les restes des deux 1934 que j’avais rapportés. Prolongation de l’extase, la vie est belle !

l’hôtel

la cave

le champagne, apparemment, craint la chaleur des chaudières (en version bilingue)

le vin de la Baltique

les deux 1934

la belle salle à manger

le jeu de couleurs des champagnes et des fleurs est d’une grâce extrême (le 1980, le 1934 et le Jura 1934)

le chef

le chocolat VCP

Dîner au restaurant Lasserre mardi, 4 décembre 2012

Entrer au restaurant Lasserre, c’est arrêter la pendule aux années cinquante. L’accueil est chaleureux. Nos amis prennent une coupe de champagne dans le petit salon du rez-de-chaussée. Nous prenons l’ascenseur piloté par un groom en livrée rouge, et dans la salle les maîtres d’hôtel sont en habit. Une pianiste asiatique joue discrètement des standards, créant une atmosphère d’hôtel des années trente. Inutile de dire que j’aime beaucoup cette vision surannée du luxe. Antoine Pétrus ajoute sa touche de jeunesse qui sied bien au lieu. On se sent bien.

Avec Antoine nous décidons de garder deux des vins que je viens d’apporter et nous commençons par le Champagne Agrapart Terroirs Blanc de Blancs Extra Brut sans année d’Avize. Ce champagne est d’une grande personnalité. Sa tension, sa vivacité n’excluent le charme et l’équilibre.

Nous passons commande et compte tenu des vins il paraît assez évident de prendre le macaroni, truffe noire et foie de canard, suivi du lièvre de Picardie, le filet juste pané, poivre / genièvre, la panoufle à la Périgourdine. Le Château de Pibarnon Bandol 2007 réagit de façon admirable au macaroni à la truffe. Il est charmant, enveloppeur, de grande séduction poivrée et truffée. L’accord est un bonheur et le plat divinement dosé. Le Clos des Fées Hervé Bizeul 2010 est d’une grande puissance. Il est un peu envahissant, mais il est domestiqué par le lièvre. Et la respiration que j’avais trouvée avec le céleri qui était un appel à reprendre du chevreuil, dans l’Atelier Gourmet du Grand Tasting, je le retrouve ici avec la panoufle, qui apaise le palais et redonne envie de reprendre du lièvre et du vin. On aurait dit que j’avais choisi précisément ces vins pour coller idéalement avec ces deux plats.

Mon ami prend les crêpes flambées qui sont préparées avec le cérémonial d’antan par un maître d’hôtel en habit et en gants blancs. Nous finissons le champagne délicieux.

Lorsque nous quittons l’ascenseur, nous félicitons Christophe Moret qui a réalisé deux plats de grande saveur, d’un beau classicisme et d’une belle réalisation.

les crèpes flambées à l’ancienne

Entre le Grand Tasting et le restaurant Lasserre mardi, 4 décembre 2012

J’avais réservé une table pour le soir même au restaurant Lasserre. Hier, Antoine Pétrus, directeur de ce restaurant était venu rendre visite aux élèves de l’école internationale des arts de la table, le Cordon Bleu, qui ont fait un service des vins des Master Class digne d’éloge, sous l’autorité efficace du directeur de l’école. Il m’a annoncé qu’il était au courant de ma réservation et qu’il serait là. Cet après-midi, alors que je suis en master Class, il m’envoie un SMS : "si vous voulez apporter un vin de votre cave, ce sera avec plaisir". Je n’ai pas le temps de passer à ma cave. Ce pourrait être l’occasion de mettre en valeur tel ou tel vin d’un vigneron que j’apprécie. Ainsi, à la fin du salon, je me vois me comporter comme ces jeunes vautours qui cherchent à capturer les bouteilles restantes pour arroser un peu plus leur taux d’alcoolémie. Me voir demander des bouteilles, ça me fait une drôle d’impression. Mais tout naturellement, Eric de Saint-Victor me donne une bouteille de Pibarnon 2007 et Hervé Bizeul me donne une bouteille de Clos des Fées 2010 plus un vin d’une de ses cuvées particulières au nom poétique.

Avec ces emplettes je quitte le Carrousel du Louvre avec le sentiment d’avoir vécu un Grand Tasting de haut niveau, grâce à la qualité des vins présentés, mais aussi grâce à la présence de nombreux vignerons qui viennent apporter leur support à l’un des plus grands rendez-vous du vin.

Grand Tasting – Les Ateliers Gourmets mardi, 4 décembre 2012

Les Ateliers Gourmets sont proposés en même temps que les Master Class aussi est-ce difficile parfois d’arbitrer. J’ai assisté à deux d’entre eux.

A ma gauche, Philippe Mille le brillant chef des Crayères. Il va affronter trois poids lourds à ma droite, le Champagne Alexandre Penet Grande Réserve non dosé, le Champagne Gonet-Médeville Blanc de Noirs sans année et le Château Phélan-Ségur 2005. Le combat promet d’être acharné. Philippe assène un coup fatal, un foie gras à la truffe de Champagne et un carpaccio de langoustine aux agrumes. Le Champagne Penet est à mon goût trop strict, trop extrême, sans la moindre once de concession, mais le carpaccio l’apprivoise. Le Champagne Gonet est beaucoup plus sociable et consensuel. Si le carpaccio est du domaine des champagnes, le foie gras trouve dans le Phélan-Ségur le plus beau des sparring-partners. L’accord est d’une pertinence rare. Le chef a confirmé son talent et mis en valeur un bordeaux racé.

Le second atelier met en présence le chef Pierre Rigothier du restaurant Baudelaire à l’hôtel Burgundy et le Moulin à Vent du Château de Moulin à Vent 2010 servi en magnum. Le combat est plus équilibré et Philippe a choisi l’arme la plus efficace qui soit : un dos de chevreuil de chasse française, céleri, marmelade de myrtilles au café. Il se passe alors quelque chose de passionnant. Si l’on prend la chair seule du gibier, douce à souhait, l’accord avec le pénétrant beaujolais est naturel. Si l’on ajoute au chevreuil la marmelade, le vin est excité et l’accord est grand. On prend ensuite un peu du céleri, qui calme le palais et donne une furieuse envie de recommencer chevreuil et myrtille. Le vin est généreux, l’accord est superbe, et le tremplin créé par le céleri est une heureuse excitation. Cet accord est de toute beauté. Bravo au chef et au vigneron.

Grand Tasting – visite de quelques stands mardi, 4 décembre 2012

Le Grand Tasting ce n’est pas que les Master Class, racontées dans les deux bulletins précédents. C’est d’abord les centaines de stands de vignerons. Je ne me livre pas à une exploration programmée ou systématique. C’est plutôt du butinage. Le Champagne Grand Cru Confidence J.L. Vergnon 2007 m’a été suggéré par un de ses confrères, ce qui est généreux. J’aime beaucoup ce champagne. Je bois tous les champagnes Agrapart présentés, le Terroirs, le Minéral 2006, le Vénus et Expérience 07. Ce sont de remarquables champagnes faits par un vigneron de qualité. Un pinot gris du domaine Paul Blanck est superbe. Moët & Chandon fait goûter son Grand Vintage Collection 1993 qui profite bien de ses presque 20 ans. Le Champagne Cuvée Joséphine Joseph Perrier 2004 accompagne mon casse-croûte. C’est un champagne élégant mais aussi gourmand. Et c’est le Château La Tour Blanche 2009 qui accompagne mon dessert. Ce sauternes d’une année miraculeuse promet. Le Champagne Gosset Grand Millésime 2004 est de très belle facture. Le Champagne Veuve Clicquot rosé 1989 est superbe.

Au stand d’Hervé Bizeul je peux goûter La Petite Sibérie 2004 de belle maturité et qui montre que ce vin vieillit bien et plus tard le 2005 d’un équilibre remarquable. Ce vin joue dans la cour des grands.

Sur les conseils de Michel Bettane, je vais goûter un vin italien parmi les dizaines et dizaines de vins présents. Il s’agit d’un Brunello di Montalcino Stella di Campalto 2007 d’une rare finesse.

Sur le stand de Pibarnon, je peux goûter le 2001 et le 1995 qui démontrent avec éclat que ce vin vieillit bien. Au stand Philipponnat, je goûte le Clos des Goisses blanc 1999 qui me ravit toujours autant. Au stand Duval-Leroy j’ai le plaisir de bavarder avec la dynamique propriétaire de ce beau champagne, Carol Duval-Leroy, tout en goûtant un sympathique 2004. En plus de ceux dégustés à la Master Class, je bois le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2002 qui est une incontestable réussite. Au stand de Villa Ponciago qui jouxte le stand de Bouchard, c’est Thomas Henriot lui-même qui me sert le Fleurie La Roche Muriers Villa Ponciago 2010 qui est joyeux et épanoui et réconcilie s’il en était besoin avec le beaujolais.

Au stand Trapet Jean-Louis Trapet me fait goûter le Chambertin Trapet 2010 qui ne joue pas sur la puissance mais sur la finesse. Il faut avoir le courage de l’attendre, car il promet beaucoup. Sa subtilité est à signaler.

Au stand Roederer, le Champagne Cristal Roederer 2004 se boit bien, conforme à cette belle année. Au stand de l’Aumérade, Le Côtes de provence Dame de Piegros Aumérade 2010 est un vin ensoleillé qui me fait rêver de cigales. Le stand Bollinger est tellement pris d’assaut que je reste à distance, rejoint par Jérôme Philipon, président de Bollinger, et nous bavardons avec Benoît Gouez, le chef de cave de Moët & Chandon de sujets de champagnes. Je remarquerai comme ici que beaucoup de responsables importants de domaines célèbres sont venus sur ce salon pour marquer leur attachement à cette manifestation.

Un moment fort du Grand Tasting, c’est la dégustation cocktail organisée par idealwine, le site de cotation et de ventes aux enchères de vin le plus connu en France. Un Champagne rosé Bollinger brut est servi en jéroboam et le format lui convient bien. Le Wehlener Sonnenuhr Riesling Auslese J. J. Prüm 2007 est un régal de précision comme tous les vins de cette belle maison. Le Chevalier-Montrachet Les Demoiselles Louis Latour 1999 est très agréable, mais je pense plus à bavarde avec des amateurs présents qu’à analyser ce vin. La Petite Sibérie d’Hervé Bizeul 2008 est superbe de jeunesse et d’enthousiasme. Je n’ai pas bu plus d’un cinquième de ce qui était proposé. C’est un moment fort du Grand Tasting.

Entre le Grand Tasting et le restaurant Lasserre mardi, 4 décembre 2012

J’avais réservé une table pour le soir même au restaurant Lasserre. Hier, Antoine Pétrus, directeur de ce restaurant était venu rendre visite aux élèves de l’école internationale des arts de la table, le Cordon Bleu, qui ont fait un service des vins des Master Class digne d’éloge, sous l’autorité efficace du directeur de l’école. Il m’a annoncé qu’il était au courant de ma réservation et qu’il serait là. Cet après-midi, alors que je suis en master Class, il m’envoie un SMS : « si vous voulez apporter un vin de votre cave, ce sera avec plaisir ». Je n’ai pas le temps de passer à ma cave. Ce pourrait être l’occasion de mettre en valeur tel ou tel vin d’un vigneron que j’apprécie. Ainsi, à la fin du salon, je me vois me comporter comme ces jeunes vautours qui cherchent à capturer les bouteilles restantes pour arroser un peu plus leur taux d’alcoolémie. Me voir demander des bouteilles, ça me fait une drôle d’impression. Mais tout naturellement, Eric de Saint-Victor me donne une bouteille de Pibarnon 2007 et Hervé Bizeul me donne une bouteille de Clos des Fées 2010 plus un vin d’une de ses cuvées particulières au nom poétique.

Avec ces emplettes je quitte le Carrousel du Louvre avec le sentiment d’avoir vécu un Grand Tasting de haut niveau, grâce à la qualité des vins présentés, mais aussi grâce à la présence de nombreux vignerons qui viennent apporter leur support à l’un des plus grands rendez-vous du vin.

Ceci est mon trois millième message lundi, 3 décembre 2012

Trois mille messages sur deux cent pages de ce blog, c’est plus de dix mille vins racontés et des milliers et des milliers de photos, probablement plus de dix mille. C’est évidemment beaucoup de travail mais c’est aussi un témoignage sur des vins que peu de gens ont la possibilité d’approcher.

Il serait dommage de ne pas en garder la mémoire. C’est ce que j’essaie de faire sur ce blog, lu en moyenne par environ 400 personnes par jour.

Merci de votre fidélité.

Grand Tasting – Master Class « la ‘futurothèque’ Taittinger Comtes de Champagne » lundi, 3 décembre 2012

La quatrième Master Class à la quelle j’assiste est : "la ‘futurothèque’ Taittinger Comtes de Champagne". L’idée est de présenter, non pas des millésimes déjà faits, mais les millésimes du futur. Ce travail d’examen des vins en cours d’élaboration est celui des œnologues. Par cet exercice, Pierre Emmanuel Taittinger et Damien Le Sueur veulent nous associer au travail qui est fait au sein de leur maison. Les quatre vins qui vont être bus ont été dégorgés en décembre 2011 et tous dosés de la même façon que le dernier commercialisé, le 2004, à 9 grammes. Ce dosage pour cet exercice ne sera pas le dosage définitif des vins. Le choix sera fait au moment de la commercialisation.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2004 arrive tout juste sur le marché. Il est d’une année exubérante au rendement très élevé. La couleur est déjà d’un or léger. Le nez est intense et élégant. En bouche, ce qui marque, c’est l’élégance et le raffinement. On sent une grande tension et des fruits distingués.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2005 n’est pas encore sur le marché. Il a un joli nez et on sent un peu le dosage. Je m’en ouvre à Damien Le Sueur qui indique qu’il est plus que probable que le dosage définitif sera inférieur à 9 grammes. Ce vin a les qualité du blanc de blancs mais il est un peu pataud et cela tient sans doute au dosage. Il est élégant, frais, au final poivré.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2006 a un nez un peu lacté. L’attaque est très franche. Il est un peu foufou. La personnalité n’est pas encore très affirmée. Le final est un peu plus court et la tension est faible. On sent plus de pâtisserie. Il a une expression de craie, et n’a pas la même énergie que les précédents.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2007 a un nez encore plus lacté. Lorsqu’on le tourne fort dans le verre, le nez devient plus noble. Ce vin a plus de fruits confits et le dosage pèse. Il est assez joyeux et on le boit bien dans cette jeunesse. Il va probablement se fermer puis se rouvrir. Ce sera un grand champagne.

Si cette expérience est intellectuellement ludique, je ne crois pas qu’elle intéresse beaucoup les amateurs, car pourquoi juger un vin qui n’est pas encore définitif ? Il vaut beaucoup mieux s’imprégner des vins "réels".

Pierre-Emmanuel Taittinger est toujours aussi brillant et communique une joie de vivre qui est celle de ses champagnes.

Le Grand Tasting, ce n’est pas que les Master Class. Nous en parlerons dans le prochain bulletin.